Le « Convoi de l’eau » a quitté Sainte-Soline en direction de Paris …

Alors que le Conseil d’État vient de suspendre la dissolution des Soulèvements de la Terre, cette semaine sera marquée par une nouvelle mobilisation des anti-bassines . C’est un « Convoi de l’eau » qui auitté Sainte-Soline le 18 août pour rejoindre Orléans le 25 puis Paris les 26 et 27 août. Un convoi pour un juste partage de l’eau . Objectif : ouvrir le dialogue et obtenir un moratoire sur les mégabassines …

35″ des premières images du Convoi de l’eau au départ, près de Sainte-Soline diffusées par Euronews ...

Mégabassines : 300 km à vélo et en tracteur pour renouer le dialogue.

Le « grand voyage pour l’eau » affiche complet. Vendredi 18 août,  c’est un convoi de 500 à 1 000 vélos, accompagnés de 10 à 30 tracteurs selon les étapes, qui doit s’élancer à proximité de Sainte-Soline … Un article signé  signé Vincent Lucchese dans Reporterre du 18 août 2023 …

Ce grand peloton militant veut relancer la mobilisation contre l’accaparement de l’eau, en partant symboliquement de Sainte-Soline, là où la dernière manifestation contre une mégabassine — ces vastes retenues d’eau pompée dans les nappes phréatiques ou les rivières, à destination de l’irrigation — a été violemment réprimée le 25 mars.
Cinq mois, jour pour jour, après cet événement traumatisant pour de nombreux militants, le Convoi de l’eau frappera aux portes de l’Agence de l’eau avec deux revendications principales : qu’une délégation soit reçue par le conseil d’administration de l’Agence, instance décisionnaire sur le financement public des projets de bassines et, surtout, qu’un moratoire sur tous les projets en cours ou à venir de mégabassines soit décidé, en préalable à toute autre discussion.

© Louise Allain / Reporterre

« C’est le convoi de la dernière chance pour une remise en place d’un dialogue », résume Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci, qui coorganise cette manifestation avec, entre autres, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre. « Nous sommes dans un esprit d’apaisement. Ce convoi sera un événement festif et familial, assure Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Mais si des chantiers de mégabassines se poursuivent sur la base des protocoles actuels, ce serait un déni de dialogue. Nous voulons une vraie politique de l’eau, construite avec les citoyens et fondée sur des études rigoureuses, qui existent déjà. »

Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci, à Lusignan (Vienne), le 24 mars 2023. © Jean-Francois Fort / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Multitude de luttes locales

Profitant de l’intérêt médiatique suscité par la lutte contre les mégabassines, le Convoi de l’eau veut aussi mettre en lumière la multitude de luttes locales et les multiples autres facettes des enjeux autour du partage de l’eau. Le cortège de vélos et tracteurs sera ainsi accueilli, à chaque étape, par un collectif local, avec conférence de presse, projection de documentaire, débat ou visite de sites de projets contestés.

On parlera à Coussay-les-Bois (Vienne), le 20 août, de l’opposition à la ferme-usine de 1 200 taurillons en cours de construction, accusée d’être délétère pour la zone humide et la nappe phréatique. Le 22 août, à Tours, des prises de parole sur la pollution de la Loire sont prévues, ainsi qu’un rassemblement de soutien aux militants de Dernière rénovation, jugés ce jour-là au tribunal correctionnel de la ville pour avoir aspergé de peinture orange la façade de la préfecture. Le lendemain, le cortège accueilli par les militants d’Extinction Rebellion Blois sera invité à se pencher sur la question de l’impact de la centrale nucléaire voisine de Saint-Laurent-des-Eaux sur le fleuve.


L’ensemble des étapes et détails pratiques est précisé sur le site du Collectif « Bassines non merci ».
Si le Convoi est complet — il ne reste aucune place pour bivouaquer ni participer aux repas distribués par les cantines militantes —, les habitants des terres traversées seront invités à rejoindre les manifestations sur chacune des étapes.

Force de proposition

Avec cet événement, les activistes veulent montrer que les solutions sont à portée de main. Il s’agit de sortir d’une impasse et d’un modèle qui, aujourd’hui, fonce dans le mur. « Nos nappes sont ravagées, les niveaux sont restés sous la normale tout l’hiver, déplore Anne-Morwenn Pastier, hydrologue et l’une des organisatrices du convoi. L’agriculture intensive aggrave les pénuries d’eau et pollue celle qui reste. Dans la Vienne, on est passés tout près de devoir déclencher le plan Orsec en juin à cause d’une pollution des nappes par un pesticide, c’est-à-dire de devoir distribuer des milliers de bouteilles d’eau potable aux habitants. »

« Face à ce modèle, on a énormément de solutions alternatives à proposer », assure Gaëlle, elle-même paysanne et qui accueillera les cyclistes à Dolus-le-Sec sur la ferme de Belêtre. Cette coopérative paysanne sera l’occasion de démontrer qu’il est possible de cultiver de manière vertueuse pour les milieux tout en assurant des revenus dignes pour les paysans et une nourriture accessible pour tous, grâce à l’expérimentation locale d’une Sécurité sociale de l’alimentation.

Côté institutionnel, il s’agit aussi pour le Convoi de réclamer une véritable démocratisation de la gestion de l’eau. « On ne demande que le respect de la loi, qui prévoit que l’eau potable et les besoins des milieux soient prioritaires aux usages économiques de l’eau. En accaparant l’eau pour les usages agroindustriels, ces mégabassines sont construites à l’envers », dénonce Julien Le Guet. La pression n’est, à ce titre, pas mise par hasard sur l’Agence de l’eau. « Elles sont nées d’une volonté de démocratisation et décentralisation de la gestion de l’eau, mais le poids de l’État et de la FNSEA [1] y sont progressivement devenus écrasants », déplore encore le porte-parole de Bassines non merci.

Pour une gestion démocratique et scientifique de l’eau

Pour « sortir les agences de l’eau de la main des lobbies », les convoyeurs entendent également faire entendre la voix de la science. L’aggravation à venir du dérèglement climatique et ses effets sur le cycle de l’eau menacent de rendre le prélèvement massif d’eau pour l’irrigation d’autant plus délétère pour les milieux. Mais il risque également de rendre caduque la stratégie de stockage hivernal dans ces bassines, faute d’eau disponible, entraînant une « maladaptation » contre laquelle mettent en garde de nombreux scientifiques.

C’est aussi ce que conclut une étude dite HMUC (hydrologie, milieux, usages, climat), portant sur une trentaine de projets de mégabassines prévues sur le bassin du Clain, autour de Poitiers. L’étude souligne que plusieurs bassines seraient remplies au détriment des milieux et que d’autres ne pourraient même pas l’être, étant donné la baisse des ressources en eau attendue. Le préfet, qui s’était engagé à prendre en compte les résultats avant de démarrer la construction de bassines, a finalement décidé d’en nier les conclusions.

Mobilisation massive contre les mégabassines et le modèle d’agriculture qu’elles soutiennent, à Vanzay (Deux-Sèvres), le 24 mars 2023. © Antoine Berlioz / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Prenant acte de ces nombreux biais et contestations, le comité de bassin Loire-Bretagne, « parlement local de l’eau », a voté en juillet une motion invitant à remettre à plat le protocole d’accord de 2018 portant sur seize mégabassines, dont celle de Sainte-Soline. Il demande que soient mieux pris en compte les effets du changement climatique, et propose d’accompagner chaque projet de mégabassine d’engagements en faveur de la transition vers l’agroécologie, « avec obligation de résultat ».

Son avis n’est toutefois que consultatif. Les militants, échaudés, attendent maintenant la décision de l’Agence de l’eau, qui finance ces projets à hauteur de 70 %. « La motion du comité est un premier signe de dialogue possible. On attend maintenant d’entendre la décision du conseil d’administration de l’Agence de l’eau, et notamment de sa présidente, qui est aussi la préfète », souligne Julien Le Guet.

Une manière de dire que la décision sera in fine, derrière la préfète, celle du gouvernement. Quel que soit le dénouement devant l’Agence de l’eau à Orléans, le 25 août, les militants ont d’ailleurs prévu de se réunir à Paris le lendemain pour deux jours, pour un événement « surprise » et pour interpeller les élus sur cette question hautement politique du partage de l’eau.

Vincent Lucchese, article paru dans Reporterre du 18 août 2023


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