Ce 3 octobre 20, 15 retenues d’eau à usage agricole du Poitou-Charentes ont été annulées par la justice en raison de leur surdimensionnement et leur inadaptation au dérèglement climatique. Pour les associations requérantes, c’est une victoire contre un modèle agricole destructeur : ça montre que les magistrats administratifs commencent à s’approprier les conclusions des scientifiques, et à les traduire en décisions de justice …
Un sujet de 1’45 » diffusé par France 2 le 3.10. 2023
15 mégabassines annulées : une grande victoire pour les opposants
La justice a annulé les projets de quinze mégabassines en Nouvelle-Aquitaine. « Ça montre que les magistrats écoutent les scientifiques », se réjouissent un militant et un élu écologistes.
Après des mois de lutte, une nouvelle victoire. Mardi 3 octobre, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant la création de quinze mégabassines en Nouvelle-Aquitaine.
Ces réserves, d’une capacité totale d’environ 3 millions de mètres cubes, devaient être construites en Charente, Charente-Maritime, dans les Deux-Sèvres ainsi qu’en Vienne. Leur principe : prélever de l’eau dans les nappes superficielles en hiver pour la mettre à disposition d’agriculteurs irrigants en été quand la pluie se fait rare. Le tribunal a jugé que ces projets n’étaient « pas associés à de réelles mesures d’économie d’eau » et n’étaient pas adaptés aux effets du changement climatique.
« C’est une très, très bonne nouvelle », a réagi auprès de Reporterre Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci. « Cette décision renforce encore davantage la légitimité de notre combat, se réjouit également l’eurodéputé écologiste Benoît Biteau, qui s’oppose aux mégabassines depuis les années 1990. Ça montre que les magistrats administratifs écoutent et s’approprient les conclusions des scientifiques, et les traduisent en décisions de justice. »
Le premier arrêté préfectoral annulé par le tribunal administratif de Poitiers permettait la création de neuf retenues prévues sur les bassins de l’Aume et de la Couture dans les départements de la Charente, Charente-Maritime et des Deux-Sèvres. Le second autorisait six retenues dans le sous-bassin de la Pallu (Vienne). Ces projets, portés par des collectifs d’agriculteurs irrigants, étaient contestés par des associations de défense de l’environnement, alliées à l’UFC-Que Choisir, à la Confédération paysanne dans la Vienne et à la Ligue pour la protection des oiseaux.
« La stratégie des porteurs de projet, c’est de gagner du temps »
Leur annulation par le tribunal administratif de Poitiers confirme, selon Julien Le Guet, ce que les opposants aux mégabassines disent « depuis des années ». À savoir « que ces bassines sont illégales, qu’elles ne respectent pas le cadre européen, et qu’elles bafouent la directive cadre sur l’eau et le Code de l’environnement ». Le porte-parole de Bassines non merci dit tirer « beaucoup d’espoir » de cette décision de justice. La cour d’appel de Bordeaux doit statuer, prochainement, sur le sort de seize bassines dans les Deux-Sèvres. « On a de très fortes chances de succès », pense-t-il.
En tout, Julien Le Guet estime à une petite quarantaine le nombre de projets de mégabassines contestés en France. Le problème, explique-t-il, est que les travaux de construction commencent bien souvent avant que les opposants aient eu le temps d’aller au bout de leurs recours judiciaires. « La stratégie des porteurs de projet, c’est de gagner du temps, dénonce Benoît Biteau. Ils avancent au rouleau compresseur, et nous mettent devant le fait accompli. » Dans un communiqué, la Confédération paysanne estime que le jugement du tribunal administratif de Poitiers « légitime pleinement » la mise en place d’un moratoire. « Tous les travaux doivent être suspendus jusqu’à ce que tous les recours en justice aient été épuisés », estime Benoît Biteau.
Julien Le Guet appelle quant à lui à mettre en regard les succès obtenus par les opposants aux mégabassines dans l’arène judiciaire, et la répression dont ils font l’objet. « Qui défend les générations futures ? Qui est le garant, aujourd’hui, des engagements internationaux pris pour la protection de la nature ? Ce n’est pas le gouvernement. Ce sont les citoyens qui résistent sur le terrain, et subissent ses représailles. »
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