A Brest, les bombardements de la seconde guerre avaient miraculeusement épargné l’Hôtel Caradec et la Villa Crosnier sur le Cours Dajot. Pour une poignée d’appartements de « standing », la municipalité et l’Architecte des Bâtiments de France s’apprêtent à les sacrifier au profit du promoteur Océanic, celui par qui le luxe tente de s’imposer à Brest, comme aux « Perles de St Marc » ou à « La Cantine du Moulin Blanc »… La résistance contre ce nouveau projet aberrant s’organise. Actuellement au 20 Rue de Denver, une « dent creuse » sépare ces deux rares emblèmes de l’architecture du Cours Dajot …
Il s’agit à gauche de l’Hôtel Caradec et à droite, de la Villa Crosnier. Leurs façades et leurs pignons sont visibles depuis le Cours Dajot et ils sont répertoriés sur le plan de protection du règlement de l’Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) parmi les 6 grandes familles de construction d’intérêt architectural de la ville de Brest …
Mais par un arrêté du 2 décembre 2022 , le Président de Brest Métropole vient de délivrer un permis de construire au promoteur Patrice Azria du Groupe Océanic dont voici le projet … En comblant la « dent creuse », ce projet avec sa « façade en zinc végétalisée » viendrait obstruer la vue des habitants de l’immeuble situé en retrait , défigurer la volumétrie et occulter les fenêtres des pignons des 2 édifices . Il s’agit d’un immeuble mixte de 7 niveaux plus un sous-sol : un rez-de-chaussée avec ascenseur à voitures et parkings, un niveau de 200 m2 pour des bureaux, trois niveaux pour 3 T3 et 1 niveau plus un attique pour un T4 de 200 m2 en duplex . Une pétition est en ligne par ici …
Mais comment en sommes-nous arrivés là ?
Déjà en 2014, l’espace libre avait fait l’objet, de la part de l’ancien propriétaire des garages, d’une demande de permis de construire mais l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) de l’époque s’y était fermement opposé.
En 2017 avec l’accord des Bâtiments de France, les deux édifices emblématiques sont référencés dans une AVAP et sont mentionnés en tant que tel dans le dossier de la Ville de Brest qui permet de décrocher en décembre 2017 le label « Ville et Pays d’Art et d’Histoire ».
En 2018, le groupe Océanic devient propriétaire de la parcelle et des garages et achète l’immeuble en retrait au fond de la cour.
Le 14 février 2020, Océanic dépose une première demande de permis de démolir et de construire pour un projet de quatre logements et d’un espace de bureaux, L’ Architecte des Bâtiments de France (ABF) s’y oppose et le permis de construire est refusé par Le Maire de Brest.
Le 29 juillet 2022, le groupe Océanic dépose une nouvelle demande de permis avec un projet « complètement différent, pour mieux s’intégrer à l’environnement », dixit le promoteur.
Le 26 octobre 2022, et contre toute attente, L’ Architecte des Bâtiments de France (ABF) donne un avis « favorable sous réserves de prescriptions ». Il est suivi par Le Maire qui donne le 28 novembre 2022, son accord préalable pour la délivrance du permis ...
Le 30 janvier 2023, l’association « Au Pied du Mur » et le propriétaire de la Villa Crosnier déposent auprès du Président de Brest Métropole un recours gracieux aux fins de l’annulation de l’arrêté du 02/12/2022
Le 25 février 2023, à l’appel des associations « Au Pied du Mur » et « Défense du Patrimoine Architectural et Historique du Cours Dajot », une centaine d’opposants au projet de construction du groupe Océanic en appellent au bon sens des élus métropolitains …
Le 16 mars 2023 , les 6 co-propriétaires de la Maison Caradec interpellent à leur tour le Maire de Brest dans un courrier rendu public …
Septembre 2023 : La justice rejette en première instance le recours des propriétaires contre la construction de l’immeuble en question et les condamne à verser 2500€ au Promoteur Océanic …
Octobre 2023, la Villa Crosnier est inscrite aux Monuments historiques par Le Ministère de la Culture …
A suivre …
La résistance des propriétaires et des riverains racontée par la presse de 2020 à nos jours …
Eté 2020 : Projet immobilier Cours Dajot : la grogne des riverains.
ublié dans l’Ouest France du À Brest, un projet immobilier en cours d’instruction inquiète les habitants du Cours Dajot. Le lieu choisi est symbolique : entre deux maisons remarquables, rescapées des bombardements. ..
La polémique. Un projet immobilier en cours d’étude affole les riverains du Cours Dajot à Brest. En février, le groupe Océanic, promoteur immobilier, a déposé une demande de permis de construire à Brest Métropole. L’architecte des Bâtiments de France l’étudie en ce moment. Les habitants ont appris la nouvelle il y a quelques jours et sont furieux.
« Au lieu de préserver ce qu’il reste, on préfère le défigurer », regrette l’un des riverains. Car l’emplacement de ce projet n’est pas anodin : entre la villa Crosnier et l’immeuble Caradec, rescapés des bombardements de Brest. La première maison, qui porte encore des traces d’impact de balles sur les murs, a abrité l’État-Major allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Une blague »
« Quand on a prévenu nos voisins, ils ont d’abord cru à une blague » , confie Marie Taleb, propriétaire avec son mari Stéphane de cette belle maison de style art nouveau, construite entre 1900 et 1904 par l’architecte Crosnier. « Un tel projet va dénaturer le lieu », s’inquiète-t-elle.
« Le projet pourrait être le plus abouti possible, nous n’en voulons pas », ne décolère pas un autre voisin. Depuis que la nouvelle est tombée le mot s’ébruite et le nombre de riverains mécontents grossit. « Nous allons monter un collectif pour avoir la chance de se faire entendre » assure-t-il.
Brest Métropole confirme le dépôt d’un permis de construire au mois de février. « Ce terrain est constructible selon le Plan local d’urbanisme. Un architecte des Bâtiments de France instruit actuellement cette demande, du fait de la situation particulière de cet espace », selon l’agglomération. Elle aurait invité le promoteur immobilier à prendre contact avec les habitants du quartier.
Un atout patrimonial
« Nous avons effectivement convié certains riverains à venir consulter le projet, mais ils n’ont pas donné suite pour le moment »,confirme-t-on du côté d’Océanic, qui ne souhaite pas communiquer tant que le dossier est en cours d’instruction.« Quand Brest met en avant son patrimoine à visiter, c’est la villa Crosnier qui est en photo. Je ne comprends pas », s’interroge un des co-propriétaires de l’hôtel particulier Caradec, rappelant que ces immeubles sont aujourd’hui situés dans l’Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (Avap) de la ville de Brest.
Un immeuble mitoyen moderne en verre avait déjà été imaginé à ce même endroit, il y a quelques années, offrant une vue imprenable sur la rade. Le projet n’avait pas vu le jour. « J’espère que l’architecte des Bâtiments de France prendra en compte le caractère exceptionnel et rare de ces maisons, soupire Stéphane. Nous déposerons un recours, si le feu vert au projet est donné. »
Promotion immobilière : coup de tonnerre sur Brest
Depuis quelques jours, un projet immobilier fait gronder les Brestois et en particulier les riverains du cours Dajot.
Si ce projet se concrétise, c’est tout un côté de la villa Crosnier qui se retrouverait « aveugle ».Le permis de construire est en cours d’instruction, en attente de l’aval de l’Architecte des Bâtiments de France. Les propriétaires de la villa sont inquiets et consternés : « Nous sommes propriétaires de la villa Crosnier un des rares édifices d’avant-guerre encore debout et témoin exemplaire du prestige patrimonial de l’histoire de Brest. Il y a tout juste trois semaines, nous avons été avertis de manière officieuse que la mairie a donné son accord pour la construction d’une barre d’immeuble de sept étages agglutiné à la villa Crosnier et qui va donc boucher entièrement l’une des quatre façades de cet emblème brestois.
Alors que nous nous devons de demander la permission aux bâtiments de France dès lors qu’il s’agit de la couleur des volets ou des matériaux utilisés à la rambarde de la maison, pourquoi déroule t-on le tapis rouge à un promoteur immobilier en pleine zone protégée de la ville à moins de cinq cent mètres du château de Brest, monument historique, et à moins de deux cent mètres d’un autre ISMH de la ville, à savoir le monument américain ? « On a essayé de nous amadouer, symboliquement de nous faire taire en nous disant qu’on devrait être content que la construction se fasse, car elle va faire grimper les prix de l’immobilier à huit-neuf mille euros le mètre carré, et de cette manière faire grimper la valeur de la villa Crosnier. Cette histoire ubuesque ressemble à un mauvais rêve, mais c’est la triste réalité qui dépasse la fiction. Nous propriétaires de la villa Crosnier, nous nous retrouvons à lutter face à des ennemis tout puissants qui font leur loi dans toute la ville. C’est David contre Goliath. »
Un collectif de sauvegarde est en cours de création et compte bien empêcher la naissance de ce projet, contraire à la mise en valeur du patrimoine brestois et contraire aux lois relatives à la protection des Monuments Historiques.La balle est donc dans le camp de l’ABF, mais nous savons que, parfois, les décisions concernant les constructions dans des zones protégées sont des plus… surprenantes. Cela étant dit, si l’ABF autorise cette construction, alors tout est dorénavant permis ! À suivre…
Cours Dajot à Brest : des riverains vent debout contre un projet immobilier.
Un article signé David Cormier dans Le Télégramme du 12 juillet 2020
Un projet de construction collé à la maison Crosnier et l’hôtel Caradec, jugés remarquables, cours Dajot, à Brest, hérisse des voisins, qui ont lancé une pétition.
« Aux riverains du quartier Cours Dajot et rues environnantes ». Le texte de la pétition lancé par quelques-uns d’entre eux, ces jours-ci, commence ainsi, qui dénonce « un projet immobilier dont la demande de permis de construire serait en cours par les services de Brest Métropole ». Une construction entre deux maisons remarquables, la maison Crosnier (à droite quand on est dos à la rade) et l’hôtel Caradec, de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
De fait, le dossier est actuellement sur le bureau de l’architecte des Bâtiments de France, Olivier Thomas, qui, par conséquent, nous a répondu qu’il ne peut s’exprimer pour l’instant. Son avis sera décisif dans l’autorisation d’un permis de construire délivré (ou pas) par la métropole : on imagine en effet assez mal, surtout en cas d’avis négatif, la collectivité aller dans le sens inverse et s’exposer à des contentieux. La demande a été faite en février par le groupe Océanic Finance.
Dans l’Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine
Les riverains croient savoir qu’un immeuble de sept étages s’insérerait entre les deux bâtisses, rue Denver, « défigurant ainsi irrémédiablement le seul ensemble architectural du secteur épargné par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ». Stéphane et Marie Taleb, actuels propriétaires de la maison Crosnier, ont découvert l’existence du projet il y a trois bonnes semaines, par le bouche-à-oreille. Ils n’en croyaient pas les leurs, d’oreilles mais un coup de fil à la métropole leur en a donné confirmation. Le secteur fait partie de l’Avap (Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine de Brest), ce qui induit des contraintes pour toute évolution ou rénovation.Un premier projet a, semble-t-il, été retoqué en 2014. Un dessin a circulé, montrant une façade de verre ornée de grands arcs rouges. « Horrible ! », s’exclament les époux Taleb. La réglementation n’empêche pas, toutefois, dans ce type de périmètre urbain, la construction d’un bâtiment moderne, qui revendique son époque, à condition qu’il s’intègre bien à l’ensemble. Tout un art. Mais peut-être le projet serait-il dans le style du lieu ?
« Quelque chose d’harmonieux », selon Océanic
« Un pastiche ? », tonne un voisin, « Pas question ! ». Il ne comprendrait pas non plus qu’un immeuble bouche les fenêtres ouvrantes, sur le côté. Sans compter que les appartements, au fond, dont certains ont une vue sur la rade, verraient un immeuble la leur boucher, avec une décote à prévoir pour les propriétaires.
La métropole rappelle que « la parcelle est constructible dans le PLU (plan local d’urbanisme) ». Elle ajoute que des projets peuvent s’avérer qualitatifs, citant l’immeuble Proudhon, à Saint-Martin. Mais il s’agissait d’une rénovation. Elena Azria, de la direction d’Océanic, a simplement indiqué que « cela sera quelque chose d’harmonieux » mais, avant d’en dire plus, elle attend également la suite de la procédure. « On nous a proposé de convier les riverains à en discuter. Nous attendons leur réponse ». Il semble qu’elle devra attendre.
+En complément : Un patrimoine mis en avant par la ville
« Avec la villa Étienne, des années 1920, ce sont là trois témoins uniques et remarquables, côte à côte, du patrimoine brestois préservé jusqu’à ce jour », indique le texte de la pétition contre le projet immobilier porté par le groupe Océanic au Cours Dajot, entre la maison Crosnier et l’hôtel Caradec. Ces belles bâtisses encore marquées d’impacts de balles rappellent l’histoire de la ville et participent à son cachet, rythmant l’alignement de façades blanches. Il est vrai, cependant, que l’espace vide actuel est plus utile, avec ses garages, qu’esthétique.
Art nouveau pour la villa Crosnier (où l’office de tourisme a organisé des visites guidées il y a un an et demi), histoire avec la maison du Dr Caradec, « médecin des pauvres » au XIXe, « de style néoclassique breton » : on trouve mention de ces maisons dans la communication de la Ville, qui a décroché, en décembre 2017, le label « Ville d’Art et d’Histoire ». Tout cela à quelques pas du monument américain et du château. Raison de plus, pour les riverains, de ne pas comprendre qu’un projet immobilier puisse pousser là.
Automne 2020 : permis de construire refusé à côté de la Maison Crosnier
Un article signé David Cormier dans Le Télégramme du 15 octobre 2020
Le permis de construire un immeuble à côté de la maison Crosnier, cours Dajot à Brest, a été refusé. Il ne s’intègre pas dans l’ensemble architectural. Mais Océanic réfléchit à un autre projet.
Le terrain situé au 18, de la rue Denver (juste à côté de la maison Crosnier, notamment) à Brest ne verra pas les garages remplacés par un immeuble avec logements et bureaux. Du moins, pas le projet déposé le 14 février par la SARL Amphitrite, du groupe Océanic Finance. Un complément d’information lui avait été demandé le 12 mars. La version complétée du 6 juillet a été visée et refusée le lendemain par l’architecte des Bâtiments de France, Olivier Thomas. Le 29 juillet, le maire de Brest, François Cuillandre, émettait un avis défavorable. Le permis de construire a donc été refusé.
L’avis défavorable des Bâtiments de France
L’endroit étant situé dans l’aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, il fallait l’avis des Bâtiments de France. Olivier Thomas évoque, pour motiver son avis, « une parcelle située sur un alignement constituant un ensemble architectural ou urbain de qualité repéré au plan réglementaire du SPR (site patrimonial remarquable). Les matériaux et la composition des parties hautes, entièrement vitrées, avec de nombreux décrochés, ne reprennent pas les lignes de force qui constituent la qualité de l’ensemble ».
La Maison Crosnier est une des plus connues à Brest, par son architecture et son histoire. Sa façade est encore marquée d’impacts de balles de la Seconde Guerre mondiale. Elle avait, en revanche, été épargnée par les bombardements, tout comme l’hôtel Caradec situé à deux pas. Des visites guidées y ont même eu lieu début 2019. La parcelle se situe aussi près du monument américain.
Des riverains s’y étaient opposés
Début juillet, des riverains s’étaient émus de l’existence du projet. Sans avoir eu accès aux esquisses, ils estimaient qu’il défigurerait l’endroit et qu’il boucherait directement leurs fenêtres situées sur le côté. Le projet rejeté proposait quatre logements et un espace de bureaux, sur une surface plancher de 825,44 m2. L’esquisse jointe au dossier montrait une partie montant moins haut que la plus grande part du bâti, sur la droite (quand on est dos au cours Dajot), et l’ensemble paraissait plus moderne que les bâtiments voisins.
« On repart à zéro »
Elena Azria, de la direction d’Océanic, prend acte de cette décision. Toutefois, elle annonce déjà que le groupe réfléchit à un autre projet, sur place, qui tiendrait compte des remarques et qui serait « complètement différent, pour mieux s’intégrer à l’environnement ».
« On repart à zéro. Nous sommes Brestois, notre but est de faire quelque chose de bien. Je comprends les riverains, c’est une source d’angoisse. Mais nous souhaitons faire quelque chose qui puisse convenir à tout le monde ».
Décembre 2022 : On sait à quoi va ressembler le nouvel immeuble du cours Dajot …
L’immeuble qui doit être construit, rue de Denver à Brest (Finistère), par le promoteur Oceanic aura une façade végétalisée et une touche contemporaine. Un projet qui inquiète toujours son voisin, le propriétaire de la villa Crosnier, chef œuvre d’art nouveau.
Dent creuse
Témoin du passé de la Ville de Brest, la villa Crosnier et l’hôtel Caradec, construit dans son prolongement rue de Denver, sont séparés par ce qu’on appelle dans les villes une « dent creuse » ; un espace non construit entouré de parcelles bâties. En l’occurrence, une allée d’accès à des stationnements et un garage qui seraient remplacés par un immeuble.