Le Cours Dajot de Brest sous l’emprise de la spéculation immobilière …

A Brest, les bombardements de la seconde guerre avaient miraculeusement épargné l’Hôtel Caradec et la Villa Crosnier sur le Cours Dajot. Pour une poignée d’appartements de « standing », la municipalité et l’Architecte des Bâtiments de France s’apprêtent à les sacrifier au profit du promoteur Océanic, celui par qui le luxe tente de s’imposer à Brest, comme aux « Perles de St Marc  » ou à « La Cantine du Moulin Blanc »… La résistance contre ce nouveau projet aberrant s’organise.   Actuellement au 20 Rue de Denver, une « dent creuse » sépare ces deux rares emblèmes de l’architecture du Cours Dajot  …
Il s’agit à gauche de l’Hôtel Caradec et à droite, de la Villa Crosnier. Leurs façades et leurs pignons sont visibles depuis le Cours Dajot et ils sont répertoriés sur le plan de protection du règlement de l’Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP)  parmi les 6 grandes familles de construction d’intérêt architectural de la ville de Brest …

Mais par un arrêté du 2 décembre 2022 , le Président de Brest Métropole vient de délivrer un permis de construire au promoteur Patrice Azria du Groupe Océanic dont voici le projet … En comblant la « dent creuse », ce projet avec sa « façade en zinc végétalisée » viendrait obstruer la vue des habitants de l’immeuble situé en retrait , défigurer la volumétrie et occulter les fenêtres des pignons des 2 édifices . Il s’agit d’un immeuble mixte de 7 niveaux plus un sous-sol :  un rez-de-chaussée avec ascenseur à voitures et parkings, un niveau de 200 m2 pour des bureaux, trois niveaux pour 3 T3 et 1 niveau plus un attique pour un T4 de 200 m2 en duplex . Une pétition est en ligne par ici …

Mais comment en sommes-nous arrivés là ?

Déjà en 2014, l’espace libre avait fait l’objet, de la part de l’ancien propriétaire des garages, d’une demande de permis de construire mais l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) de l’époque s’y était fermement opposé.

En
2017 avec l’accord des Bâtiments de France, les deux édifices emblématiques sont référencés dans
une AVAP et sont mentionnés en tant que tel dans le dossier de la Ville de Brest qui permet de décrocher en décembre 2017 le label « Ville et Pays d’Art et d’Histoire ».

En 2018, le groupe Océanic devient propriétaire de la parcelle et des garages et achète l’immeuble en retrait au fond de la cour.

Le 14 février 2020, Océanic dépose une première demande de permis de démolir et de construire pour un projet de quatre logements et d’un espace de bureaux, L’ Architecte des Bâtiments de France (ABF) s’y oppose et le permis de construire est refusé par Le Maire de Brest.

Le 29 jui
llet 2022, le groupe Océanic dépose  une nouvelle demande de permis avec un projet
« complètement différent, pour mieux s’intégrer à l’environnement », dixit le promoteur.

Le 26 octobre 2022,  et contre toute attente, L’ Architecte des Bâtiments de France (ABF)  donne un avis « favorable sous réserves de prescriptions ». Il est suivi par Le Maire qui donne le 28 novembre 2022, son accord préalable pour la délivrance du permis ...

Le 30 janvier 2023, l’association « Au Pied du Mur » et le propriétaire de la Villa Crosnier déposent auprès du Président de Brest Métropole un recours gracieux aux fins de l’annulation de l’arrêté du 02/12/2022

Le 25 février 2023,  à l’appel des associations « Au Pied du Mur  » et « Défense du Patrimoine Architectural et Historique du Cours Dajot », une centaine d’opposants au projet de construction du groupe Océanic en appellent au bon sens des élus métropolitains …

Le 16 mars 2023 , les 6 co-propriétaires de la Maison Caradec interpellent à leur tour le Maire de Brest dans un courrier rendu public

Septembre 2023 : La justice rejette en première instance le recours des propriétaires contre la construction de l’immeuble en question et les condamne à verser 2500€ au Promoteur Océanic …

Octobre 2023, la Villa Crosnier est inscrite aux Monuments historiques par Le Ministère de la Culture …

A suivre …

La « Villa Crosnier » du côté jardin en 1990…

La résistance des propriétaires et des riverains racontée par la presse de 2020 à nos jours …

Eté 2020 : Projet immobilier Cours Dajot : la grogne des riverains.

Un article signé Émilie Chaussepied publié dans l’Ouest France du  À Brest, un projet immobilier en cours d’instruction inquiète les habitants du Cours Dajot. Le lieu choisi est symbolique : entre deux maisons remarquables, rescapées des bombardements. ..Un immeuble mitoyen à l’hôtel particulier Caradec et à la Villa Crosnier pourrait voir le jour dans cette allée de garage, donnant sur le Cours Dajot.

Un immeuble mitoyen à l’hôtel particulier Caradec et à la Villa Crosnier pourrait voir le jour dans cette allée de garage, donnant sur le Cours Dajot. | OUEST FRANCE

La polémique. Un projet immobilier en cours d’étude affole les riverains du Cours Dajot à Brest. En février, le groupe Océanic, promoteur immobilier, a déposé une demande de permis de construire à Brest Métropole. L’architecte des Bâtiments de France l’étudie en ce moment. Les habitants ont appris la nouvelle il y a quelques jours et sont furieux.

« Au lieu de préserver ce qu’il reste, on préfère le défigurer », regrette l’un des riverains. Car l’emplacement de ce projet n’est pas anodin : entre la villa Crosnier et l’immeuble Caradec, rescapés des bombardements de Brest. La première maison, qui porte encore des traces d’impact de balles sur les murs, a abrité l’État-Major allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Une blague »

« Quand on a prévenu nos voisins, ils ont d’abord cru à une blague » , confie Marie Taleb, propriétaire avec son mari Stéphane de cette belle maison de style art nouveau, construite entre 1900 et 1904 par l’architecte Crosnier. « Un tel projet va dénaturer le lieu », s’inquiète-t-elle.
« Le projet pourrait être le plus abouti possible, nous n’en voulons pas », ne décolère pas un autre voisin. Depuis que la nouvelle est tombée le mot s’ébruite et le nombre de riverains mécontents grossit. « Nous allons monter un collectif pour avoir la chance de se faire entendre » assure-t-il.

Brest Métropole confirme le dépôt d’un permis de construire au mois de février. « Ce terrain est constructible selon le Plan local d’urbanisme. Un architecte des Bâtiments de France instruit actuellement cette demande, du fait de la situation particulière de cet espace », selon l’agglomération. Elle aurait invité le promoteur immobilier à prendre contact avec les habitants du quartier.

Un atout patrimonial

« Nous avons effectivement convié certains riverains à venir consulter le projet, mais ils n’ont pas donné suite pour le moment »,confirme-t-on du côté d’Océanic, qui ne souhaite pas communiquer tant que le dossier est en cours d’instruction.« Quand Brest met en avant son patrimoine à visiter, c’est la villa Crosnier qui est en photo. Je ne comprends pas », s’interroge un des co-propriétaires de l’hôtel particulier Caradec, rappelant que ces immeubles sont aujourd’hui situés dans l’Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (Avap) de la ville de Brest.
Un immeuble mitoyen moderne en verre avait déjà été imaginé à ce même endroit, il y a quelques années, offrant une vue imprenable sur la rade. Le projet n’avait pas vu le jour. « J’espère que l’architecte des Bâtiments de France prendra en compte le caractère exceptionnel et rare de ces maisons, soupire Stéphane. Nous déposerons un recours, si le feu vert au projet est donné. »


Promotion immobilière : coup de tonnerre sur Brest

Un article paru dans Lagazettedupatrimoine.fr  du 08/07/2020 :
Depuis quelques jours, un projet immobilier fait gronder les Brestois et en particulier les riverains du cours Dajot.
BREST PHOTO 1Alors même que la villa Crosnier fait partie des édifices emblématiques de la ville, tout comme son « voisin » l’hôtel Caradec, c’est entre les deux qu’un promoteur souhaite construire un immeuble de 7 étages — rien que ça !
Si ce projet se concrétise, c’est tout un côté de la villa Crosnier qui se retrouverait « aveugle ».BREST PHOTO -2Le permis de construire est en cours d’instruction, en attente de l’aval de l’Architecte des Bâtiments de France. Les propriétaires de la villa sont inquiets et consternés : « Nous sommes propriétaires de la villa Crosnier un des rares édifices d’avant-guerre encore debout et témoin exemplaire du prestige patrimonial de l’histoire de Brest. Il y a tout juste trois semaines, nous avons été avertis de manière officieuse que la mairie a donné son accord pour la construction d’une barre d’immeuble de sept étages agglutiné à la villa Crosnier et qui va donc boucher entièrement l’une des quatre façades de cet emblème brestois.
Alors que nous nous devons de demander la permission aux bâtiments de France dès lors qu’il s’agit de la couleur des volets ou des matériaux utilisés à la rambarde de la maison, pourquoi déroule t-on le tapis rouge à un promoteur immobilier en pleine zone protégée de la ville à moins de cinq cent mètres du château de Brest, monument historique, et à moins de deux cent mètres d’un autre ISMH de la ville, à savoir le monument américain ? « On a essayé de nous amadouer, symboliquement de nous faire taire en nous disant qu’on devrait être content que la construction se fasse, car elle va faire grimper les prix de l’immobilier à huit-neuf mille euros le mètre carré, et de cette manière faire grimper la valeur de la villa Crosnier. Cette histoire ubuesque ressemble à un mauvais rêve, mais c’est la triste réalité qui dépasse la fiction. Nous propriétaires de la villa Crosnier, nous nous retrouvons à lutter face à des ennemis tout puissants qui font leur loi dans toute la ville. C’est David contre Goliath. »
Un collectif de sauvegarde est en cours de création et compte bien empêcher la naissance de ce projet, contraire à la mise en valeur du patrimoine brestois et contraire aux lois relatives à la protection des Monuments Historiques.BREST PHOTO 5La balle est donc dans le camp de l’ABF, mais nous savons que, parfois, les décisions concernant les constructions dans des zones protégées sont des plus… surprenantes. Cela étant dit, si l’ABF autorise cette construction, alors tout est dorénavant permis ! À suivre…


Cours Dajot à Brest : des riverains vent debout contre un projet immobilier.

Un article signé David Cormier dans Le Télégramme du 12 juillet 2020

La maison Crosnier et ses fenêtres ouvrantes sur le côté, là où un projet de construction est en cours d’étude. Une pétition circule, un collectif pourrait être créé.
La maison Crosnier et ses fenêtres ouvrantes sur le côté, là où un projet de construction est en cours d’étude. Une pétition circule, un collectif pourrait être créé.

Un projet de construction collé à la maison Crosnier et l’hôtel Caradec, jugés remarquables, cours Dajot, à Brest, hérisse des voisins, qui ont lancé une pétition.

« Aux riverains du quartier Cours Dajot et rues environnantes ». Le texte de la pétition lancé par quelques-uns d’entre eux, ces jours-ci, commence ainsi, qui dénonce « un projet immobilier dont la demande de permis de construire serait en cours par les services de Brest Métropole ». Une construction entre deux maisons remarquables, la maison Crosnier (à droite quand on est dos à la rade) et l’hôtel Caradec, de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

De fait, le dossier est actuellement sur le bureau de l’architecte des Bâtiments de France, Olivier Thomas, qui, par conséquent, nous a répondu qu’il ne peut s’exprimer pour l’instant. Son avis sera décisif dans l’autorisation d’un permis de construire délivré (ou pas) par la métropole : on imagine en effet assez mal, surtout en cas d’avis négatif, la collectivité aller dans le sens inverse et s’exposer à des contentieux. La demande a été faite en février par le groupe Océanic Finance.

Dans l’Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine

Les riverains croient savoir qu’un immeuble de sept étages s’insérerait entre les deux bâtisses, rue Denver, « défigurant ainsi irrémédiablement le seul ensemble architectural du secteur épargné par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ». Stéphane et Marie Taleb, actuels propriétaires de la maison Crosnier, ont découvert l’existence du projet il y a trois bonnes semaines, par le bouche-à-oreille. Ils n’en croyaient pas les leurs, d’oreilles mais un coup de fil à la métropole leur en a donné confirmation. Le secteur fait partie de l’Avap (Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine de Brest), ce qui induit des contraintes pour toute évolution ou rénovation.Un premier projet a, semble-t-il, été retoqué en 2014. Un dessin a circulé, montrant une façade de verre ornée de grands arcs rouges. « Horrible ! », s’exclament les époux Taleb. La réglementation n’empêche pas, toutefois, dans ce type de périmètre urbain, la construction d’un bâtiment moderne, qui revendique son époque, à condition qu’il s’intègre bien à l’ensemble. Tout un art. Mais peut-être le projet serait-il dans le style du lieu ?

« Quelque chose d’harmonieux », selon Océanic

« Un pastiche ? », tonne un voisin, « Pas question ! ». Il ne comprendrait pas non plus qu’un immeuble bouche les fenêtres ouvrantes, sur le côté. Sans compter que les appartements, au fond, dont certains ont une vue sur la rade, verraient un immeuble la leur boucher, avec une décote à prévoir pour les propriétaires.
La métropole rappelle que « la parcelle est constructible dans le PLU (plan local d’urbanisme) ». Elle ajoute que des projets peuvent s’avérer qualitatifs, citant l’immeuble Proudhon, à Saint-Martin. Mais il s’agissait d’une rénovation. Elena Azria, de la direction d’Océanic, a simplement indiqué que « cela sera quelque chose d’harmonieux » mais, avant d’en dire plus, elle attend également la suite de la procédure. « On nous a proposé de convier les riverains à en discuter. Nous attendons leur réponse ». Il semble qu’elle devra attendre.

+En complément : Un patrimoine mis en avant par la ville

« Avec la villa Étienne, des années 1920, ce sont là trois témoins uniques et remarquables, côte à côte, du patrimoine brestois préservé jusqu’à ce jour », indique le texte de la pétition contre le projet immobilier porté par le groupe Océanic au Cours Dajot, entre la maison Crosnier et l’hôtel Caradec. Ces belles bâtisses encore marquées d’impacts de balles rappellent l’histoire de la ville et participent à son cachet, rythmant l’alignement de façades blanches. Il est vrai, cependant, que l’espace vide actuel est plus utile, avec ses garages, qu’esthétique.
Art nouveau pour la villa Crosnier (où l’office de tourisme a organisé des visites guidées il y a un an et demi), histoire avec la maison du Dr Caradec, « médecin des pauvres » au XIXe, « de style néoclassique breton » : on trouve mention de ces maisons dans la communication de la Ville, qui a décroché, en décembre 2017, le label « Ville d’Art et d’Histoire ». Tout cela à quelques pas du monument américain et du château. Raison de plus, pour les riverains, de ne pas comprendre qu’un projet immobilier puisse pousser là.


Automne 2020 : permis de construire refusé à côté de la Maison Crosnier

Un article signé David Cormier dans Le Télégramme du 15 octobre 2020

L’espace à côté de la Maison Crosnier (à droite) ne sera pas comblé par le projet de la SARL Amphitrite.

Le permis de construire un immeuble à côté de la maison Crosnier, cours Dajot à Brest, a été refusé. Il ne s’intègre pas dans l’ensemble architectural. Mais Océanic réfléchit à un autre projet.

Le terrain situé au 18, de la rue Denver (juste à côté de la maison Crosnier, notamment) à Brest ne verra pas les garages remplacés par un immeuble avec logements et bureaux. Du moins, pas le projet déposé le 14 février par la SARL Amphitrite, du groupe Océanic Finance. Un complément d’information lui avait été demandé le 12 mars. La version complétée du 6 juillet a été visée et refusée le lendemain par l’architecte des Bâtiments de France, Olivier Thomas. Le 29 juillet, le maire de Brest, François Cuillandre, émettait un avis défavorable. Le permis de construire a donc été refusé.

L’avis défavorable des Bâtiments de France

L’endroit étant situé dans l’aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, il fallait l’avis des Bâtiments de France. Olivier Thomas évoque, pour motiver son avis, « une parcelle située sur un alignement constituant un ensemble architectural ou urbain de qualité repéré au plan réglementaire du SPR (site patrimonial remarquable). Les matériaux et la composition des parties hautes, entièrement vitrées, avec de nombreux décrochés, ne reprennent pas les lignes de force qui constituent la qualité de l’ensemble ».

La Maison Crosnier est une des plus connues à Brest, par son architecture et son histoire. Sa façade est encore marquée d’impacts de balles de la Seconde Guerre mondiale. Elle avait, en revanche, été épargnée par les bombardements, tout comme l’hôtel Caradec situé à deux pas. Des visites guidées y ont même eu lieu début 2019. La parcelle se situe aussi près du monument américain.

Des riverains s’y étaient opposés

Début juillet, des riverains s’étaient émus de l’existence du projet. Sans avoir eu accès aux esquisses, ils estimaient qu’il défigurerait l’endroit et qu’il boucherait directement leurs fenêtres situées sur le côté. Le projet rejeté proposait quatre logements et un espace de bureaux, sur une surface plancher de 825,44 m2. L’esquisse jointe au dossier montrait une partie montant moins haut que la plus grande part du bâti, sur la droite (quand on est dos au cours Dajot), et l’ensemble paraissait plus moderne que les bâtiments voisins.

« On repart à zéro »

Elena Azria, de la direction d’Océanic, prend acte de cette décision. Toutefois, elle annonce déjà que le groupe réfléchit à un autre projet, sur place, qui tiendrait compte des remarques et qui serait « complètement différent, pour mieux s’intégrer à l’environnement ».
« On repart à zéro. Nous sommes Brestois, notre but est de faire quelque chose de bien. Je comprends les riverains, c’est une source d’angoisse. Mais nous souhaitons faire quelque chose qui puisse convenir à tout le monde ».


Décembre 2022 : On sait à quoi va ressembler le nouvel immeuble du cours Dajot …

L’immeuble qui doit être construit, rue de Denver à Brest (Finistère), par le promoteur Oceanic aura une façade végétalisée et une touche contemporaine. Un projet qui inquiète toujours son voisin, le propriétaire de la villa Crosnier, chef œuvre d’art nouveau.

OFrance Elena Azria

« Nous avons à cœur de préserver la villa Crosnier avec sa façade “art nouveau” et ses ferronneries ornées de motifs floraux ainsi que la proximité d’un autre immeuble remarquable », rassure Elena Azria. La directrice du développement du groupe Oceanic présente sur son ordinateur le visuel du nouveau projet immobilier prévu sur le cours Dajot.
Un projet qui a suscité l’inquiétude des riverains lors de son lancement en 2020, avant qu’une nouvelle mouture soit présentée et que le permis de construire soit accepté à l’été 2022.

Dent creuse

Témoin du passé de la Ville de Brest, la villa Crosnier et l’hôtel Caradec, construit dans son prolongement rue de Denver, sont séparés par ce qu’on appelle dans les villes une « dent creuse » ; un espace non construit entouré de parcelles bâties. En l’occurrence, une allée d’accès à des stationnements et un garage qui seraient remplacés par un immeuble.

Immeuble Azria vu de la Rue Traverse

Ce projet est vu d’un très mauvais œil par Stéphane Taleb, propriétaire avec son épouse Marie de la villa Crosnier qu’ils ont acquise en 2017. La maison ancienne qui est actuellement en îlot, serait reliée à la nouvelle construction par un mur décoratif. Ils citent aussi « la présence de fenêtres qui seraient occultées sur le pignon », « le risque d’effondrement » lorsque sera creusé un sous-sol pour des stationnements puis les nuisances dues à l’humidité…

Nouveau projet

Après un premier dépôt de permis de construire qui n’a pas abouti en 2020, Océanic s’est fait assister par le collectif d’architectes brestois Fauvet-Le Ster assistés d’Héléna Coudray. Cette architecte parisienne est à la tête d’une agence spécialisée dans la conception, rénovation, réhabilitation et l’intervention sur le patrimoine à fort caractère patrimonial (Monuments historiques). « Nous avons entièrement revu le projet, détaille Elena Azria. La façade sera en retrait de la rue pour préserver les pignons en granit des deux bâtiments anciens et végétalisée pour ne pas les concurrencer. »

Écriture architecturale


La Maison Crosnier avant le projet du promoteur Océanic …


La Maison Crosnier selon le promoteur Océanic  : écarté de la villa Crosnier par un mur décoratif qui reprend les formes de fenêtres de la façade art nouveau, le nouvel immeuble du cours Dajot s’aligne sur la hauteur de l’immeuble Caradec, à gauche. | DR

L’architecte du patrimoine a imaginé une volumétrie qui respecte les cheminées de la villa Crosnier. Elle a prévu « une insertion respectueuse et contemporaine » qui ne crée pas « une nouvelle écriture architecturale ». L’immeuble s’aligne sur la hauteur de l’immeuble Caradec, avec un niveau de bureaux et quatre étages de logements et fait la part belle au végétal et au zinc, typique des toits de la ville de Brest. Soucieux d’une insertion harmonieuse de la nouvelle construction, l’architecte des bâtiments de France a donné son accord à condition d’être consulté pour tous les choix ultérieurs qui pourraient être faits.

Des éléments qui ne rassurent pas Stéphane Taleb qui s’estime « dépossédé au profit du promoteur ». Depuis l’acceptation du permis de construire, il regrette que les autres riverains ne se mobilisent pas plus, mais ne désarme pas. Il a créé une association et « réactivé la pétition lancée en 2020 ». Il n’exclut pas de porter l’affaire devant les tribunaux.


Janvier 2023 : Un nouveau projet immobilier au cours Dajot

Un article signé David Cormier dans Le Télégramme du 15 janvier 2023

La façade en zinc sera végétalisée : voici le nouveau projet Amphitrite du groupe Océanic, rue Denver, entre l’hôtel Caradec (à gauche) et la maison Crosnier.
La façade en zinc sera végétalisée : voici le nouveau projet Amphitrite du groupe Océanic, rue Denver, entre l’hôtel Caradec (à gauche) et la maison Crosnier. (Collectif d’architectes)

Le groupe Océanic a obtenu un permis de construire pour son nouveau projet Amphitrite, rue Denver, à Brest, entre la maison Crosnier et l’hôtel Caradec.

Cette fois, le programme est vraiment sur les rails, permis de construire en poche. Un premier projet, au 20 rue Denver à Brest, sur le cours Dajot, une parcelle de 560 m2, avait été retoqué en 2014. La façade de verre, avec de grands arcs rouges, trop audacieuse, ne s’intégrait pas à cet alignement de pierres, entre l’hôtel Caradec et la remarquable maison Crosnier, en pleine aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine. Un second projet, cette fois par le groupe brestois Océanic , qui venait de racheter le lieu, a été refusé, en 2020, le maire ayant suivi l’avis de l’architecte des bâtiments de France.? Des voisins s’étaient mobilisés. Elena Azria, directrice du développement d’Océanic, avait alors indiqué que le prochain projet serait « complètement différent, pour mieux s’intégrer à l’environnement ».

Une façade en zinc végétalisée

De fait, même sans reprendre la minéralité de ses belles voisines, la façade d’Amphitrite décline le zinc des toits brestois, pour le dernier étage et l’attique, surplombant des murs en béton teintés dans la masse, habillés de verdure persistante, résistante à l’air marin et munie d’un arrosage automatique. Il a été fait appel au cabinet d’architectes brestois Fauvet-Le Ster et à l’architecte du patrimoine Héléna Coudray, à Paris, histoire de se donner toutes les chances d’avoir une idée audacieuse mais acceptable.

Côté est, celui des escaliers de la rue Traverse, on pourra voir aussi une façade végétalisée.
Côté est, celui des escaliers de la rue Traverse, on pourra aussi voir une façade végétalisée. (Collectif d’architectes)

« Elle a voulu cette façade végétale et faire un clin d’œil à l’art nouveau des façades voisines, grâce au dessin des fenêtres, légèrement mansardées », raconte aujourd’hui Elena Azria. « Il y aura un joint creux, côté maison Crosnier, juste une façade, en retrait de 50 cm et plus basse, afin de laisser les cheminées bien visibles ». Cette partie sera en béton teinté dans la masse. La hauteur du bâtiment sera la même que celle de l’hôtel Caradec. Sur le côté, vu depuis la rue Traverse (juste avant les escaliers), le mur sera aussi végétalisé.

Un ascenseur à voitures

Les étages n’iront pas jusqu’au fond de la parcelle. Le nouveau projet aura deux fois moins de logements que le précédent. Il y aura un sous-sol avec un ascenseur pour descendre les voitures dans un parking de neuf places. Celui du rez-de-chaussée en comptera dix. Actuellement, dans cette dent creuse que constitue le terrain, il y a dix places de garages. Au premier étage, un espace de 200 m2 accueillera des bureaux. Au-dessus, sur trois niveaux, trois T3. Au cinquième étage, un attique accueillera le haut d’un T4 en duplex sur 200 m2.

Le « oui mais » des Bâtiments de France

L’architecte des Bâtiments de France Olivier Thomas estime, dans son avis officiel, que « ce projet, en l’état, n’est pas conforme aux règles applicables dans ce site patrimonial remarquable ou porte atteinte à sa conservation ou à sa mise en valeur. Il peut cependant y être remédié ». Il « donne, par conséquent, son accord assorti de prescriptions. Par ailleurs, ce projet peut appeler des recommandations ou des observations. Des échantillons des matériaux et dispositifs de façade devront être présentés à l’architecte des Bâtiments de France, avec des prototypes à l’échelle 1 ou 1/2 pour validation en cours de chantier ». Le permis de construire rappelle cette condition.

Un recours en justice ?

La livraison est prévue pour 2024, sauf recours, fort possible. L’immeuble situé à l’arrière appartient à Océanic. Le couple Taleb, propriétaire de la villa Crosnier, qui semble le plus opposé, ne souhaite pas s’exprimer.

Elena Azria, directrice du développement d'Océanic, présente le nouveau projet da le rue Denver, Amphitrite, mitoyenne de la maison Crosnier.Elena Azria, directrice du développement d’Océanic, présente le nouveau projet de la rue Denver, Amphitrite, mitoyenne de la maison Crosnier. (Le Télégramme/David Cormier)


Février 2023 : la riposte …

À Brest, une centaine d’opposants au projet immobilier jouxtant la maison Crosnier

Un article signé  Stéphane Jézéquel dans Le Télégramme.com du 25 février 2023

Une centaine de personnes a exprimé son opposition au projet immobilier jouxtant la maison Crosnier du Cours Dajot, à Brest, ce samedi matin. Le projet d’Océanic dispose d’un permis de construire.

Le promoteur Océanic envisage de construire un immeuble (résidence Amphitrite) comprenant 200 m² de bureaux, trois T3, un T4 et un parking souterrain entre deux maisons historiques de Brest miraculeusement épargnées par la guerre. Imaginée entre l’immeuble Caradec (1880) et la villa Crosnier (1900), cette nouvelle construction à la façade végétalisée est programmée devant le cours Dajot, face à la mer et au port de commerce.

Troisième permis accepté

Ce projet, qui vient remplir une « dent creuse », a déjà fait l’objet de deux refus. La troisième proposition architecturale a été la bonne, avec non-opposition de l’architecte des bâtiments de France (qui a posé cependant des réserves et des prescriptions). Le permis de construire a été accordé en décembre 2022.

L’association de vigilance urbanistique « Au pied du mur », des riverains du quartier et des opposants aux aménagements du Moulin-Blanc, ont rappelé leur position. Pour eux, impossible de construire entre ces deux maisons historiques de Brest un tel complexe immobilier ! Ils dénoncent la dénaturation des volumes des deux maisons anciennes, l’obstruction des fenêtres du pignon Ouest de la maison Crosnier et la perte totale de vue et de lumière des logements de derrière la cour, logements détenus par le groupe immobilier et occupés par des locataires.

Gros travaux en perspective

En opposant le contenu de certains documents d’urbanisme, ils rappellent leur complète solidarité avec la famille propriétaire de la maison Crosnier, Stéphane et Marie Taleb, qui ont pris la parole en premier. À leurs côtés, des descendants des familles ayant érigé ces maisons remarquables à Brest.

« Comment la ville peut-elle défendre son positionnement de ville d’art et d’histoire en acceptant ce genre de projet immobilier ? » argumentent-ils. « Logements de luxe, ascenseurs à voitures pour accéder au garage sous-terrain… ». En plus de dénaturer le volume de ces deux maisons, ils s’inquiètent des longs travaux et des désordres qui pourraient subvenir lors du creusement du parking souterrain et de l’établissement des fondations profondes. Quid des fissures possibles sur ces maisons historiques et de la fragilisation du site qui pourraient advenir ?

Une façade végétalisée pour emballer le tout ?

D’autres questions demeurent en suspens. Comment une façade végétalisée peut-elle être envisageable face aux vents dominants au-dessus du port ? Et, surtout, pourquoi ce projet a-t-il été accepté en 2022, alors que les deux premiers projets ont été retoqués en 2017 et 2020 ?
Dans nos colonnes, en début de cette année, Elena Azria, directrice du développement d’Océanic, avait listé les modifications du projet « afin de mieux s’intégrer à l’environnement ».

De son côté, Bénédicte Havard Duclos, au nom du collectif « Au pied du mur », estime que « Les promoteurs immobiliers et les élus ne doivent pas être seuls à décider de la faisabilité de ce genre de projet ». « Notre voix compte aussi, particulièrement face à des projets de cette nature ». En plus du recours gracieux, une pétition a été lancée. La ministre de la culture a été informée. Les opposants ont même écrit à l’équipe de Stéphane Bern, qui n’a pas répondu. Disposant d’un permis en bon et dû forme, le projet suit son cours, pour une livraison programmée courant 2024.


Cours Dajot de Brest : il est encore temps de sauver la Villa Crosnier !

Article publié dans PrendreParti le

A Brest, il est encore temps de ne pas offrir l’Hôtel Caradec et la Villa Crosnier en pâture aux loups de l’immobilier. En ce matin du samedi 25 février, nous étions une centaine à évaluer les conséquences désastreuses du permis de construire accordé en décembre dernier par le Maire de Brest. Le Président de la Métropole donnera-t-il une suite au recours gracieux que l’Association Au Pied du Mur lui a adressé le 30 janvier ?

Écoutez ci-dessous le vibrant appel au bon sens lancé par Stéphane Taleb, propriétaire de la Villa Crosnier, en lutte depuis 3 ans contre la voracité d’un promoteur sans scrupule … Vidéo 1ère partie ( 2019 à 2020) d’une durée de 2’52 ».

Vidéo 2 ème partie ( 2020 à 2023) d’une durée de 3’47 »
Mais « Comment la ville peut-elle défendre son positionnement de « ville d’art et d’histoire » en acceptant ce genre de projet immobilier ? »

L’association « Au Pied du Mur » qui a a déposé le 30 janvier 2023 un recours gracieux auprès du Président de la Métropole s’est exprimée par l’intermédiaire de Bénédicte Havard-Duclos : une vidéo de 4’09 » …

Photo prise depuis une fenêtre du pignon de la Villa Crosnier appelée à être occultée par le projet immobilier de luxe du promoteur Océanic sur le Cours Dajot de Brest.

Le reportage complet de Prendreparti est à lire par ici …


Les Urban Sketchers Brestois croquent La Villa Crosnier du Cours Dajot …

Article publié le

Des « Croqueurs Urbains » officient sur Brest et sa région depuis 2016. Le groupe « Urban Sketchers Brest », USB pour les intimes, reste libre et ouvert à tous, tous niveaux, tout âge. Via leur page Facebook,  ils et elles se donnent régulièrement, rendez-vous sur des spots à croquer . patrimoine, vieilles voitures, jardins, foule, détails urbains… Ce 27 février 2023, les USB se sont retrouvés au pied de la Villa Crosnier actuellement en lutte contre un regrettable projet immobilier …  La suite de cet article est à lire par ici …


Dent creuse du Cours Dajot : les copropriétaires de la Maison Caradec en appellent au Maire de Brest !

A Brest, l’ancien Hôtel particulier Caradec et la Villa Crosnier sont menacés par un permis de construire accordé au Promoteur Océanic en décembre 2022 par le Maire de Brest. L’association Au Pied du Mur et les propriétaires de la Villa ont déposé un recours gracieux dont le délai court jusqu’au 2 avril 2023. C’est au tour des 6 co-propriétaires de la Maison Caradec  d’interpeller le Maire dans un courrier daté du 16 mars 2023. La suite de cet article est à lire par ici …


Projet immobilier du cours Dajot : des riverains écrivent au maire de Brest

Publié dans Le Télégramme du 23 mars 2023

Le projet immobilier Océanic est prévu entre la maison Caradec (à gauche) et la villa Crosnier (à droite), rue de Denver, à la place des garages actuels.
Le projet immobilier Océanic est prévu entre la maison Caradec (à gauche) et la villa Crosnier (à droite), rue de Denver, à la place des garages actuels. (Le Télégramme/Catherine Le Guen)

Dans deux lettres, des propriétaires de maisons historiques sur le cours Dajot demandent au maire, François Cuillandre, de revenir sur le permis de construire accordé à Océanic.

« Il ne vous reste que quelques jours pour revenir sur le permis de construire que vous avez délivré le 2 décembre 2022 sur un terrain 18 rue de Denver à Brest à la SARL Amphitrite-Océanic », écrivent les six copropriétaires de la maison Caradec, située 1 rue Neptune, à l’angle de la rue de Denver, dans une lettre adressée mardi 21 mars 2023, à François Cuillandre, maire et président de la Métropole de Brest.

Trois immeubles historiques

Un autre courrier de même teneur a été envoyé mercredi 22 mars 2023 par le propriétaire de la villa Étienne, qui date des années 20, et qui est située dans le prolongement de la villa Crosnier de 1904 et de la maison Caradec de 1880. Ce sont les trois immeubles historiques du cours Dajot qui ont réchappé aux destructions de la Seconde Guerre mondiale. « La maison Caradec est classée immeuble remarquable du patrimoine, il s’agit de l’ancien hôtel particulier du Docteur Caradec, médecin des pauvres. La villa Crosnier est en instance de classement au titre des monuments historiques », plaident les propriétaires.

Un recours gracieux jusqu’au 2 avril 2023

Les « quelques jours » dont il est question dans le courrier des riverains font référence au délai du recours gracieux contre le permis de construire présenté par l’association Au pied du mur et par l’association de défense du patrimoine architectural et historique du cours Dajot. Ce délai court jusqu’au 2 avril 2023. Faute de réponse, une action en justice est envisagée.

Une manifestation avait réuni une centaine de personnes, le 25 février 2023, pour s’opposer à ce projet immobilier qui doit s’édifier dans l’espace occupé par des garages entre la villa Crosnier et la maison Caradec.

Des tunnels sous le cours Dajot

« Le projet Océanic ne diffère pratiquement en rien de ceux présentés déjà par le même promoteur en 2014 et 2020, qui furent rejetés par l’architecte des bâtiments de France et par vous-même pour non-conformité avec les dispositions existantes. Il contrevient en effet de façon flagrante à l’aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (Avap) votée par Brest Métropole le 28 juin 2019 », poursuivent les copropriétaires qui s’inquiètent « des risques de fissuration, d’effondrement », de « l’impact de la construction sur le pignon ouvragé de la villa Crosnier, et sur l’îlot Denver-Neptune-Voltaire-Traverse, qui sera plongé dans l’obscurité par cet immeuble de sept niveaux », et enfin sur « la circulation cours Dajot durant les travaux ».

De son côté, le propriétaire de la Villa Étienne pointe : « Les risques d’effondrements périphériques, liés à la proximité d’un réseau de souterrains sous et hors de mon habitation ».


La Villa Crosnier bientôt classée 10e Monument historique de Brest ?

Dans l’Ouest-France du jeudi 27 juillet 2023, voilà qu’Olivier Thomas, architecte des Bâtiments de France nous apprend que, dans les mois qui viennent, le prochain bâtiment à faire son entrée sur la liste des Monuments historiques de Brest devrait être …  la Villa Crosnier ! A Brest en 2023, comment peut-on faire classer la Villa Crosnier parmi les 10 Monuments historiques de la ville et, dans le même temps, la livrer en pâture aux loups de l’immobilier ?

En grande partie reconstruite après la guerre, Brest compte-t-elle des monuments historiques ?

Les questions pas si bêtes qu’on se pose sur Brest (4/8). Réputée pour ses multiples vues maritimes, la ville n’est pas connue pour son patrimoine architectural. Elle compte pourtant neuf monuments historiques, et sans doute bientôt dix, non dénués d’intérêt. Un article signé  Delphine VAN HAUWAERT dans Ouest France du
Villa Crosnier OFLourdement bombardée lors de la Seconde Guerre mondiale, Brest (Finistère) a vu 80 % de son bâti détruit. La ville que l’on connaît aujourd’hui est donc le fruit d’une reconstruction intensive. Dans ces conditions, quelle importance accorder à son patrimoine architectural ? L’un des baromètres en la matière est souvent le nombre de bâtiments inscrits ou classés aux Monuments historiques. Brest en compte neuf. C’est mieux que Lorient (quatre) mais bien moins que Saint-Brieuc (une trentaine) ou Quimper (58).

Cinq inscriptions depuis 2015

« Pour une ville de la taille de Brest, c’est peu, reconnaît Olivier Thomas, architecte des Bâtiments de France. Mais pour une ville reconstruite, on est sur un chiffre qui est somme toute en développement, d’autant plus qu’on a une prise en compte du patrimoine moderne et contemporain qui est assez récente. »
Jusqu’en 2015, Brest ne comptait que quatre Monuments historiques : le Château (depuis 1923), la Villa Mathon (1995), l’hôpital Morvan (1997), et le Bâtiment aux Lions (2011). « Ça ne faisait pas beaucoup pour une Ville d’art et d’histoire », rembobine l’architecte des Bâtiments de France, expliquant que la candidature de la ville à ce prestigieux label (obtenu en 2017) a coïncidé avec « toute une vague de protections ».

Ont en effet suivi, en 2015, le Monument américain du cours Dajot, l’église Saint-Louis, la gare et l’auberge de jeunesse en 2018, et enfin l’église du Landais en 2019.
Parmi ces monuments, sept sont inscrits, « ce qui représente un premier niveau de protection », et deux (le Château et le Bâtiment aux Lions) sont classés, statut impliquant « une certaine reconnaissance bien sûr, mais aussi des subventions plus importantes pour les travaux de restauration » . Un rang auquel pourrait accéder prochainement l’église Saint-Louis, plus grande église de la Reconstruction en France.

La Villa Crosnier, 10e Monument historique de Brest ?

Le prochain bâtiment à faire son entrée sur la liste des Monuments historiques de Brest devrait être la Villa Crosnier, construite sur le cours Dajot dans un style Art Nouveau au tout début du XXe siècle. «  La commission régionale du patrimoine et de l’architecture a émis un avis favorable, donc ça devrait aboutir dans les mois qui viennent. »

En réflexion, « peut-être d’autres églises à moyen terme. Par exemple celle de Lambézellec, dont le clocher reconstruit est assez intéressant avec sa dentelle de béton ». D’une « architecture typique de la Reconstruction » , l’hôtel de ville est une autre piste, comme la piscine Foch. «  Mais on est à la frontière entre ce qui fait patrimoine au niveau brestois, et au niveau monuments historiques régionaux », concède le spécialiste.


À Brest, le projet d’immeuble à côté de la villa Crosnier validé au judiciaire

Le projet Amphitrite du groupe Océanic, sur le cours Dajot, à Brest, vient d’emporter une bataille juridique. Le tribunal judiciaire estime qu’il ne crée pas de trouble anormal du voisinage. Reste la justice administrative.

Le litige portait sur la partie ouest de la villa Crosnier. Ses habitants estimaient que le projet du groupe Océanic allait boucher des vues. Le tribunal judiciaire a jugé qu’il s’agit de jours de souffrance et que le projet permettra à la lumière de continuer à y entrer.
Le litige portait sur la partie ouest de la villa Crosnier. Ses habitants estimaient que le projet du groupe Océanic allait boucher des vues. Le tribunal judiciaire a jugé qu’il s’agit de jours de souffrance et que le projet permettra à la lumière de continuer à y entrer. (Photo d’archives Le Télégramme/David Cormier)

Les ouvertures du pignon ouest de la villa Crosnier, rue de Denver, à Brest, ne sont pas des fenêtres avec servitude de vue mais des « jours de souffrance », simplement destinés à faire entrer de la lumière. C’est ce qu’indique le tribunal judiciaire de Brest, dans son jugement rendu ce jeudi 21 septembre 2023. Le couple Taleb, propriétaire de la villa Crosnier, avait saisi la justice pour s’opposer au projet Amphitrite du groupe Océanic, juste à côté, qui a obtenu un permis de construire fin 2022. Le couple estimait que cela boucherait des vues depuis la maison. Il devra payer au groupe 2 500 € au titre des frais de justice.

Le projet prévoit « un puits de lumière »

« Ces jours de souffrance », dit le tribunal, « ne créent aucune servitude ou obligation à la charge du propriétaire du fonds voisin, qui a néanmoins cherché à garantir le maintien d’un apport de lumière par ces ouvertures, en ménageant, comme cela ressort des plans du permis de construire, un puits de lumière d’une largeur de 164  cm au niveau des ouvertures litigieuses. Il en résulte que le trouble invoqué au titre de la perte de luminosité n’excède pas les inconvénients normaux du voisinage en zone urbaine ».

Voilà qui clôt l’aspect judiciaire de la procédure, mais pas la procédure administrative. Le 25 février 2023, une centaine d’opposants au projet avaient manifesté.


La justice condamne les riverains qui s’opposaient au projet d’immeuble cours Dajot, à Brest

Dans le bras de fer qui oppose les propriétaires de la villa Crosnier à Brest (Finistère) au groupe Océanic autour de la construction d’un immeuble cours Dajot, la justice vient de donner raison en première instance au promoteur. Les voisins sont condamnés aux dépens et à verser 2 500 €.
Un article de  Sabine Niclot-Baron publié dans l’Ouest-France du

Selon le permis de construire accordé à l’été 2022, il est prévu que le nouvel immeuble du cours Dajot, à Brest (Finistère), soit relié à la villa Crosnier par un mur en trompe l’œil qui dissimule une cour intérieure.
Selon le permis de construire accordé à l’été 2022, il est prévu que le nouvel immeuble du cours Dajot, à Brest (Finistère), soit relié à la villa Crosnier par un mur en trompe l’œil qui dissimule une cour intérieure. | DR

La justice vient de rejeter en première instance le recours de la famille Taleb contre la construction d’un immeuble d’habitation sur le cours Dajot, à Brest (Finistère). Dans cette rare « dent creuse » de la rue de Denver, un espace non construit entouré de parcelles bâties, le promoteur Océanic a prévu de construire un niveau de bureaux et plusieurs logements.

Pas de servitude

La résidence, pour laquelle un permis de construire a été accepté à l’été 2022, s’insère entre deux constructions remarquables : l’hôtel Caradec et la villa Crosnier. Cette dernière possède des ouvertures au pignon, mais « un simple jour de souffrance ne permet pas d’acquérir par prescription une servitude de vue », a estimé le tribunal.
Le projet « qui ne s’adosse pas directement à la villa », possède un toit en zinc typique des immeubles brestois et une façade végétalisée contemporaine. Il a été confié à Héléna Coudray, une architecte parisienne spécialisée dans la conception, rénovation, réhabilitation et l’intervention sur le patrimoine à fort caractère patrimonial (Monuments historiques).

Ils devront verser 2 500 €

En décembre 2022, avant de lancer la procédure, Stéphane Taleb, propriétaire avec son épouse de la villa Crosnier, s’estimait « dépossédé au profit du promoteur ». Après un recours gracieux des riverains qui n’a pas abouti, le tribunal judiciaire ne leur a pas donné raison.
Les voisins sont condamnés aux dépens et à verser 2 500 € à la SARL Amphitrite-Océanic sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Côté justice, ce n’est qu’une étape. Un recours administratif est actuellement en cours, sans compter d’éventuels appels. Une situation que regrette Elena Azria, directrice du développement d’Océanic : « Dans une période de crise du logement, il est regrettable que chaque projet soit systématiquement contesté et qu’aucun accord amiable ne puisse être trouvé. »


Brest : on vous fait visiter la maison Crosnier, fraîchement inscrite aux Monuments historiques

Depuis octobre, la maison Crosnier, à Brest, est inscrite aux Monuments historiques. La famille Taleb nous a ouvert les portes de sa demeure du cours Dajot, désormais protégée. Un article signé  Amélie Thomas publié dans Côté Brest du .

Stéphane talebr, propriétaire de la masion Crosnier à Brest, pose devant l'imposante cheminée en bois, réplique d'une cheminée construite pour Guillaume 2 de Prusse
Stéphane Taleb, propriétaire de la maison Crosnier à Brest, pose devant l’imposante cheminée en bois, réplique d’une cheminée construite pour Guillaume II de Prusse. ©Amélie Thomas

La maison Crosnier, érigée au cours Dajot, fait partie des joyaux architecturaux de la ville de Brest. La villa, de style art nouveau, a été construite en 1901 par l’architecte Sylvain Crosnier. Le bâtiment est l’un des huit immeubles rescapés de la Seconde Guerre mondiale. De nombreux impacts de balles sur sa façade témoignent de cet épisode tragique.

D’intérêt patrimonial

Depuis le mois d’octobre 2023, la maison est inscrite au titre des Monuments historiques. Ses propriétaires, la famille Taleb, avaient entamé les démarches en 2020. « On ne l’a pas fait dans un but mercantile, on souhaitait un décret officiel pour qu’elle soit protégée et reconnue d’intérêt patrimonial pour l’histoire », explique Stéphane Taleb. La demeure est désormais protégée « à l’extérieur comme à l’intérieur ».
Le Franco-Libanais réfute tout lien avec le projet, décrié, de création d’un immeuble jouxtant la villa. Le nouveau permis de construire, déposé par le groupe Océanic, a été validé en 2022. Un recours a été déposé. « Nous sommes sur un site remarquable, ce projet gâche le paysage », souffle Stéphane Taleb.

L'un des salons, avec vue sur la rade
L’un des salons, avec vue sur la rade. ©Amélie Thomas

« La maison a une âme »

Stéphane et Marie Taleb, parents de cinq enfants, ont vécu cinq ans à Dubaï avant de rejoindre Brest en 2013, sur les conseils d’amis officiers dans la Marine. Ils envisageaient plutôt d’acheter un appartement, quand ils ont eu vent de la vente de la maison Crosnier. Le couple a eu le coup de cœur en la visitant. « Cette maison a une âme », confie le quadragénaire, consultant en informatique dans la finance. Les Taleb l’ont acquise en mars 2017, auprès du promoteur Jean-Pierre Palud. « Une chance », estime le Brestois. « On a eu l’équivalent d’un entretien d’embauche, se remémore-t-il en riant. M. Palud voulait que la maison reste dans son jus. » Le couple a tenu sa promesse.

L'un des salons de la villa Crosnier, meublé avec du mobilier ancien
L’un des salons de la villa Crosnier, décoré avec du mobilier ancien. ©Amélie Thomas

Moulures, mobilier ancien…

« Il faut aimer l’ancien », sourit Stéphane Taleb, en nous faisant la visite. Ici, pas de meubles Ikea. Le mobilier est ancien. Chiné chez Emmaüs ou lors de ventes aux enchères. L’une des dernières acquisitions, une imposante armure entreposée dans l’un des salons. À ses pieds, le petit dernier de la fratrie a déposé ses jouets. La maison n’est pas un musée, la famille y vit au quotidien, à l’ère de la modernité, mais dans un cadre d’antan.
Pour le visiteur qui découvre les lieux, chaque pièce révèle de l’émerveillement. Des plafonds à caissons aux moulures, du carrelage en mosaïque, des poignées de porte d’époque, les cheminées… L’une d’elles accroche particulièrement le regard, ornée de bois et coiffée d’un grand miroir. « C’est une copie de la cheminée faite pour Guillaume II de Prusse », indique le propriétaire, féru d’histoire.
Sous les toits, au cinquième et dernier étage de la bâtisse, l’espace a été aménagé comme une coque de bateau, tout en bois. Une trappe au plancher a même été conçue pour communiquer avec l’étage inférieur. Et de la douche, les occupants peuvent admirer la rade ! C’est aussi le grand atout des lieux : la vue sur l’océan.

Stéphane Taleb montre les impacts de balles héritées de la guerre
Stéphane Taleb montre les impacts de balles héritées de la guerre. ©Amélie Thomas

Un espace de lecture en projet

En 2019, la famille Taleb avait organisé des visites guidées de la villa dans le cadre des rendez-vous Brest ville d’art et d’histoire. Elle n’exclut pas de renouveler l’expérience. « Nous souhaitons partager l’histoire de la maison », avance Stéphane Taleb. Avec son épouse, il réfléchit à aménager un espace dédié à la lecture au rez-de-chaussée. Le couple aimerait y accueillir, ponctuellement, le jeune public. Les Taleb souhaiteraient également voir installée une plaque commémorative en hommage à Sylvain Crosnier et à son fils, déporté durant la guerre.

La façade de la villa Crosnier a été récemment ravalée,
La façade de la villa Crosnier a été récemment ravalée. ©Amélie Thomas

A suivre …


Depuis l’été 2020, la résistance contre ce nouveau projet aberrant s’est organisée sous la forme d’une pétition à retrouver en ligne par ici …

Marie TALEB / Brest, France/ 8 août 2022 —

« Aux riverains du cours Dajot et à tous les amoureux sans frontières de notre patrimoine brestois : Il y a deux ans, vous avez déjà été très nombreux à vous émouvoir et à vous mobiliser contre le projet immobilier visant à remplir tout l’espace existant entre les immeubles des rues Neptune (nos 1, 3, 5, 7), Voltaire (no 7) et Traverse (nos 2, 4). Deux ans après le refus d’un premier permis de construire, une nouvelle demande a été déposée en mairie le 29 juillet par le même promoteur pour une construction similaire. Voir la suite de la pétition par ici …

20 déc. 2022 : Patrimoine sacrifié, promoteur rassasié …

La mairie et l’architecte des bâtiments de France viennent de briser la cohérence et la qualité architecturale de leur ensemble pourtant défini dans l’AVAP (Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine)
Extrait de la mise à jour / 20 déc. 2022 — 

22 déc. 2022 : Article 631-1 du code du patrimoine…

« Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables a le caractère de servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. » La construction d’un parking souterrain, d’un bureau et de quatre appartements de luxe dénaturant l’architecture du site du cours Dajot et condamnant irrémédiablement une des façades de la maison Crosnier visible depuis le port de commerce constitue t elle une bonne utilisation des sols au sens de l’article 631-1 ?  Crime contre le patrimoine délibérément conçu commis et acté par ceux qui sont censés le protéger … Extrait de la mise à jour / 22 déc. 2022 —


13 Février 2022 : À tous les Amoureux du Brest d’Avant-Guerre, Portes Ouvertes le 25/02 de 11h à 12h30 !

« A tous les Amoureux du Brest-Même d’Avant-Guerre,
Et ceux qui n’en ont littéralement rien à cirer,
Ou tous les autres qui préfèrent fermer leurs gueules parce que ça arrange bien leurs affaires, à eux, et celles non moins prolifiques de leurs Mécènes,
Nous vous donnons rendez-vous le samedi 25/02 de 11h à 12h30 au pied de la maison pour une petite sauterie bon enfant,
Et si il y en a que ça branche de venir voire les fenêtres et TOUTE LA FAÇADE qu’Ils vont nous condamner en nous collant de force leur barre de béton dessus c’est l’occasion ou jamais !!

Vive La République, Vive La France, Kenavo ar’vechal, »
Marie TALEB
Brest, France


La pétition en ligne est à signer par ICI …
Les Habitants du Cours Dajot voisins de la Villa Crosnier sont aidés dans leur démarche par l’Association inter-collective Au Pied du Mur


Déjà en 2020, Ramine, artiste peintre et sculpteur maritime brestois dénonçait l’aberration d’un tel projet dans une « Ville d’Art et d’Histoire »…

 


+ En savoir plus sur la Villa Crosnier :


Brest. Les habitants de la villa Crosnier accueillent les amoureux de patrimoine

Marie et Stéphane Taleb, et leurs cinq enfants, vivent dans cette magnifique maison du cours Dajot, emblématique de l’Art Nouveau, rescapée des bombardements. Sensibles à la notion de patrimoine, ils l’ouvrent à l’admiration (et à la curiosité !) des Brestois … Un reportage de Frédérique Guiziou publié dans l’Ouest France du 

Les habitants de la villa Crosnier : Marie et Stéphane Taleb et leurs cinq enfants, Ambroise, 9 ans, les jumelles Espérance et Émeraude, 8 ans, Marie-Thérèse, 6 ans et le bébé Darius.
Les habitants de la villa Crosnier : Marie et Stéphane Taleb et leurs cinq enfants, Ambroise, 9 ans, les jumelles Espérance et Émeraude, 8 ans, Marie-Thérèse, 6 ans et le bébé Darius. | OUEST-FRANCE

Comment vit-on dans la villa Crosnier, l’une des plus belles maisons de Brest, emblématique de l’Art Nouveau ? Comment habite-t-on l’unique rescapée, un miracle, des bombardements parmi les hôtels particuliers du cours Dajot ? « Très simplement ! Mais on reste positivement impressionnés par cette demeure sacrément particulière, on sent qu’elle possède une âme » , répondent en souriant Marie et Stéphane Taleb, 38 et 44 ans, parents de cinq enfants.

Coup de foudre et casting

Sur les conseils « d’amis officiers de marine séduits par Brest » , ces « amoureux de vieilles pierres » , originaires du Liban pour lui et d’Auvergne pour elle, habitent, depuis mai 2017, cette maison aussi biscornue que séduisante. Avec l’immeuble de Freyssinet rue d’Aiguillon, elle fait partie des huit bâtiments restés debout après la destruction, à plus de 90 %, de « Brest même ».

Dans le hall de la villa Crosnier. | OUEST-FRANCE

Un lieu de vie, pas un musée

« À l’instant où je l’ai vue, j’ai senti le coup de foudre ! » raconte Marie, qui a remporté le « casting » pour ce bien exceptionnel, très discrètement mis sur le marché. Son vendeur, le promoteur immobilier Jean-Pierre Palud, qui l’avait acquise en 1994, tenait à ce que la villa Crosnier, construite entre 1900 et 1904, reste « un lieu de vie, pas un musée » . Comme le recommandait déjà son concepteur, Sylvain Crosnier, architecte de profession et fils d’un gros industriel brestois…

Villa Crosnier | OUEST-FRANCE

Six cheminées, vue imprenable et faïences de Quimper

Mais quel exceptionnel lieu de vie ! Six cheminées, une cour intérieure, des balcons à la vue imprenable, des céramiques magnifiques… Sur le mur est, un style « maison à colombages », des poutres qui ressortent d’un enduit écru. Au plafond, des caissons d’origine, en bois sombre. Sur les façades, des saints en faïences de Quimper. Une bénédiction : en tant que protecteurs de la maison, ils ont remarquablement rempli leur office !

Le salon de la villa Crosnier qui a servi d’état-major aux Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. | OUEST-FRANCE

« À l’intérieur, nous conservons cet état d’esprit à la fois sobre et raffiné » , poursuit la propriétaire qui « adore chiner » . Elle vient d’acquérir une table de style Henri II, une commode Louis Philippe, des fauteuils et des miroirs anciens assortis, « pour la partie noble de la maison » , celle qui sera ouverte aux visiteurs (1) curieux de découvrir, c’est une première, ce bijou architectural.

Art Nouveau et prestataires prestigieux

Esthétique des lignes courbes dans les encadrements et les menuiseries, couleurs et asymétrie sur les façades, la villa Crosnier est, aussi, un festival de matières : granit rose de l’aber Ildut, granit de Kersanton, pierre de Roz et pierre de Logonna, de couleur ocre comme l’église Saint-Louis. Sans oublier la brique, jusque-là réservée aux usages industriels…

« On a retrouvé les commandes passées auprès de prestataires éloignés géographiquement et prestigieux, commente Claire Tracou, chargée des projets culturels au service patrimoine de la Ville de Brest . On en déduit un souci des détails, une volonté de qualité de la part de Sylvain Crosnier, dont on peut également deviner l’aisance financière. »

Une des six cheminées de la villa Crosnier. | OUEST-FRANCE

Tout en haut, la cabine de bateau

Passionné de mer, Sylvain Crosnier, qui a également réalisé le manoir de Kerguerec, rêvait d’exercer dans la Marine. Mais sa jambe raide l’en a privé. Alors il s’est construit, tout en haut de la villa, « sa » pièce au charme fou, à l’odeur de bois, une cabine de bateau, avec des bancs coffres, une douche avec vue sur mer, une poulie centrale, une trappe pour monter les meubles. Et un étroit escalier en colimaçon pour y accéder.

La pièce au charme fou, inspirée d’une cabine de bateau, de l’architecte Sylvain Crosnier. | OUEST-FRANCE

« Au moment du siège de Brest, la villa, réquisitionnée par les Allemands, est devenue une cible : on peut encore voir des impacts de balles dans les encadrements des baies du salon . Les officiers allemands auraient fui par le souterrain qui reliait alors la villa Crosnier au bunker sous le carré américain. Traumatisée, la famille Crosnier n’y a plus jamais vécu… »

C’est aujourd’hui un havre de paix pour le propriétaire, Stéphane Taleb, consultant indépendant auprès de groupes bancaires. Après Dubaï, Abou Dabi et Riyad, il travaille désormais à Londres, enchaînant les allers-retours entre la capitale du Royaume-Uni et Brest : « La vue sur la rade, de Plougastel à Saint-Anne-du-Porzic, reste un enchantement… » Et elle se mérite !