» On ne dissout pas … »

 » On ne dissout pas la Terre qui se soulève … » Suite au décret de dissolution des Soulèvements de la Terre paru le  21 juin 2023, une Lettre ouverte est signée par plus de 300 personnes est adressée à Emmanuel Macron pour dénoncer la politique autoritaire du gouvernement, la criminalisation des militant·es écologistes et la répression des mouvements sociaux…

Le 21 juin 2023,
Monsieur le Président,
Vous ne réussirez pas à dissoudre le feu qui gronde sous la Terre. On ne dissout pas un soulèvement, c’est la Terre qui se défend.

Le décret que vous prenez aujourd’hui visant à dissoudre « Les Soulèvements de la Terre » est un signal extrêmement dangereux pour notre démocratie. Il est le symbole, s’il en fallait encore un, de la brutalité dont vous faites preuve à l’égard de vos opposant·es politiques. Les seules réponses que vous apportez à la crise sociale et climatique que nous vivons sont la violence et la répression. Partout en France, des militant·es écologistes sont traqué·es, fiché·es et arrêté·es. Certain·es même tombent sous le fracas incessant des grenades et des LBD qui rythment toutes nos manifestations. Partout, votre police assène les coups de votre autoritarisme face à celles et ceux qui défendent nos biens communs. Partout, pour défendre votre système néo-libéral productiviste, vous déployez la force. Car vous n’avez plus qu’elle comme alliée. Car elle vous protège, vous et les puissant·es du monde, de la colère des soulèvements. Indigne complice de votre course effrénée à la croissance, la violence vous sert. Vous la condamnez tout en niant en être l’instigateur. Nous ne nous rangerons pas dans votre système destructeur. De l’arbre que vous tentez d’abattre, nous sommes la sève qui monte des racines. 

Partout, pour défendre votre système néo-libéral productiviste, vous déployez la force.

Votre décision brise en mille morceaux la promesse que vous aviez adressée aux Français·es d’un mandat pour la transition écologique. Vous qui êtes à la tête d’un État condamné à de multiples reprises pour « inaction climatique », vous persévérez dans cette posture irresponsable. Votre bilan en la matière s’illustre par sa médiocrité. À l’heure où les prévisions du GIEC nous adjurent d’entamer un changement radical de notre modèle de société, vous continuez à obstinément foncer dans le mur. L’inaction climatique assumée, c’est votre projet. Vous qui refusez de taxer les super-profits, vous qui rouvrez des centrales à charbon, vous qui subventionnez avec de l’argent public la production d’énergies fossiles, vous qui ne respectez pas les engagements de l’accord de Paris, vous êtes coupable d’un attentisme qui menace nos écosystèmes, nos sociétés et nos vies. 

Vous êtes coupable d’un attentisme qui menace nos écosystèmes, nos sociétés et nos vies. 

Face à votre irresponsabilité climatique, les soulèvements se multiplient et, chaque fois qu’il est nécessaire, des milliers de citoyen·nes les rejoignent. Parce que vous brillez par votre incompétence et votre déni, ces Soulèvements n’ont pour seul objectif que l’utilité commune. Vous n’arrêterez pas les graines de la colère qui germent partout sur la Terre pour y faire pousser un monde assurément écologique et social. Ces soulèvements sont une nécessité, ils sont la source d’un monde nouveau. Nous continuerons autant qu’il le faudra à nous battre radicalement à leurs côtés pour faire jaillir cette source prolifique de résistance et de vie. À ce moment où la Terre et nos conditions d’existence se transforment plus rapidement que nos institutions, il est nécessaire de multiplier et relier les luttes partout en France pour mettre en lumière l’urgence de préserver et partager nos communs. Cette source intarissable, rien ne pourra l’assécher autant que rien ne pourra jamais la dissoudre.

Votre répression ne nous fait pas peur. Nous continuerons de lutter ensemble contre votre monde néo-libéral, de casse sociale et climatique, sur tous les terrains et par tous les temps. Nous le ferons au nom de toutes les victimes matraquées, arrêtées, blessées ou tuées par ce système entretenu par la violence.

Il est temps que le règne du capitalisme s’achève. Notre bien commun n’est pas un support pour une croissance que certain·es considèrent comme infinie. 

Nous, écologistes, citoyen·nes, militant·es, Terrien·nes, apportons tout notre soutien aux Soulèvements de la Terre. Nous dénonçons avec la plus grande vigueur sa dissolution et les pratiques autoritaires du gouvernement qui mettent en grand danger notre démocratie et nos libertés les plus fondamentales. Ce feu qui gronde, c’est la Terre qui se soulève. Rien ne pourra l’arrêter. »

– La liste des signataires est à consulter sur le site de Politis  par ici …
– La pétition en ligne pour soutenir Les Soulèvements de la terre est à signer par ici.


Annie Ernaux : « Les Soulèvements de la Terre sont un mouvement pour la vie »

Dans un entretien  accordé le 24 juin à ReporterreAnnie Ernaux, prix Nobel de littérature, affirme soutenir Les Soulèvements de la Terre. Les traiter de terroristes est une « aberration » dit celle qui « espère un mouvement de masse » contre ce gouvernement.

Annie Ernaux est écrivaine, prix Nobel 2022, autrice de Mémoire de fille, Les Années ou La Place, aux éditions Gallimard. Figure féministe, elle est engagée à gauche depuis des années.


Comment réagissez-vous à la dissolution des Soulèvements de la Terre ?

Avec une immense colère. Le gouvernement manifeste sa volonté d’éradiquer tous les mouvements de liberté, les mouvements pour changer la vie. Il y a quelque chose de fondamental de s’en prendre à un mouvement qui n’est pas une organisation politique, qui est un mouvement venu du fond de diverses couches sociales, un mouvement pour la vie. Cela a quelque chose de très violent en fait, et qui montre la dérive autoritaire de ce gouvernement, comme on l’a déjà vu avec la répression des manifestations contre la réforme des retraites.

Comment définiriez-vous ce mouvement ?

Il exprime la volonté de vivre autrement, de vivre avec la nature dont on est de plus en plus privés et qui est de plus en plus détruite. C’est une manière différente de vivre, mais aussi un changement du rapport humains, qu’ils ne soient plus dans la domination de ceux qui ont le pouvoir et la richesse sur le reste de la population. C’est cela qui fait peur. Tout ce qu’a fait le gouvernement depuis 2017, c’est de favoriser les grands groupes économiques, la FNSEA, les chasseurs.
Le mot dissolution est absurde. Est-ce qu’on pouvait dissoudre le Larzac dans les années 70 ? Est- ce qu’on pouvait dissoudre les mouvements de femmes qui demandaient la liberté de la contraception et de l’avortement ? Non.


Appartenez-vous aux Soulèvements de la Terre ?

Maintenant, je considère que j’appartiens aux Soulèvements de la Terre.

Que pensez-vous de l’argument du gouvernement selon lequel Les Soulèvements de la Terre incitent à la violence ?

C’est la répression qui a été violente, on l’a bien vu au moment [du rassemblement contre les mégabassines] de Sainte-Soline ou lors de la dernière manifestation contre la ligne Lyon-Turin.
Bien sûr, il y a toujours la tentation de se dire que si l’on n’obtient rien, alors peut-être qu’on obtiendra davantage par la violence. À mon avis, ce n’est pas une bonne méthode. Mais c’est quand même le dernier recours la plupart du temps.
L’idée du gouvernement est de parler d’“écoterrorisme”, de faire passer les Soulèvements de la Terre pour des terroristes. C’est une aberration totale. On fait passer pour des terroristes tous ceux qui manifestent contre le gouvernement.

Dans plusieurs de vos livres, vous avez raconté et fait sentir l’atmosphère des années 1960 et 1970. Quelle différence voyez-vous avec l’atmosphère d’aujourd’hui en 2023 ?

Il me semble que ce gouvernement s’est donné des lois et des moyens pour être encore plus dur que dans les années 1970. Il est beaucoup plus dangereux.

Où va-t-on avec ce gouvernement ?

Il prépare la voie à Marine Le Pen, c’est évident. Il risque de provoquer un tel désarroi qu’aux élections présidentielles, la majorité de gens seront dégoûtés et choisiront… Mais je n’aime pas prévoir le pire. On est en 2023, il y a des choses à faire. Il ne faut pas se demander ce qui va arriver : c’est nous qui faisons arriver les choses. Le mouvement contre la réforme des retraites a montré que c’était possible. J’espère un mouvement de masse à un moment ou à un autre.
Que diriez-vous à une jeune femme de 20 ans aujourd’hui ?

Les filles de 20 ans sont beaucoup mieux que nous l’étions dans ma génération. Elles savent ce qu’elles ne veulent plus d’une façon très nette, par rapport à la société patriarcale, et par rapport à la domination masculine.

Elles peuvent faire changer les choses ?

Elles peuvent faire changer les choses, au même titre que les garçons. Mais les filles sont à l’avant-garde. Elles peuvent représenter une force.


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Un chaleureux meeting en soutien aux « Soulèvements de la Terre » …

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Les droits d’auteur de ce livre paru chez Seuil sont versés aux Soulèvements de la Terre.

On ne dissout pas un soulèvement. 40 voix pour les Soulèvements de la Terre
Publié le par Université de Lausanne

On ne dissout pas un dérèglement planétaire. On n’efface pas par décret les constats scientifiques ni le refus d’un capitalisme radicalisé fonçant dans le mur. Loin des procès en « écoterrorisme », ce qui se joue autour des mouvements comme les Soulèvements de la Terre n’est rien d’autre que la bataille de ce siècle.

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