Le scandale du Mediator raconté dans une BD par Irène Frachon …

« Ça a toutes les allures d’un polar, sauf que tout est vrai!« :  après le film, les livres et la pièce de théâtre, le scandale du Mediator se raconte dans une bande dessinée haletante et didactique, sous la plume de la lanceuse d’alerte Irène Frachon. « La vraie histoire factuelle de A à Z n’avait jamais été écrite« , assure la pneumologue qui cosigne cette BD avec le dessinateur François Duprat et le scénariste Éric Giacometti …
Irène Frachon était l’invitée de « La Grande Librairie » le 7 février 2023. Un témoignage vidéo de 3’20 »

Pour rappel, le scandale de Mediator est une affaire sanitaire et judiciaire concernant les personnes victimes de la prise de benfluorex, un médicament commercialisé sous le nom de Mediator par les laboratoires Servier de 1976 à 2009. Ce médicament est accusé d’avoir causé la mort de 1 500 à 2 100 personnes, sans compter les victimes des conséquences des effets secondaires. D’ailleurs, le procès en appel du Mediator s’est ouvert le 9 janvier 2023, devant la cour d’appel de Paris.


Après le livre et le film, l’affaire du Mediator s’illustre en BD [Vidéo]

Un article signé Catherine Le Guen paru dans Le Télégramme du 18 décembre 2022

 

Après le livre « Mediator, combien de morts ? » et le film « La fille de Brest », le Dr Irène Frachon revient avec une bande dessinée, redoutablement efficace, pour décrypter les scandales de l’Isoméride et du Mediator du laboratoire Servier.

Cathy, l’une des victimes du Mediator, est décédée la veille. Le Dr Irène Frachon en est, encore une fois, bouleversée, ce mercredi 7 décembre 2022, et toujours en colère contre le laboratoire Servier. Dans ses mains, la bande dessinée « Mediator, un crime chimiquement parfait » vient de sortir de chez l’imprimeur. Cathy ne le lira jamais, mais son histoire emblématique y est racontée, parmi d’autres récits de victimes décédées. ?

Un scénariste journaliste qui a enquêté

?Durant deux ans, Cathy avait pris de l’Isoméride, un coupe-faim qui avait fini par être interdit, avant de se voir prescrire du Mediator. Deux molécules, dérivées d’amphétamines, toxiques pour les valves du cœur. « Deux poisons fabriqués par les laboratoires Servier », appuie le Dr Irène Frachon, qui cosigne cette BD, avec le dessinateur François Duprat et Éric Giacometti, le scénariste des trois derniers opus de Largo Winch et auteur de polars, qui est ici bien plus qu’un metteur en planches… Dans une précédente vie, Éric Giacometti a été journaliste et a enquêté sur l’Isoméride, entre 1999 et 2006, un autre scandale qui a précédé celui du Mediator. Avec bien moins d’écho, il n’a pas abouti à la reconnaissance de nombreuses victimes. Seules deux ont pu être indemnisées devant les tribunaux – dont Cathy -, après un long combat judiciaire.

Raconter les deux affaires

« Au départ, l’idée était de faire une BD liant les deux affaires de l’Isoméride et du Mediator. On ne peut pas comprendre l’une sans connaître l’autre. Et comme l’Isoméride a sombré dans un trou noir, il y avait un vrai sens à raconter les deux histoires. Irène se serait emparée de l’affaire Isoméride, il n’y aurait jamais eu le scandale du Mediator ! Avec l’Isoméride et le Mediator, on est vraiment dans un polar avec toutes ses barbouzeries ! », assure Éric Giacometti, qui a replongé dans ses années de journaliste d’investigation santé au « Parisien » pour cette BD.

« Ce qui m’intéressait, c’était de savoir ce qu’il y avait dans sa tête de lanceuse d’alerte et je trouvais intéressant des moments clefs où elle aurait pu abandonner. Ce qui m’a fasciné, c’est que, quand il y a eu l’interdiction du médicament, tout être normalement constitué aurait arrêté. Moi, à un moment, j’en ai eu marre, j’ai plié boutique, je me suis dit que ce que je faisais ne servait à rien, mais elle, non, elle continue, parce que, 13 ans après son interdiction, on meurt toujours d’avoir pris du Mediator », analyse Éric Giacometti.

Procès en appel le 9 janvier 2023

Sept ans après la mort de son fondateur, Jacques Servier, le laboratoire a été condamné en mars 2021 pour tromperie aggravée, blessures et homicides involontaires, mais pas pour escroquerie. Le procès en appel s’ouvrira le 9 janvier 2023. La BD met parfaitement en lumière la responsabilité du patriarche, ses réseaux, sa gestion intrusive et mégalomaniaque de l’entreprise. « Tout est vrai dans ce récit. Chaque déclaration mise dans la bouche de Jacques Servier est extraite de ses déclarations ou de ses livres. Les documents sont issus des débats du procès », détaille Irène Frachon. L’ouvrage reproduit des analyses de candidatures des années 1990, mais « ambiance années 40 », où on peut lire les précisions « Commerçant israélite » ou « Ce noir n’a pas été marqué par la civilisation ». L’une des plus grosses affaires de fichage du monde médical, mais classée en 1999.

Une pétition pour retirer à Jacques Servier sa décoration

La bande dessinée se révèle un merveilleux outil pour expliquer rapidement des choses compliquées, et à la manière de la coccinelle de Gotlib, un personnage récurrent, baptisé Hippo pour Hippocrate, représenté dans sa toge, vient répondre aux questions que se pose le lecteur. « On arrive même, grâce à la malice d’Hippo, à mettre un peu d’humour dans la narration de ce drame », souligne Irène Frachon. À la fin de l’album, les auteurs proposent au lecteur de signer une pétition, « en mémoire des milliers de victimes », pour retirer à Jacques Servier, à titre posthume, la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur. Ce qui nécessite d’abord de changer la loi.

Irène Frachon a choisi d’offrir ses droits d’auteur à l’association de la revue « Prescrire », une revue médicale sans publicité des laboratoires pharmaceutiques, qu’elle avait consultée lors de ses premiers doutes sur la molécule du Mediator.

Pratique : « Mediator, un crime chimiquement pur », éditions Delcour, sortie le 4 janvier 2023.


En complément , lire le dossier complet paru dans Blast-info.fr daté du 9.02 2023 : c’est par ici …

 

Mediator, un crime chimiquement pur, une BD d’Eric Giacometti, Irène Frachon et François Duprat (éditions Delcourt, coll. Encrages), 200 pages, 24 €