Wen2 magnifie les murs de Brest et d’ailleurs …

Gwendal Huet, alias Wen2 devant la fresque qu’il a réalisée à l’occasion des 60 ans de l’Enib. Photo Le Télégramme

Des murs du port de commerce de Brest à la plus huppée des galeries parisiennes de street-art, le graffeur Wen2  déracine la grisaille de la cité du Ponant pour la magnifier. Son inspiration lui vient directement de son environnement proche et familier : l’industrialisation excessive, la consommation de masse laissant place aux usines, entrepôts et habitations désaffectés, aux reliquats des temps passés, aux constructions bétonnées sur une ville détruite …

Wen2, le graffeur qui magnifie Brest sur les murs de Paris …

Le Comix, emblématique bar brestois à la façade couverte façon illustré américain, trône sur une plaque de macadam déracinée. Flottant dans l’éther, il laisse pendre à sa base ses entrailles de grillage et de béton. Reconnaissable au premier coup d’œil, le style de Wen2, alias Gwendal Huet, sublime la cité du Ponant dans une atmosphère industrielle aux dessous décharnés.

Graphiste pendant 20 ans, Wen2 (prononcer WenTwo) aime sortir au Comix, emblématique bar du quartier brestois de Saint-Martin
Graphiste pendant 20 ans, Wen2 (prononcer WenTwo) aime sortir au Comix, emblématique bar du quartier brestois de Saint-Martin (Le Télégramme/Riwan Marhic)

Ça fonctionne bien avec l’identité de la ville

« Brest, c’est mon port d’attache, ma référence. Les grues, la rouille, les bateaux, les containers », pose celui dont l’accent ne laisse pas de doute sur son origine. Son style tout en lévitation date de sa première toile, en 2000. « Ça fonctionne bien avec l’identité de la ville, ruinée par la guerre puis reconstruite, en donnant deux lectures : le bâtiment et les vestiges underground ».

L’âge d’or du graff brestois

À 14 ans, le ti zef déniche une bombe dans le garage de ses parents et trace ses premières arabesques au skate-park de Plougastel (29). « C’est là où je me suis entraîné avant de m’aventurer sur le port de Brest, où le niveau de graffiti était très élevé dans les années 1990-2000. C’était un haut lieu du graff français, des mecs venaient de Paris, Toulouse, Montpellier… Dans le graffiti tour, il fallait passer par Brest ».

Wen2 dans son atelier, près d’un des phares qui illuminera la galerie parisienne Itinerrance en mars
Wen2 dans son atelier, près d’un des phares qui illuminera la galerie parisienne Itinerrance en mars (Le Télégramme/Riwan Marhic)

L’époque des magazines et des appareils photos jetables pour partager ses coups de bombe. Avec pour toile de fond les kilomètres de murs vierges du port de commerce désaffecté, avant sa réhabilitation. « On était une cinquantaine de graffeurs, une grande famille, c’était l’âge d’or. Les gens qui se baladaient le dimanche venaient nous voir », rembobine-t-il entre les bombes et les cendriers de son atelier de Recouvrance.

Dans la cour des grands

Aujourd’hui, l’artiste de 45 ans regrette de n’avoir plus le temps d’illustrer la rue, « trop sollicité pour des fresques et des expos », depuis qu’il a acquis une sacrée reconnaissance. « Mehdi Ben Cheik, le patron de la galerie Itinerrance dans le XIIIe, m’a approché en décembre dernier. C’est un peu le pape du street-art ! Il m’a permis de ramener mon identité bretonne à Paris avec ma plus grande fresque : le phare des Perdrix de Loctudy (29), sur un immeuble de huit étages, près de la place d’Italie. C’est un tremplin qui me fait rentrer dans la cour des grands ». Au menu, pour lui, ces prochains mois : des façades à couvrir à Saint-Brieuc, au Mans (Sarthe) et même jusqu’à Denver (Colorado, États-Unis). Mais surtout une exposition dans la très huppée galerie Itinerrance, le 11 mars.

Les abords de l’atelier de Wen2 sont bariolés de ses compositions réalisées en partenariat avec le Patronage laïque de Recouvrance, qui l’accueille dans ses locaux
Les abords de l’atelier de Wen2 sont bariolés de ses compositions réalisées en partenariat avec le Patronage laïque de Recouvrance, qui l’accueille dans ses locaux (Le Télégramme/Riwan Marhic)

J’aime cette peinture pour la puissance des pigments

Pour préparer le vernissage, le père de deux filles s’échine depuis deux mois, « à fond, jusqu’à 4 h du mat’, le samedi, le dimanche ». Il lui faut une semaine pour réaliser une des grandes pièces de son exposition, valant autour de 10 000 €, selon la dimension. Son travail commence par une scène qu’il compose en 3D ou une photo qu’il projette. Puis, c’est le tracé au crayon, avant de colorer les fonds au pulvérisateur et de détailler les visuels à l’huile. « J’aime cette peinture pour la puissance des pigments », explique celui qui, de ses yeux bleu pale, voit dans les nuances de gris une palette polychrome.

Goélands, slibards et Mad Max

« À la fin, je rajoute des conneries, je m’amuse. Il y a toujours une canette qui traîne, un slibard, des tags… » Mais aussi des dédicaces aux « crews » des copains, une tradition de graffeur, ou les noms des bistrots locaux dans sa série sur les phares bretons, « car le bar, c’est le centre du village ». Et toujours ce grand vide où baignent ses compositions, qui renforce leur côté flottant et tranche avec leur cœur fourmillant de détails. Comme les trois goélands qu’il a dissimulés dans ses toiles pour l’exposition parisienne, « un jeu pour les enfants. »

L’atelier de Wen2 où il passe ses nuits à travailler. « Je préfère la nuit car c’est calme, je suis tranquille, pas dérangé par des coups de fil ou des journalistes ! », rigole le Brestois
L’atelier de Wen2 où il passe ses nuits à travailler. « Je préfère la nuit car c’est calme, je suis tranquille, pas dérangé par des coups de fil ou des journalistes ! », rigole le Brestois (Le Télégramme/Riwan Marhic)

Sa marque de fabrique, « c’est ce côté désaffecté et street, onirique mais illustré par des éléments que l’humain a construits ». Comme un goût pour les théories de l’effondrement et de « la civilisation qui renaît d’objets récupérés » chez ce fan de Mad Max. Mais ses tableaux ne comportent jamais de personnages. « Ça fige, c’est anecdotique, se justifie-t-il. Sans humain, on navigue dans l’image et on doit regarder partout ».

WEN2 est un artiste brestois né en 1976. Inspiré par la culture hiphop, il évolue dès son plus jeune âge sur les murs de Brest au sein de divers crews et collectifs locaux. Formé aux arts appliqués, il exerce en parallèle de son art une activité professionnelle liée à l’urbanisme et l’architecture. Wen2 possède une aisance évidente pour dessiner la ville, ses textures, son squelette, ses agrégats et allie savoir-faire technique et intelligence esthétique. Conscient de notre monde en mutation et collapsologue à ses heures, son inspiration lui vient directement de son environnement.
Wen2 dénonce avec finesse et sensibilité l’industrialisation excessive et la consommation de masse (les déchets, le nucléaire, la désaffectation de la civilisation, les villes bétonnées, les écocides, etc.) en donnant une seconde vie aux éléments qui la composent (containers, trains rouillés, sites abandonnés…). Partagé entre sa famille et sa tribu, son atelier et les murs, il rend compte de sa réalité avec poésie.

Si Wen2 expose principalement en Finistère, ses œuvres sont également présentées à la vente à Charenton (région parisienne), à Lyon, à Paris et en Angleterre.


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Un artiste brestois peint une fresque du phare de l’Île-Tudy sur un immeuble parisien

Le phare de la Perdrix, situé à l’Île-Tudy (Finistère), a été immortalisé sur la façade d’un immeuble parisien par ​Wen2, un artiste graffeur brestois.
Un article publié dans Ouest France du

C’est tout un quartier de la capitale qui à son tour est illuminé par le phare emblématique du Pays bigouden.
C’est tout un quartier de la capitale qui à son tour est illuminé par le phare emblématique du Pays bigouden. | OUEST-FRANCE

Wen2 (lire Wen two) est un artiste brestois particulièrement inspiré par la culture hip-hop qui, depuis des décennies, dénonce dans son travail la consommation de masse et l’industrialisation à outrance. Vingt ans de street art à Brest (Finistère) lui ont permis de laisser de nombreuses créations aussi délicates que poétiques. Car c’est toujours en composant avec finesse et sensibilité qu’il manifeste contre toutes les formes d’écocide.


Quatre choses à savoir sur l’artiste brestois Wen2

Publié par Thierry Dilasser dans Le Télégramme du 20 juin 2020

 

Wen2 devant certaines de ses œuvres actuellement visibles au Comœdia .
Wen2 devant certaines de ses œuvres actuellement visibles au Comœdia . (Le Télégramme/Thierry Dilasser)

Artiste issu des cultures urbaines mais traçant un sillon résolument écolo, Wen2 est aujourd’hui l’un des peintres brestois les plus en vue. Il expose jusqu’au 25 juillet au Comœdia aux côtés de onze autres street-artists de renom.

 

1. Ses « bouts de ville » sont autant d’odes à la nature


Ils sont devenus sa marque de fabrique, sa signature graphique : depuis ses « vrais » débuts artistiques en 2001, Wen2 (prononcer « WenTwo ») multiplie des scènes de « villes qui volent » ou de « bouts de ville déracinés ». Un art multisupports, ayant toujours évolué dans le temps et qui trouve ses racines dans le Brest palimpseste. Une façon, aussi, pour ce graphiste de profession âgé de 44 ans, sensible à la collapsologie et féru de permaculture, de rappeler que « derrière le béton, la nature reprend toujours ses droits » et de dénoncer, de manière bien plus poétique que politique, l’industrialisation excessive et la consommation de masse.

L'artiste brestois Wen2
L’artiste brestois Wen2 devant une de ses œuvres. (Le Télégramme/Thierry Dilasser)

2. Sa cote monte en flèche

S’il a « beaucoup traîné son skate » dans les rues de Brest dans les années 90, une époque où il baignait dans le graff et le hip-hop, son univers artistique est empreint de celui d’Akira et des mangas japonais. Des influences qu’on retrouve dans toutes ses créations, qu’elles soient fresques murales (rue de Sébastopol, aux jardins de Kervallon…) ou toiles, peintes à l’huile ou à l’acrylique. Des œuvres que l’intéressé a exposées en France (Brest, Paris, Lyon) ou à Bristol, en Angleterre, où elles ont parfois atteint plusieurs milliers d’euros.
Une cote grandissante ces « deux ou trois dernières années », comme l’intéressé le constate lui-même, et que prouvent aussi les quelques ventes qu’il a réalisées en enchères publiques (qui restent la référence pour établir la cote d’un artiste). Ce qui lui permet de figurer « parmi les artistes peintres brestois qui comptent aujourd’hui », selon Me Cosquéric, commissaire-priseur établi rue Traverse.

3. Il expose au Comœdia aux côtés d’artistes de renommée nationale et internationale

L’exposition-vente que propose jusqu’au 25 juillet (date repoussée du fait du confinement) l’espace d’art Le Comœdia rassemble des artistes tels que Miss Tic, pionnière du pochoir en France, Astro, dont l’un des trompe-l’œil vient d’être exposé au musée des beaux-Arts de Calais aux côtés de Banksy et dont les créations sont visibles à Washington, Mexico ou Amsterdam, 13Bis ou les Bretons L’Outsider ou Soemone. Autant de références à côté desquelles on retrouve donc le nom de Wen2 au Comœdia , « la galerie la plus prestigieuse m’ayant accueilli », confie l’artiste. L’heureuse conséquence, aussi, de « l’engouement constaté autour du street-art, discipline ayant acquis ses lettres de noblesse depuis quelques années », selon Adeline de Montpezat, responsable de la programmation du lieu.

4. Il signait Wen1 à ses débuts… jusqu’à ce qu’il reçoive un message peu aimable d’un graffeur new-yorkais.

S’il signe ses œuvres Wen2, c’est simplement parce qu’il « (s’)appelle Gwendal (Huet) ». « Nous, les graffeurs, on a un côté mégalo qui consiste à mettre notre pseudo partout. Et on aime bien y rajouter un chiffre pour faire un plus gros graff », explique-t-il, sourire en coin. « Mais je signais Wen1 au début, précise-t-il, jusqu’à ce qu’un New-Yorkais me contacte via MySpace (ce qui situe la date de réception du message, Ndlr) pour me dire que Wen1, c’était lui, et que s’il le fallait, il ferait venir des amis de Paris à lui pour me l’expliquer… ». S’il en rigole aujourd’hui, l’artiste brestois ne cache pas son embarras d’alors. « J’ai contacté Nazeem, le pape du graffiti brestois, qui m’a simplement dit de ne pas chercher les embrouilles et de mettre un 2 ». Une voie de la sagesse dont il ne s’est jamais départi.


Wen2. La poésie des phares volants et façades brestoises

Un article de David Cormier dans Le Télégramme du 19 novembre 2018

 

Gwendal Huet, alias Wen2, revisite les phares finistériens comme des coins de rue de Brest.
Gwendal Huet, alias Wen2, revisite les phares finistériens comme des coins de rue de Brest. (David Cormier)

« Certaines personnes me demandent si je peux passer devant chez elles pour dessiner leur maison. Si elle est atypique, pourquoi pas ? » Gwendal Huet en sourit : il n’imaginait pas pareille réaction mais son talent, la proximité de ses sujets pour les gens d’ici, l’originalité à travers laquelle il les présente fait des adeptes.

Ce graphiste brestois, « donc chauvin », a dessiné à sa façon des coins de rues de la ville et imaginé ce qu’on pouvait trouver dessous. On l’avoue, on n’ira pas vérifier… Mieux vaut laisser la poésie s’exprimer. Le dernier venu en la matière, c’est le Vauban. « Je pose au sol un appareil photo avec un objectif grand angle », pour suggérer le point de vue du spectateur. « Je prends la photo et, ensuite, je peins à l’aquarelle ». À la galerie ID Pod, jusqu’à la fin du mois, on trouve sous cadre ses originaux (enfin s’il en reste) et des reproductions à s’y méprendre.

Des pignons de bâtiments aux cimaises


Connu comme grapheur sous le pseudo Wen, il a lancé cette activité sous celui de Wen2. Une suite, quoi, pour celui qui fait aussi partie du collectif C29 depuis 2011, a signé la fresque des quatre moulins volants aux… Quatre-Moulins.

« Du moulin aux phares, l’idée me trottait dans la tête, se rappelle-t-il. J’ai participé au festival Just Do Paint à Saint-Brieuc en juin et j’ai peint sur un pignon un phare imaginaire. Il y a le symbole de la lumière dans la nuit, un écho au désastre écologique ».

Alors il a imaginé une vie en autarcie autour des phares de la Vieille puis du Minou, Ar Men, les Pierres Noires, le Four, avec des éoliennes, des récupérateurs d’eau… On y décèle parfois une silhouette humaine ou deux, discrète. De petits mondes volants, dans l’esprit bande dessinée.

Des clients potentiels lui ont demandé de jeter un sort au bâtiment Pam, avec les grosses lettres mais ancienne version, au Café de la plage, au Mac Orlan avant les travaux. Ou bien tel ou tel phare, celui du Créac’h notamment… Bref, encore de quoi s’éclater ! « Tant que j’y trouve du plaisir… », conclut l’artiste.


A suivre …