Clin d’oeil à Arno, le plus belge des artistes …

Photo de Dany Willems dans Tribune de Genève

Indéfinissable, indomptable, insaisissable… Comment résumer Arno ? Peut-être par sa complexité et son authenticité, et ces paroles. Un conteur, un porteur de mots, capable d’enchanter ses pires noirceurs, de les changer en un relativisme provocateur. C’est son message : tout est risible, tout est jeux, rien n’est grave. Pas même la mort, ce « berceau de la vie » comme le chantait Jacques Higelin

Arno …

L’Hommage de RTBF à Arno, le plus belge des artistes …

Retour sur plus de 50 années de la carrière d’Arno en une vidéo de 29’30″…
Ostendais de naissance, Arno Hintjens résidait à Bruxelles depuis les années 80 et fréquentait assidûment le quartier de la place Sainte-Catherine à Bruxelles. Le chanteur représentait une certaine « belgitude » et n’avait pas sa langue dans sa poche. Jusqu’à la fin de sa vie, il n’a pas quitté la scène. En février dernier, il donnait encore un concert à l’Ancienne Belgique à Bruxelles. Ces derniers mois, Arno travaillait sur un nouvel album …


0:00 Arno, le décès d’un artiste majeur
4:35 Un Ostendais devenu Bruxellois
7:34 L’émotion dans son quartier
9:51 Interview Salvatore Adamo en studio
13:19 Ses origines ostendaises
16:03 Interview Hadja Lahbib en studio
20:41 Arno, un bon client pour les journalistes
23:27 Un artiste apprécié au delà de nos frontières 26:15 Interview Yves Bigot, directeur de TV5 Monde en duplex
28:45 Conclusion avec le communiqué du Palais Royal Ostendais de naissance,

Paroles de la chanson Les Yeux De Ma Mère par Arno

« Ma mère elle a quelque chose
Quelque chose dangereuse
Quelque chose d’une allumeuse
Quelque chose d’une emmerdeuse
Elle a des yeux qui tuent
Mais j’aime ses mains sur mon corps
J’aime l’odeur au-dessous de ses bras
Oui je suis comme çaDans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière
Dans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière
L’amour je trouve ça toujours
Dans les yeux de ma mère
Dans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière
Ma mère elle m’écoute toujours
Quand je suis dans la merde
Elle sait quand je suis con et faible
Et quand je suis bourré comme une baleine
C’est elle qui sait que mes pieds puent
C’est elle qui sait comment j’suis nu
Mais quand je suis malade
Elle est la reine du suppositoireDans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière
Dans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière
L’amour je trouve ça toujours
Dans les yeux de ma mèreDans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumièreMa mère a quelque chose
Quelque chose dangereuse
Quelque chose d’une allumeuse
Quelque chose d’une emmerdeuseDans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière
Dans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière
Dans les yeux de ma mère … »


SALVATORE ADAMO & ARNO – LES FILLES DU BORD DE MER (Live@BelpopSessie)

« Je me souviens du bord de mer
Avec ces filles au teint si clair
Elles avaient l’âme hospitalière
C’était pas fait pour me déplaire
Naives autant qu’elle étaient belles
On pouvait lire dans leurs prunelles
Qu’elles voulaient pratiquer le sport
Pour garder une belle ligne de corps
Et encore, et encore
Z’auraient pu danser la java
Z’étaient chouettes les filles du bord de mer
Z’étaient faites pour qui savait y faire
Y en avait une qui s’appellait Eve
C’était vraiment la fille d’mes rêves
Elle n’avait qu’un seul défaut
Elle se baignait plus qu’il ne faut
Plutôt que d’aller chez le masseur
Elle invitait le premier baigneur
À tâter du côté de son cœur
En douceur, en douceur
En douceur et profondeur
Z’étaient chouettes les filles du bord de mer
Z’étaient faites pour qui savait y faire
Z’étaient chouettes les filles du bord de mer
Z’étaient faites pour qui savait y faire
Lui pardonnant cette manie
J’lui proposais de partager ma vie
Mais dès que revint l’été
Je commençais à m’inquièter
Car sur les bords d’la Mer du Nord
Elle se remit à faire du sport
Je tolérais ce violon d’Ingres
Sinon elle devenait malingre
Puis un beau jour j’en ai eu marre
C’était pis que la mer à boire
Je l’ai refilée à un gigolo
Et j’ai nagé vers d’autres eaux
En douceur, en douceur
Z’étaient chouettes les filles du bord de mer
Z’étaient faites pour qui savait y faire
Z’étaient chouettes les filles du bord de mer
Z’étaient faites pour qui savait y faire
Z’étaient chouettes les filles du bord de mer
Z’étaient faites pour qui savait y faire « 

Arno en concert à Aulnoye-Aymeries le 10/08/07.
Chante « Ostende »de Jean-Roger Caussimon pour Léo Ferré.

« On voyait les chevaux d’la mer
Qui fonçaient la têt’ la première
Et qui fracassaient leur crinière
Devant le casino désert
La barmaid avait dix-huit ans
Et moi qui suis vieux comm’ l’hiver
Au lieu d’me noyer dans un verr’
Je m’suis baladé dans l’printemps
De ses yeux taillés en amande

Ni gris ni verts, ni gris ni verts
Comme à Ostende et comm’ partout
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu’on s’demande si c’est utile
Et puis surtout si ça vaut l’coup
Si ça vaut l’coup d’vivre sa vie

J’suis parti vers ma destinée
Mais voilà qu’une odeur de bière
De frites et de moul’s marinières
M’attir’ dans un estaminet
Là y avait des typ’s qui buvaient
Des rigolos des tout rougeauds
Qui s’esclaffaient qui parlaient haut
Et la bière on vous la servait
Bien avant qu’on en redemande

Oui ça pleuvait, oui ça pleuvait
Comme à Ostende et comm’ partout
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu’on s’demande si c’est utile
Et puis surtout si ça vaut l’coup
Si ça vaut l’coup d’vivre sa vie

On est allé, bras d’ssus, bras d’ssous
Dans l’quartier où y a des vitrines
Remplies de présenc’s féminines
Qu’on veut s’payer quand on est sôul
Mais voilà que tout au bout d’la rue
Est arrivé un limonair’
Avec un vieil air du tonnerr’
A vous fair’ chialer tant et plus
Si bien que tous les gars d’la bande

Se sont perdus, se sont perdus
Comme à Ostende et comm’ partout
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu’on s’demande si c’est utile
Et puis surtout si ça vaut l’coup
Si ça vaut l’coup d’vivre sa vie »


« Putain putain »…
Le chanteur belge Arno !

Un article signé  paru dans Marianne du 

À 72 ans, le chanteur belge Arno s’est éteint après un long combat contre le cancer. Encore en tournée il y a quelques semaines pour « rester en vie », il avait dû annuler sa dernière date prévue à Bruxelles pour raison de santé.

Ostende n’a plus de voix. Atteint d’un cancer du pancréas depuis 2019, le chanteur belge Arnold Charles Ernest Hintjens, dit Arno, s’est éteint à l’âge de 72 ans. C’est son manager qui a annoncé la nouvelle dans un communiqué, repris par la presse belge. Une tournée était prévue tout le mois de février en Belgique, « pour continuer à vivre » disait-il. « Vivre », c’était d’ailleurs le titre de son dernier album, sorti en 2021 et enregistré avec le pianiste Sofiane Pamart. Arno a pourtant été contraint d’annuler son ultime concert, prévu le mardi 15 mars à Bruxelles. « Les gens qui savent que j’ai un cancer se demandent pourquoi je suis sur scène, mais il faut savoir que c’est la scène qui me donne le plus d’énergie », se justifiait-il avant le lancement de cette série de concerts. Une énergie qui n’aura pas suffi.

Succès d’initiés

Né le 21 mai 1949 à Ostende, au nord-ouest de la Belgique, Arno s’était récemment permis de reprendre les mots de Léo Ferré pour chanter les charmes de sa ville et de ses racines. Toujours avec une mélancolie pleine de lumière et de rebonds potentiels, armé de sa voix brisée reconnaissable entre mille : « Oui ça pleuvait. Comme à Ostende et comme partout, quand sur la ville tombe la pluie et qu’on se demande si c’est utile. Et puis surtout si ça vaut le coup, si ça vaut le coup de vivre sa vie ».

Sa vie valait-elle le coup ? Musicalement, en tout cas, elle fut indéniablement riche pour celui que l’on désignait souvent comme une sorte de Jacques Higelin flamand. D’abord membre du groupe TC Matic (ex-TC Band) de 1977 à 1986, référence rock au Benelux, Arno se lance en solo dès la séparation. Il lui faudra cependant attendre le début des années 1990 pour se faire véritablement connaître du public français par sa participation, en collaboration avec le compositeur Philip Glass, à la bande originale du film Merci la vie de Bertrand Blier. Initié au blues par son professeur de néerlandais, Hubert De Cleer, Arno restera toujours fidèle à ses maîtres : Lightnin’Hopkins ou Sonny Boy Williamson II.

En solo, Arno aura publié treize albums originaux entre 1986 et 2019. Si les ventes restent limitées, l’artiste rencontre un petit succès critique auprès d’initiés du genre. Restent des titres superbes plus dégueulés que chantés – en bon écorché qu’il était – mais toujours vécus intensément. Avec insolence et une touche de naïveté enfantine. « L’amour je trouve ça toujours dans les yeux de ma mère », crache-t-il dans ce titre issu de l’album « À la française » sorti en 1995. « Irma a je ne sais quoi que les autres n’ont pas, mais celle-là est DJ au cinéma d’un autre que moi », désespère-t-il dans Lola etc… : drame d’amours déçus, ratés, inexplorés.

Un grand frère

Formidable interprète, Arno s’est aussi largement distingué par ses reprises de classiques de la chanson francophone. Que ce soit en duo (Les paradis perdus, avec Christophe), ou en solo (Les filles du bord de mer de Salvatore Adamo, Voir un ami pleurer de Jacques Brel, ou Elisa de Serge Gainsbourg). Mais aussi de titres en anglais, reprenant notamment sur scène à sa façon des tubes d’Abba ou des Rolling Stones.

Largement disponible et bienveillant envers la nouvelle génération d’artistes francophones, Arno a également enchaîné les collaborations d’un jour pour faire profiter les plus jeunes de sa visibilité. En 2008, par exemple, il s’associe à un Julien Doré débutant, dans le titre De mots (publié dans le premier album du chanteur français, Ersatz) pour chanter « pour les moches, les généreux, les frustrés, les blessés, les coiffeurs, les vierges, les dieux, et les travestis du monde entier ». Trois ans plus tard, en 2011, c’est un de ses compatriotes qui bénéficie de sa bénédiction en la personne de Stromae, qu’il voyait comme un représentant du « surréalisme belge », reprenant ensemble sur scène un des plus fameux titres d’Arno, Putain putain.

Interrogé par Le Parisien en décembre 2021 sur ses rêves de prochaines collaborations, c’est pourtant une icône de la chanson française que le chanteur belge citait, et non une jeune pousse : « Mireille Mathieu ! À cause du putain de Corona, on ne l’a pas encore fait, mais je suis vraiment fan de cette femme. Pour moi, la France, c’est la tour Eiffel et Mireille Mathieu ». Un duo insolite qui n’aura jamais vu le jour.

Le « roi du monde »

Aussi turbulent dans la vie que tourmenté dans ses chansons, Arno se jouait de l’approche de la mort. Dans le même entretien, réalisé quelques mois avant sa disparition, il se montrait espiègle : « Les fleurs sont trop chères, je me suis dit que j’allais attendre pour crever. Je vis au jour le jour. Hier est mort, demain n’existe pas ».

Une vie qu’Arno voyait « jolie » comme une « partouze », comme conté dans l’un de ses titres sorti en 2004 (La vie est une partouze, issue de l’album « French Bazaar »). Ode la plus parfaite à sa façon d’appréhender les événements, entre hédonisme et je-m’en-foutisme : « J’suis bien avec rien, mais mieux avec peu. Tout le monde a le droit d’être con, j’suis le roi du monde. Je bois quand je veux, je paye quand je peux. J’accepte l’hiver, j’aime bien l’été. J’suis le roi du monde ».

Un détachement qui va le suivre jusqu’au bout, en particulier dans sa lutte contre le cancer, comme il l’expliquait dans cette même interview accordée au Parisien : « J’ai eu une vie formidable, je n’ai aucun regret. J’ai eu de la chance, j’ai vu le monde entier, joué partout, au Japon, au Viêtnam, aux États-Unis, dans toute l’Europe. J’ai eu le cul dans le beurre. J’ai des bons copains et copines, des enfants, deux avec une Française, que je vois souvent, un qui vit dans le Sud avec sa copine, que des garçons ».

Insaisissable

Indéfinissable, indomptable, insaisissable… Comment résumer Arno ? Peut-être par sa complexité et son authenticité, et ces paroles, celles de Tatouage du passé, titre sorti en 1999 dans l’album « Le European-Cowboy » : « Il est jeune, il est vieux, son odeur amère et sucrée, son corps doux et musclé, sa langue empoisonnée, il est ni droite, ni gauche, il est ni noir, ni rouge, il n’est ni fort, ni beau. Il est lui-même ».

LIRE AUSSI :« La mort est le berceau de la vie, ça ne me fait pas peur », par Jacques Higelin

Un conteur, un porteur de mots, capable d’enchanter ses pires noirceurs, de les changer en un relativisme provocateur. C’est son message : tout est risible, tout est jeux, rien n’est grave. Pas même la mort.