Entre homophobie et ultra-mots phobie …

Depuis mi-août, les incidents se multiplient dans les tribunes des stades de foot sur fond de conflit entre autorités et supporteurs. Assaisonnée des tweets de la secrétaire d’état chargée de la lutte contre les discriminations et des déclarations volontaristes de la ministre des sports, cette escalade voit des matchs arrêtés  et les premières sanctions pleuvoir. Où commence l’homophobie et où s’arrête la liberté d’expression dans un stade ou ailleurs ?

Les ultras vivent ces sanctions comme une volonté supplémentaire de les écarter des stades …Pour tenter d’y voir plus clair, une vidéo qui rappelle les origines et les enjeux du conflit entre la LFP et les autorités politiques d’un côté, les supporteurs ultras de l’autre …

Où commence l’homophobie et où s’arrête la liberté d’expression dans un stade ou ailleurs ? En multipliant les chants insultants envers la Ligue, les Ultras prétendent contester, non pas la lutte contre l’homophobie, mais la politique des autorités à leur égard.
A Brest, le 24 août, le noyau dur de la Tribune Kemper entonne « La Ligue , La Ligue on t’en… et cætera « . A  cet instant précis, qui peut, en dehors de La Ligue elle même , qualifier ces propos d’homophobes ?

Pour tenter de « raison garder »,  voir ci dessous une petite sélection d’articles et de points de vue …


Homophobie dans le football : « Les actions des autorités risquent d’être contre-productives et de desservir cette cause »

Propos de Nicolas Hourcade recueillis par Anthony Hernandez
Publié dans Le Monde du 29 août 2019

Une partie d’une des deux banderoles déployées mercredi soir par certains supporteurs niçois.
Une partie d’une des deux banderoles déployées mercredi soir par certains supporteurs niçois. VALERY HACHE / AFP

Mercredi 28 août, un nouveau match de football professionnel (Nice-Marseille) a été interrompu suite à des chants et des banderoles homophobes. Depuis la première interruption, le 16 août, suite au chant de supporteurs nancéens visant la Ligue professionnelle de football (LFP) lors d’un match de Ligue 2, les incidents se multiplient. Pour le sociologue de l’Ecole centrale de Lyon Nicolas Hourcade, spécialiste du monde des ultras et membre de l’instance nationale du supportérisme, s’il y a une « volonté politique louable de s’attaquer à l’homophobie dans les stades », les événements récents illustrent surtout l’absence de « travail préparatoire » auprès des supporteurs.

N’est-il pas difficile de comprendre ce qui se passe dans les stades de football sans rappeler le contexte de conflit entre la LFP et les autorités politiques d’un côté, les supporteurs ultras de l’autre ?

C’est exactement ça, il faut comprendre le contexte de conflit très fort entre les autorités incarnées par la Ligue et les supporteurs ultras. Dans ce contexte-là, le chant insultant (« La Ligue, la Ligue, on t’encule ») qui a été beaucoup débattu ces derniers temps est un chant récurrent. Depuis plusieurs années, les supporteurs ultras se vivent comme discriminés. Ils ont le sentiment de subir une répression qu’ils considèrent excessive en ce sens qu’elle ne s’attaque pas seulement à la lutte contre les violences mais plus largement à leur mode d’animation des stades dont l’emblème est l’utilisation des fumigènes, qui est interdite et qu’ils revendiquent.

Ils dénoncent donc des huis clos partiels prononcés par la Ligue après l’utilisation de fumigènes mais aussi des interdictions et restrictions de déplacement.

Finalement, quand des matchs sont arrêtés comme ça a été le cas à Nancy et dans d’autres stades ensuite, sans qu’il y ait eu au préalable de dialogue avec les clubs et les associations de supporteurs pour expliquer quels étaient le projet et les sanctions possibles, les ultras ne vivent pas ça comme une mesure de lutte contre l’homophobie mais comme une volonté supplémentaire de les écarter des stades.

Une manière de contester, non pas la lutte contre l’homophobie, mais la politique des autorités

Y a-t-il un risque d’escalade ?

Nous sommes en présence d’un cercle vicieux dangereux de provocations. Il n’y a pas de flambée d’homophobie dans les stades, il y a juste une volonté politique louable de s’attaquer à l’homophobie dans les stades mais sans travail préparatoire.

Les supporteurs se perçoivent dans un camp opposé aux autorités et considèrent leurs actions comme une agression à leur égard. Réciproquement, les autorités ont décidé d’être plus sévères par rapport à certains comportements qui étaient jusqu’à présent tolérés.

Or, à partir de ces premières interruptions, les ultras ont eu le sentiment que tout cela était une sanction de plus, qui se conjuguait dans le même temps à de nombreuses interdictions et restrictions de déplacement prises à leur encontre.

Leur manière de réagir a été d’augmenter les chants insultants envers la Ligue. Cela s’est transformé en une manière de contester, non pas la lutte contre l’homophobie, mais la politique des autorités à leur égard.

Le Nîmois Renaud Ripart demande à ses supporteurs de stopper leurs chants insultants lors de Monaco-Nice le 25 août.
Le Nîmois Renaud Ripart demande à ses supporteurs de stopper leurs chants insultants lors de Monaco-Nice le 25 août. VALERY HACHE / AFP

Comment jugez-vous la gestion des autorités ?

Il faut sortir rapidement de cette spirale négative sinon tout le monde sera perdant : le football en général, la Ligue, les associations de supporteurs et surtout la lutte contre l’homophobie et les discriminations.

C’est d’autant plus regrettable que ces derniers mois il y avait eu une amorce constructive de dialogue autour de l’Instance nationale du supportérisme, qui a pour ministre de tutelle la ministre des sports.

Au printemps, cette instance venait d’ouvrir des chantiers sur les déplacements, les fumigènes et les discriminations. Que Roxana Maracineanu veuille lutter contre l’homophobie, c’est évidemment une excellente chose. Par contre, la méthode est problématique car il est étonnant qu’elle court-circuite une instance dont son ministère a la tutelle.

Les tweets de la secrétaire d’état chargée notamment de la lutte contre les discriminations, les déclarations volontaristes de la ministre des sports… quand les politiques s’occupent de football, ce n’est pas toujours une franche réussite.

Certains politiques connaissent plus ou moins les sujets auxquels ils s’attaquent. L’ancien secrétaire d’Etat aux sports Thierry Braillard connaissait bien le sujet des supporteurs et il a permis de faire avancer les choses. Les ministres qui s’expriment aujourd’hui n’ont pas la même connaissance du domaine.

Ils sont persuadés de défendre une cause noble – et en effet l’accord est large sur la nécessité de lutter contre l’homophobie – mais comme ils ne comprennent pas le contexte dans lequel ils agissent, leurs actions risquent d’être contre-productives et de desservir cette cause, et en ricochet aussi le monde du football et les supporteurs.

Il y a désormais urgence à ce que l’on se mette autour de la table en essayant de faire fonctionner l’instance nationale du supportérisme et surtout que l’on sorte de l’hystérie et de cette surenchère : banderoles, sanctions, émotions, et hop ça repart avec des chants insultants.

La Ligue réunira le 5 septembre les associations de supporteurs et de lutte contre l’homophobie

Nathalie Boy de la Tour, la présidente de la Ligue de football professionnel (LFP) a annoncé, jeudi 29 août sur franceinfo, qu’elle réunira, « le 5 septembre, la Ligue des associations de lutte contre l’homophobie, l’association nationale des supporters et quelques autres associations de supporters de façon à ce que nous puissions débattre tous ensemble ». Outre cette réunion, est prévu « le 11 septembre un séminaire des référents supporters », a-t-elle ajouté. « Ce sera la première fois. La Dilcrah (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT) interviendra et nous sensibiliserons nos référents supporters. Nous ne voulons pas travailler contre les associations de supporters, nous voulons travailler avec les associations de supporters. »

Derrière tout cela, il y a un vrai problème d’homophobie dans les stades mais aussi plus globalement au sein du football. Les supporteurs sont-ils une cible plus facile que, par exemple, certains capitaines de Ligue 1 qui avaient « omis » de porter un brassard arc-en-ciel lors d’une récente opération de sensibilisation à la lutte contre l’homophobie ?

Il est très important de le dire : il y a une absolue nécessité de travailler à lutter contre l’homophobie dans le sport. Il n’y a rien à redire au chantier enclenché par Roxana Maracineanu, d’ailleurs les autorités auraient dû le mener bien avant.

Il faut en revanche un plan d’action global : au sein des clubs, des centres de formations et auprès des associations de supporteurs. Il faut un véritable travail d’éducation des joueurs, éducateurs, supporteurs…

Les acteurs doivent prendre conscience des difficultés pour un footballeur ou un supporteur de se déclarer homosexuel. C’est regrettable que la manière dont on traite ces problématiques ne permette pas de faire avancer la prévention et l’intégration de la communauté LGBT dans le football et le sport en général en tant que pratiquant et spectateur.

Lire aussi Lutte contre l’homophobie dans les stades : « La difficulté, c’est de dépasser aussi bien l’indignation que le déni »

N’y a-t-il pas aussi une difficulté à caractériser ce qui est homophobe et ce qui ne l’est pas ?

On en est à tenter de distinguer si ces chants et ces banderoles sont homophobes ou pas comme si les choses étaient binaires. Il me paraît déjà important de distinguer les chants entre eux, qui ne sont pas tous insultants de la même manière et n’ont pas tous recours au même registre discriminant. De plus, tous les supporteurs n’ont pas forcément d’intention discriminatoire dans ces chants.

La spécificité des ultras est aussi de jouer souvent sur plusieurs niveaux. Ils oscillent toujours entre l’ironie et l’agressivité, en cherchant systématiquement à taper où ça fait mal et à déstabiliser l’autre.

Il y a un travail à effectuer sur ce que les supporteurs appellent le folklore

En ce qui concerne les banderoles niçoises hier – « LFP/Instance : des parcages pleins pour des stades plus gay » et « Bienvenue au groupe Ineos [qui vient de racheter le club] : à Nice aussi on aime la pédale ! » –, les supporteurs vont dire qu’elles sont à lire au second degré. Mais d’un autre côté, il n’empêche qu’elles utilisent un certain registre discriminant.

Il faut aussi que les supporteurs comprennent que, même sans intention homophobe, certains de leurs chants ou banderoles peuvent être blessants et mal perçus.

Il y a un travail à effectuer sur ce qu’ils appellent le folklore. Trente ans en arrière, dans les stades français, il y avait des cris de singe et des jets de banane en direction des joueurs noirs. C’était soi-disant du folklore. Il y a eu une prise de conscience des supporteurs, qui, s’il y a eu quelques sanctions à l’époque, ont arrêté d’eux-mêmes ces comportements racistes.

Aujourd’hui, quasiment plus personne ne se comporte ainsi à l’exception malheureuse de quelques groupuscules ouvertement d’extrême droite dans certaines tribunes. C’est ce que j’aimerais que l’on enclenche sur ce sujet en réunissant les associations de supporteurs et celles de lutte contre l’homophobie.

Ne se pose-t-il pas la délicate question de l’exemplarité demandée au football et à ces différents acteurs ?

Que veut-on faire des stades ? Ils ont longtemps été des exutoires, on y tolérait plein de choses, sans doute trop… Aujourd’hui, on veut en faire un endroit parfait, où l’on ne fume pas, ne boit pas et ne dit pas d’insultes.

Il serait plus efficace de définir une ligne jaune de l’intolérable et de préserver un espace de liberté acceptable. C’est toute l’ambiguïté de la politique de la ministre Maracineanu : on ne sait pas si elle vise l’ensemble des injures ou seulement celles qui sont discriminatoires.


Les supporters privés de leurs droits dans l’indifférence générale

https://www.flickr.com/photos/mcanevet/296683793
Stade de la Beaujoire, Nantes © Flick

Chaque week-end, des centaines de citoyens voient leurs libertés remises en question, et sont interdits de pénétrer dans des lieux publics sans aucune raison apparente. Ces cas, loin d’être isolés, n’ont pas lieu à Moscou ni à Pyongyang, mais à Metz, Strasbourg ou Nice. En effet, dans une indifférence médiatique et politique quasi générale, les interdictions de déplacement de supporters de football se multiplient. Des mesures souvent disproportionnées, qui suscitent la colère dans le monde du football. 


Si vous êtes originaire des Alpes-Maritimes, il valait mieux vous tenir à l’écart de l’agglomération nîmoise ce samedi 17 août. En effet, en prévision d’un match opposant le Nîmes Olympique à l’OGC Nice, le préfet du Gard a dans un premier temps empêché par un arrêté les supporters niçois de se rendre au stade, puis, craignant des débordements, a saisi le Ministère de l’Intérieur qui a de son côté interdit le déplacement de « toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de l’OGC Nice, ou se comportant comme tel, entre les communes des Alpes-Maritimes et de Nîmes ». Toute personne refusant de se soumettre à cette règle risquait jusqu’à 6 mois de prison et 10 000 € d’amende.

Des arrêtés qui se multiplient sans raison

Des mesures hautement liberticides comme celle-ci, qui restreignent de façon volontaire le déplacement de citoyens sans raison apparente, le football français en a connu d’autres ces dernières années. Apparues en 2011 dans le cadre de la loi de prévention LOOPSI 2 pour faire face à des situations dites « extrêmes », celles-ci se sont très largement répandues aujourd’hui jusqu’à être généralisées dans le monde du football. Jugez plutôt : prononcés seulement trois fois pour la saison 2011-2012, ces arrêtés ont été émis à 102 reprises la saison passée. Cette année, et alors que les affaires footballistiques n’ont repris que depuis un petit mois, les préfets ont réussi leur début de saison avec des statistiques impressionnantes, cumulant déjà une douzaine d’arrêtés.

Concrètement, les arrêtés dont il est question peuvent aboutir à deux sentences différentes : l’encadrement ou l’interdiction de déplacement. Il est très important de saisir cette nuance : dans le cas d’un déplacement interdit, aucun supporter de l’équipe qui joue à l’extérieur n’est admis à l’intérieur du stade. Si le déplacement est encadré, le nombre de fans admis en parcage (la tribune réservée aux supporters visiteurs) est restreint. Ceux-ci sont escortés par des forces de l’ordre, et sont interdits de se rendre dans des zones jugées « à risque », comme les abords du stade ou le centre-ville. La plupart du temps, « toute personne se prévalant de la qualité de supporter ou se comportant comme tel » est empêchée d’arborer les couleurs de son équipe.

http://www.association-nationale-supporters.fr/wp-content/uploads/2019/08/Arrêté-Nîmes-Nice-Août-2019-Ministériel.pdf
© Capture d’écran : Journal officiel de la République française

Comment expliquer cette augmentation drastique du nombre d’arrêtés ? Le contexte sécuritaire dans lequel est plongée la France depuis ces dernières années, entre plan Vigipirate et forte mobilisation policière lors des manifestations des gilets jaunes, n’explique qu’en partie ces interdictions. « Cela ressemble à de la facilité. Les préfets interdisent les déplacements pour être surs de ne pas avoir de problèmes », note la journaliste Virginie Phulpin, l’une des rares à évoquer le sujet à une heure de grande écoute.

En effet, et si ces arrêtés pourraient être compréhensibles pour des matchs entre équipes rivales (Saint-Étienne – Lyon ou Marseille – PSG, par exemple), comment justifier que des duels entre Reims et Strasbourg ou Lens et Le Havre en Ligue 2 fassent l’objet d’une telle restriction de déplacement ? À ce sujet, les explications inscrites sur les arrêtés sont souvent exagérées, voire grotesques. L’Équipe s’était d’ailleurs amusé à regrouper les raisons les plus absurdes invoquées par les préfets.

On y apprend par exemple que le déplacement des supporters nantais à Reims a été restreint en raison de la Saint-Patrick, ou encore que l’ouverture des soldes d’hiver à Troyes aurait pu empêcher les supporters rennais de se comporter convenablement. Plus étonnant encore, les préfets ne s’embêtent désormais plus à trouver une justification : le simple antécédent d’interdit est une raison suffisante pour restreindre les mobilités. Comprenez : l’interdiction de déplacement des supporters lyonnais à Dijon en 2018 justifie que le même arrêté soit réutilisé en 2019.

« On est traités comme des terroristes »

Avec cette inflation d’encadrements et d’interdictions de déplacement, les autorités participent activement à la restriction des libertés des supporters. En effet, si l’on pourrait considérer un encadrement comme un « moindre mal », émettre un tel constat serait insuffisant, ne permettant pas de prendre la mesure des conséquences de ces restrictions. Stéphane*, supporter du FC Metz, raconte ainsi son déplacement à Strasbourg pour le compte de la première journée de Ligue 1 : « Je pars de chez moi à 10h du matin pour aller à 17h dans un lieu situé à 1h30 de chez moi. Je regagne le bus, puis arrivés au stade sous escorte, après quelques noms d’oiseaux avec les Strasbourgeois (rien de bien méchant), on est tout de suite entourés par les forces de l’ordre qui nous font poireauter sur le parking. En arrivant à l’entrée du parcage, la sécurité nous demande d’enlever nos lunettes de soleil. On nous annonce qu’on doit ‘passer devant la caméra’. On s’exécute, en faisant quand même remarquer qu’on est traités comme des terroristes ».

« Terroristes », « criminels » ou « fichés S » sont autant de termes qui reviennent très fréquemment dans les récits des supporters interrogés. « Et encore, c’était pire il y a deux ans pour le même déplacement, continue Stéphane. Cette fois-ci, pas de noms d’oiseaux, nous avons été accueillis sur le parking directement avec des boucliers et des gazeuses avec volonté manifeste d’échauffer les esprits. On est retenus sur le parking jusqu’à quasiment louper le coup d’envoi, et pendant notre absence les bus sont fouillés. À la sortie du stade, une petite grille seulement est ouverte, laissant passer les supporters au compte-goutte sous une pluie de coups de matraques ». Habitué des déplacements depuis vingt ans, Stéphane admet volontiers qu’il s’agit de l’expérience la plus violente qu’il ait connue.

Si les conditions de déplacement racontées par le supporter messin peuvent à la limite être justifiées par la rivalité régionale existant de longue date entre son équipe et le RC Strasbourg, l’expérience vécue à Reims par Fabien, supporter amiénois, est totalement incompréhensible. Alors qu’aucune animosité n’existe entre les fans des deux équipes et qu’aucun arrêté restrictif n’avait été mis en place pour ce match, les 300 supporters de l’Amiens SC « dont une grosse partie de supporters ‘lambdas’ et de familles » ont eu droit à un accueil triomphal. « Nous étions attendus par une armée de policiers équipés de matraques, de boucliers et se montrant très agressifs sans aucune raison apparente puisque nous étions encore dans le bus », développe Fabien qui joint la photo ci-dessous légendée « traités comme des criminels pour 4 pauvres fumigènes ». Et le supporter picard de conclure : « les familles venues pour suivre leur équipe de cœur ne reviendront probablement plus à cause de l’accueil des cow-boys à matraques ».

© Fabien, supporter amiénois après la rencontre Reims-Amiens

Pire, les arrêtés sont souvent pris deux ou trois jours avant les matchs, coupant l’herbe sous le pied de supporters ayant posé des jours de congés ou réservé des billets de train pour l’occasion. « C’est usant de ne jamais pouvoir prévoir, reprend Stéphane. On ne sait jamais où on va pouvoir aller, ces déplacements ont un coût. On est en stress jusqu’au jeudi qu’un arrêté nous tombe dessus pour gâcher notre week-end. Je regrette le temps où on pouvait aller dans toutes les villes en voiture, arborer ses couleurs en risquant tout au plus un peu de chambrage ».

Les quotidiens décrits par ces fans sont transposables à des milliers d’autres supporters injustement réprimés par les instances. S’il existe encore quelques hooligans en France – pourtant « minoritaires » et ne concernant que « quelques clubs », aveu du chef de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme –, des mesures d’une telle violence sont-elles justifiées ? Certainement pas, d’autant que la France est le seul pays à les appliquer. Chez nos voisins espagnols, anglais, portugais ou allemands, il est presque impossible de voir un parcage vide.

Au contraire, il est même très fréquent de croiser des milliers de supporters qui se déplacent pour un même match outre-Rhin. « Les déplacements ne posent aucun problème en Allemagne, indique Mathéo Rabanowitz, spécialiste du football allemand et fondateur du média Fussball Meister. J’ai notamment été voir un Berlin-Hambourg, et malgré la rivalité qui existe entre les deux clubs, les supporters entraient par la même porte sans qu’il n’y ait de problèmes. La Polizei était évidemment présente en très grand nombre, mais à aucun moment elle n’a eu besoin de tirer des lacrymos ou de matraquer les gens au hasard dans la foule. A contrario, étant bordelais, j’ai assisté à cette situation de violence lors des matchs face à Toulouse, Nantes ou Marseille ».

On ne peut pour autant pas vraiment dire que les supporters toulousains, parmi les plus calmes de France, soient plus dangereux que les milliers d’hambourgeois dont certains peuvent être violents. « Les seuls problèmes sont avec des groupes de certains clubs, mais la Polizei réagit très vite lorsqu’il y a un début d’envahissement de terrain ou de rixe », conclut Mathéo Rabanowitz.

La comparaison entre France et Allemagne présentée ici a d’ailleurs viré à la caricature lors du match de Coupe d’Europe entre le RC Strasbourg et l’Eintracht Francfort le 22 juin dernier. Habitués à se déplacer en très grand nombre dans toute l’Europe (ils étaient 13 000 à Bordeaux en 2013, laissant un très bon souvenir à l’ensemble de la ville), les Allemands ont vu leur venue limitée à 600 personnes en Alsace. Ainsi, alors qu’ils étaient plus de 8 000 pour un match à Chypre un jeudi soir en plein mois de novembre, les supporters de l’Eintracht étaient dix fois moins nombreux pour un match à deux cents kilomètres de chez eux au mois d’août.

Et comme si limiter drastiquement leur venue en nombre ne suffisait pas, le préfet du Bas-Rhin – en très grande forme en ce début de saison, cumulant un sans-faute avec 4 arrêtés pour 4 matchs – a décidé de renforcer le dispositif de sécurité. Les supporters de Francfort étaient interdits de circuler aux abords du stade de la Meinau pendant toute la journée, et des camions, voitures, motos, hélicoptères, chevaux et même canons à eau de police étaient prévus. Les bars étaient fouillés, et le moindre contact entre Français et Allemands immédiatement réprimé.

France – supporters, un mal profond

À travers ces différents épisodes, un constat est clairement à établir : oui, la France a un problème avec ses supporters. Et le pire, c’est qu’aucun dialogue n’est vraiment mis en place entre les fans et les autorités, ces dernières se contentant d’une répression préventive. Le dernier exemple en date, concernant les chants « homophobes » des supporters, fait office de cas d’école pour décrire ce phénomène. Alors que des slogans « la Ligue, on t’enc*le » étaient scandés, la Ligue de Football Professionnelle (l’instance gérant les compétitions nationales) a décidé d’arrêter temporairement les matchs afin de culpabiliser les supporters fautifs sous couvert de lutte contre l’homophobie.

Soyons clair, si la présence d’homophobie dans le monde du football est malheureusement indéniable (lire à ce sujet l’excellent dossier publié sur le blog Fausse Touche), l’intervention immédiate de personnalités politiques, comme la ministre des Sports Roxana Maracineanu, semble relever de l’opportunisme visant, une fois de plus, à faire passer les supporters dans leur ensemble pour de vilains petits canards. Ces chants, qui révélaient le mécontentement des fans, sans aucune volonté de blesser qui que ce soit, apparaissant comme la réponse à une politique hostile à toute forme de dialogue avec les supporters.

Sans justification convaincante, les interdictions et encadrements de déplacement risquent bien de se retourner contre leurs émetteurs.

Ce mépris de classe ambiant de la part des élites vis-à-vis des supporters de football a notamment été mis en évidence lors du débat sur la présence d’alcool dans les stades. Alors que le champagne coule à flot dans les loges VIP des différents stades, il n’est vraisemblablement pas question d’autoriser la vente de bière pour les supporters « lambdas » situés dans les tribunes classiques. Le « danger » que représente l’alcool pour Agnès Buzyn semble ainsi à géométrie variable, tout comme les interventions des personnalités politiques qui ne se privent pas de mettre des centaines de milliers de supporters dans le même sac lorsque l’un d’entre eux commet un écart qui, s’il est évidemment répréhensible, n’engage en aucun cas ses « collègues de tribunes », mais évitent étrangement le sujet lorsqu’il s’agit d’évoquer les discriminations et privations de liberté auxquelles sont soumis les fans.

Certains supporters ont toutefois choisi de s’organiser pour défendre leurs droits. L’Association nationale des supporters (ANS) se fait ainsi le porte-voix des différentes revendications exprimées par les supporters, sans pour autant être considérée par les instances. Comme le signe d’un ras-le-bol permanent, des journalistes sportifs ont récemment pris position en leur faveur, et l’OGC Nice a annoncé avoir défendu une requête devant le tribunal de Nîmes suite à l’arrêté cité en préambule.

Sans justification convaincante, les interdictions et encadrements de déplacement risquent bien de se retourner contre leurs émetteurs. Ils ne représentent par exemple pas une bonne publicité pour une LFP qui, complice à défaut d’avoir le pouvoir de mettre en place les arrêtés, est obsédée par l’image que renvoie le football français pour négocier des nouveaux droits de diffusion à l’étranger. Avec un spectacle pas toujours au rendez-vous sur le terrain, il sera encore plus difficile de convaincre les téléspectateurs chinois ou américains lorsque ceux-ci verront des tribunes vides et sans ambiance.

Dans le même temps, des actions collectives sont menées par les supporters. La plateforme de covoiturage StadiumGo permettant de faire voyager des fans ensemble a vu le jour, et on ne peut que recommander les différentes expériences vécues par les groundhoppers (voyageurs mêlant découvertes culturelles et présence dans les stades) répertoriées sur le site au-stade.fr. Preuve s’il en est qu’à défaut de pouvoir pleinement jouir de leurs droits, les supporters ont encore des idées.

 Elio Bono 

* : Le prénom a été modifié


 

Ligue 2: Nancy-Le Mans interrompu en raison de chants homophobes « « On ne peut plus rien dire »

Un point de vue exposé dans la Tribune libre de BreizhInfo.com

« La rencontre de la 4e journée de Ligue 2 entre Nancy et Le Mans a été arrêtée pendant quelques instants en première période à la demande de l’arbitre, Mehdi Mokhtari, et du délégué de la LFP Alain..

Désormais, les supporteurs savent à quoi s’en tenir. Eux qui sont traités comme des animaux dans les espaces visiteurs sans que cela ne choque la ministre des Sports ou les associations de lutte contre l’homophobie, eux à qui l’Etat interdit de se balader en ville alors même que les autorités laissent des dealers et des délinquants clandestins parader en toute impunité dans certains centre-villes. Eux que la ministre entend montrer du doigt, punir, dénoncer, alors même qu’elle ira applaudir l’équipe de France au Qatar pour la Coupe du monde 2022, pays dans lequel les musulmans homosexuels risquent la peine de mort.

Un chant « classique » = une suspension de match. Et pourquoi pas demain, des interdictions de stade ? Et la prison ? Et la publication de photos de vous dans le journal ? Votre identité ? Des appels au lynchage ? Une mort économique, sociale, un licenciement ? Ne riez pas trop vite, car ce dont vous riez hier encore arrive aujourd’hui.

Notre société prend de plus en plus une pente très dangereuse. Des lobbys non élus, représentants des toutes petites minorités, des lobbys de plus en plus influents, et prétendant agir au nom de victimes (qui bien souvent n’ont rien demandé) et de bons sentiments (au nom du très manichéiste « bien » contre le mal), s’acharnent, œuvrent, influencent, menacent, éduquent, attaquent, placent leurs pions dans toutes les sphères du pouvoir, de l’administration, de notre système « démocratique ».

« On ne peut plus rien dire » chantait l’acteur Didier Bourdon  qui serait possiblement en prison, ou forcé de faire son autocritique ou encore de suivre un stage de « sensibilisation » (pour ne pas les nommer rééducation) si les Inconnus cartonnaient aujourd’hui.

Et que dire de cette scène culte du film « Le Père Noël est une ordure » , que nous vous proposons de découvrir ci-dessous :

Nous rentrons dans une ère où chacune de vos déclarations, de vos phrases, y compris en privé, doit être mesurée, sous peine de lynchage possible, de poursuites mêmes. Une société où vous êtes jugé par la foule, par les réseaux sociaux, par les journalistes, avant même d’être passé devant les tribunaux.

Les pires régimes totalitaires en ont rêvé, notre société dite « démocratique », cette Open Society chère à Soros, le réalise. La société de l’auto-contrôle, au nom de la dictature des minorités. Nous sommes en plein dedans.

Pour les dissidents, pour les esprits libres, les temps sont durs. Psychologiquement, il est parfois difficile, chaque jour qui passe, de constater à quel point notre société s’enfonce dans une soft dictature dans laquelle les citoyens acceptent de devenir des esclaves volontaires, acteurs de leur propre soumission.

Mais tant qu’il restera un peu de vie dans ce pays, il faudra rester fidèle à cette devise : « mieux vaut vivre un jour en lion, que cent en mouton ».

Ah au fait, je t’encule Thérèse. Je te prends, je te retourne contre le mur, et je t’encule !  »

Julien Dir.


Quand, en 2016, le Parc des Princes chantait «Liberté pour les ultras»

Article publié dans L’Equipe du 15 mai 2016

Nasser Al Khelaïfi a entendu un chant inattendu venu des tribunes. (P. Lahalle – L’Equipe)

Le public du Parc des Princes a poussé un chant de soutien aux ultras lors du discours de remerciement de Nasser Al-Khelaïfi.

A l’issue du match de la 38e journée contre Nantes (4-0), le PSG a organisé une cérémonie pour fêter son quatrième titre consécutif. Installé sur le podium au milieu du terrain pour un discours de remerciement, Nasser Al-Khelaïfi a été accueilli par un chant puissant venu des tribunes «Liberté pour les ultras». Après avoir esquissé un sourire, le président du PSG n’a pas répondu et s’est contenté de glisser dans son discours : «Vous êtes les meilleurs supporters de France.» Une phrase accueillie par des applaudissements et des sifflets. Au PSG, les associations d’ultras ont disparu après la mise en place du plan Leproux, du nom de l’ancien président du club.

En savoir plus sur …

L’Association Nationale des Supporters


Une réponse sur “Entre homophobie et ultra-mots phobie …”

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