Selon les récentes études d’opinion, le désamour des Français pour leur classe politique nationale s’est aggravé depuis la dissolution. Pour le Conseil Économique Social et Environnemental dans son « Rapport annuel sur l’état de la France 2024″, il est urgent de revoir notre culture, nos méthodes, nos pratiques démocratiques : les citoyens attendent d’être acteurs des sujets qui les concernent …
1 Français sur 4 n’a pas le sentiment de faire pleinement partie de la société : le CESE appelle à renforcer le pouvoir d’agir des citoyens pour sortir de la crise démocratique. En s’appuyant notamment sur un sondage exclusif réalisé par l’institut Ipsos, le CESE dresse un diagnostic des préoccupations des Françaises et Français à l’automne 2024. Dans une actualité politique et budgétaire complexe, quelques mois après la dissolution de l’Assemblée nationale, le rapport souligne que les préoccupations financières perdurent, des inégalités se creusent et alimentent un sentiment de mise à l’écart de la société doublée d’une défiance vis-à-vis du personnel politique. Une vidéo de 3’45″…
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Le RAEF propose une analyse des forces et des fragilités de la France, des Français et des Françaises en 2024, à travers un sondage et plusieurs focus thématiques et indicateurs socio-économiques.
Des inégalités qui se multiplient et se cumulent
Le RAEF alerte sur le fait que Les Français et les Françaises font toujours face à des difficultés financières importantes : le ralentissement récent de l’inflation est loin d’avoir neutralisé ses effets cumulés depuis deux ans. 45 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat permet seulement de répondre à leurs besoins essentiels voire ne le permet pas (soit trois points de plus que l’an dernier).
Il faut engager une « bataille de la proximité » et aller au-delà des moyennes statistiques qui gomment les nuances afin d’appréhender plus précisément les difficultés rencontrées par les personnes.
Les inégalités sont observées à plusieurs niveaux de la société et, en dépit d’un système de redistribution puissant, certaines catégories et certains territoires accumulent les désavantages. Le sondage CESE-Ipsos révèle par ailleurs que, dans l’esprit des Français et des Françaises, les inégalités ont des causes multiples : disparités salariales, discriminations, inefficacité du système de redistribution, détournement des règles par certains, ou encore iniquités territoriales dans l’accès aux services.
58 % des Français éprouvent des difficultés d’accès au logement ; ce chiffre s’élève à 84 % pour les DROM
Des conséquences très concrètes sur la démocratie
L’absence de perspective, le sentiment de subir davantage d’inégalités que la moyenne, et les difficultés d’accès à certains services publics peuvent alimenter un sentiment d’injustice et d’exclusion. En résulte un moindre attachement au système démocratique.
23 % des personnes interrogées estiment que la démocratie n’est pas le meilleur système politique existant.
De plus, 76 % estiment que les femmes et les hommes politiques sont déconnectés des réalités vécues par les citoyens et les citoyennes : comment alors faire confiance aux personnels politiques pour répondre de façon pertinente à leurs préoccupations ?
🔎 Pour aller plus loin avec le baromètre de la confiance politique : Le CESE est partenaire du CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) qui établit chaque année le baromètre de la confiance politique. Cliquer ici pour découvrir les derniers résultats.
Renforcer le pouvoir d’agir et associer les citoyennes et les citoyens
S’il existe des dispositifs consultatifs impliquant les citoyens et les citoyennes, il s’agit aujourd’hui de se donner les moyens de passer à la co-construction sur un plus grand nombre de sujets. Le renforcement de la légitimité du citoyen dans la construction des décisions, tant au niveau local que national, alimente le cercle vertueux par lequel le citoyen se sent investi d’un pouvoir d’agir.
Le CESE rappelle la propension extraordinaire des Français et des Françaises à s’engager au quotidien : la vitalité associative dans tous les territoires en témoigne. Cette société engagée constitue une force considérable sur laquelle s’appuyer pour lutter contre les inégalités.
© Renaud Combes
La méthode du Rapport annuel sur l’état de la France
Le RAEF propose un diagnostic de la situation économique, sociale et environnementale de notre pays pour éclairer et influencer les politiques publiques. Le rapport du CESE analyse l’état de la France, des Français et des Françaises, en croisant différents indicateurs quantitatifs et statistiques.
Le rapport s’articule autour de trois volets :
→ Le sondage exclusif d’Ipsos pour le CESE permet d’évaluer le niveau de bien-être des Français et des Françaises, leur niveau d’optimisme pour eux, pour leurs enfants, pour l’avenir du pays et celui de la planète et de la nature, ainsi que leurs sources d’inquiétudes.
→ Les notes focus du CESE approfondissent certaines questions en prise avec l’actualité. Ces notes proposent une analyse des enjeux démocratiques portant sur différents pans des politiques publiques (environnement -pacte vert, biodiversité-, éducation -démocratie à l’école, éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle-, travail et logement) ainsi que sur des questions transversales telles que la dette publique ou encore le pouvoir d’achat.
→ Les analyses de onze d’indicateurs socio-économiques quantitatifs et qualitatifs : mixité sociale à l’école, espérance de vie en bonne santé, rénovation des logements, victimes de violences sexistes et sexuelles, temps de vie et transports, PIB, énergies renouvelables, artificialisation des sols, attractivité-réindustrialisation et effort de recherche, gestion de l’eau dans les Outre-mer.
La rapporteure : Claire Thoury est une sociologue, spécialiste des questions d’engagement, elle est Présidente du Mouvement associatif. Elle siège au CESE au sein du groupe des associations et est membre de la commission économie et finances et de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité.
« Tout désir semble avoir disparu du débat public » : décrochage vertigineux entre les Français et la politique depuis la dissolution
Une panne de désir et une colère latente : un article signé Martin Vaugoude dans Le Télégramme du
Tous les mois, l’institut de sondages Odoxa réalise un baromètre politique pour la presse régionale. Avec des questions classiques sur la popularité de nos dirigeants. Mais également une analyse fine des réseaux sociaux, réalisée en collaboration avec le cabinet de conseil Mascaret. La dernière synthèse, diffusée cette semaine, revient sur la grande désillusion provoquée par la séquence politique actuelle. « Les législatives surprises de juin, suivies des alliances et contre-alliances parlementaires, puis de la mise en place laborieuse d’un gouvernement reposant sur une fragile majorité relative, n’en finissent pas de produire leurs effets repoussants sur l’opinion numérique », relèvent Yves Censi, Laure Pallez et Benjamin Grange dans cette note.
« L’intérêt des internautes pour la politique n’a cessé de chuter de manière spectaculaire, avec une baisse de 20 % des mentions depuis juin et une diminution vertigineuse de 60 % de l’engagement en ligne. Après cinq mois de revirements politiques et sous la pression anxiogène du primat budgétaire, tout désir semble avoir disparu du débat public », constatent-ils. Un risque est pointé : « Que cette spectaculaire perte d’intérêt pour l’action politique soit en fait un retrait de vague précurseur d’un tsunami de frustrations et de contestations, prompt à s’exprimer dans un mouvement social à venir. »
L’attachement à la démocratie est mis à l’épreuve par la perception d’une classe politique déconnectée des préoccupations des citoyens
Dans toutes les études d’opinion récentes, les Français expriment une grande insatisfaction concernant la façon dont la démocratie fonctionne dans leur pays. 74 % d‘entre eux affirment que la situation s’est dégradée depuis cinq ans, selon le dernier baromètre « État de la démocratie » dévoilé mi-novembre par l’institut Ipsos. « L’attachement à la démocratie est mis à l’épreuve par la perception d’une classe politique déconnectée des préoccupations des citoyens », observe Brice Teinturier, directeur général d’Ipsos. Selon les données recueillies cet automne par cet institut, plus des trois quarts des Français considèrent que « tous les hommes et femmes politiques sont déconnectés des réalités des citoyens ». Et seulement un peu moins de la moitié juge qu’il y a des responsables politiques qui se soucient de leurs préoccupations et méritent leur vote.
Des partis politiques trop centrés sur les élections
Signe supplémentaire de cette défiance, huit Français sur dix ont une mauvaise opinion des partis politiques, comme le révélait fin octobre un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro. Pour 72 % des sondés, les appareils partisans sont trop centrés sur les élections. Et ils sont perçus comme n’étant ni honnêtes (90 %) ni crédibles (85 %).
Toujours selon cette étude d’opinion, seulement 15 % des Français estiment que « le pouvoir politique a bien tenu compte du vote des électeurs » à l’issue des derniers scrutins nationaux.
Selon le directeur général de l’Ifop, Frédéric Dabi, un élément supplémentaire est venu saper la confiance : la situation budgétaire mal anticipée. « En un an, la dette a gagné environ dix points d’intérêt sur les thèmes prioritaires aux yeux des Français », soulignait-il récemment auprès de Marianne. Lançant un avertissement : « Le glas va sonner pour quasiment tout le monde. C’est la classe politique dans son ensemble qui va être fragilisée. Seuls ceux qui n’ont jamais été au pouvoir risquent d’en bénéficier. »