Menaces de mort, création de leur « propre milice » contre les zadistes … Les pro-autoroute A69 s’organisent sur Facebook et TikTok. Derrière ces comptes, des hommes pour beaucoup, dont des élus et ouvriers, affiliés à l’extrême droite … Malgré cela, les derniers « écureuils » résistent, mais pour combien de temps encore ? Des articles terrifiants à lire dans Reporterre … Et avant tout, histoire de nous rafraîchir la mémoire , cette vidéo de 2’59 » signée France Inter diffusée en novembre 2022. Il était encore temps pour la Première Ministre de l’époque de renoncer au projet aberrant de l’A69 …
« Tirer à vue » : des pro-A69 appellent au meurtre sur les réseaux sociaux …
Un article signé Justin Carrette dans Reporterre du 20 septembre 2024 …
«Il y a de quoi devenir violent contre ces racailles de zadistes, à quand une expédition punitive?» Dans ce commentaire, posté sur la page Facebook Association Via81 le 27 mai dernier sous un article de presse relatant la garde à vue d’opposants à l’A69, le ton est décidé, la légalité ignorée. « On va monter notre propre milice », approuve L. sur le groupe Facebook Pour l’autoroute A69. D’autres messages ressemblent même à des appels au meurtre. « Il faut une méthode radicale, moi il me reste des cartouches », dit S. sur ce même groupe. « Je suggère de sortir le calibre 12 », renchérit I. sur la page TikTok @PourlautorouteA69.
Voici quelques exemples parmi d’autres des publications et commentaires publics incitant à la violence contre les opposants à l’autoroute A69. Ils circulent en grand nombre sur certains groupes Facebook ou pages TikTok, et témoignent du climat délétère qui s’est instauré autour des militants opposés au bétonnage des 53 km de l’A69 entre Toulouse et Castres.
La page TikTok @PourlautorouteA69 cumule presque 900 abonnés. Le groupe Facebook Pour l’autoroute A69 et la page Association Via81 en compte près de 4 000. Ils ont été créés par les entrepreneurs castrais Anthony Frandsen et Guy Bousquet, deux figures des pro-A69 qui font régulièrement des apparitions dans la presse nationale et régionale. Contactés par Reporterre, ils n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
En mars dernier, une vidéo postée sur la page @PourlautorouteA69, montrant ce qui semble être une confrontation entre des ouvriers du chantier et des opposants à l’autoroute, où l’on peut entendre des insultes et voir des jets de pierre de la part de personnes masquées, a cumulé près de 70 000 vues et 735 likes. L’auteur de la vidéo légende ironiquement « Voici les gentils pacifistes opposants de l’A69 ».
« Tirer à vue », « sortir le calibre 12 », « légaliser la purge »…
La grande majorité des 204 commentaires contient des insultes à l’encontre des opposants à l’autoroute, appelés régulièrement les « pue-la-pisse ». D’autres sont plus explicites, incitant à une action violente en représailles. R. écrit qu’« une petite chasse s’impose », U. suggère de « tirer à vue », D. propose « l’autorisation du LBD dans la tête » (un lanceur de balles de défense), R. de « légaliser la purge, on se chargera du reste », F. de « sortir le calibre 12 », et I. écrit « cassez-les bordel ». Contactés via la messagerie Facebook, les auteurs de ces commentaires n’ont pas répondu aux sollicitations de Reporterre.
Ces messages sont illégaux : leurs auteurs peuvent être condamnés à un an de prison et 45 000 euros d’amende pour incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination. La peine peut être plus lourde s’il est prouvé qu’un crime ou un délit a eu lieu en raison de ce type de message. « Le parquet de Toulouse pourrait très bien se saisir de ces appels à la haine sans nécessairement que quelqu’un signale ce contenu, et ainsi fermer les comptes ou les groupes où l’on retrouve ce genre de messages », indique à Reporterre l’avocate des opposants à l’A69, Claire Dujardin.
« Il y a des menaces de mort avec des passages à l’acte dans l’indifférence générale », dénonce Cleme, opposante à l’A69.
Des menaces qui se concrétisent sur le terrain
Ces appels à la violence sont d’autant plus graves qu’ils ont eu des échos sur le terrain. Les opposants à l’A69 ont subi au moins quatre agressions depuis début juin. Le 8 juin, un commando constitué d’une voiture, de buggy et de motos a tenté de mettre le feu à la zad de la Cal’Arbre à Saïx, dans le Tarn, manquant de blesser des militants perchés dans les arbres. Le 13 août, le même mode opératoire s’est répété. Un groupe de trois personnes cagoulées a mis le feu à la voiture d’un militant du Bacamp, un lieu occupé par les opposants, avant d’en asperger un autre d’essence et de prendre la fuite. Le lendemain, un article de presse relatant les faits était partagé sur le groupe Via81. « Qui sème le vent récolte la tempête », écrit K., très actif dans les commentaires.
Sur un profil Facebook public, celui de F., une autre publication est partagée montrant la photo d’un véhicule en feu de la police municipale de l’intercommunalité Sor et Agout, dans le Tarn. F., qui se présente sur son profil comme pompier à Castres, légende : « Il va falloir monter une équipe et montrer à ces troubadours de quoi nous sommes capables… » Une vingtaine de likes et de commentaires encouragent cette proposition. « Perso je suis prêt à fermer les yeux […] si vous passez à l’action, soutien les gars », écrit V.
Postée le 25 août à 21 h 29, la publication de F. prend un tout autre écho quelques heures plus tard. Le 26 août, vers 3 heures du matin, un groupe de personnes cagoulées s’est introduit sur le terrain qu’occupaient la dernière riveraine sur le tracé, Alexandra, sa famille dont un enfant de 4 ans et des opposants à l’autoroute dans la commune de Verfeil, en Haute-Garonne, pour tenter d’y mettre le feu. Une plainte pour « tentative de meurtre » a été déposée le lendemain à la gendarmerie de Balma, près de Toulouse.
Un autre commentaire, écrit en dessous de la publication de F. le 31 août à 2 h 15, est encore plus énigmatique. « J’ai bricolé un truc l’autre jour au lever du soleil pendant qu’ils dormaient, mais cela n’a pas suffi apparemment. Il va falloir que j’y repasse en allant chercher les champignons à la rentrée », écrit un certain M.
Un jour plus tard, le 1er septembre à 7 heures du matin, Alexandra et les opposants à l’A69 présents sur le terrain surnommé la zad du Verger étaient une nouvelle fois réveillés par les flammes. Un groupe d’individus cagoulés a cette fois-ci mis le feu à la voiture de la riveraine et au portail d’entrée avant de prendre la fuite.
Contacté par téléphone, le parquet de Toulouse a répondu à Reporterre qu’il n’y avait aucune « avancée significative » sur cette enquête pour le moment. « L’investigation est en cours et cela va sûrement prendre plusieurs semaines pour recouper tous les éléments et identifier des suspects. »
Alexandra a finalement quitté sa maison, exténuée par les intimidations et les menaces. Elle n’a aucun doute. « Pour moi, ce sont des pro-autoroute, des gens qui veulent nous intimider pour qu’on quitte les lieux au plus vite et qu’ils puissent tout raser », raconte-t-elle.
Quand les messages ne ressemblent pas à des revendications, ils applaudissent les agressions. Le 1er septembre, l’administrateur de la page Association Via81 sur Facebook a partagé un article de La Dépêche sur la tentative d’incendie au domicile d’Alexandra dans la nuit. « Ça c’est ballot. Le 3e incendie c’est quoi ? La maison ? » réagit ironiquement S. Liké par trois personnes, ce commentaire fait tout de même réagir. « On parle quand même de cocktails Molotov lancés sur une habitation avec un enfant de 4 ans à l’intérieur », rétorque J.
Contactée par téléphone sur l’impunité dont semblent jouir les pro-autoroute sur les réseaux sociaux et les actions violentes menées par ces milices cagoulées, la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, qui finance à hauteur de 6 millions d’euros cette autoroute, indique à Reporterre avoir « alerté le préfet de région au sujet de la multiplication et de l’intensification des violences accompagnant le chantier de l’A69 » et « condamne fermement toutes les formes de violence exercées sur le chantier de l’A69 ».
Affiliés à l’extrême droite
Ceux qui postent ces messages sont en grande majorité des hommes issus de tous milieux sociaux et de toutes professions. On compte notamment trois élus dans des communes tarnaises, dont un conseiller municipal à Castres et futur candidat aux municipales en 2026. Sous une photo montrant une construction en bois à la zad de la Cal’Arbre, un commentaire sonne comme une menace. « Avec tous ces feux spontanés dans le secteur, une construction en palettes me semble risquée. » Cette zone avait justement déjà été ciblée et incendiée par une milice cagoulée en juin dernier.
Les profils sont principalement ceux de militants pro-autoroute, qui partagent de
nombreuses publications vantant les bienfaits de l’A69. Beaucoup d’entre eux semblent également partager les thèses d’extrême droite. Ainsi P., très actif sur la page Facebook Association Via81, poste de nombreuses publications de Jean Messiha, soutien d’Éric Zemmour, tout comme Y., qui publie régulièrement des contenus islamophobes et racistes depuis son compte.
P., quant à lui, écrit sous une publication montrant des engins en feu, le 24 mai : « Votons Bardella », tête de liste du Rassemblement national aux dernières élections européennes. V., qui a liké et commenté la publication de F. invitant à « monter » une équipe, est quant à lui un ex-candidat du parti d’extrême droite aux élections départementales du Tarn en 2015.
Sur le groupe Facebook Pour l’autoroute A69, les publications du maire de Lavaur et figure d’extrême droite dans la région, Bernard Carayon, sont régulièrement partagées. L’une d’entre elles, où l’ex-membre du GUD (Groupe Union Défense) qualifie les opposants à l’A69 « d’extrémistes pro-Hamas », récolte quarante likes et une dizaine de commentaires approbateurs. Son fils, pro-autoroute, avait également été candidat du Rassemblement national aux dernières élections législatives dans la 3e circonscription du Tarn.
D’autres profils sont liés à des personnes se présentant comme des ouvriers sur le chantier. Y. poste régulièrement des photos prises depuis son téléphone de l’avancée des travaux ou récemment à l’intérieur de la zad de la Cal’Arbre, juste après l’intervention des forces de l’État, le 30 août. « Faut tout raser », réagit P. sur le groupe Pour l’autoroute A69. Y. se vante également dans plusieurs commentaires d’avoir violenté des opposants : « Quand le zadiste m’a insulté […] je suis descendu de la machine et il a fait une sieste de dix minutes dans le talus », écrit celui qui affirme avoir « 3 Z sur [s]on casque », en référence à trois militants agressés sur le chantier.
Le concessionnaire Atosca n’a pas souhaité répondre aux questions de Reporterre, visant à savoir si l’entreprise avait connaissance de ce genre d’agressions ou de publications sur les réseaux sociaux.
Claire Dujardin, avocate des opposants à l’A69, est perplexe quant à l’impunité qui règne chez les pro-autoroute. « Est-ce qu’il y a une consigne de ne rien faire au niveau pénal ? Ou de se dire que ce n’est pas la priorité ? Ce n’est pas très étonnant. À Sivens [en 2014], c’était la même chose. Les pro-barrage et certains agriculteurs ou chasseurs étaient venus sur la zad et ont commis des violences extrêmement graves, sans être inquiétés », souligne l’avocate.
Accrochés dans leurs cabanes et sur le toit de l’ancienne maison d’Alexandra, une dizaine d’opposants à l’autoroute résistent toujours à Verfeil pour tenter de sauver les derniers arbres encore debout sur le tracé de l’autoroute. Ils tiennent, malgré les menaces et intimidations sur les réseaux sociaux et à l’extérieur.
A69 : les derniers « écureuils » résistent, pour combien de temps encore ?
Les forces de police tentent d’expulser les derniers occupants de la zad du Verger, dernier rempart physique à l’avancée des travaux. Retranchés dans les arbres et sur le toit d’une maison, les opposants à l’A69 résistent. Un article signé Justin Carrette dans Reporterre du 21 septembre 2024 …
Verfeil (Haute-Garonne), reportage
« À ton avis, ils s’arrêteraient s’ils tuaient quelqu’un ou ils continueraient l’autoroute ? » Nous sommes le 20 septembre au matin et des opposants à l’autoroute A69 se réchauffent autour d’un feu de camp et d’un café à la zad du Verger, à Verfeil, en Haute-Garonne. Les militants écologistes échangent de manière décontractée. Quelques minutes plus tard, ils remontent en vitesse leurs bouts de tissu au-dessus du nez — masques, T-shirt enroulé autour du visage — pour ne pas être reconnaissables. Une dizaine de voitures de gendarmerie arrivent à vive allure et pénètrent sur la zone.
Devant l’entrée de la zad, la carcasse encore fumante d’un rouleau compacteur embaume le périmètre d’une odeur nauséabonde. La police scientifique, qui photographie et récolte des indices sur les cendres de la machine, est également sur place. Le compacteur incendié appartenait au groupe NGE-Atosca, concessionnaire de la future autoroute A69 qui doit relier Toulouse à Castres.
La zad du Verger, ou ce qu’il en reste, est le dernier rempart physique à l’avancée des travaux de l’autoroute écocidaire et antisociale. Celle-ci a été créée fin mars dans le jardin d’une famille, qui a depuis accepté de déménager.
« Il n’y a plus aucun arbre »
Non revendiquée, le sabotage intervient cinq jours après le début des opérations de gendarmerie visant à expulser les derniers opposants retranchés en hauteur, dans les arbres et sur le toit d’une maison au cœur de cette ancienne propriété qui se situe en plein milieu du tracé de l’A69.
Ces derniers jours ont été intenses pour les militants. « Regardez autour de vous, il n’y a presque plus aucun arbre. Quand on sait à quoi ressemblait cet endroit avant, cela fend le cœur », lance un zadiste. Encore habité il y a quelques jours par Alexandra et sa famille, le « verger » a été dépouillé depuis leur départ. Les arbres, le potager, le poulailler, la cuisine extérieure… Les machines du concessionnaire NGE-Atosca ont presque tout rasé et ont commencé à terrasser la zone.
Occupation du toit d’une maison sur le tracé
La maison, amochée mais encore debout, est toujours occupée depuis le toit par une dizaine de militants. Leur présence empêche pour le moment le concessionnaire de procéder à sa destruction. Depuis le jeudi 19 septembre, le concessionnaire a décidé d’ériger une énorme butte contre cette maison, en entassant de la terre contre les murs. « J’espère qu’ils savent ce qu’ils font », s’inquiète un zadiste sur le toit, « parce que si la maison s’effondre alors qu’on est dessus, cela va être un drame ! »
Malgré le déploiement de la Cnamo, la cellule de la gendarmerie spécialisée dans les interventions périlleuses, trois arbres restent encore occupés par des militants. « On a l’impression qu’ils ne s’arrêteront devant rien, même s’il y a un mort », dit depuis son noyer une zadiste. « On a déjà eu un camarade qui est tombé l’autre jour de plus de 6 mètres, la Cnamo prend des risques énormes pour nous obliger à descendre », poursuit-elle. Mercredi 18 septembre, alors que la Cnamo tentait de déloger des « écureuils » [le nom donné aux militants perchés dans les arbres] de leurs branches, un opposant à l’A69 a chuté d’environ 6 mètres et s’est fracturé le fémur.
« C’est la quatrième chute en vingt jours », s’indigne un opposant à l’A69 qui soutient jour et nuit les « écureuils » depuis une butte voisine.
Pour les zadistes, cette chute est due à la pression exercée durant plusieurs heures par la Cnamo, qui pousse certains militants à prendre des risques — ils ou elles se décrochent de leurs cordes pour échapper à l’interpellation tout en empêchant l’abattage des arbres. Selon le colonel Stéphane Dalongeville, sur place le 20 septembre au matin comme depuis le début de la semaine, une enquête est actuellement en cours pour déterminer les circonstances de cette chute. « Il y a également une investigation pour l’incendie volontaire de cette machine », précise-t-il en pointant du doigt la carcasse du rouleau compacteur derrière lui.
Lire aussi : Zad contre l’A69 : deux nouveaux blessés lors d’une expulsion matinale
Depuis le 16 septembre et le début de l’opération, huit « écureuils » — le nom des militants qui se perchent dans les arbres — sont descendus volontairement ou de force de leurs arbres. « Même s’ils nous mettent en danger, même si on est constamment sous pression, cela n’enlèvera pas notre détermination, on tentera de sauver ces arbres jusqu’au bout », dit une zadiste depuis son noyer qu’elle a appelé Zineb.