A six semaines du premier tour de l’élection présidentielle, le parquet chilien vient d’annoncer ce 8 octobre, l’ouverture d’une enquête contre le président, Sebastian Piñera, concernant la vente d’une compagnie minière par une entreprise détenue par ses enfants. Une opération citée dans l’enquête « Pandora Papers » du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) …
Plusieurs dirigeants mondiaux ont ainsi dissimulé des avoirs dans des sociétés offshore notamment à des fins d’évasion fiscale. L’enquête, à laquelle ont collaboré environ 600 journalistes, s’intitule « Pandora Papers » s’appuie sur quelque 11,9 millions de documents.
« Pandora Papers » : une enquête ouverte contre le président chilien, Sebastian Piñera
Le parquet chilien a annoncé, vendredi 8 octobre, l’ouverture d’une enquête contre le président, Sebastian Piñera, concernant la vente d’une compagnie minière par une entreprise détenue par ses enfants, une opération citée dans l’enquête « Pandora Papers » du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde est partenaire.
« Le procureur général (…) a décidé d’ouvrir une enquête pénale sur les faits associés à ce qui est connu sous le nom de “Pandora Papers”, liés à l’achat et à la vente de l’entreprise minière Dominga, en lien avec la famille du président Piñera », a déclaré à la presse Marta Herrera, responsable de l’unité anticorruption au sein du bureau du procureur.
Sebastian Piñera a démenti lundi tout conflit d’intérêt dans la vente de la compagnie minière Dominga à un ami proche. La vente a eu lieu en 2010 pendant le premier mandat du chef de l’Etat chilien (2010-2015), à nouveau au pouvoir depuis 2018. « Le procureur général a pris cette décision considérant que ces faits pourraient constituer le moment venu des délits de corruption, avec leur corollaire en matière de dessous-de-table et d’éventuels délits d’ordre fiscal, des questions qui feront toutes l’objet d’une enquête », a ajouté Mme Herrera. Etant donné « la gravité des faits faisant l’objet de l’enquête », l’affaire sera traitée par un parquet régional, en l’occurrence celui de Valparaiso (centre), a précisé la magistrate.
Projet minier de Dominga fortement contesté
Selon les détails rapportés par Ciper et LaBot, médias chiliens intégrant le ICIJ, la famille Piñera a vendu ses parts du projet minier et portuaire Dominga en décembre 2010 à un ami du chef de l’Etat, pour 152 millions de dollars, une transaction en grande partie opérée aux îles Vierges britanniques (BVI).
Le paiement de la transaction en trois versements était conditionné à ce que l’endroit où le projet devait être développé ne soit pas déclaré « zone de protection environnementale » ni transformé en réserve nationale.
D’après l’enquête, le gouvernement de Sebastian Piñera, après avoir rejeté le projet d’une autre entreprise au nom de la défense de l’environnement, n’a finalement pas protégé la zone où l’exploitation minière était prévue, si bien que le troisième paiement a bien été effectué.
Le projet minier de Dominga est fortement contesté en raison de son impact sur l’environnement. Le président chilien a tenu à souligner que les faits rapportés « ne sont pas nouveaux et sont publiquement connus » depuis 2017, lorsqu’une enquête « en profondeur » avait établi qu’aucun délit n’avait été commis de sa part.
« Pandora Papers » est une enquête collaborative menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec 150 médias internationaux, dont Le Monde. Elle repose sur la fuite de près de 12 millions de documents confidentiels, transmis par une source anonyme à l’ICIJ, provenant des archives de quatorze cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore dans les paradis fiscaux (îles Vierges britanniques, Dubaï, Singapour, Panama, les Seychelles…).
Cinq ans après les « Panama Papers », l’enquête révèle l’ampleur des dérives de l’industrie offshore et de ses sociétés anonymes. Elle montre comment ce système profite à des centaines de responsables politiques, et comment de nouveaux paradis fiscaux prennent le relais à mesure que les anciens se convertissent à la transparence.
Au Parlement européen, l’onde de choc des « Pandora Papers »
Strasbourg.– Les Pandora Papers, énième opération de dévoilement de la mécanique infernale des paradis fiscaux ? Oui, mais pas seulement, jugent de nombreux eurodéputés croisés cette semaine dans les couloirs du Parlement à Strasbourg. Pour elles et eux, le principal intérêt de ces révélations réside ailleurs : dans la liste des dirigeants impliqués, révélatrice des compromissions d’un pan de la classe politique européenne.
« On comprend mieux pourquoi ces sujets n’ont pas avancé, alors que l’on en est à notre dixième scandale, avance Manon Aubry (LFI). Une partie de ceux qui sont censés faire la loi la fraudent. » L’écologiste belge Philippe Lamberts renchérit : « Ce qui est particulièrement révoltant, c’est que vous avez une palanquée de décideurs politiques, y compris, passez-moi l’expression, de gauche, qui sont impliqués. »
Pour Aurore Lalucq (PS-Place publique), « ce n’est pas juste un sujet du type : je suis radin et je ne veux pas payer. C’est aussi un sujet fondamentalement démocratique, sur la confiance vis-à-vis des élus qui nous représentent ». Au-delà des cas de Tony Blair ou Dominique Strauss-Kahn, deux noms de politiques toujours en exercice tournent en boucle à la tribune du Parlement européen.
L’actuel ministre des finances néerlandais Wopke Hoekstra, un conservateur devenu l’un des principaux apôtres de l’austérité sur le continent, a investi dans une société boîte aux lettres basée aux îles Vierges britanniques, selon l’enquête du consortium ICIJ. Il a depuis réfuté une partie de ces informations, assurant qu’il n’était pas au courant de la destination finale de l’argent.
Sa présence dans les Pandora Papers interroge, alors que Hoekstra participe, en tant que membre de l’Ecofin, à l’élaboration de la liste des paradis fiscaux de l’UE. Hasard ou pas, cette liste, régulièrement critiquée pour sa brièveté, ne mentionne pas les îles Vierges britanniques, qui apparaissent toutefois comme un rouage clé des montages révélés depuis dimanche. C’est le « comble du cynisme », a résumé en séance la députée belge Saskia Bricmont, à l’égard du ministre néerlandais. Pas plus tard que mardi, les ministres de l’Ecofin ont encore ôté trois territoires de la liste, dont les Seychelles, là encore mentionnées à plusieurs reprises dans les documents.
.Autre figure mise en cause, le chef du gouvernement tchèque Andrej Babis, qui siège à la table du Conseil depuis 2017, a eu recours à des sociétés offshore situées à Monaco et aux îles Vierges britanniques pour acquérir une vaste propriété dans le sud de la France, pour 22 millions de dollars, selon le consortium de journalistes. Ces révélations bousculent le groupe Renew, alors que le parti de Babis, ANO, est allié à LREM au sein de l’hémicycle, et que la formation française a fait de la défense de « l’État de droit » et des « valeurs européennes » sa marque de fabrique à Bruxelles.« Quand je vois à quel point nous avons été harcelés parce que nous faisions partie du même groupe que Viktor Orban [le chef du gouvernement hongrois, qui a quitté le PPE en début d’année – ndlr], cela me semble incroyable que les élus de Renew n’en tirent pas de conséquence », juge François-Xavier Bellamy, à la tête de la délégation LR au Parlement. Et d’insister : « Ce deux poids, deux mesures est proprement hallucinant, d’autant que cela fait longtemps que les détournements de fonds liés à Agrofert [le groupe qu’il a créé – ndlr] sont établis. »
Du côté de LREM, Nathalie Loiseau joue la montre : « Il y a un débat au sein de Renew sur l’ensemble du sujet [des Pandora Papers], et notamment sur le cas de Babis. Bien sûr. Il faut se poser l’ensemble des questions, sans tabou. » Bernard Guetta, lui, a plaidé lors d’une réunion de groupe, lundi à Strasbourg, pour une exclusion des cinq élus tchèques, persuadé que les positions d’ANO sont désormais incompatibles avec les batailles que mène Renew à Bruxelles. Mais le groupe semble vouloir prendre son temps – en tout cas attendre les résultats des élections ce dimanche en République tchèque, où ANO espère obtenir une majorité relative, et décider en fonction du type de coalition, plus ou moins fréquentable, qu’ANO bâtira à Prague pour rester au pouvoir.
La situation est d’autant plus inconfortable, au sein de Renew, que son président, Dacian Ciolos, vient de démissionner, appelé à des responsabilités en Roumanie, et qu’un processus de désignation d’un ou d’une nouvelle présidente s’ouvre. Tout cela à quelques semaines du début de la présidence française de l’UE, le 1er janvier prochain, pensée comme une rampe de lancement d’Emmanuel Macron pour sa réélection…
D’autres partis sont éclaboussés par le scandale. Au PPE, le chef du groupe parlementaire, l’Allemand Manfred Weber, a exigé mardi « clarté et transparence », notamment sur le cas du président chypriote, Nicos Anastasiades. Ce dernier, dont le parti est membre du PPE, conserve des liens avec un cabinet d’avocats étroitement lié au monde de l’offshore, et qui porte encore son nom. À l’extrême droite, le cas d’Aymeric Chauprade, qui fut eurodéputé RN lors du précédent mandat, gêne aussi.
Manon Aubry, qui co-préside le groupe de la gauche critique (La Gauche, ex-GUE), a insisté dès lundi pour ajouter les Pandora Papers à l’agenda de cette session plénière. La députée assure que les groupes Renew, dont LREM – à cause de la situation de Babis – mais aussi ID, dont le RN français – à cause de la situation de Chauprade –, s’y sont opposés. Quoi qu’il en soit, le sujet a bien été débattu en séance, ce mercredi après-midi. Une résolution sur le sujet devrait être votée lors de la prochaine plénière, fin octobre.
À la tribune, le commissaire à la fiscalité Paolo Gentiloni, un social-démocrate italien, a défendu le bilan de l’exécutif européen d’Ursula von der Leyen, mais a reconnu un cercle vicieux : « Des acteurs inventent de nouvelles pratiques pour éluder l’impôt et avancent bien plus vite que n’importe quel législateur au monde… Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers », a-t-il euphémisé. Pour Emmanuel Maurel (rattaché LFI), « le problème, c’est à la fois la lenteur, liée au processus institutionnel européen, et la mauvaise volonté de certains États membres ». Le député poursuit : « Même si certains commissaires européens ont pris conscience que cela ne peut pas continuer en l’état, la volonté politique manque encore singulièrement. »
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Ce manque de volonté politique tranche avec l’éventail de solutions que certains groupes politiques mettent en avant, au Parlement comme ailleurs, depuis des années. Philippe Lamberts plaide pour un registre public des bénéficiaires effectifs des sociétés, quand les bases de données actuelles sont incomplètes et encore difficiles d’accès (voir le précédent de l’enquête OpenLux en 2021). « Si l’on rend parfaitement complet, exhaustif et public ce registre, si des gens comme Tony Blair ou DSK savaient que leur nom pourrait apparaître dans un registre public, je fais le pari que cela contribuerait à domestiquer leurs comportements », avance l’écologiste belge.
Aurore Lalucq, elle, défend la suppression pure et simple des sociétés-écrans (« Il faut en finir avec l’idée qu’il est possible de réguler ces sociétés »), la fin des décisions à l’unanimité sur les questions fiscales à la table du Conseil, ou encore la redéfinition des critères établissant la liste des paradis fiscaux de l’UE, en coopération avec le Parlement européen (« Aucun pays ne doit être “too big to be black-listed” [trop gros pour être ajouté à la liste], il nous faut la Suisse, l’Irlande ou le Delaware dans cette liste ! »). L’eurodéputée a aussi présenté ce mercredi un rapport qui plaide pour réformer le fonctionnement du groupe dit « code de conduite », un cénacle au sein du Conseil européen qui s’occupe, de manière opaque, de certaines questions de fiscalité au sein des États membres.
Le libéral espagnol Luis Garicano (Ciudadanos), lui, milite pour une agence européenne de lutte contre le blanchiment d’argent – projet déjà mis en chantier cet été par la Commission, qui promet une entité dotée de 250 personnes, à partir de 2024. Du côté de la gauche radicale, Manon Aubry défend l’idée, inspirée par l’économiste Gabriel Zucman, d’un « impôt universel sur les entreprises taxant leur activité économique réelle » : une taxe, pour chaque entreprise, et dans chaque État, portant sur la différence entre l’impôt théorique que devrait payer cette société et ce qu’elle a véritablement payé.
Il reste à voir si le Parlement parviendra, davantage que lors des scandales précédents, à se faire entendre sur ce dossier, alors que les États membres réunis au sein du Conseil restent tout-puissants en matière de fiscalité.
Sebastian Piñera est au centre de la polémique au Chili après des révélations d’une vaste enquête mondiale du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Publiée dimanche, cette enquête intitulée Pandora Papers, le lie dans son volet chilien à la vente en 2010 de la compagnie minière Dominga via une société détenue par ses enfants pour 152 millions de dollars. Une grande partie de l’opération a été réalisée dans les îles Vierges britanniques, selon la même source. Pour sa part, le président Piñera a rejeté toute accusation et tout conflit d’intérêts possible. Le ministère public a annoncé qu’il analysait les faits.
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L’opposition présentera sa requête la semaine prochaine et entend qu’elle soit votée à la Chambre des députés avant le 21 novembre, date du premier tour de l’élection présidentielle. Sebastian Piñera, qui a dirigé le pays entre 2010 et 2014, puis depuis 2018, ne peut pas se représenter.
Pandora Papers: l’opposition chilienne veut amorcer une procédure de destitution de Piñera
Les députés de l’opposition chilienne ont annoncé mardi qu’ils amorceraient une procédure pouvant conduire à la destitution du président Sebastian Piñera, après les révélations des Pandora Papers liées à la vente d’une compagnie minière par la société de ses enfants.
Les députés de l’opposition chilienne ont annoncé mardi qu’ils amorceraient une procédure pouvant conduire à la destitution du président Sebastian Piñera, après les révélations des Pandora Papers liées à la vente d’une compagnie minière par la société de ses enfants.
« L’ensemble de l’opposition est d’accord pour lancer » cette procédure dite « d’accusation constitutionnelle » contre le président Piñera, a déclaré à la presse Jaime Naranjo, député du Parti socialiste.
Cette démarche vise à établir la responsabilité des hauts fonctionnaires, et en cas de succès, elle peut conduire à la destitution de Piñera, à six semaines du premier tour de l’élection présidentielle.
« C’est une accusation fondée sur un mensonge, basée uniquement sur des raisons politiques et électorales à court terme, qui font voler en éclats l’idée de démocratie », a répondu Jaime Bellolio, ministre et porte-parole de la Présidence.
La Chambre basse votera sur la recevabilité de la démarche de l’opposition, qui doit recueillir la majorité simple des voix de ses 155 membres pour être approuvée.
Ensuite, l’acte sera présenté devant le Sénat où le vote des deux tiers des 43 sénateurs est requis.
Sebastian Piñera est au centre de la polémique au Chili après des révélations d’une vaste enquête mondiale du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).
Publiée dimanche, cette enquête intitulée Pandora Papers, le lie dans son volet chilien à la vente en 2010 de la compagnie minière Dominga via une société détenue par ses enfants pour 152 millions de dollars. Une grande partie de l’opération a été réalisée dans les Iles Vierges britanniques, selon la même source.
Pour sa part, le président Piñera a rejeté toute accusation et tout conflit d’intérêts possible.
Le ministère public a annoncé qu’il analysait les faits.
L’opposition présentera sa requête la semaine prochaine et entend qu’elle soit votée à la Chambre des députés avant le 21 novembre, date du premier tour de l’élection présidentielle.
Sebastian Piñera, qui a dirigé le pays entre 2010 et 2014, puis depuis 2018, ne peut pas se représenter.