Quand Le Brest Armorique faisait grimacer Bernard Tapie …

François Yvinec a présidé le Brest Armorique entre 1981 et 1991. Il a beaucoup ferraillé par voie de presse avec l’OM de Bernard Tapie et en garde le souvenir d’une  » puissance hors du commun« . Des histoires qui ne manquent pas de sel … Retour en particulier en mars 1990 quand l’attaquant brestois Roberto Cabañas fut contacté par un mystérieux intermédiaire la veille du match contre l’OM …

Un sujet vidéo de 5’14″produit par Canal + : François Yvinec y évoque notamment le coup de fil que reçut Roberto Cabanas le  23 mars 1990 : un mystérieux intermédiaire lui proposait de l’argent s’il se retirait au bout d’un quart d’heure …

François Yvinec. « Tapie était tellement puissant… »

Publié dans Le Télégramme du 15 février 2006 ...

� Si Tapie a inventé le dopage ou les matchs truqués ? Je ne peux pas dire cela. Je peux juste citer des faits. L’affaire Ginola ou l’affaire Cabanas (lire plus loin) sont parfaitement claires. Pour moi, c’est clair, il y avait une organisation à Marseille. Il y a des tas de gens qui savent mais qui ne disent rien, parce que ça leur coûterait trop cher. A l’époque, l’influence de Tapie était énorme, tant dans le monde politique que dans celui du foot. Il était l’ami de Charasse, le ministre du budget, il avait ses entrées à l’Elysée…».

CURIEUX REPORT. « Un jour, la Ligue nous demande de reporter le match Brest-OM pour faciliter la préparation des Marseillais à un match de Coupe d’Europe. J’ai refusé. J’ai alors été sollicité de toutes parts. Même Claude Bez (NDLR : le président de Bordeaux) a essayé de me convaincre. Il m’a dit « tu ne peux pas t’imaginer à quel point il est puissant ». Tapie lui aurait promis de régler ses problèmes (Bordeaux, en proie à un déficit abyssal, allait déposer son bilan) s’il parvenait à me convaincre. Finalement, c’est la Fédération, même pas la Ligue, qui a décidé du report au nom de l’intérêt supérieur du football français ».

L’AFFAIRE CABANAS. « Deux jours avant le match Brest-Marseille (saison 89-90), Roberto Cabanas a reçu un coup de fil d’un agent, qui lui proposait de l’argent s’il se retirait au bout d’un quart d’heure. Roberto nous en a parlé la veille du match, à Brignogan. Ce jour-là, la femme de Roberto a reçu un autre appel. Elle a reçu des menaces. Elle avait peur. On n’a rien dit à Roberto, on est allé la chercher et on l’a emmenée chez des amis. Le lendemain, le jour du match, on a vu arriver à Brignogan une grosse Mercedes. Ils étaient trois et ont demandé à voir Roberto. Ils l’ont vu au bar et ont proféré des menaces physiques. Roberto a répondu le soir même. En marquant deux buts » (NDLR : Brest avait gagné 2-1). De mon côté, j’ai écrit au président de la Ligue, Jean Sadoul. Mais il n’y a pas eu de suite ».

LE TRANSFERT DE GINOLA.
« C’était en mai 1991. Nous n’étions pas encore relégués en D2. Depuis avril, il était acquis que je ne solliciterais pas un nouveau mandat au mois de juin. C’est Chaker qui prenait les commandes. Mais je restais pour expédier les affaires courantes. L’OM s’est intéressé à David Ginola. Un beau jour, j’ai eu un coup de fil d’un manager qui était en vacances en Grèce. Il me proposait 2,5 millions de francs (NDLR : 380.000 euros) en dessous de table si je signais les papiers pour transférer Ginola, qui était d’accord d’aller là-bas. J’ai alors répondu que je ne serais plus là en juin et que je ne voulais pas vider le club de sa substance. Mais Bernès (NDLR : le bras droit de Tapie à l’OM) m’a appelé à son tour pour me proposer la même chose. Finalement, l’offre est montée à 5 millions de francs ». Ginola ne partira pas. Il débutera la saison en D2 avec Brest avant de choisir le Paris SG après la liquidation judiciaire du club à l’automne.


Le 24 mars 1990, l’OM venait perdre 2 à 1 devant les 20.000 spectateurs du stade Francis-Le Blé. Un homme survolait la rencontre : Roberto Cabanas, l’attaquant brestois, auteur d’un superbe doublé. Une vidéo de 50″

Mars 1990 : l’OM n’aurait pas dû énerver Cabanas …

Publié dans l‘Ouest France du
Ce jour-là, l’attaquant paraguayen met le club de Bernard Tapie à terre. Lui à qui « on » avait demandé de se coucher…

Qui a tenté d'acheter Cabanas avant ce match contre Marseille ? On ne le saura jamais. En tout cas, l'intermédiaire mystère aurait mieux fait de se taire : ce soir-là, Roberto montre à tout le monde ce dont il est capable, balle au pied.
Qui a tenté d’acheter Cabanas avant ce match contre Marseille ? On ne le saura jamais. En tout cas, l’intermédiaire mystère aurait mieux fait de se taire : ce soir-là, Roberto montre à tout le monde ce dont il est capable, balle au pied.

Modeste, autant que la star de l’équipe peut l’être, il refuse de tirer la couverture à lui. « C’est la victoire de Brest, mais je suis particulièrement satisfait d’avoir prouvé que je pouvais jouer dans n’importe quelle équipe. » Quant à ses buts, il reconnaît que sur le premier, son ciseau est raté, « mais le ballon est allé au fond, c’est ce qui compte (NDLR grâce à une boulette du gardien marseillais). Sur le deuxième, j’ai frappé fort en faisant confiance à Dieu. Et Dieu est sympa avec moi ».

Une affaire, quelle affaire ?

Roberto, aide divine ou pas, n’a donc pas été déstabilisé par les tentatives d’approche dont il a été l’objet. « L’affaire » est révélée juste après le coup de sifflet par un François Yvinec pas mécontent de son petit effet. « J’ai une révélation à faire, lâche-t-il devant les journalistes. Cabanas a été appelé la veille du match par un intermédiaire bien connu dans le monde du football, intermédiaire qui lui a proposé une grosse d’argent s’il simulait une blessure au bout d’un quart d’heure et sortait du terrain. »

Cette histoire, tout le vestiaire la connaît avant le match. « Roberto nous en avait parlé, se souvient Patrick Colléter. Mais je crois qu’à Cali, le club colombien d’où il venait, ce genre de pratiques étaient assez courantes… » Bref, il en aurait fallu plus pour ébranler le buteur brestois. Et puis, cette tentative d’achat, c’était sans doute la preuve que « l’OM nous craignait », sourit aujourd’hui Ronan Salaün. Même si aucun lien n’a jamais été fait entre ce fameux intermédiaire et l’OM. Et que « l’affaire » n’est jamais allée plus loin.

Ce qui est allé loin, en revanche, c’est l’engagement entre les deux équipes. Surtout en deuxième période. Face à la constellation de stars marseillaises, fraîchement qualifiées pour une demi-finale européenne, les Ty Zefs ne baissent pas de pied.

Festival « Tapie »

« Ce soir-là, j’ai connu la seule expulsion directe de ma carrière, raconte Salaün. En fin de match, j’avais fauché Papin qui m’avait provoqué. » JPP à qui Cabanas, décidément en verve sur et en dehors de la pelouse, décerne « l’oscar du meilleur comédien ».

De l’avis de tous les observateurs, la partie a vraiment dégénéré. Avec, au tableau d’honneur, les prestations de Mozer, Amoros, Roche ou Sauzée. « La partie fut virile, écrit alors Yves Scherr dans nos colonnes. Mais ce sont surtout les protestations incessantes des visiteurs, visiblement vexés de l’évolution des événements, qui contribuèrent à hacher le jeu. Si bien que de football, il en fut peu question durant les 45 dernières minutes. »

Si bien, aussi, que Bernard Tapie, le bouillonnant président olympien, règle son compte au corps arbitral à la fin de la rencontre. « Cela ne sert à rien de contester l’arbitre, puisque malheureusement on ne peut pas en changer en cours de partie. » Avant de se draper dans la dignité de son nouveau statut : « Quand on est demi-finaliste de la Coupe d’Europe, on n’a pas à se transformer en chiffonniers sous prétexte qu’il y a des chiffonniers en face. »

« Juste gagner »

En face, Yvinec avoue qu’il y a « de quoi bomber le torse. D’autant que nous avions aussi une revanche à prendre par rapport au match aller où les joueurs de l’OM et l’arbitre n’avaient pas été très gentils avec nous. » Ce que reconnaît aujourd’hui Ronan Salaün : « Nous voulions juste gagner et faire plaisir à notre public… » Et taper le deuxième gros du championnat, avec Bordeaux (lire ci-dessous), c’est ça, la vraie recette plaisir en 1990 !

La fiche technique

Brest – Marseille : 2-1 (2-1).
BUTS. Brest : Cabanas (11e et 21e) ; Marseille : Germain (7e).
BREST : Barrabé – Pierre, Van Herpen, Colleter, Plancque – Bouquet, Martins (remplacé par Robon à la 75e), Ferrer, Salaün (expulsé à la 86e) – Cabanas, Cloarec (remplacé par Mendoza à la 69e).
MARSEILLE : Castaneda – Amoros, Roche, Mozer, Thys – Germain, Sauzée, Tigana (remplacé par Diallo à la 81e), Francescoli – Papin (remplacé par Coquet à la 90e), Waddle.


Brest. L’affaire Yvinec ou le transfert rocambolesque de Cabañas

Gros plan sur le transfert de Roberto Cabañas au Brest-Armorique. Autrement dit, l’affaire Yvinec ! Publié dans Le Télégramme du  29 novembre 2017

Brest. L'affaire Yvinec ou le transfert rocambolesque de Cabañas

(Photo Eugène Le Droff)

Un artiste du ballon rond

Quelques mois plus tôt, lors d’un premier voyage dans l’arène du stade de l’America Cali, le club champion en titre de Colombie, le Breton n’a d’yeux que pour une étoile : Roberto Cabañas. L’attaquant paraguayen qui avait pour partenaires Beckenbauer et Pelé au Cosmos, le club de New-York où il jouait auparavant, est l’artiste qu’il faut au Brest-Armorique ! Malgré le transfert signé le 23 septembre, rien ne va se passer comme prévu entre François Yvinec et Juan-José Bellini, le président de l’America Cali. Le Brestois multiplie les allers-retours sans revenir avec sa pépite. Le montant du transfert, 555.000 dollars, est revu à la hausse. L’America Cali réclame désormais un million de dollars ! Les palabres s’éternisent, la presse sportive commence à parler de « l’affaire Cabañas ». La FIFA s’en mêle, la confédération sud-américaine de football aussi. Roberto Cabañas écope d’une suspension de dix matchs. On nage en plein imbroglio.

Le 11 novembre 1987, coup de théâtre ! Juan-José Bellini porte plainte pour faux et usage de faux contre Marcello Open, l’agent argentin choisi par François Yvinec pour faciliter la négociation. Sa signature sur le contrat a été contrefaite !  L’imprésario, comme on dit à l’époque, quitte la Colombie. Qu’à cela ne tienne. Juan-José Bellini porte plainte pour les mêmes motifs contre le président du Brest-Armorique.

Du jamais vu dans le football français

François Yvinec clame son innocence. Il n’en est pas moins inculpé par une juge d’instruction. S’il évite l’incarcération provisoire, il ne peut en revanche quitter le territoire colombien. Voilà le Brest-Armorique qui dispute le championnat de D1 sans attaquant star. Et sans président. L’affaire Yvinec a le droit aux journaux télévisés, fait les gros titres. C’est du jamais vu dans le football français. Le Premier ministre de l’époque, Jacques Chirac, demande même à l’ambassadeur de France à Bogota de plaider la cause du Brestois auprès du gouvernement colombien.

L’opération « ribin »

Pendant ce temps, le Breton met au point un plan d’évasion. A plusieurs interlocuteurs bretons, il a confié, par téléphone, qu’il rentrait en empruntant les ribins, ces fameux chemins de traverse du Haut-Léon ! En décembre, il prend un vol intérieur colombien, rejoint Panama avant d’atterrir à Caracas où, oh surprise, l’attendent son interprète et surtout Roberto Cabañas et la fiancée du joueur ! De la capitale du Vénézuela, embarquement pour la France. Escale technique à Saint-Jacques-de-Compostelle. Oh nouvelle surprise ! Sur le tarmac, attend Jean Le Cam, le PDG du groupe Rallye, aux commandes de son jet privé. Arrivée en soirée à l’aéroport de Brest-Guipavas. L’affaire Yvinec prend fin mais le Paraguayen ne peut disputer le championnat. Brest est relégué en D2. La saison suivante, l’artiste est bien là, sur le terrain du Brest-Armorique. La légende Cabañas peut commencer.

Jean Champeau, François Yvinec et Roberto Cabañas fêtés à leur arrivée à Brest sur l’aéroport de Guipavas. Photo : André Lecoq/L’Equipe

Quelques buts de Roberto Cabanas au Brest Armorique …


L’histoire du football à Brest de 1972 à 1992

commentée par Thierry Roland et réalisée par Jacky Le Gall.
Un montage vidéo de 59′ …

20 ans de foot en huit chapitres :
Époque amateur de 1972 à 1975 avec un Brest – Marseille au Havre
La montée en D1 en 1977/1978 ,
Les belles années en D1,
La descente en D2,
La remontée aux barrages contre Strasbourg,
L’affaire Cabanas,
Le centre de formation avec Ronan Salaün, Corentin Martins, Bruno Pabois,
et le nouveau stade Brestois.