Le 6 avril 2021, à Rostrenen, avait lieu une manifestation pour protester contre les pressions que subit la journaliste Morgan Large, qui enquête sur l’industrie agro-alimentaire en Bretagne. Gwenvael Delanoë, journaliste à Radio Kreiz Breizh et militant SNJ, Syndicat national des journalistes.
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées pour soutenir la journaliste de Radio Kreiz Breizh mise en danger et défendre la liberté d’informer.
Le Collectif citoyen Vert Le Relecq-Kerhuon avait fait le déplacement jusqu’à Rostrenen pour exprimer le soutien kerhorre à Morgan Large et à la liberté d’informer …
VLRK à Ros … trenen !
VLRK atao
Bonjour Monsieur Daniel Cueff
Agriculture en Bretagne : information impossible ?
Contactée, la FNSEA Bretagne s’indigne des mots employés. Le président de la FNSEA Bretagne rappelle que les normes sanitaires bretonnes sont parmi les plus contraignantes au monde, qu’il a critiqué le documentaire de France 5, qu’il n’est pas au courant du tweet avec la photo de Morgan Large et que son organisation n’a rien à voir avec les pressions dénoncées.
La théorie du complot est devenue la norme. C’est le roman des écolos qui prime et qui nous accuse toujours mais c’est trop facile ! Y’en a marre des invectives !
Thierry Coué, président de la FRSEA Bretagne
Une spécificité bretonne ?
En Bretagne, l’agriculture est un sujet incontournable. Agriculture et agroalimentaire représentent près d’un emploi sur 10 dans la région. Avec un chiffre d’affaires global de plus de 19 milliards d’euros, l’agroalimentaire breton pèse même 12 % du chiffre d’affaires français hors boisson. Les journalistes locaux peuvent donc difficilement faire l’impasse sur les sujets agricoles.
Impossible également pour un journaliste breton de ne jamais évoquer le modèle agro-industriel breton qui a marqué toute l’Histoire de la Bretagne depuis la Seconde Guerre mondiale, qui est à l’origine de l’essor économique de la région, qui est également à l’origine de graves dérives environnementales et de santé publique. Ce sujet local majeur est pourtant devenu tellement sensible qu’il prend les journalistes au piège entre la communication et l’information.
Certaines personnes aimeraient que la Bretagne soit juste une jolie carte postale pour que les touristes et les plus riches y achètent des résidences secondaires, sauf que la réalité est loin d’être aussi jolie. Ici, en Centre Bretagne, un emploi sur trois est lié à l’agriculture, avec des gens qui travaillent dans des abattoirs, dans des usines qui délocalisent, des agriculteurs qui sont submergés de dettes. Il y a une misère sociale qui est énorme ! A cela s’ajoute des catastrophes environnementales régulières, dans les cours d’eau notamment. Nous journalistes, c’est notre boulot d’en parler. On ne fait pas dans la publicité. On doit aussi parler des choses qui vont mal. Si ça crée du débat c’est tant mieux !
Gwenvaël Delanoë, du Syndicat national des journalistes
A cela s’ajoute la question du statut des journalistes amenés à traiter ces sujets agricoles. Certains sont des pigistes précaires qui ne peuvent se permettre de fâcher ni leur rédaction ni leur contacts locaux. C’est un des sept paradoxes listé par Denis Ruellan dans son ouvrage Le journalisme ou le professionnalisme du flou : savoir maintenir le savant équilibre entre proximité et éloignement, raconter la réalité, au risque d’écorner l’image de ses voisins agriculteurs, ou des syndicats, ou des élus, ou des grands groupes agroalimentaires, mais sans jamais aller trop loin pour ne pas se couper d’un réseau d’information.
Je ne pense pas qu’il y ait une volonté délibérée d’autocensure chez les journalistes bretons. Le vrai problème, quand on est localier, c’est que dans les médias régionaux il n’y a plus d’espace pour réaliser des enquêtes. Plus d’argent, ni de temps pour des mises en perspective. Les journalistes doivent remplir et produire. la qualité de l’information s’en ressent.
Tudi Crequer, journaliste breton, adhérent au SNJ-CGT
De quoi poser plus largement la question du financement de la presse. En Bretagne, de grands groupes agroalimentaires financent ainsi certains organes de presse. C’est le cas de l’hebdomadaire gratuit Paysan Breton, avec 40 000 abonnés chez les agriculteurs. Ce journal professionnel est financé par Groupama, le Crédit Mutuel de Bretagne et la coopérative devenue une multinationale, Eureden.
Le lobby agricole breton est un État dans l’État qui fait et défait des carrières politiques. Les journalistes locaux savent tout de cette situation mais il ne peuvent rien dire car attaquer le lobby agroindustriel, c’est se priver de 60 à 70% des recettes publicitaires. Pour un média local, c’est impossible. Pourtant, le contre-pouvoir est indispensable à notre démocratie. Alors il faut que des journalistes parisiens viennent faire leur travail chez nous.
Serge le Quéau, militant du syndicat Solidaire, défenseur des salariés victimes de la coopérative Triskalia devenue Eureden
Une guerre d’information ?
Sur le terrain, les grands groupes de l’agroalimentaire ont également mis en place des réseaux de communication puissants. Face au scandale des algues vertes et aux critiques qui s’abattent sur le modèle conventionnel agricole, les grands groupes agro-industriels bretons ont créé leur organe de communication « agriculteur de Bretagne ». Son objectif est de donner dans les médias une image positive de ce système d’agriculture. Notamment parce que le Bretagne est aussi la région où il y a le plus d’installations d’exploitants en bio (13% aujourd’hui des exploitations).
Contactée à la suite des intimidations subies par Morgan Large, la multinationale Eureden répète que « rien ne peut justifier des menaces, pressions ou actes de malveillance à l’égard de journalistes » et prône des échanges apaisés et constructifs avec les journalistes, « ce qui est déjà fort heureusement le cas avec la majorité d’entre eux », précise son chargé de communication.
Mais sur le terrain, le contact direct avec ce genre de sources d’information peut finir par poser problème. La Journaliste Inès Léraud, autrice notamment de la bande dessinée Algues Vertes : l’histoire interdite, parue en 2019 chez Delcourt, en a bien conscience.
Moi, au bout de trois ans d’enquête en immersion en Bretagne, j’avoue que j’ai eu besoin de m’exiler à l’autre bout de la France pour respirer un grand coup.
La journaliste Ines Léraud
Elle ne cache pas les pressions qu’elle continue de subir et qui ont commencé dès 2018, lorsque dans le cadre d’une émission de France Culture, « Journal breton, la fabrique du silence », elle a donnée la parole à Morgan Large. Elle raconte que certains de ses témoins ont reçu des menaces de mort, que son travail qui met en cause l’agro-industrie bretonne est encore discrédité par les grands groupes sur les réseaux sociaux, que son visage a même été affiché par ces derniers sur leurs pages Facebook.
Elle raconte surtout les procès en diffamation menés contre elle par le groupe Chéritel Trégor Légumes (déjà condamné deux fois en justice pour tromperie sur un produit et travail illégal) et par Christian Buson qui soutient que les nitrates ne sont pas à l’origine des algues vertes sur les plages. Deux procès qu’elle qualifie de « bâillon », puisque dans les deux cas, les plaignants se sont rétractés quelques jours avant l’audience. Elle a elle-même porté plainte en février parce que sa fiche Wikipédia portait la mention « décédée » en date du deuxième jour de l’audience en janvier 2021.
En mai dernier, ces pressions touchant la journaliste Ines Léraud et venant s’ajouter à celles partagées par d’autres reporters bretons ont poussé à la création d’un collectif de journalistes bretons, intitulé Kelaouiñ (qui veut dire informer en breton). Ce collectif a fait tourner une lettre ouverte adressée à la Région Bretagne pour raconter la difficulté d’informer face à l’agroalimentaire breton. Le texte qui a recueilli 250 signatures portait l’idée de la création d’un Observatoire régional breton de la liberté de la presse.
D’après son concepteur, un journaliste qui souhaite garder l’anonymat par peur de perdre son emploi, cet outil indépendant aurait pour objectif de recenser et de qualifier les atteintes à la liberté de la presse sur le territoire breton. L’idée serait ensuite de publier chaque année un livre blanc ainsi que des « prix de la honte » pour dénoncer les grands groupes de l’agro-industrie, mais aussi certains élus, voire certains médias bretons qui semblent avoir oublié les principes fondateurs de la liberté de la presse.
En public, l’idée de cet observatoire a été favorablement accueillie au niveau du Conseil régional dont les élus préparent leur réélection. Contacté, le vice président n’a pourtant pas donné suite à nos sollicitations. Alors se pose maintenant l’épineuse question : qui pour incarner et accueillir cet observatoire et surtout, qui pour financer un tel organe afin qu’il reste indépendant dans un débat sur l’agriculture de plus en plus violent et qui dépasse largement le cadre de la Bretagne ?
Morgan Large, journaliste victime de malveillance : “Je casse le roman agricole breton”
Journaliste à Radio Kreizh Breizh, Morgan Large a subi insultes, menaces et sabotage : des tentatives d’intimidations pour avoir dénoncé les dérives de l’agriculture intensive en Bretagne. Aujourd’hui, la journaliste souhaite porter plainte. Et compte poursuivre ses enquêtes.
Plus de cinq cents personnes étaient réunies pour soutenir Morgan Large dans la petite commune de Rostrenen (Côtes-d’Armor), mardi 6 avril. La journaliste de la radio locale Kreizh Breizh (RKB), qui enquête sur l’industrie agroalimentaire en Bretagne, a découvert, le 31 mars, l’une de ses roues de voiture déboulonnée. Elle revient sur cet inquiétant sabotage et s’alarme des menaces croissantes qui pèsent dans la région sur la liberté de la presse.
Était-ce la première fois que vous étiez prise pour cible ?
Non, ce n’est pas un événement isolé. Il y a eu une forme de montée en puissance de l’intimidation. Les premières tentatives étaient assez classiques, avec des insultes sur les réseaux sociaux, des coups de fil anonymes. Puis quelqu’un a ouvert l’enclos dans lequel se trouvent mes chevaux. Les portes de RKB ont été forcées. Ma chienne s’est fait empoisonner – heureusement, elle s’en est sortie.
Quand cet acharnement a-t-il débuté ?
En novembre, à la suite de la diffusion du documentaire Bretagne, une terre sacrifiée d’Aude Rouaux et Marie Garreau de Labarre. J’intervenais dans ce film au milieu d’autres témoins, mais je suis étonnamment la seule à avoir été inquiétée. Comme si j’avais été la réalisatrice alors que je n’en étais qu’une invitée.
De quoi témoignez-vous dans ce documentaire ?
J’y évoque une enquête que j’ai réalisée sur la politique régionale en matière avicole. Comme élue d’opposition dans ma petite commune, comme simple habitante et fille de paysans, aussi, je livre ma lassitude face à la banalisation du paysage, à l’intensification de l’agriculture. J’y déplore enfin qu’en Bretagne, on fasse du lait, du poulet ou du cochon qui soient exactement les mêmes qu’en Chine, en Ukraine ou au Brésil.
Ces attaques ont-elles entamé votre détermination à enquêter ?
Je ne vais pas m’excuser d’aimer mon métier. Je compte retourner sur le terrain. On attend des médias locaux qu’ils relaient gentiment les ouvertures de permanence de La Poste, les animations – du moins lorsqu’il y en avait encore. Surtout pas qu’ils aillent mettre leur nez dans des affaires économiques, parce qu’en Bretagne, l’économie est sacrée. On est les champions, quasiment la première région agricole d’Europe – premiers sur le porc, la volaille, le lait. La Bretagne nourrit 26 millions d’habitants alors qu’elle n’en compte que 3 millions. Les grands groupes agro-industriels et les élus ont fondé une famille, une corporation puissante où chacun se rend service. Ils ont tissé des liens et une communication qui servent un roman régional agricole. Et moi, je casse visiblement ce roman régional – pas tant moi, d’ailleurs, que les invités de mes émissions.
Tout le monde accepte-t-il de venir dans vos émissions ?
Tout le monde est invité, mais beaucoup refusent de venir. La presse professionnelle agricole est aux mains de groupes qui n’ont pas besoin de petits médias comme Radio Kreizh Breizh. Ils ont plutôt l’habitude de commander des articles en se demandant ce qu’ils vont leur rapporter. C’est de la communication, pas du journalisme. L’industrie agroalimentaire investit énormément de publicité dans la presse quotidienne régionale, qui ne peut pas se fâcher avec ses annonceurs.
Par ailleurs, il est effrayant de constater que l’argent public peut servir à acheter le silence des médias. Plusieurs communes ont un exercice de la démocratie pour le moins fantaisiste et nous ont déjà privé de leurs subventions. Un jour pendant une émission en direct, on donnait la parole à des opposants à la construction d’une porcherie. On avait proposé aux porteurs du projet de s’exprimer, mais ils avaient décliné. Le maire de la commune qui allait accueillir la porcherie a appelé. Il a annoncé la fin de sa dotation à la radio. Soixante-quinze euros, ce n’était pas grand-chose, mais mis bout à bout… Heureusement, le département et la région ne nous ont pour leur part jamais privé de leurs aides.
Des patrons de grandes coopératives agricoles avaient déjà tenté d’intimider ouvertement Inès Léraud, enquêtrice à Radio France. Dans une tribune collective à Libération en mai 2020, vous appeliez ainsi à défendre la liberté d’informer sur le secteur agroalimentaire. Avait suivi une lettre ouverte adressée au conseil régional de Bretagne…
La Région était à mon sens le meilleur niveau pour interpeller les pouvoirs publics. On exigeait une sanction contre toute entreprise qui entraverait la liberté de la presse, ce à quoi le président du conseil s’était engagé. Mais notre ambition était encore plus grande. On voulait créer un observatoire des libertés de la presse en Bretagne. Hélas, toutes ces tentatives de défendre des concepts larges demandent beaucoup d’énergie et – je ne sais si c’est le Covid, la lassitude ou le retour à nos vies normales –, on n’a toujours pas avancé sur ce plan-là.
En revanche, je suis enthousiasmée par la création de Splann ! Ce site auquel je participe, est inspiré de Disclose [pure player d’investigation français créé en 2018, ndlr] et sera entièrement financé par les citoyens. On s’est donné à fond pour imaginer cet objet qu’on ne pourra pas nous voler. La première enquête doit sortir d’ici deux mois. Ce qui nous réjouit aussi, c’est de pouvoir donner du travail à de jeunes journalistes, des pigistes qui en ont besoin et souhaitent traiter ces enquêtes difficiles en Bretagne.
“Si je porte plainte, c’est parce que je sens que la violence monte”
Vous sentez-vous aujourd’hui soutenue dans ce combat pour une presse libre ?
Au rassemblement à Rostrenen se trouvaient plusieurs maires qui ont enfilé leur écharpe – un soutien fort, qui signifie que la République se mobilise. Un conseil municipal a voté une motion pour la liberté de la presse. Côté agriculteurs – dont j’avais le plus besoin –, j’ai eu beaucoup de soutiens anonymes et la Confédération paysanne s’est mobilisée. Même Eureden [une coopérative agricole qui réunit Triskalia et Groupe d’aucy, ndlr] a répondu à un tweet d’Ouest-France en indiquant qu’elle soutenait la liberté de la presse. J’ai la chance de faire un métier protégé, je bénéficie aussi de l’appui de plusieurs syndicats et associations. Reporters sans frontières va m’aider à rédiger ma plainte. Et si je porte plainte, c’est parce que je sens que la violence monte. Je me fiche de savoir qui est venu chez moi, mais si on peut montrer que la justice est forte et qu’elle s’applique, c’est important. Je refuse que d’autres confrères soient touchés.
Rostrenen : soutien massif à Morgan Large et à la liberté d’informer
Ce mardi 6 avril, à Rostrenen, des centaines de personnes sont venues manifester leur soutien à la journaliste Radio Kreiz-Breizh Morgan Large, victime de malveillance.
Malgré le confinement, plusieurs centaines de personnes se sont pressées, ce mardi 6 avril, à Rostrenen, pour soutenir massivement Morgan Large et la liberté d’informer. Dans la foule, des journalistes, des syndicalistes, des militants, des élus, des citoyens mais également trois candidats aux élections régionales (Daniel Cueff, Marie-Madeleine Doré-Lucas et Claire Desmares-Poirrier).
Initié par les journalistes de Radio Kreiz-Breizh, ce rassemblement avait pour but de dénoncer l’acte de sabotage dont a été victime leur consœur. Ce mercredi 31 mars, Morgan Large a, en effet, découvert que deux boulons avaient été retirés d’une roue de sa voiture.
Une malveillance de plus. Une malveillance de trop. « Ce n’est pas humain de faire ça aux gens et de mettre les familles en péril. Comment on peut se respecter en faisant des choses comme ça ? », s’interroge Morgan Large, le regard voilé par l’émotion.
« La Bretagne est un territoire attaché à sa presse »
La journaliste de Radio Kreiz-Breizh n’a aucun doute sur le lien de causalité entre son travail sur l’agroalimentaire et ces pressions. Depuis la diffusion, en novembre 2020, du documentaire « Bretagne, terre sacrifiée » dans lequel elle témoignait, elle a constaté une « montée en puissance des intimidations » : menaces sur les réseaux sociaux, coups de téléphone anonymes, tentatives d’effraction des studios de RKB…
Fatiguée et éprouvée, Morgan Large n’en demeure pas moins combative. La forte mobilisation de ce mardi ne fait d’ailleurs que renforcer ses convictions. « Ça veut dire que les gens du Centre-Bretagne sont attachés à liberté d’informer et ça, c’est quand même très rassurant. Mais on le sait que la Bretagne est un territoire attaché à sa presse, à son information. »
Avec l’aide de Reporters sans frontière, Morgan Large va déposer une plainte prochainement. Pour la suite, elle n’aspire qu’à une chose « pouvoir retourner bosser sur le terrain normalement ».
Dans sa chronique sur France Inter, Tanguy Pastureau nous parle d’une journaliste en Bretagne, menacée de mort par l’industrie agroalimentaire…
Rostrenen. Environ 850 personnes rassemblées en soutien à la journaliste Morgan Large
Ce mardi 6 avril 2021, à Rostrenen (Côtes-d’Armor), un rassemblement de soutien à Morgan Large, journaliste à RKB, ainsi qu’à une consœur allemande, agressée à Glomel, s’est tenu ce midi. Ces deux journalistes enquêtent sur les pratiques de la filière agroalimentaire bretonne.
Morgan Large, journaliste à la radio RKB, basée à Rostrenen et qui enquête sur la filière agroalimentaire en Bretagne, aurait été la cible « d’un acte de malveillance grave », comme le dénonçait Reporters sans frontières (RSF) dans un communiqué le 2 avril 2021.
Les journalistes de Radio Breizh font grève ce mardi 6 avril et appelaient à un rassemblement de soutien aux deux journalistes et pour la liberté d’informer, à Rostrenen, place du marché, à midi.
Le rassemblement a duré une heure et a réuni près de 850 personnes selon les gendarmes. Serge Le Quéau, pour le syndicat Solidaires, Sylvain Ernault, au nom du SNJ (Syndicat national des journalistes), notamment, ont pris la parole pour exprimer leur solidarité à l’égard de Morgan Large dont l’intervention a clos le rassemblement.
Acte de malveillance
D’après RSF, « elle était sur le point de prendre le volant », le 31 mars, « quand soudain, elle s’est rendu compte que les boulons fixant une des roues arrière de son véhicule avaient disparu. Cet acte de malveillance n’est pas le premier. Depuis qu’elle enquête sur les subventions accordées à l’agro-industrie en Bretagne, elle et son média ont fait l’objet de pressions et d’actes d’intimidation à plusieurs reprises ».
Une journaliste allemande aurait elle été « insultée, bousculée et suivie chez elle par un agriculteur » à Glomel.
En Bretagne, des centaines de manifestants en soutien à la journaliste Morgan Large
Publié par Le Point du
« Pressions et intimidations = fabrique du silence ». Pancartes et drapeaux militants en main, plusieurs centaines de manifestants ont défendu la liberté d’informer, mardi à Rostrenen (Côtes-d’Armor), après un « acte de malveillance grave » visant la journaliste Morgan Large, qui enquête sur l’agro-industrie en Bretagne.
Mercredi 31 mars, la journaliste de Radio Kreiz Breizh (RKB), une radio associative bilingue français-breton installée à Rostrenen, s’est rendu compte que plusieurs boulons fixant sa roue arrière avaient disparu. Une « mise en danger volontaire » selon ses collègues, qui ont appelé à la grève et au rassemblement. Émue jusqu’aux larmes devant plus de 500 personnes, la journaliste de 49 ans a énuméré la liste des pressions subies, entre pertes de subventions pour son média et coups de téléphone la nuit, depuis qu’elle enquête sur l’agriculture bretonne.
Un nouveau cran a été franchi depuis qu’elle a témoigné dans le documentaire « Bretagne: une terre sacrifiée » diffusé mi-novembre sur France 5. « Je suis devenue une cible parce qu’on m’a désignée comme cible. Mon visage est apparu sur le compte Twitter de la FRSEA Bretagne, j’étais clairement la personne à attaquer », a expliqué la journaliste.
En décembre déjà, les portes de la radio avaient été forcées. Avant de s’apercevoir qu’il manquait des boulons à sa roue, elle raconte avoir conduit avec ses enfants, « peut-être 250 km ». « La prochaine fois, je vais vérifier quoi ? Qu’il n’y a pas le feu à ma maison ? On ne peut pas vivre dans un bunker », confie Morgan Large. « Je n’ai pas l’impression de dire des choses si graves que ça, mais j’écorche le roman agricole national qui est de dire qu’on nourrit la planète et que les produits français sont les meilleurs au monde », ajoute-t-elle.
« bouclier citoyen »
Heureux de voir autant de personnes rassemblées dans cette bourgade éloignée des grandes agglomérations, Sylvain Ernault, représentant du SNJ (Syndicat national des journalistes) y voit « un bon message envoyé à tous ceux qui voudraient nuire à Morgan ». « Cela montre un vrai attachement à la liberté de la presse. Il y a un bouclier citoyen qui se forme autour d’elle et de tous les journalistes qui se sentiraient menacés », estime-t-il.
Des candidats aux régionales ont tenu à être présents comme Claire Desmares-Poirrier, tête de liste EELV ou Daniel Cueff, l’ancien maire de Langouët (Ille-et-Vilaine) connu pour son combat contre les pesticides.
« Il y a un soulèvement citoyen pour dire +Stop, on est dans un état de droit et on ne peut pas laisser passer des pratiques mafieuses se dérouler+ », juge pour sa part Serge Le Quéau, membre de Solidaires. « Ces pratiques se sont renforcées ces deux dernières années, depuis que des journalistes courageux ont dit tout haut ce que tout le monde disait tout bas, comme c’est le cas d’Inès Léraud avec sa BD sur les algues vertes », analyse-t-il.
Adrien, agriculteur bio de 36 ans, est venu de Redon (Ille-et-Vilaine) avec sa compagne et son fils. « On est partout en Bretagne aux prises avec un système mafieux. Je suis entouré de gens qui ont mille difficultés à s’installer parce qu’il y a un modèle agricole dominant en Bretagne qui ne laisse aucune place à des alternatives », lance-t-il.
« Certains collègues retrouvent leurs parcelles traitées avec des produits chimiques et se font déclasser de la production bio », dénonce le trentenaire, qui se dit « en colère qu’on puisse mettre la vie d’une personne et de sa famille en danger pour défendre un modèle agricole qui est à bout de souffle ».
Des centaines de personnes à Rostrenen pour soutenir la journaliste Morgan Large
Forte mobilisation à Rostrenen, dans les Côtes-d’Armor, ce mardi midi, où est basée Radio Kreiz Breizh, pour laquelle travaille Morgan Large. Cette journaliste, qui enquête notamment sur l’agro-industrie en Centre Bretagne, a été victime de plusieurs actes de malveillance.
12h, début du rassemblement. A cette heure-ci, Morgan Large prend l’antenne sur Radio Kreiz Breizh (RKB) en temps normal. Ce mardi, la journaliste est en grève, comme ses collègues des radios associatives bretonnes. Micro en main, elle s’occupe du tour de parole, au milieu de plusieurs centaines de personnes. « C’est enthousiasmant. Après, j’espère que ça va me porter jusqu’à loin, et longtemps … parce que je ne me sens pas très protégée en vérité », admet-elle. Une roue de sa voiture a été déboulonnée la semaine dernière. En décembre dernier, elle avait déjà subi une première intrusion à son domicile.
Aujourd’hui, Morgan Large, dont plusieurs membres de sa famille sont agriculteurs, ne cache pas que la période est difficile. « Je me sens protégée par le soutien de tous ces gens-là. Mais après on se retrouve seule chez soi. Je suis beaucoup sur les routes. J’imagine plein de trucs. On sombre vite dans la paranoïa, bien que j’essaye de m’en préserver. »
Je n’ai pas du tout l’intention de déménager
« Comment je vais retourner au travail ? Est-ce que je vais pouvoir continuer à travailler ? Est-ce que je vais devoir déménager ? Moi je n’ai pas du tout l’intention de le faire », prévient la journaliste. Pour elle, le début des ennuis remonte à l’automne dernier, après la diffusion sur France 5 du documentaire « Bretagne, une terre sacrifiée », dans lequel elle témoigne. « Je suis devenue une cible parce qu’on m’a désignée comme telle. Mon visage est apparu sur le compte Twitter de la FRSEA Bretagne (ndlr : section régionale du syndicat FNSEA) après cette diffusion », rappelle-t-elle.
Alan Kloareg, le président de Radio Kreiz Breizh, veut insister sur la gravité de ces actes d’intimidations : « Par cette attaque-là, c’est tout le journalisme qui est attaqué. Les médias ne peuvent travailler qu’avec des journalistes qui font leur travail sereinement. »
Des élus bretons se sont déplacés à Rostrenen. C’est le cas de la maire écologiste d’Auray, Claire Masson : « C’est dramatique qu’en Bretagne on en soit là. Ce n’est pas contre les agriculteurs qu’on en a, c’est contre le système agricole, les grosses coopératives et les gros groupements. » L’enquête de gendarmerie se poursuit pour tenter de retrouver les auteurs du déboulonnage d’une roue de la voiture de Morgan Large.
Bretagne : Victime d’une tentative de sabotage, la journaliste Morgan Large reconnaît « avoir peur »
MEDIA Un rassemblement avait lieu à Rostrenen, ce mardi, en soutien à la journaliste de la radio RKB, spécialisée dans les enquêtes sur le monde agroalimentaire et agricole
- Morgan Large, journaliste de la radio bretonne RKB, se dit victime d’une tentative de sabotage après la découverte du dévissage des boulons de ses roues de voiture.
- La journaliste est connue pour avoir enquêté sur l’agriculture et l’agroalimentaire, secteurs très puissants de l’économie bretonne.
- Un rassemblement a réuni plus de 800 personnes à Rostrenen ce mardi.
En radio, cela n’arrive jamais. A midi, les auditeurs de RKB (Radio Kreizh Breizh) ont pourtant entendu un grand blanc. Un acte militant de la part de la radio bretonne qui tenait à marquer son soutien à sa journaliste Morgan Large. Ce mardi à midi, la Bretonne n’était pas au micro de la radio basée à Saint-Nicodème, dans les Côtes d’Armor, mais sur la place du marché de Rostrenen pour remercier les centaines de personnes rassemblées en son honneur. Ces syndicalistes, journalistes et simples citoyens étaient réunis pour dénoncer l’acte de malveillance dont cette journaliste spécialiste des enquêtes sur l’agroalimentaire a été victime. Le 31 mars, elle avait retrouvé les boulons de l’une des roues de sa voiture entièrement dévissés. L’un tombé devant chez elle, l’autre sur la route qui mène à sa maison. « Je peux vous dire que ça vous glace. Ce n’est plus de la menace sourde là », explique Morgan Large, qui va porter plainte.
Jointe au téléphone après le rassemblement qui aurait réuni plus de 800 personnes, la journaliste est émue de cet élan de soutien. Mais elle n’est pas tranquille. Après un temps d’hésitation, elle s’explique. « Est-ce que j’ai peur ? J’alterne entre les moments où ça va bien et les moments où j’ai peur. Je ne sais pas s’il faut que je le dise mais oui, j’ai peur. Si cet acte a été fait pour ça, il est réussi ».
Vendredi, Reporters sans frontières n’avait pas hésité à parler de « mise en danger » pour décrire ce probable acte de sabotage perpétré devant chez la journaliste. La piste de la défaillance matérielle, personne n’y croit. « Ça fait des années que l’on fait des sujets qui dérangent et qu’on nous menace. On a déjà perdu des subventions publiques à cause de ça. Un maire nous l’avait même dit en direct, à l’antenne il y a quelques années. Ça pose question, non ? ».Un manifestant brandit une pancarte ici lors du rassemblement de soutien à la journaliste bretonne de la radio RKB Morgan Large, organisé le 6 avril 2021 à Rostrenen. – Damien Meyer / AFP
Actes de malveillance et d’intimidation
Ce n’est pas la première fois que la journaliste se dit visée par des actes de malveillance et d’intimidation, citant pêle-mêle l’intoxication de son chien, l’ouverture des enclos de ses animaux, ou les tentatives d’intrusion dans sa petite radio associative bilingue. Si elle se refuse à désigner un quelconque coupable de cet acte de sabotage, la journaliste sait qu’elle fait l’objet d’une attention particulière de la part de la filière agroalimentaire. Un mastodonte de l’économie bretonne que la rédactrice a souvent égratigné au fil de ses enquêtes. Et qu’elle n’a pas hésité à critiquer quand elle a témoigné dans le documentaire Bretagne, une terre sacrifiée, diffusé en décembre sur France 5.
« Je ne sais pas d’où proviennent ces menaces. Mais je sais que des inspecteurs du travail avaient déjà été victimes d’un déboulonnage de leur roue de voiture alors qu’ils visitaient une serre de tomates il y a quelques années. Le monde agricole est sur la défensive. Il y a des enjeux, des problèmes de société. La mobilisation que j’ai vécue aujourd’hui le prouve. Il y a de plus en plus de gens qui s’interrogent, qui expriment leur lassitude face à ces comportements », explique la journaliste. Elle aurait d’ailleurs aimé « que le monde agricole se désolidarise » de cet acte. Seul le syndicat Confédération Paysanne l’a fait.
D’autres cas de menaces dans la région
Depuis quelques mois, le sujet des enquêtes autour de l’agroalimentaire fait débat en Bretagne. Récemment, une journaliste allemande aurait elle été « insultée, bousculée et suivie chez elle par un agriculteur » à Glomel. Il y a quelques semaines, la journaliste Inès Léraud faisait l’objet d’une plainte en diffamation de la part du grossiste breton Chéritel, dont elle avait dénoncé les pratiques dans un article paru sur Bastamag. Le groupe avait annoncé l’abandon des poursuites le jour même de l’audience.
Trois syndicalistes sont eux toujours visés par des poursuites pour les mêmes faits et attendent de connaître la décision de la justice. « Beaucoup de gens ont peur de parler », nous expliquait récemment Inès Léraud. Elle et d’autres n’hésitent pas à accuser le lobby de l’agrobusiness d’avoir infiltré toutes les branches de la société : les conseils municipaux locaux, les banques et même les médias régionaux. Un empire.
3 réponses sur “Rostrenen : soutien massif à Morgan Large et à la liberté d’informer”
Les commentaires sont fermés.