Chlordécone : des milliers de Martiniquais.e.s dans la rue !

Des milliers de personnes manifestaient le samedi 27 février en Martinique contre la menace de prescription dans le dossier du chlordécone. Cet insecticide, est accusé d’avoir contaminé plus de 90 % de la population adulte martiniquaise et guadeloupéenne. L’insecticide a été autorisé jusqu’en 1993 dans les bananeraies, alors que sa toxicité était connue depuis les années 60 …

Le scandale sanitaire du chlordécone expliqué en 2018 par le Quotidien Le Monde dans une vidéo de 6’15 » …

Martinique : manifestation du 27 février 2021 contre « l’impunité » dans le dossier du chlordécone

Un  reportage de 1’14 » signé France 24 …


Scandale du chlordécone : plusieurs milliers de manifestants en Martinique contre « l’impunité »

Un article paru dans Le Monde du 27 février 2021

« Non à l’impunité ! » Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi en Martinique contre la menace de prescription dans le dossier du chlordécone, un insecticide accusé d’avoir empoisonné l’île et la Guadeloupe voisine.Tambours, chachas (maracas), conques de Lambi (coquillage symbole de la Martinique) et chants ont accompagné le rassemblement, qui comptait entre 10 000 et 15 000 personnes selon les organisateurs, 5 000 selon la police. « Prescription dapré yo, di prefet a alé planté bannan » (« d’après eux il y aura prescription, dites au préfet d’aller planter des bananes »), ont notamment chanté les manifestants en reprenant l’air d’une chanson du carnaval, illégal cette année en raison du Covid-19.

« On n’avait jamais vu une manifestation aussi importante depuis 2009 », année de la grève générale contre la vie chère, assure Francis Carole, président (divers gauche) du Parti pour la libération de la Martinique et conseiller exécutif chargé des affaires sanitaires de la collectivité territoriale. Une quarantaine d’associations, de syndicats et de partis politiques de l’île avaient appelé au rassemblement.

Plus de 90 % des adultes contaminés par l’insecticide

L’insecticide a été autorisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies des Antilles, polluant eaux et productions agricoles, alors que sa toxicité et son pouvoir persistant dans l’environnement étaient connus depuis les années 60.

Plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

La crainte d’un non-lieu

Plusieurs associations de Martinique et de Guadeloupe, qui avaient déposé plainte en 2006 contre l’empoisonnement de leurs îles, ont été auditionnées les 20 et 21 janvier par les juges d’instruction parisiens en charge de l’affaire depuis 2008. Ces derniers ont alors expliqué aux plaignants qu’il pourrait y avoir prescription des faits et que le dossier pourrait déboucher sur un non-lieu. Une option qui a heurté l’opinion et conduit à cette grande mobilisation ce samedi. Pour Harry Bauchaint, membre du mouvement politique Péyi-A, « le gouvernement a prétendument reconnu une quelconque action mais n’a rien fait, et petit à petit se désengage ».
Si la mobilisation de samedi a été très importante en Martinique, elle est plus timide en Guadeloupe où 300 personnes, selon la CGT locale, syndicat organisateur, ont participé à une manifestation simultanée à Capesterre-Belle-Eau. A Paris, lieu de la troisième manifestation simultanée, un peu plus de 200 personnes se sont rassemblées place de la République.


Chlordécone : les Antillais réclament justice dans la rue

Un article de Marion Lecas  paru dans Reporterre du 4 mars 2021

L’annonce d’un possible non-lieu dans le procès du pesticide chlordécone a redonné du souffle à celles et ceux qui réclament justice dans cette affaire d’empoisonnement. En Martinique, de grandes manifestations ont eu lieu ce week-end « contre l’impunité ». Les militants dénoncent des délais judiciaires aberrants, ainsi que la disparition de certaines preuves.

  • Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), correspondance

De mémoire de Martiniquais, on n’avait pas vécu telle mobilisation depuis les grèves générales de 2009, qui avaient alors paralysé l’île. Plus de 10.000 personnes selon les organisateurs — 5.000 d’après les forces de l’ordre — sont descendues dans les rues, samedi 27 février, pour s’opposer au probable non-lieu du procès du chlordécone [1]

Rappel des faits : en 2006 trois associations guadeloupéennes (l’Union des producteurs agricoles de la Guadeloupe, l’Union régionale des consommateurs et la Confédération générale du travail de la Guadeloupe, CGTG) ont porté plainte pour «mise en danger de la vie d’autrui» et «empoisonnement», suivie, l’année d’après, par deux associations martiniquaises (Assaupamar et Écologie urbaine). Elles dénonçaient alors l’utilisation persistante du chlordécone, interdit en métropole jusqu’en 1989, et autorisé dans les bananeraies antillaises jusqu’en 1993, alors même que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait l’insecticide dangereux et probablement cancérigène dès 1979.

Documents introuvables

Le 20 janvier dernier, lors d’un appel en visioconférence, les juges d’instruction ont informé les parties civiles que les faits étaient probablement trop anciens pour être jugés. «Le point de vue du magistrat instructeur est de dire que le délit commençant en 1993, et que la première plainte datant de 2006, soit treize ans plus tard, les faits sont prescrits», précise Raphaël Constant, avocat de l’association martiniquaise Écologie urbaine. «Notre position à nous est de dire qu’il y a un délit à chaque fois qu’on utilise le chlordécone, et qu’il est évident qu’on l’a utilisé en continu jusqu’au début du XXIe siècle», poursuit-il.

En effet, en 2002 encore, la douane a saisi à Dunkerque plusieurs tonnes de patates douces en provenance de Martinique, toutes contaminées au chlordécone. Mais l’ennui, c’est que le procès-verbal alors élaboré a depuis disparu. À l’instar de nombre d’autres documents, dont les rapports de réunions au ministère de l’Agriculture, entre 1989 et 1993, ou les bordereaux de dédouanement qui prouveraient que le pesticide arrivait sur l’île jusqu’en 2005. «Un document perdu ça va, deux c’est problématique. Mais, alors quand on ne retrouve plus rien, on commence à se poser des questions : a-t-on mal cherché ou y’a-t-il pour objectif de faire obstruction à la justice?» s’interroge Raphaël Constant. Las, les militants ont eux-mêmes lancé un appel aux fonctionnaires de l’époque, leur demandant de venir témoigner, et d’attester de ce «crime d’empoisonnement organisé».

«Ils attendent que l’on meure tous»

«À nous, désormais, de prouver que si l’on risque le non-lieu, ce n’est pas du fait d’une enquête bien menée, mais d’une absence d’enquête pendant trop longtemps», s’indigne Jean-Marie Flower, président de l’association guadeloupéenne Vivre, à l’origine d’une des plaintes : «C’est à croire qu’ils attendent que l’on meure tous», ajoute-t-il. En effet, «les délais déments» de l’affaire, d’après les mots de Raphaël Constant, soulèvent quelques questions sur la bonne volonté de la justice. Déjà, l’instruction judiciaire n’a été ouverte qu’en 2008, soit deux ans après la première plainte. Le dossier a été dépaysé au pôle santé du tribunal judiciaire de Paris et les juges se sont succédé, retardant encore la procédure. «Les parties civiles n’ont toujours pas été auditionnées, la première fois qu’on leur a parlé en quinze ans, c’était au début de l’année pour leur annoncer la probable prescription», s’agace l’avocat Constant.

Face au mépris, à l’impression d’être «des sous-citoyens» bénéficiant «d’une sous justice», la foule en Martinique a ainsi scandé «Non à l’impunité!» demandant au gouvernement de peser de tout son poids afin que le procès ait bien lieu et que justice soit faite. «Nous étions à l’unisson, de tous bords politiques et au-delà même des cercles militants, afin de faire entendre notre voix», se réjouit ainsi Philippe Pierre-Charles, secrétaire général de la CMDT (Centrale démocratique martiniquaise des travailleurs) et organisateur de la manifestation. Le cri des Antillais suffira-t-il toutefois à éviter le non-lieu? «L’émoi de l’opinion publique et les demandes politiques vont avoir un poids dans la décision du juge», veut croire Raphaël Constant. Il a prévu, avec les autres avocats des différentes parties civiles, de lancer une démarche commune afin de contester la prescription et de demander l’audition d’un certain nombre de témoins. Les militants, quant à eux, réunis lundi 1er mars dans la soirée, ont d’ores et déjà prévu une nouvelle manifestation à la fin du mois …


Manifestation à Paris contre la prescription dans l’affaire du chlordécone

En parallèle de la mobilisation ce week-end aux Antilles, plus de 200 personnes se sont rassemblées place de la République à Paris, notamment pour s’opposer à la prescription dans l’affaire de la plainte pour empoisonnement dans l’affaire du chlordécone.
Manif paris chlordécone
©William Kromwel

C’est sous le soleil parisien, place de la République, qu’au moins 200 personnes ont répondu à l’appel à manifester lancé il y a quelques jours via les réseaux sociaux. Objet de cette mobilisation : soutenir les victimes empoisonnées par le chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, et dire non à la prescription de la plainte déposée pour empoisonnement par plusieurs associations.

Tony Mango, l’un des organisateurs de la manifestation, est fier de cette mobilisation : « Je suis heureux et fier. J’étais persuadé que les gens répondraient présents car la question est fondamentale (…) Nous sommes dans la démonstration qu’ensemble, Guadeloupéens et Martiniquais, nous sommes plus forts« . Regardez l’interview de Tony Mango :

 

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