« Ce que la pandémie fait à la démocratie » par Barbara Stiegler

Dans un contexte de pandémie mondiale, la philosophe Barbara Stiegler sort ce 14 janvier un « Tract » chez Gallimard intitulé « De la démocratie en Pandémie « . Elle y livre une critique de la gestion de cette crise sanitaire, entre colère et inquiétude pour la démocratie … En parlant de « pandémie », on a sidéré les esprits, on est passé dans un régime d’exception et on a accepté des choses inacceptables.. ».

Un extrait vidéo de 3’12 »  de l’entretien réalisé le 4 janvier 2021 par France Culture …

L’intégralité de l’entretien vidéo de 33′  réalisé et diffusé par France Culture le 4 janvier 2021 …

Barbara Stiegler dénonce notamment  la place que le numérique prend à l’université et son acceptation sans réflexion ni esprit critique. Elle prône l’invention d’autres méthodes d’enseignement pour préserver la relation du professeurs aux élèves. Quitte à refuser d’obéir aux plans de continuité pédagogique qui, tous les jours, disent aux enseignants ce qu’ils doivent faire.

« Je refuse de croire que je pourrais donner des cours en parlant à mon ordinateur. Car donner un cours, c’est une relation. (…) Les élèves modifient considérablement l’enseignant. »… Ce virage numérique n’est pas du tout une improvisation du 17 mars, c’est un projet politique.  »

Dans « De la démocratie en Pandémie « , elle reprend le propos de Richard Horton, rédacteur en chef de « The lancet« , pour qui l’épidémie de Covid-19 n’est pas une pandémie mais une « syndémie », une maladie causée par les inégalités sociales et par la crise écologique entendue au sens large, elle montre que toutes les conditions sont réunies pour que le même type d’épidémie se reproduise régulièrement. Si nous ne vivons pas une pandémie, nous vivons “en Pandémie” écrit-elle, dans un nouveau continent mental parti d’Asie pour s’étendre à toute la planète, avec de nouvelles habitudes de vie et une nouvelle culture.

Alors que la plupart des gouvernements ont commencé par s’enferrer dans le déni, elle note un revirement brutal dans leurs réactions à la crise, expliqué par la peur. Il fallait ainsi frapper fort par un confinement total et pour éviter la flambée populaire, utiliser le moment actuel pour faire passer en force toute une série de lois liberticides. Barbara Stiegler dénonce ainsi une  “Manufacture du consentement”,  expression qu’elle emprunte à Walter Lippmann.

Surtout, elle souligne la nécessité urgente de mobilisation contre une vision idéaliste de l’après. Alors que l’université est elle-même menacée par une numérisation à tout va et après s’être engagée auprès des Gilets jaunes puis des grévistes contre la réforme des retraites, Barbara Stiegler se porte aujourd’hui contre les visions prophétiques d’un « monde d’après » qui serait plus juste et plus égalitaire. Elle souligne qu’on devrait plutôt s’attendre à un durcissement des pouvoirs dominants. La rupture avec l’ancien monde ne pourrait se conquérir qu’au prix de mobilisations sociales et politiques de très grande ampleur.


Barbara Stiegler (née en 1971) est une philosophe française, professeure à l’université Bordeaux-Montaigne ; elle travaille en collaboration avec les milieux de la santé. Elle est membre de l’Institut universitaire de France. Elle s’intéresse tout d’abord à Nietzsche, dans ses rapports à la biologie et au corps. Théoricienne du néolibéralisme, elle met ensuite en évidence les sources évolutionnistes du néolibéralisme pour lequel l’espèce humaine devrait apprendre à vivre dans un nouvel environnement et s’adapter grâce à des politiques de santé et d’éducation menées par des experts.


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