Furax !

Jean Raymond Jacob, directeur de la Compagnie Oposito et du Moulin Fondu est furax ! 3 jours avant le début des Rencontres d’Ici et d’Ailleurs, il se voit signifier la non-autorisation de La Journée Singulière prévue le 27 septembre à Garges Les Gonesse. Comment peut on interdire aux uns ce que l’on autorise aux autres ? Colère et écœurement partagés au nom du principe même de l’égalité républicaine de tous devant la loi …

« Furax !
Je suis furax !
Furax d’apprendre, 3 jours avant le lancement de La Journée Singulière des Rencontres d’Ici et d’Ailleurs, par arrêté du préfet du Val d’Oise – Monsieur Amaury de Saint Quentin – la non-autorisation pure et simple de notre manifestation.
Furax de voir, à nouveau, le travail produit par nos équipes, balayé d’un simple revers de manche.
Furax de voir que tout le travail de concertation établi ces derniers mois avec les services de la préfecture n’aura servi à rien.
Furax d’apprendre l’annulation du festival alors que les équipes sont déjà sur les routes.
Furax d’apprendre, par courrier électronique, alors qu’embauche l’équipe technique, que le festival pour lequel elle s’engage, est annulé.
Furax de voir stoppée, dans son élan, la relation que nous construisons avec les citoyens de Garges-lès-Gonesse.
Furax de voir que notre organisation, qui respecte strictement les préconisations anti-Covid, n’ait pas été prise en considération.
Furax de ne pas être pris au sérieux malgré le professionnalisme dont nous faisons preuve ici et dans le reste du monde.
Furax de devoir annoncer, à une jeune équipe de danseuses et danseurs venant de Guadeloupe, que leur première dans le métier n’aura pas lieu.
Furax de voir un projet de territoire mené au long cours avec 9 jeunes du Val d’Oise, s’arrêter net !
Furax de voir à quel point nos métiers de la culture sont les dernières roues du carrosse pour certains.
Furax de voir la casse sociale provoquée par ces réponses de non-recevoir.
Furax, furax, furax ! « 
Jean-Raymond Jacob
Directeur du Moulin Fondu,
Centre national des arts de la rue et de l’espace public


Garges-lès-Gonesse : la préfecture annule le festival, le directeur «furax»

Le préfet a pris un arrêté pour annuler le festival d’art de rue «La journée singulière des rencontres d’ici et d’ailleurs». Jean-Raymond Jacob, responsable de la compagnie Oposito, dénonce une décision «incompréhensible et incohérente».

 24 septembre 2020

 Garges-lès-Gonesse, ce jeudi. Jean-Raymond Jacob, directeur de la Compagnie Oposito et du Moulin Fondu.
Garges-lès-Gonesse, ce jeudi. Jean-Raymond Jacob, directeur de la Compagnie Oposito et du Moulin Fondu. LP/V.T.

Jean-Raymond Jacob a décidé de « taper du poing sur la table ».
« La vie a repris dans tout le pays. Les transports fonctionnent, les écoles sont grandes ouvertes, les centres commerciaux et magasins tournent à plein régime… Mais nous, la culture, on ne peut pas exercer ?, s’interroge, agacé, le metteur en scène. Nous sommes la cinquième roue du carrosse, il y en a assez ! Je suis furax ! »

Le directeur de la Compagnie Oposito, et du Moulin Fondu labellisé « Centre national des arts de la rue et de l’espace public » (CnarepP), ne se remet pas de l’arrêté préfectoral qu’il garde sur son bureau. Ce mercredi matin, le préfet du Val-d’Oise, Amaury de Saint-Quentin, a décidé d’annuler le festival « La journée singulière des rencontres d’ici et d’ailleurs » prévue, ce dimanche, à Garges-lès-Gonesse.

«La circulation du virus nous amène à demeurer plus que jamais vigilants !»

Le lancement de la saison culturelle municipale, ce samedi, a lui aussi été supprimé. « Des moyens humains, matériels et financiers sont déployés depuis plusieurs mois pour offrir aux habitants des productions artistiques de qualité, souligne le maire (UDI) Benoît Jimenez. Nous ne pouvons que regretter l’annulation mais nous comprenons la décision qui intervient dans un contexte sanitaire extrêmement tendu. La circulation du virus nous amène à demeurer plus que jamais vigilants ! »

Jean-Raymond Jacob, 62 ans, affirme qu’un protocole sanitaire « très strict » avait été mis en place par sa compagnie. « Il a même été élaboré et validé par la préfecture elle-même en août, s’insurge-t-il. C’est incompréhensible et incohérent. C’est un événement en plein air, avec des places assises qui permettent la distanciation sociale, un comptage du public… Il n’y avait aucune bonne raison d’interdire ! »

«Nous avons énormément travaillé, mais ça n’a servi à rien…»

Le festival, organisé chaque année depuis l’arrivée de la compagnie dans la commune fin 2017, était à l’origine programmé en mai. Il avait, en pleine crise sanitaire, été reporté. « Nous avons engagé de nouveau frais pour tout repenser et permettre sa tenue ce 27 septembre. Nous avons énormément travaillé, mais ça n’a servi à rien… », se désole le metteur en scène.

Ces nouvelles dépenses ont, néanmoins, pu être « absorbées » par les aides venues de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et de la région Ile-de-France, notamment. Les risques économiques portent davantage sur les compagnies qui devaient se produire dimanche. Huit spectacles de rue devaient avoir lieu à différents endroits du village. « Dans notre milieu, comme on dit, ce n’est pas vu, pas pris, souligne Jean-Raymond Jacob. Les professionnels ont besoin de voir les compagnies exercées pour leur proposer des dates. Sans cela, il n’y a plus de travail ! »

Le metteur en scène, à la tête d’Oposito depuis 37 ans, cite l’exemple d’un groupe de quatre danseurs qui a pris l’avion depuis la Guadeloupe. Ils devaient réaliser leur première ce dimanche. « C’est brutal de leur annoncer à leur descente de l’avion, deux jours avant le spectacle, qu’ils ne pourront pas montrer ce qu’ils savent faire », soupire-t-il.

«Le ras-le-bol est partagé par tout le milieu»

Jean-Raymond Jacob espère que son « coup de gueule » aura une résonance dans tout le monde de la culture. « Au-delà de notre histoire singulière, le ras-le-bol est partagé par tout le milieu, c’est universel, estime-t-il. Nous devons faire entendre notre colère. » Un hashtag #CultureFurax va être lancé sur les réseaux sociaux.

Selon la préfecture, le document du 12 août dernier auquel la compagnie fait référence en évoquant un protocole sanitaire concerne en réalité des préconisations du Sdis 95 (les pompiers du Val-d’Oise). « Il ne s’agissait pas d’une autorisation en tant que tel », soulignent les services de l’Etat.

Une aggravation de la situation sanitaire

La préfecture justifie cette décision d’interdiction par la réalité de la situation sanitaire dans le Val-d’Oise qui ne fait que s’aggraver. Mais elle s’appuie également sur l’organisation en plein air de la manifestation qui aurait occasionné un important brassage de population. Ce qui est au cœur de la stratégie du préfet pour lutter contre la progression de la pandémie.

« Il était attendu jusqu’à 600 personnes sans possibilité de respect des distances entre les personnes », indique la préfecture. Elle explique avoir proposé que la manifestation se déroule dans une salle, avec des places assises et en respectant la distanciation avec un mètre entre chaque chaise. Ce qui, selon elle, était possible d’organiser avec plusieurs jours de délai.

8,2 % de tests positifs au Covid-19

Les derniers chiffres-clés de la pandémie sont de plus en plus inquiétants : le taux d’incidence, c’est-à-dire le nombre de cas positifs pour 100 000 habitants et sur une semaine est passé de 88,9 il y a 9 jours à 136,8 ce jeudi. Encore s’agit-il d’une moyenne départementale. Ce mercredi, il était de 128 en moyenne sur le Val-d’Oise, et à Garges de 140.

Le taux de test positif au Covid-19 augmente lui aussi : il est aujourd’hui à 8,2 %, contre 7,3 % la semaine dernière. Enfin, et ce n’est pas le moins inquiétant, sur 58 lits de réanimation dans le Val-d’Oise, 22 sont ainsi aujourd’hui occupés. Soit 38 %. « Cette semaine, en l’espace de deux jours nous avons eu dix patients supplémentaires », révèle le préfet du Val-d’Oise, Amaury de Saint-Quentin. Avec cette différence par rapport au mois de mars dernier qu’il n’est plus envisageable de transférer des patients en région désormais pour soulager les hôpitaux.


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France bleu Paris
Les infos du vendredi 25 septembre

A écouter en cliquant par ici
ITW de Jean-Raymond Jacob à 4’12


Dans La lettre du spectacle n°480 – 16 octobre 2020, par La Scène


Lettre ouverte de La Présidente de l’association Oposito à Madame la Ministre de la Culture …

Le 25 septembre 2020

Madame la Ministre de la Culture
3, rue de Valois
75001 PARIS

Objet : Courrier de requête
Relatif à l’arrêté préfectoral du Val d’Oise 2020-740 du 22/09/2020

Madame la Ministre,

Considérant :
– que la pandémie qui frappe tous les pays du monde est grave
– qu’il est nécessaire de lutter activement en tant que citoyen, professionnel, agent économique du pays, contre sa propagation en France
– que, en tant qu’artistes et structures culturelles, nous participons activement à l’effort national depuis mars derniers au prix du sacrifice d’une double saison,
– qu’en tant qu’artistes et professionnels de l’espace public, nous avons développé depuis plusieurs décennies des savoir-faire et des compétences spécifiques sur la gestion du public en toutes circonstances,

Nous sommes aujourd’hui excédés par la méconnaissance des services de l’Etat à l’encontre de notre secteur qui les conduit à prendre des décisions graves sans discernement et sans concertation.

Le CNAREP Moulin Fondu qui préparait pour ce dimanche 27 septembre sa 32e édition des Rencontres d’Ici et d’Ailleurs à Garges-lès-Gonesse, manifestation annulée en mai et redéployée en tout respect des contraintes sanitaires, s’est vu frappé d’interdiction, sans la moindre discussion préalable ni analyse effective du programme et des mesures prévues, alors qu’ils avaient fait l’objet des informations requises et même plus de notre part. Ainsi, chacun des 8 spectacles devant accueillir entre 200 et 600 personnes au plus, était sur des sites éloignés les uns des autres.

Cette interdiction préfectorale est la goutte d’eau de trop. Ce qu’elle révèle de la considération du secteur culturel et plus particulièrement des arts en espace public, nous conduit aujourd’hui à exprimer notre colère, au nom de notre structure et de notre équipe, mais aussi au nom de tout un secteur.

Après les catastrophes subies depuis mars dernier par les acteurs de la culture en France et leurs inévitables effets économiques directs et indirects sur les saisons à venir, les interdictions qui surviennent cet automne sur certains territoires nous conduisent à nous interroger fortement sur la place de la culture dans le traitement de la crise sociétale dans laquelle nous sommes. Elles nous questionnent aussi sur la non prise en compte des compétences, de la créativité et de l’expérience des professionnels des arts en espace public compris face à la circulation d’un virus en espace public.

En conséquence, nous voulons vous faire part de notre mobilisation et de notre colère qui se traduit par #CULTURE FURAX. Nous désirons fortement échanger avec vous, madame la Ministre, sur ces questions de fond. Nous nous tenons prêts à vous rencontrer le plus vite possible selon des modalités à définir avec vos services.

Dans l’immédiat, notre événement public étant annulé, nous préparons une journée manifeste, poétique, artistique, politique, transmise par les canaux numériques, avec tous les artistes programmés, que désormais devenus passages obligés.

Vous êtes la bienvenue pour y participer, à Garges-Lès Gonesse dimanche, ou devant votre ordinateur.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous adressons, madame la ministre, nos respectueuses et confiantes considérations.

La Présidente, Claudine DUSSOLLIER
Le Directeur Jean-Raymond JACOB


Le Moulin Fondu d’Oposito engage des recours :

Un recours gracieux au Préfet du Val d’Oise daté du 23 septembre 2020

  • Un recours en référé auprès du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise daté du 24 septembre 2020

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