Les algues vertes reconnues responsables de la mort d’un homme !

La décision de la cour administrative d’appel de Nantes prononcée le 24 juin fera date dans l’histoire des algues vertes. Le 6 septembre 2016, le corps sans vie de Jean-René Auffray était retrouvé dans l’estuaire du Gouessant, à Hillion (22). Jusqu’à ce jour, le lien entre les algues vertes et la mort de ce sportif n’avait jamais été officiellement reconnu. Reporterre revient sur cette victoire, fruit d’un élan collectif …

Algues vertes et mort d’un joggeur : le « lien direct » est reconnu .

C’est une première : le lien entre les algues vertes et le décès d’un joggeur en Bretagne a été établi par la cour administrative d’appel de Nantes. Un « soulagement », a dit son fils, mais pas la fin du combat. Un article signé Kristen Falc’hon dans Reporterre du 25 juin 2025 …

Une plage envahie d’algues vertes à Hillion, dans la baie de Saint-Brieuc (Bretagne), le 10 aout 2024. – © Isabelle Souriment / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Brest (Finistère), correspondance
Le 24 juin fera date dans l’histoire du combat contre les algues vertes. La cour administrative d’appel de Nantes a condamné l’État à indemniser les proches d’un joggeur retrouvé mort sur un amas d’algues vertes le 8 septembre 2016 à Hillion, dans les Côtes-d’Armor. Un « véritable soulagement », a assuré la famille de Jean-René Auffray, qui se bat devant les tribunaux depuis près de dix ans.

Autre fait marquant, pour la première fois, un lien de « causalité directe » entre un décès humain et cette pollution a été établi officiellement.

L’émotion était palpable dans la voix de Yann Auffray, fils de Jean-René, un sportif adepte de longs trails dont le corps sans vie avait été découvert dans l’estuaire du Gouessant. Après avoir pris connaissance de l’arrêt du tribunal, la famille s’est rendue sur sa tombe.

« C’est d’abord pour lui qu’on a fait ça, raconte son fils, joint par téléphone par Reporterre à l’issue d’une longue journée durant laquelle il a été, tout comme ses deux sœurs et leur mère, Rosy, médiatiquement très sollicité. C’est la fin d’un combat pour notre famille mais ce n’est pas la fin du combat contre les algues vertes ! »

Les énormes marées vertes sont nourries par des pratiques agricoles intensives — il y a quatre fois plus de cochons que d’humains en Bretagne. En pourrissant sur le sable, les algues dégagent du sulfure d’hydrogène (H2S), un gaz mortel.

Les carences de l’État soulignées par le tribunal

Cette lutte fut, pour la famille Auffray, un parcours du combattant qui a débuté dès le décès de Jean-René. Plusieurs voix s’étaient alors élevées pour dissuader la famille de demander une autopsie. Celle-ci avait été finalement réalisée deux semaines plus tard, trop tardivement pour déceler dans les poumons la présence de H₂S.
« Il y a eu l’exhumation, le classement sans suite de la première plainte, la décision défavorable du tribunal administratif de Rennes [qui avait classé sans suite l’affaire]… On revient de loin, se remémore Yann Auffray, 28 ans, qui milite tout comme sa mère dans l’association Halte aux marées vertes. Le tout dans un contexte politique qui n’est pas du tout favorable à l’écologie, c’est un vrai soulagement. »

« Cette décision fera date et marque un tournant dans la lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne », dit Maître Lafforgue, avocat de la famille Auffray. Dans son arrêt, la cour d’appel du tribunal administratif de Nantes explique que « les carences de l’État sont établies » dans la mise en œuvre des différentes réglementations contre les pollutions d’origine agricole.

Elle précise qu’il y a un « lien direct et certain de cause à effet » entre ces manquements et la prolifération des algues vertes. Une décision claire qui conclut des années d’errance juridique dans ce dossier.
Enfin, l’arrêt affirme ce qu’aucun tribunal n’avait établi auparavant : il reconnaît l’évidence, à savoir que le décès de Jean-René Auffray est survenu « en raison d’une intoxication provoquée par de l’hydrogène sulfuré dégagé par la décomposition d’algues vertes ».

Une victoire collective

Seule ombre au tableau de cette décision de justice : la responsabilité partielle donnée à l’État, à hauteur de 60 %, dans le décès du joggeur. Cela implique donc que Jean-René Auffray, ayant choisi d’aller courir dans cette zone, s’est mis en danger en connaissance de cause. Une atténuation de responsabilité « regrettable », selon Maître Lafforgue.

Dans un courriel lapidaire adressé à la presse, la préfecture des Côtes-d’Armor a quant à elle fait savoir que le préfet « prend acte de la décision » mais qu’il ne la commentera pas.
« C’est un élan collectif qui nous a fait gagner, plusieurs associations sont intervenues, ont apporté des preuves et fait pression », explique Yann Auffray soulignant aussi « l’importance du travail de la journaliste Inès Léraud ». Celle-ci a en effet consacré de nombreuses enquêtes — et une bande dessinée adaptée en film — à ce scandale sanitaire qui empoisonne la vie des Bretons depuis quarante ans.

Yann Auffray a ajouté : « Cette lutte a fini par payer, nous espérons maintenant que l’État fera son travail. Nous avons conscience que ce qui se joue ici dépasse Hillion car c’est le problème de l’agriculture européenne qui se doit d’être plus soutenable. »


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