« Les Algues Vertes », un film nécessaire et captivant !

« Les Algues Vertes » feront encore parler d’elles, mais cette fois-ci au cinéma à partir du 12 juillet ! Auparavant le film  de Pierre Jolivet inspiré de la bande dessinée d’Inès Léraud, « Algues vertes, l’Histoire interdite » est présenté en avant-première dans plusieurs salles en Bretagne. C’était le cas ce 15 juin 2023 à Brest au cinéma Les Studios en présence du réalisateur et d’un public largement conquis …

Extrait de la présentation de Pierre Jolivet dans l’une des 3 salles brestoises en prélude à la projection (durée :  1’52 »)…


Cinéma. L’agro-industrie bretonne visée dans « Les Algues vertes »

Un reportage signé Dolorès Charles et Yann Launay publié par hitwest.ouest-france.fr du 16 juin 2023 …

Pierre Jolivet (Brest juin 2023)
Le réalisateur Pierre Jolivet à Brest le 15 juin 2023. Photo Yann Launay

Le film « Les Algues vertes », tiré de la BD, sortira dans toute la France le 12 juillet au cinéma, mais de nombreuses avant-premières sont organisées dès maintenant en région Bretagne. Une volonté de la coscénariste Inès Léraud, et du réalisateur, Pierre Jolivet (à qui on doit des films comme « Ma petite entreprise » et « Mains armées »). Le film retrace les investigations de la journaliste Inès Léraud, installée en Bretagne depuis 2015 pour enquêter sur les algues vertes et sur l’agro-industrie bretonne. Le tournage s’est déroulé principalement dans les Côtes d’Armor : à Hillion, Saint-Michel-en-Grève, Trémargat, Lannion. Le tournage n’aura pas toujours été simple : plusieurs collectivités ayant refusé de l’accueillir.

Plus on vous interdit des choses, plus vous êtes galvanisé et vous vous dites je vais le faire quand même !

Il a fallu parfois ruser, comme l’évoque Pierre Jolivet à Yann Launay. « Il y a plein d’endroits où on n’avait pas le droit de tourner, pas le droit de poser un pied de caméra, ni de faire un travelling. Voilà, donc on avait plein de potes, d’associations qui nous gardaient des places de parking, et qui nous les libéraient à 7 h du matin quand on arrivait. Il nous est arrivé de faire un faux accident de vélo pour pouvoir bloquer une route pendant trois minutes, juste le temps que je puisse faire mon plan… Plus on vous interdit des choses, plus vous êtes galvanisé et vous  vous dites je vais le faire quand même ! Je crois qu’il y a plein de communes où ils ne peuvent pas dire oui parce que dans leurs électeurs, il y a énormément d’agriculture intensive. L’Agro industrie est là, derrière et vis à vis d’une partie de leurs électeurs, ils ne pouvaient pas dire oui ! »

La responsabilité de l’agriculture industrielle dans le phénomène des algues vertes est clairement dénoncée, mais Pierre Jolivet se défend d’avoir signé un film manichéen, avec d’un côté les gentils écologistes et de l’autre les méchants agriculteurs : « lhistoire est plus compliquée : il y a beaucoup d’agriculteurs qui sont pris en otage par ce système. Ils ne peuvent pas en sortir parce qu’ils sont endettés, parce qu’ils dépendent de la coopérative etc. Ils sont devenus, pour beaucoup, des ouvriers agricoles alors que leur idée de départ, c’était d’être agriculteur, et pas ouvrier agricole… Il y a des agriculteurs qui prennent la parole dans les débats, ce n’est jamais vindicatif, (et ils le disent que leur vie est très compliquée). Ce sont toujours des moments assez forts et émouvants. Je crois que si les agriculteurs passent au dessus de leur a prioris et vont voir le film, ils ne vont pas sortir du tout en colère, au contraire. »

Un public largement conquis

La curiosité des spectateurs bretons est au rendez-vous : pour l’avant-première de Brest, hier (jeudi 16 juin) soir aux Studios, le film a été projeté dans trois salles, devant l’affluence. A la sortie, le public est largement conquis : « d’un point de vue artistique, j’ai bien aimé les couleurs, la façon de filmer, cela passe très vite et on est vraiment pris par l’histoire de cette journaliste. Les faits sont décrits de façon très précise et il y a un peu le côté policier et il ne faut pas avoir peur car ce n’est pas un documentaire. Moi, j’ai retenu ma respiration pendant tout le film et pourtant j’avais lu la BD et j’ai été complètement happée par le film ! J’espère qu’il aura une très large diffusion : je me souviens quand j’étais petit, j’allais sur la plage de Plestin les Grèves avec mes parents… et la plage était avec du sable fin, on pouvait aller se baigner et aujourd’hui, ce n’est plus le cas… »

Écouter les spectateurs brestois interrogés par Yann Launay à la sortir du film …

Dénoncer, oui mais certains font du bon boulot !

Parmi les spectateurs de l’avant-première de Brest, quelques agriculteurs, comme Patrick, un éleveur finistérien qui reconnaît sans problème les excès de l’agriculture industrielle, mais qui estime que le film manque tout de même de nuance : « Dénoncer oui, mais il y en a qui font du bon boulot. 80 % des agriculteurs font du bon boulot. Moi je me sens insulté alors que je fais du bon boulot. Selon moi, le fait de toujours dénoncer sans encourager cela écoeure beaucoup les agriculteurs : ils sont montrés du doigt en permanence. On n’est pas les seuls en cause dans les algues vertes, les stations d’épuration ne sont pas aux normes, elles sont sous dimensionnées et rejettent les phosphore, très nocif. Le phosphore de nos machines à laver à tous. »

Écouter Patrick, un éleveur finistérien interrogé par Yann Launay à la sortir du film …

Les Algues Vertes, de Pierre Jolivet, avec Céline Sallette, sera projeté en avant-première :
– le samedi 17 juin à Cesson-Sévigné, près de Rennes, au Sévigné
– le dimanche 18 juin à Carantec, au cinéma Etoile
– le 27 juin à Nantes, au Katorza,
– le 29 juin à Carhaix, au Grand bleu
– le 3 juillet à Sarzeau, au cinéma l’Hermine
Le film doit aussi être projeté à l’Assemblée nationale et au Sénat. Sortie nationale le 12 juillet, dans plus de 300 salles de France.


Retour sur l’avant -première de plestin -les-Grèves …

Le film de Pierre Jolivet a été aussi diffusé en avant-première à Plestin-les-Grèves le 3 juin 2023 en présence notamment des lanceurs d’alerte Yves-Marie Le Lay et Pierre Philippe, médecin urgentiste. Un reportage signé Agathe Gerot diffusé le 6 juin 23 par Tébéo … ( durée 1’56 »)

Le film « Les Algues vertes » présenté en avant-première à Rennes.

Une interview réalisée par Lara Dolan pour un article signé Krystel Veillard publié par FR3 Bretagne le

Le film retrace, comme la bande dessinée, l’enquête d’Inès Léraud sur les algues vertes, et sur l’agro-industrie en Bretagne. Vous connaissiez cette histoire ?

Très, très peu. En fait, c’est à la lecture de la bande dessinée que mes producteurs m’ont proposé de lire… Et j’ai été foudroyé par les informations que j’ai découvertes. Je me suis dit : « Mais c’est un truc incroyable ! » Et tout de suite mes producteurs m’ont dit : « pourquoi tu n’en fais pas un film ? » Mais je ne savais pas trop quel film faire avec la bande dessinée qui est très riche, très factuelle. Il manquait un héros, en tout cas une héroïne. Et c’est là que j’ai eu l’idée de demander à Inès Léraud de me raconter les trois ans de combat qu’elle a menés pour parvenir à avoir toutes ces informations et à faire ce livre.

À Lire aussi : Algues vertes : « l’histoire interdite » racontée en bande dessinée

Votre film retrace en effet les trois années d’enquête menées par la journaliste Inès Léraud, incarnée par Céline Salette. Est-ce que votre objectif était de raconter son histoire, celle d’une journalise lanceuse d’alerte ?

Je crois que les lanceurs d’alerte, ou les lanceuses d’alerte, sont les héros modernes. Ce sont eux qui mettent le doigt sur les sujets vraiment importants et dont toute la société va s’emparer après pour réfléchir. Et la vie d’une journaliste pigiste de terrain, ce n’est pas une vie confortable. C’est une vie d’engagement. C’est une vie difficile. C’est une vie parfois dangereuse et on ne s’en rend pas toujours compte. On voit les journalistes à la télé, ça a l’air facile, mais non. Moi, j’ai voulu montrer à quel point cette femme sur le terrain avait des difficultés et faisait des choix de vie compliqués. Parce qu’il y avait des morts, parce qu’il y avait une enquête, parce qu’il y avait des suspects… Quelque part, c’est comme un thriller. Et elle a mené ça d’une façon incroyable, mais sans moyens.

Inès Léraud est coscénariste du film, quel rôle a-t-elle joué ?

Inès souhaitait rester discrète, mais je l’ai convaincue qu’on pouvait raconter ensemble quelque chose qui aille au-delà du simple documentaire ou des faits, mais qu’on pouvait raconter véritablement une histoire humaine. Il n’y a pas qu’Inès dans le film, il y a les autres lanceurs d’alerte. Il y a les victimes. Je crois que les algues vertes, c’est une abstraction. C’est un scandale écologique, mais il faut se rendre compte que derrière, il y a des gens, des gens qui sont morts, des gens qui enquêtent, il y a des familles qui n’ont pas pu faire le deuil, parce que jamais, on ne leur a dit bien sûr : « votre mari ou votre frère est mort à cause des algues vertes… » Il faut qu’on en parle. C’est un deuil qui a été très dur à faire parce que personne ne les a reçus jusqu’à aujourd’hui. Personne n’a admis qu’ils étaient morts, des algues vertes.

Comment s’est déroulé le tournage ?

Le tournage a été compliqué parce qu’il y a un vrai schisme. Il y a ceux qui sont pour que je parle des algues vertes, qui pensent que c’est un scandale et qui m’ont aidé d’une façon formidable, et ceux qui ne veulent pas qu’on en parle. Et alors là, la porte s’est claquée beaucoup de fois. Par exemple, j’ai dû tourner le film entièrement à l’épaule parce qu’il y a plein d’endroits où je n’ai pas eu le droit de tourner du tout. Donc la préfecture m’a signifié que je pouvais avoir le droit d’usage. C’est comme ça que ça s’appelle. Vous avez le droit de tourner où vous voulez à partir du moment où vous ne mettez pas de désordre à l’ordre public, et donc on a tourné partout où on voulait, mais à l’épaule.

À Lire aussi : Algues Vertes. La Région Bretagne va apporter son aide financière au film adapté de la BD d’Inès Léraud

Est-ce que vous avez pu rencontrer des agriculteurs avant, ou pendant le tournage ou même au moment des avant-premières ?

On a rencontré beaucoup d’agriculteurs, mais surtout, c’est Inès qui m’en a fait rencontrer et qui a fait un vrai travail. Je crois que les Bretons vont être surpris en regardant le film parce qu’il n’est pas du tout manichéen. Il n’y a pas d’un côté les méchants agriculteurs et de l’autre, les gentils écologistes, c’est ça qui m’a passionné dans ce film ! C’est que tout ça est très complexe. Il y a beaucoup d’agriculteurs qui sont pris en otage par le système et qui en souffrent. Et il y a ceux qui souffrent des algues vertes tout simplement. Il y a la Bretagne qui souffre et en même temps, elle reste incroyablement belle, puisque par exemple le film le raconte, Inès s’est installée pour vivre en Bretagne. Elle est tombée amoureuse de la Bretagne en même temps qu’elle voulait dénoncer ce scandale.

Vous avez tenu à rester fidèle à la bande dessinée ?

Je suis fidèle aux informations de la bande dessinée, mais je raconte véritablement une histoire. Une histoire dramatique, une histoire haletante, j’espère. Avec une enquête et avec des bascules, des informations qui nous arrivent, et auxquelles on ne s’attendait pas. Il y a quelque chose de très cinématographique dans la vie d’Inès Léraud pendant trois ans. C’est ça que j’ai essayé de traduire sur grand écran, parce que la Bretagne, ça mérite le grand écran.

Vous venez présenter le film d’abord en Bretagne, c’était une évidence ?

Oui, c’est une évidence. Inès vit ici, on a travaillé ici, on a fait le film, ici. Ça parle de la Bretagne et c’était bien normal que ce soit la Bretagne, et les Bretons en premier, qui découvrent ce film. Et l’accueil qu’on a est tellement incroyable que je me dis, qu’on a eu bien raison d’être fidèle à l’idée qu’on se faisait de ce que devait être le film. Au niveau de la démarche éthique, politique…

L’accueil est d’une grande chaleur, avec des salles complètes qui restent jusqu’au bout du débat, avec beaucoup d’émotion…

Est-ce que les projections donnent lieu aussi à des débats ?

On ne peut pas dire qu’on ait eu des débats contradictoires dans les salles, mais on discute beaucoup. Tout le monde a envie d’en parler. Tout le monde a envie de parler de son expérience, raconter à quel point c’est une souffrance, à quel point il y a une sorte d’omerta autour de ce sujet, à l’intérieur des conseils municipaux, à l’intérieur de l’administration en général. C’est très compliqué, parce qu’il y a ceux qui veulent qu’on en parle, et ceux qui ne veulent pas qu’on en parle. Et tout ça crée une tension invisible qui est assez forte.

C’est important pour vous de présenter ainsi le film avant la sortie nationale ? 

Il y a une énorme demande sur la Bretagne. C’est très émouvant, et c’est d’autant plus émouvant pour Inès Léraud. Parce qu’elle est partie toute seule au départ sur ce sujet, avec André Ollivro bien-sûr, qui avait fait son livre sur les algues vertes. Mais elle a vraiment fait ce travail petit à petit et quand elle arrive dans une salle de 300 places, complète, et que son histoire se raconte sur l’écran et que le problème des algues vertes est posé sur la table, visible par tous… Forcément, c’est une grande émotion.

Inès Léraud est allée plus loin que tous les autres journalistes ?

Il y a cette phrase formidable, du journaliste de France Inter, Daniel Mermet, qui dit : « le journaliste local, il sait tout, mais il ne peut pas dire grand-chose, et le journaliste national, lui, peut tout dire, mais il ne sait pas grand-chose ». Et véritablement le travail d’Inès, ça a été de lier ça, à travers le travail de Morgan Large par exemple, à travers le travail de beaucoup de journalistes bretons. De lier le national et le local, et de tout savoir.

Mais la série d’enquêtes d’Inès a été arrêtée ?

La série s’est arrêtée pour des raisons, que peut-être Inès développera. Elle est allée au bout du bout, au bout d’un discours et il se trouve que son média a stoppé la série. On n’a jamais trop su pourquoi, c’était un peu flou. On ne dit pas : « on arrête pour telle raison ». Mais à un moment, sa parole a été confisquée et je crois que pour elle, ça a été un séisme.


Lire par ailleurs sur PrendreParti à propos des « Algues Vertes » …

La bande-annonce du film « Algues vertes, l’histoire interdite »…

Rostrenen : soutien massif à Morgan Large et à la liberté d’informer

Inès Léraud et le lobby agroalimentaire …

Naissance de « Splann ! », nouveau média d’investigation en Bretagne …

 

Une réponse sur “« Les Algues Vertes », un film nécessaire et captivant !”

Les commentaires sont fermés.