Derrière Le Hublot, la belle et persévérante aventure de Fred Sancère …

« Derrière Le Hublot » est un pur produit de  l’éducation populaire. En 1996, Fred Sancère et un groupe de jeunes se mobilisent pour une action culturelle au cœur de leur lieu de vie : Capdenac-Gare et ses environs. En 2020, l’asso obtient l’appellation « Scène conventionnée d’intérêt national – art en territoire » par le ministère de la Culture. Avec la conviction qu’aucun espace rural ne devrait échapper à la présence des artistes …

 » Pour qu’ici comme ailleurs, on puisse avec les artistes participer à augmenter la vie ! » Dans le quotidien Le Monde du 20 décembre 2023, sous la plume de Rosita Boisseau, Fred Sancerre raconte ce territoire qu’il aime et qu’il investit depuis près de 3 décennies …

Par Rosita Boisseau dans Le Monde daté du 20 déc. 2023

Le directeur de Derrière le hublot, théâtre sans salle attitrée, présente dans une vingtaine de communes des spectacles épatants.
Un théâtre, sans murs, sans bâtiment, ça existe ? Mais c’est quoi ? C’est par exemple Derrière le hublot, scène conventionnée « d’intérêt national – art en territoire », implantée à Capdenac-Gare (Aveyron, 4 500 habitants) depuis 1996, dont l’affiche annuelle annonce une trentaine de spectacles et événements disséminés dans presque autant de salles des fêtes, commerces, jardins… « C’est une chance de ne pas avoir de lieu, s’exclame Fred Sancère, le directeur. On n’invente pas le projet artistique à partir d’une structure, d’une jauge à atteindre, mais autour de ce que l’on désire pour l’écosystème dans lequel on vit. Évidemment, cela oblige à rester en éveil mais c’est très stimulant. »

Question « éveil », le capitaine de cette étrange embarcation pourvue d’une seule issue semble toujours prêt à monter sur le pont. « L’idée est qu’aucun espace rural n’ait rien à envier, en matière culturelle, à une ville, pas plus qu’il ne doit échapper à la présence des artistes », poursuit-il. Pilote d’un lieu nomade et volatil, il navigue au plus près de son instinct et remplit de propositions épatantes la poche d’imaginaire qu’est Derrière le hublot. « Je n’exclus rien et je me sens très libre, précise-t-il. J’ai confiance dans le regard des gens. »

Pendant les fêtes de Noël, Derrière le hublot propose, du 19 au 21 décembre, la pièce tout public A poils, d’Alice Laloy, dans la salle des fêtes Agora. Parallèlement, on peut randonner le long de l’itinéraire Fenêtres sur le paysage, un parcours artistique à ciel ouvert sur les chemins de Compostelle. Sur la carte qu’a élaborée Fred Sancère, au fil du GR 65 qui relie Genève au Pays basque en passant par Figeac (Lot), sept œuvres d’art-refuge, signées par des architectes, invitent à la contemplation, mais accueillent aussi gratuitement les marcheurs. « Il y en a même qui y viennent pour le réveillon du 31 décembre », s’amuse-t-il.

« Terreau familial »

Conçue par le plasticien Abraham Poincheval, La Chambre d’or, à Golinhac (Aveyron), au-dessus des gorges du Lot, ressemble à un énorme rocher ovoïde. « Son nom a été donné par les habitants du village de Golinhac », commente Fred Sancère. Construite avec les matériaux trouvés sur place, la cabane Vivre seule, de l’architecte Elias Guenoun, se love en bordure d’une forêt sur le mont Thabor (Savoie). « Les artistes réveillent le lieu qui, lui, augmente l’œuvre : c’est un aller-retour, dit-il. Ce parcours est une invitation à faire découvrir des œuvres et mieux connaître notre environnement naturel. Pour mieux l’appréhender et l’aimer. » A la fin de 2024, six nouveaux refuges seront répertoriés sur cette route de Compostelle.

Pour l’aimer, Fred Sancère l’aime sa région. Né à Figeac, la commune voisine de Capdenac-Gare où il a grandi, il y vit avec sa famille près de la maison de ses parents. « Le terreau familial a été très important, souligne-t-il. Mon père travaillait dans l’industrie mécanique et était projectionniste au cinéma local, ma mère était secrétaire. Tous les deux participaient au milieu associatif et poussaient leurs enfants à réaliser leurs rêves. » Fred Sancère a 11 ans lorsqu’il rencontre un animateur socioculturel, Jean-Louis Pons, qui l’embarque vite fait bien fait dans son escouade de conseillers municipaux enfants de Capdenac-Gare. « C’est bien simple, à partir de cet âge-là, je ne quitte plus le centre culturel, se souvient-il. Je me suis retrouvé à monter des projets avec mes potes : un terrain de bicross, un fanzine, à être bénévole à la buvette pendant les concerts punk rock. J’étais piqué, j’adorais ça. »

Huit ans plus tard, en 1996, parallèlement à des études d’anthropologie, à Bordeaux, ce « pur produit de l’éducation populaire » crée avec ses amis l’association Derrière le hublot. « On voulait continuer à concevoir des choses ensemble, résume-t-il. J’aime partager avec les gens avec lesquels j’ai grandi. » De fil en aiguille, l’aventure amicale résiste. « Certains copains sont partis et d’autres sont arrivés, ajoute-t-il. Je suis resté à Capdenac-Gare. Est-ce qu’on demande à un boulanger qui a fait le pain toute sa vie dans le même village ou à un fermier qui n’a jamais quitté sa ferme, pourquoi il y est resté ? Je me considère comme un artisan. »

« Utopie de proximité »

Inventer depuis vingt-sept ans le menu de cette incroyable enseigne culturelle que Fred Sancère résume en « utopie de proximité » exige une ferveur intacte. Lorsqu’on sait que son rayon d’action couvre en moyenne 100 kilomètres autour de son village, on imagine le temps fou qu’il passe dans sa voiture. « Je n’y suis jamais seul, il y a toujours quelqu’un de l’équipe », précise celui qui dit rarement « je », beaucoup « nous » ou « on ». « Nous travaillons avec une vingtaine de communes, mais il y a encore beaucoup d’endroits à explorer. » Il apprécie tout particulièrement dans un virage, sur les hauteurs de Capdenac-Gare, attraper entre deux arbres la chaîne des volcans du Massif central. « C’est une épiphanie et ça m’émeut toujours, glisse celui qui vient de lire Se tenir quelque part sur la terre, de Joëlle Zask. Bouger, ne pas bouger, c’est tout de même la question pour nombre d’entre nous et l’attachement aux lieux est un sujet qui me passionne. »

Cette vision paysagère d’une programmation spectaculaire, Fred Sancère la partage notamment avec Pronomade(s), Centre national des arts de la rue et de l’espace public, basé en Haute-Garonne, et Les Tombées de la nuit, à Rennes. Dans le cadre de l’initiative « La Relève », lancée par Rima Abdul Malak, ministre de la culture, pour « mieux représenter la diversité sociale et géographique dans les métiers de la culture », il a échangé avec elle, ainsi qu’avec d’autres professionnels, le 18 novembre, à Montpellier. « J’ai attiré son attention sur le fait qu’il faut aussi aider les jeunes gens qui ont des projets et de bonnes raisons de les réaliser chez eux. »

Derrière le hublot, Capdenac-Gare (Aveyron). A poils, d’Alice Laloy. Du 19 au 21 décembre. Salle des fêtes Agora, Capdenac-Gare (Aveyron). De 4 à 10 euros. Fenêtres sur le paysage. Aventure artistique sur les chemins de Compostelle. Renseignements sur www.derrierelehublot.fr

Rosita Boisseau


En fouillant dans les archives du fourneau.com, plaisir de retrouver cette contribution de Fred Sancère datée de 2006 …

Dans le cadre de ce que nous appelions avec la Fédé Bretagne , « Le Temps des arts de la rue en Bretagne », nous avions invité Fred le 12 octobre 2006 à Belle Isle en Terre (22) afin qu’il nous raconte les prémices du projet de « Derrière le Hublot »…

De retour à Capdenac, Fred nous écrivait  :
« J’ai été un témoin venu d’ailleurs. Drôle d’idée. Pendant les 900 kilomètres que j’ai fait pour venir en Bretagne, je me suis demandé pourquoi Claude et Michèle m’avaient invité à être un témoin ?
A quelle sauce serais-je mangé ? Quel devait être mon rôle ? Qu’est ce que j’allais bien pouvoir faire, emmener, ramener, pouvoir dire dans ce bout du monde ?
Au retour, toujours 900 kilomètres, mais à la vitesse de l’éclair, nous les avons dévorés avec Ximun (mon compagnon de route du Petit Théâtre de Pain » pour ce voyage). Remontés comme des coucous nous serons flashés à deux reprises (un radar chacun, pas de jaloux). Ce n’est pas la voiture qui va vite, c’est nous ! On est excités, heureux d’avoir partagé avec vous ce temps de causeries, on les prolongera tout le voyage…
Je pense maintenant savoir pourquoi Claude et Michèle m’ont proposé ce voyage. Je crois qu’ils sont du côté des passeurs (un reste de leur ancienne profession… peut être ?), ils ne sont pas très nombreux dans ce métier.
J’ai grandi chez vous, avec vous tous, je reviendrai, l’air y est bon … »
La suite de cette émouvante contribution est en ligne par ici …


En complément …

Un article paru dans Centre Presse du dimanche 23 février 2020



En savoir davantage via le site internet de Derrière Le Hublot …

À la fois rêveuse et déterminée, tête chercheuse et jambes voyageuses, Derrière Le Hublot défend une utopie de proximité.  Créée en 1996 à Capdenac-Gare, l’asso œuvre au quotidien depuis Capdenac-Gare, commune du Grand-Figeac (Aveyron et Lot) sur des territoires ruraux pour inventer et partager un projet artistique et culturel singulier avec des artistes pluridisciplinaires, des partenaires locaux et des habitants. Celui-ci puise sa matière première dans l’échange, la rencontre, l’accessibilité aux découvertes et pratiques artistiques mais aussi la participation à une dynamique culturelle de territoire.

Issue de l’éducation populaire, son origine repose sur un groupe de jeunes gens mobilisés pour mettre en œuvre une action culturelle au cœur de leur lieu de vie : Capdenac-Gare et ses environs. Derrière Le Hublot se construit sur l’idée qu’aucun espace rural ne devrait envier, en matière culturelle, un pôle urbain pas plus qu’il ne devrait échapper à la présence des artistes. D’où la volonté d’agir pour inscrire l’art et la culture dans notre quotidien, au contact et en interaction de tous, à tout âge de la vie, le plus simplement possible, contribuant ainsi au vivre ensemble. Des idéaux et orientations qui, au fil du temps, ont non seulement perduré mais se sont aussi affirmés et s’avèrent relever de la philosophie des Droits culturels.

De Capdenac au Lot, en passant par les chemins de Compostelle, le programme d’activités de Derrière Le Hublot se décline au cours d’une saison de mai à décembre débutant tous les ans lors du week-end de la Pentecôte à Capdenac avec l’Autre festival, de l’aventure artistique Fenêtres sur le paysage, ou encore la coanimation de POP-UP, école des arts.

Avec des artistes aux écritures et esthétiques variées mais toujours exigeantes, l’association multiplie les expériences et en retire des enseignements qui lui permettent de constamment évoluer… et s’enthousiasmer avec les participants concernés ! L’équipe professionnelle de Derrière Le Hublot travaille ainsi en étroite collaboration avec des bénévoles et un conseil d’administration composé d’habitants engagés.

En janvier 2020, Derrière Le Hublot se voit attribuer par le ministère de la Culture l’appellation « Scène conventionnée d’intérêt national – art en territoire ». Celle-ci est la reconnaissance d’un travail au long cours comme d’une exigence, celle du soutien à la création contemporaine -via la diffusion, la coproduction d’œuvres contextuelles et de spectacles, l’accueil d’artistes en résidence-, ainsi que la mise en place de formes de médiations implicatives favorisant la rencontre avec les populations et leur active participation à des projets.
Une convention pluriannuelle d’objectifs réunit autour d’ambitions culturelles partagées le ministère de la Culture / DRAC Occitanie, la région Occitanie, la communauté de communes du Grand-Figeac, le département de l’Aveyron et la commune de Capdenac-Gare.

Source : le site internet Derrière Le Hublot à retrouver par ici …