Le Président chilien Gabriel Boric a fait escale à Paris …

Le Président chilien Gabriel Boric était à Paris les 20 et 21 juillet 2023. Il a donné une conférence à l’Université de La Sorbonne avant d’assister à la projection à la Maison de l’Amérique latine du film « Revoir l’Ambassade » qui s’inscrit dans les commémorations des 50 ans du coup d’État au Chili. Reçu à L’Élysée  par   Emmanuel Macron, il a « remercié la France pour sa générosité dans l’accueil des 15 000 réfugiés après le coup d’État du général Pinochet en 1973″…

Déclaration conjointe d’Emmanuel Macron et de Gabriel Boric, Président de la République du Chili.

Une vidéo de 9’04″produite par la Présidence de la République française...

Chili. Le président Boric demande « pardon » aux Chiliens exilés en France sous Pinochet

Un article publié dans l’Ouest France du 

Le président chilien Gabriel Boric s'exprime devant la presse avant un déjeuner de travail avec le président français Emmanuel Macron au palais de l'Élysée à Paris, le 21 juillet 2023.
Le président chilien Gabriel Boric s’exprime devant la presse avant un déjeuner de travail avec le président français Emmanuel Macron au palais de l’Élysée à Paris, le 21 juillet 2023. | TERESA SUAREZ / EPA-EFE

Boric demande « pardon » et remercie la France

Il s’est exprimé à la Maison de l’Amérique latine, à Paris, après la projection d’un documentaire sur les Chiliens qui se sont réfugiés à l’ambassade de France au Chili. « Je voudrais dire, avec une grande responsabilité, au nom de l’État, pardon », a-t-il déclaré, non sans émotion. « Même si ce n’était pas nous, l’État les a privés matériellement, formellement, de leur patrie et c’est inacceptable », a ajouté le chef d’État de gauche, âgé de 37 ans, qui s’est engagé à continuer à rechercher « la vérité et la justice ».

Lors de sa rencontre quelques heures plus tôt avec Emmanuel Macron, Gabriel Boric a remercié la France pour sa « générosité » dans l’accueil des réfugiés, rappelant que deux personnes issues de cet exil chilien sont aujourd’hui députés français : Raquel Garrido et Rodrigo Arenas, tous deux de gauche radicale.

50e anniversaire du coup d’État de Pinochet

Le 11 septembre 1973, Augusto Pinochet a organisé un coup d’État militaire au Chili contre le président socialiste Salvador Allende, et a imposé jusqu’en 1990 une dictature militaire marquée par une répression sanglante, rappelle l’AFP. Plus d’un demi-million de personnes avaient alors été poussées à l’exil, dont au moins 15 000 sont arrivées en France entre 1973 et 1978, selon l’historien français Nicolas Prognon, spécialiste de la question.
Beaucoup étaient présents lors de la manifestation organisée à Paris vendredi, a constaté l’AFP.
Le Chili vit cette année le 50e anniversaire du coup d’État de Pinochet. En dix-sept ans de dictature, environ 40 000 personnes ont été torturées au Chili et 3 200 ont été assassinées ou sont toujours portées disparu.


Conférence de Gabriel BORIC, Président du Chili organisée à Paris par la Sorbonne Nouvelle et l’IHEAL

Le jeudi 20 juillet 2023, la Sorbonne Nouvelle et l’IHEAL – Institut des hautes études de l’Amérique latine, avec le soutien de l’Ambassade du Chili en France, ont eu l’honneur d’accueillir en Sorbonne, dans l’amphithéâtre Richelieu, la conférence exceptionnelle de Monsieur Gabriel BORIC, Président du Chili. Une vidéo de 1h 05′ …


Gabriel Boric a ensuite assisté à la projection en avant-première à la Maison de l’Amérique latine du film « Revoir l’Ambassade »…

En présence des réalisateurs Thomas Lalire et Benoît Keller : ce film s’inscrit dans les commémorations des 50 ans du coup d’État au Chili.

Au Chili, dans les jours qui suivent le coup d’État du 11 septembre 1973, des centaines d’opposants tentent d’échapper à la répression et se pressent aux portes des ambassades. Françoise de Menthon, la femme de l’ambassadeur français, décide alors d’écrire un journal pour garder une trace de ces heures tragiques et de l’accueil exceptionnel des services de l’ambassade. Cinquante ans plus tard, la famille de Menthon ouvre les portes de son château aux anciens réfugiés chiliens. Le temps d’une réception, les souvenirs de cette histoire ressurgissent, s’entremêlent et dessinent une mémoire collective.

Pour visionner la BANDE-ANNONCE DU FILM, cliquer par ici …

Des éléments complémentaires sur l’histoire de l’ambassade lors du coup d’Etat sont disponibles juste ici : http://laresidence-lefilm.fr/

UNE AVANT-PREMIÈRE EXCEPTIONNELLE

L’avant-première du film a eu lieu le vendredi 21 juillet à la Maison de l’Amérique latine à Paris en présence du Président de la République du Chili, Gabriel Boric. Son discours a rappelé avec justesse la nécessité du travail de mémoire entrepris parThomas et Benoit. Après le visionnage, le Président Boric a également présenté ses excuses au nom de l’État chilien aux exilé·es chiliens et chiliennes en France et a remercié les citoyens français pour l’accueil qu’ils leur ont réservé.


En savoir plus sur les exilés chiliens en France : approche sociologique

Caractéristiques migratoires selon les pays d’origine
Un article paru dans www.histoire-immigration.fr

Affiche du Parti communiste français pour le Chili, avec, à gauche, le portrait du président de la République chilien Salvador Allende (1908-1973), 1973 © Roger-Viollet

A compter du 11 septembre 1973, la France accueille environ 15000 ressortissants chiliens vis à vis desquels elle fait preuve d’un ressort extraordinaire. L’engouement de la génération post soixante huit pour l’expérience de l’Unité populaire et les mythes révolutionnaires, la recomposition d’une gauche française lancée à la conquête du pouvoir ou encore la forte médiatisation des événements au Chili sont autant de facteurs qui vont déterminer les politiques mises en place pour recevoir cette population. En outre, cette diaspora présente des particularismes qui permettent de la différencier de la plupart des autres migrations politiques.

Statuts, profils, implantation et stratégies familiales

Certificat délivré par l’OFPRA à M. Victor-Hugo Iturra Andaur, réfigué chilien © Collection particulière Victor-Hugo Iturra Andaur, Atelier du bruit

Au regard de l’administration française, les exilés chiliens ont opté pour trois statuts particuliers : réfugié, travailleur immigré ou étudiant. Pourquoi n’ont-ils pas tous le statut de réfugiés, même s’ils pouvaient l’obtenir facilement ? La raison principale tient au fait que d’aucuns préfèrent conserver leur nationalité, surtout s’ils ont réussi à conserver leurs papiers chiliens d’identité.

Sur la durée de l’exil et selon les périodes, considérons que les profils ont évolué. A leur arrivée en France, les exilés constituent une population âgée de 20 à 50 ans engagée politiquement car sympathisants de l’Unité populaire. Ce caractère dominant dure tout au long de l’exil. La diaspora chilienne est en grande partie composée de cadres moyens, de cadres politiques et/ou syndicaux, alors que la proportion d’ouvriers et de paysans reste faible. Contrairement à de nombreux migrants, les Chiliens présentent une proportion presque équivalente d’hommes et de femmes, ce qui signifie dans ce cas, que l’exil a été familial. Son implantation est urbaine. Une autre particularité de cette diaspora est sa faible mobilité spatiale. On peut lier celle-ci à une bonne intégration locale et une relative satisfaction des conditions de vie offertes.

De nombreuses familles connaissent une période de crise du fait de la conjonction de plusieurs éléments tels une fragilité préexistante des couples, une insertion professionnelle délicate, la disparition de l’effervescence politique, l’évolution des mentalités au contact de nouveaux courants de pensée et des mouvements féministes, l’existence en France de structures sociales responsabilisant les femmes et l’accès de celles-ci au statut de chef de famille (crèches, équipements collectifs, allocations). De plus, les prodromes de l’exil sont vécus par la seconde génération d’une manière intense et ils affrontent les difficultés d’installation sans que leur soit délivrée par les parents une explication cohérente. A ceci s’ajoute le fait qu’ils soient plongés dans un système scolaire étranger qu’ils découvrent démunis car leurs parents ont à résoudre des problèmes matériels et psychologiques. Avec le temps, ces jeunes connaissent un processus de transculturation.

Accueil, solidarité, difficultés d’installation puis intégration

Suite au coup d’état militaire du général Pinochet, le 11 septembre 1973, l’armée fait des arrestations en masse. Octobre 1973 Santiago au Chili © Eyedea/Keystone France

L’échec de l’Unité populaire a une résonance exceptionnelle. L’ensemble de l’opinion publique française est choqué par la violence du golpe. Les militants et sympathisants de gauche se mobilisent dès le 12 septembre 1973, à l’appel des formations politiques et syndicales associées au sein du « Comité des 18 », tandis que s’organisent partout des groupes de solidarité. En novembre 1973, un Comité de coordination pour l’accueil des réfugiés est créé regroupant d’une part des organismes publics et d’autre part des associations. De son côté, dès le 28 septembre 1973, le gouvernement français donne son accord pour l’accueil des réfugiés du Chili.

Un plan d’urgence est mis en place pour la prise en charge dans les centres d’hébergement, l’aide médicale gratuite et l’apprentissage du français. Dans les centres d’hébergement, les exilés reçoivent un soutien administratif pour régulariser leur situation à l’égard de l’OFPRA. Des universités proposent des enseignements spécialisés et le ministère du travail attribue des heures de cours d’initiation à une formation professionnelle.
Dans ce contexte douloureux, le premier contact avec la France se produit par l’intermédiaire des institutions que les exilés ont eu tendance à assimiler à l’appareil répressif chilien. Les premières années sont les plus sensibles et ils en conservent des souvenirs plutôt négatifs. Ils doivent modifier certains comportements en inscrivant leur temporalité dans l’agenda social du pays d’accueil. En sus de cela, se rajoutent des pathologies inhérentes aux situations de violence vécues, étant donné qu’une partie des exilés a été victime de la répression. Les Chiliens voient donc leurs possibilités d’intégration nettement diminuées.

Eloïse, éducatrice spécialisée à Paris, tiré de la série Hijos des exilio/ Fils de l'exil de Eric Facon © Eric Facon, Musée nationale de l'histoire et des cultures de l'immigration
Eloïse, éducatrice spécialisée à Paris, tiré de la série Hijos des exilio/ Fils de l’exil de Eric Facon © Eric Facon / le bar Floréal, Musée nationale de l’histoire et des cultures de l’immigration

En effet, le trauma du départ les pousse à survivre avec leurs sentiments et leurs intérêts reliés au pays d’origine. Leur temps se structure selon une atemporalité quotidienne et cette attitude de « passager en transit » « avec les valises sous le lit » limite les opportunités de formation et d’apprentissage. Au fur et à mesure, les exilés commencent à s’intégrer et ils entament un processus de transculturation. Globalement, ils atteignent une certaine stabilité. La seconde génération commence aussi à peser sur la perception de l’exil : les enfants devenus adolescents ont terminé le cycle secondaire et veulent poursuivre des études supérieures en France.

Malgré l’ensemble de ces dispositifs d’accueil et du fait des difficultés d’installation, la question sensible reste l’emploi, car la législation ne permet pas à un étranger qui a signé un contrat de travailler immédiatement. Au niveau de l’insertion professionnelle, ils n’ont pas connu les mêmes problèmes que les immigrés traditionnels, ils n’en ont pas pour autant réussi à échapper à une forte déqualification. Ils ont modifié leurs trajectoires professionnelles avec la pérennisation de l’exil. Ceux qui s’étaient jusque-là contentés de professions « d’appoint », se lancent dans des formations ayant un lien avec leurs compétences passées. Parallèlement à ce parcours d’insertion, les Chiliens ont dû, également, résoudre rapidement le problème du logement.

Les exilés chiliens, quelque soit le statut choisi, ont été accueillis dans des conditions très favorables, bénéficiant d’une solidarité exceptionnelle. Ces individus, par leurs spécificités historique et culturelle, ont marqué l’imaginaire de l’histoire de l’immigration en France. Ils ont dû reconstruire leurs liens sociaux, s’adapter à une nouvelle forme de socialisation et se résigner à une déqualification professionnelle. Prises dans cette tourmente de l’Histoire, les Chiliennes ont mis à profit, le cas échéant, leur venue en France pour s’ouvrir à des concepts jusque là ignorés. La durée prolongée de l’exil a poussé ces migrants à s’intégrer dans la société française. De même, les enfants, traumatisés par les implications familiales de l’exil plus que par leur position de migrant, ont fait preuve d’abnégation pour adopter la culture et des modes de communication hexagonaux par un savant syncrétisme.

Nicolas Prognon, enseignant, chercheur et membre associé du GRHI-UTM


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