Le 1 408e numéro du Poher est sorti ce mercredi 22 février 2023, deux jours après l’alerte à la bombe et de nouvelles menaces de mort ciblant les salariés, à Carhaix (Finistère). « Ces menaces, particulièrement dans leur dimension raciste, semblent provenir de la mouvance de l’ultradroite, en lien essentiellement, avec les événements survenus à l’automne 2022 à Callac …«
👍 Images : Sylvain ERNAULT (tous droits réservés)
Ozap.com du 21 février 2023
« Nous allons vous crever, nous avons mis une bombe dans votre journal, vous allez sauter« . L’hebdomadaire local « Le Poher », dont le siège est implanté à Carhaix (Finistère), a été la cible, ce lundi 20 février 2023, de « nouvelles menaces de mort par téléphone et d’une alerte à la bombe« , a annoncé Erwan Chartier-Le Floch, rédacteur en chef du journal qui couvre l’actualité du Centre-Bretagne. Cette menace a été prise très au sérieux par les enquêteurs : elle a requis l’intervention de la gendarmerie de Carhaix ainsi que d’un chien renifleur d’explosif pour sécuriser le bâtiment qui abrite la rédaction, relatait, hier, « Ouest France« , précisant au passage qu’aucun explosif n’a été détecté.
Des « menaces de l’ultra-droite » ?
Cette offensive est la troisième en moins de trois semaines et une plainte a été déposée. Le mardi 31 janvier 2023, le rédacteur en chef du « Poher » avait reçu un mail indiquant, notamment : « Chartier, on va te crever et te jeter dans une fosse avec les négros que tu aimes tant« . Huit jours plus tard, le mercredi 8 février 2023, la personne chargée de l’accueil a répondu à un appel téléphonique tout aussi inquiétant. Au bout du fil, « une voix masculine demande à parler au rédacteur en chef, Erwan Chartier-Le Floch, et ajoute : ‘À quelle heure je peux passer lui mettre une balle dans la tête ?’ Avant de raccrocher, l’individu menace du même sort la salariée », racontait Erwan Chartier-Le Floch le 14 février dernier. Ces épisodes ont tous deux fait l’objet d’un dépôt de plaintes respectivement enregistrées les 31 janvier et 10 février par la gendarmerie de Carhaix.
L’origine supposée de ces menaces, « particulièrement dans leur dimension raciste« , a été identifiée par Erwan Chartier-Le Floch. Elles « semblent provenir de la mouvance de l’ultradroite, en lien, essentiellement, avec les événements survenus à l’automne 2022 à Callac (Côtes-d’Armor) », a-t-il recontextualisé. La rédaction du « Poher » avait, en effet, couvert le samedi 5 novembre 2022 la double manifestation – des partisans d’un côté et des opposants de l’autre – relative à un projet d’accueil de réfugiés à Callac. Projet finalement abandonné, sous la contrainte, par la mairie le 11 janvier dernier.
Cet écho donné à ces manifestations de novembre n’a pas été du goût de la mouvance de l’ultra-droite Résistance Républicaine, qui dans un article publié sur son site évoquait le rédacteur en chef du « Poher » dans des termes injurieux, souligne France 3 Bretagne. « Nous avons porté plainte le 30 janvier contre les responsables des injures : Bernard Germain, candidat aux législatives de 2022 du parti Reconquête à Lannion-Paimpol, et Christine Tasin (responsable du site internet, ndlr). Dès le lendemain les menaces ont débuté« , affirme le journaliste, inquiet, par ailleurs, de voir que son portrait ainsi que celui de la cheffe d’édition, Faustine Sternberg, ont été publiés sur deux sites de cette mouvance, Riposte laïque et Résistance républicaine.
Une journaliste de France 3 Bretagne également visée
Depuis le 31 janvier, Erwan Chartier-Le Floch s’est réjoui des nombreuses manifestations de soutien de lecteurs du journal et de personnalités politiques, a-t-il écrit hier. Plus de 50 éditeurs et médias bretons, les syndicats de journalistes, des clubs de la presse, l’IUT de Lannion et Science Po Rennes ont signé, ce mardi 21 février 2023, une tribune de soutien au « Poher » et à tous les journalistes inquiétés par l’extrême droite.
« S’attaquer au ‘Poher’, c’est s’attaquer à toute la profession« , a résumé le Syndicat national des journalistes dans un communiqué. Les journalistes du « Poher » ne sont en effet pas les seuls, en Bretagne, à avoir fait l’objet de menaces. « Une journaliste de la rédaction Iroise à Brest a fait l’objet d’intimidation sur les réseaux sociaux à la suite de la publication, le 8 février dernier sur le site internet de France 3 Bretagne, d’un article évoquant factuellement les menaces de mort reçues par le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Le Poher, à Carhaix« , a écrit le 17 février France Télévisions dans un communiqué interne.
« La journaliste ainsi que la direction de France 3 Bretagne ont porté plainte« , est-il précisé. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, avait apporté son « soutien sans faille » à la journaliste concernée. « Nous ne laisserons pas passer les attaques de ces groupuscules qui menacent la liberté de la presse« .
« Splann ! » solidaire du Poher et des journalistes menacés par l’extrême droite en Bretagne
Splann !, média d’enquête journalistique en Bretagne créé pour éclairer les zones d’ombre et défendre le droit de savoir, partage la tribune coordonnée par Le Club de la presse de Bretagne en soutien aux journalistes du Poher hebdo et de France 3 Iroise menacés par l’extrême droite.
Notre rédaction participera au rassemblement organisé ce samedi 25 février, à 11 h 30, devant la rédaction du Poher, à Carhaix.
Face aux menaces de mort visant Le Poher, les médias bretons font bloc
La Bretagne est une terre de presse et de liberté. Le Club de la presse de Bretagne, avec des dizaines de médias bretons, les syndicats de journalistes, des écoles de journalisme et les clubs de la presse de France, s’élèvent avec force contre les graves menaces et intimidations en provenance de l’extrême droite qui visent à bâillonner la presse. L’information est l’un des piliers de notre démocratie.
Nos consœurs et confrères de l’hebdomadaire centre-breton Le Poher ont été visés à trois reprises par des menaces de mort en l’espace de vingt jours. La raison ? Ils avaient rendu compte de la situation à Callac (Côtes-d’Armor) où des groupuscules d’extrême droite se sont violemment opposés à l’accueil de réfugiés.
Le 31 janvier, le rédacteur en chef du Poher, Erwan Chartier, reçoit un courriel anonyme à connotation raciste et homophobe promettant de le « crever ». Le 8 février, un homme joint le journal pour demander à quelle heure il peut passer pour « mettre une balle dans la tête » du rédacteur en chef et de l’agent chargée de l’accueil qui a décroché. Le 20 février, une personne appelle dès l’ouverture des bureaux pour annoncer avoir « mis une bombe dans la rédaction », entraînant l’évacuation des locaux et l’intervention des démineurs, qui n’ont heureusement rien trouvé.
Douze plaintes déposées
Parallèlement, les animateurs de plusieurs sites web d’extrême-droite, mobilisés contre l’accueil des réfugiés à Callac, ont mis en avant les noms et photos de journalistes du Poher, les exposant à la vindicte de leurs lecteurs. Une précédente plainte pour diffamation et injure publique conduira certains membres de cette mouvance devant la justice début mars.
Une journaliste ayant couvert cette actualité pour France 3 Bretagne a également été prise pour cible puis cyberharcelée. Plusieurs plaintes ont aussi été déposées par notre consœur et son média.
« Ces menaces semblent s’inscrire dans une campagne d’intimidation de l’ultradroite », analyse Erwan Chartier. Avant les journalistes, des élus et des habitants de Callac ont déjà fait l’objet de calomnies et de menaces non signées. Le procureur de la République de Saint-Brieuc a reconnu dans Mediapart que douze plaintes ont été déposées.
Faire respecter l’État de droit
Ces multiples formes d’intimidation doivent cesser et leurs auteurs répondre de leurs actes. La liberté d’expression n’est pas la liberté d’opprimer. Face à ces faits graves, nous, journalistes de Bretagne et d’ailleurs, réaffirmons notre solidarité avec les personnes menacées.
Fidèle à sa mission de défense des journalistes et de la liberté de la presse, le Club de la Presse de Bretagne demande aux pouvoirs publics de faire respecter la loi et de prendre leurs responsabilités.
Le journalisme ne peut s’exercer sereinement dans la peur. Nous invitons tous les confrères et consœurs, et directeurs et directrices de publication soucieux des conditions d’exercice du métier et de la liberté de la presse, mais aussi les citoyens à solidairement opposer un mur de refus face à des comportements d’un autre temps.
Premiers signataires
Club de la Presse de Bretagne, Club de la presse Auvergne, Club de la presse d’Anjou, Club de la presse des pays de Savoie, Club de la presse de Strasbourg, Club de la presse Drôme-Ardèche, Club de la presse du Gard, Club de la presse du Limousin, Club de la presse du Périgord, Club de la presse du Var, UPC2F
SNJ, SNJ-CGT, CFDT Journalistes, SNJ-FO, S3C CFDT, SNJ Le Télégramme, CGT Ouestmedias.com, CFDT Ouest-France, SNJ Ouest-France
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