Le théâtre de rue est de retour dans les rues de Shawinigan !

Après 15 ans d’absence, le théâtre de rue fait officiellement ce weekend son grand retour à Shawinigan au Quebec  avec « Les Escales Fantastiques ». « Entre 1997 et 2008, les gens ont tellement aimé ce festival, que de le voir revenir, c’est comme retrouver quelque chose qu’on avait perdu depuis longtemps. ». Parmi les compagnies françaises à l’affiche, Générik Vapeur et Bilbobasso …

Une vidéo d’annonce de 2’25″signée Noovo Info est  à visionner par ici …

Le plaisir est de retour dans les rues de Shawinigan avec les Escales fantastiques

Un article signé François Houde dans Le Soleil Numérique du 19 août 2022
Photo Stéphane Lessard, Le Nouvelliste
Une des plus réjouissantes nouvelles de cet été qui en a compté quelques-unes, c’est sans doute le retour du théâtre de rue à Shawinigan sous le vocable des Escales fantastiques. C’est jeudi soir que les choses ont pris forme sous un ciel parfois chagrin en totale contradiction avec ce qui se passait sur la terre ferme.

Il n’est pas dans nos habitudes de le faire mais il convient ici de débuter par la fin. La fin de la soirée, alors qu’on a présenté, à 21h30, Amor de la compagnie Bilbobasso. Pourquoi commencer par ce spectacle? Parce qu’il est magnifique, exaltant, spectaculaire, superbement maîtrisé et symbolise à lui seul ce pour quoi le retour du théâtre de rue est une si bonne nouvelle.

Le spectacle est et doit être présenté une fois la nuit tombée pour que l’usage du feu qui le caractérise prenne toute sa force. De fait, les deux interprètes de cette compagnie française incarnent un couple qui s’aime, se querelle, se réconcilie et communique à travers la danse et le feu, sous plusieurs formes tout à fait étonnantes. Ces Feux de l’amour, nouvelle version, est une jolie et brillante satyre de la vie conjugale. Le spectacle est ciselé, riche, beau, drôle, épatant et joliment interprété.

Déjà un moment magique à la toute première soirée de ce nouvel événement. C’est vrai qu’il ne dure que quatre jours alors inutile de garder des armes en réserve. Cela dit, Amor sera repris vendredi soir et samedi soir, les deux fois à 20h45. Inutile de préciser que ce n’est à manquer sous aucun prétexte. Même qu’on vous conseille d’arriver en avance pour vous réserver de bonnes places: il serait dommage de manquer la moindre parcelle visuelle de ce moment de ravissement.

S’il faut trouver un thème pour parler de ces Escales fantastiques, on pourrait parler de variété dans les plaisirs. C’est comme un buffet de type  »All you can enjoy ». Même en cette première soirée à la programmation moins dense que celles à venir, on était contraint de faire des choix puisque plusieurs spectacles étaient présentés simultanément. Et chacun avait son style propre, son charme particulier, son attrait.

Photo Stéphane Lessard, Le Nouvelliste

Le tout a été joyeusement mis en marche par la bande de perturbateurs de l’ordre social qu’est Generik Vapeur qui a kidnappé la circulation sur la 5e rue de la pointe en début de soirée. Ils ont créé une joyeuse commotion auprès des automobilistes quelque peu déstabilisés. Disons que comparativement aux forces de l’ordre, ils incarneraient davantage la faiblesse du désordre.

Ils ont provoqué pas mal de sourires dans le public de badauds en faisant entrer dans le restaurant le maximum de gens possible ou en investissant l’appartement de Caroline, spectatrice depuis la fenêtre de son appartement au troisième étage. Ça a permis au public d’apprendre que c’était l’anniversaire de cette charmante personne, et a incité les gens à entonner un Joyeux anniversaire aussi sympathique que musicalement approximatif.

La compagnie Generik Vapeur a carrément kidnappé la circulation en début de soirée jeudi sur la 5e Rue de la Pointe. 
La compagnie Generik Vapeur a carrément kidnappé la circulation en début de soirée jeudi sur la 5e Rue de la Pointe. Photo Stéphane Lessard, Le Nouvelliste

À cette joyeuse désobéissance civile, la compagnie japonaise Sivouplait a opposé un spectacle tout en humour élégant et sobre à l’autre bout de la rue pendant que sur l’avenue Mercier, La famille Goldencrust de la compagnie des Deux de pique proposait une plongée pleine d’humour vaguement circassien et bon enfant dans le kitsch appuyé d’un camping des années 80.

Photo Stéphane Lessard, Le Nouvelliste

Waterbombs, des Acrobuffos, de son côté, mise sur un numéro de rue traditionnel avec comme principal atout, un accessoire qui a universellement fait ses preuves : les ballons gonflables remplis d’eau. Ça fait toujours son effet, particulièrement quand c’est manipulé par des professionnels du divertissement léger.
Inutile de parler de tous les spectacles: le plaisir du buffet, c’est de goûter à tout pour peu qu’on ait l’estomac solide. Reste qu’il faut glisser un mot sur Babyloon, l’homme et sa baudruche, un OVNI indéfinissable, le spectacle le plus incongru et le plus étrange de cette première soirée. Voir un personnage naître de son propre ballon gonflé et tenter d’en sortir crée des moments de drôlerie vraiment inattendus. Ça ne plaira pas à tous mais ceux qui vont aimer vont beaucoup aimer.

Babyloon, l’homme et sa baudruche Photo Stéphane Lessard, Le Nouvelliste

Ce retour du théâtre de rue a été longtemps souhaité par le directeur général de Culture Shawinigan Bryan Perreault qui s’en est délecté. «C’est un retour officiel : d’année en année, on va le faire grossir et on va aller sur la Lune avec ça, a-t-il plaisanté. C’est du spectacle populaire, étrange, imaginatif, parfois cahotique. On doit à Philippe Gauthier, notre programmateur, la variété du menu qui peut rejoindre tous les publics. La volonté, c’est d’être spectaculaire, d’offrir au public une rencontre avec l’inconnu, la beauté, l’émotion, le rire, la magie, etc.»

«Je regarde la réaction des gens et ils sont contents, étonnés. C’était important pour nous que ça revienne à la programmation parce que c’est un moteur économique important pour Shawinigan, parce qu’on travaille à la démocratisation de la culture et que c’est accessible gratuitement pour tout le monde. Ça démarque Shawinigan de l’ ensemble des festivals au Québec par son originalité et par l’occupation des lieux qu’il permet.»

Pour ce qui est de l’affluence, influencée par les caprices des nuages et leurs rejets, elle a pleinement satisfait le dg : «C’est très bon. On est jeudi, c’est le premier soir et il y a beaucoup de monde à tous les spectacles. Demain vendredi, ça va exploser. On présente plusieurs spectacles simultanément parce qu’on veut que les gens reviennent à chaque jour pour voir quelque chose de nouveau.»

Si, de notre propre avis, il ne faut pas manquer Amor, Perreault estime que la prestation de Generik Vapeur intitulée Bivouac et prévue pour 21h30 vendredi et samedi sera aussi un moment fort de ces premières Escales fantastiques.

Le menu général de l’évènement est bien trop élaboré pour qu’on le décline ici. Consultez la programmation sur le site internet des Escales Fantastiques …


Le théâtre de rue fait son retour à Shawinigan

Des artistes de rue performent dans le noir.

Le Festival de théâtre de rue de Shawinigan a déménagé dans l’arrondissement Lachine, à Montréal, en 2008. Photo : France Pépin

Entre 1997 et le début des années 2000, le Festival de théâtre de rue de Shawinigan rassemblait des milliers de personnes au centre-ville, alors que des centaines d’artistes se produisaient dans les rues et même sur les toits d’édifice.

C’est magnifiquement bien accueilli, se réjouit le directeur de Culture Shawinigan, Bryan Perro. C’est parce que ça a fait partie tellement de l’identité des gens. Les gens ont tellement aimé ce festival-là parce qu’il était atypique, il était curieux, il était complètement éclaté, que de le voir revenir, c’est comme retrouver quelque chose qu’on avait perdu depuis longtemps.

« C’est comme si j’avais annoncé le retour du Messi! »— Une citation de  Bryan Perro, directeur général et artistique de Culture Shawinigan

La volonté politique, le financement, l’âme du projet Philippe Gauthier, un plan à long terme et des tests effectués durant la pandémie ont permis de mettre tout en place pour la présentation de cette nouvelle mouture, selon lui.

Une trentaine de spectacles par jour vont se tenir sur la durée des Escalades Fantastiques. Il ne faut pas rater notre cours, on le sait. Il ne faut pas arriver avec un petit festival timide en premier. Il faut vraiment arriver avec un événement solide qui s’implante et qui dit à tout le monde : « nous sommes de retour », admet Bryan Perro.

Une vingtaine de compagnies du Québec, de la France, du Japon et de l’Espagne sont pressenties pour 2022. Bryan Perro souhaite notamment s’inspirer du festival de théâtre de rue Fringe à Édimbourg et a l’ambition de faire de la mouture shawiniganaise un événement international.

Des retombées importantes

Des commerçants rencontrés qui ont vécu le festival sont bien contents que l’événement ait une deuxième vie, puisque les retombées économiques pour eux étaient considérables à l’époque.

Dans les premières années, c’était formidable. On doublait, même triplait notre chiffre d’affaires dans cette période-là. […] Je suis content que ça revienne!, lance le propriétaire des roulottes Beauparlant, Guy Beaudoin. Ce dernier se rappelle que des clients se présentaient jusqu’à la fermeture à 3 h du matin. Si j’avais fermé à 5 h, il y aurait encore eu des gens, poursuit-il.

Même son de cloche pour Johanne Prince, propriétaire d’une boutique au centre-ville de Shawinigan. C’était vraiment un bel achalandage, c’était vraiment féérique aussi. Les gens appréciaient beaucoup ce festival-là.

Des hauts et des bas

L’aventure du Festival de théâtre de rue de Shawinigan a connu une fin abrupte. Il a déménagé dans l’arrondissement de Lachine, à Montréal, en 2008. Les organisateurs avaient éprouvé des difficultés financières. Des artistes avaient dû attendre jusqu’à deux ans avant de recevoir leur dû. Le ministère de la Culture avait même dû éponger une partie des pertes.

Ça ne sert à rien de parler de ça, on revient avec des problèmes de paiements. De toute façon qu’est-ce qu’il y avait eu avec le festival, tout a été réglé, indique Philippe Gauthier qui assure que ces problèmes d’organisation ne devraient pas se reproduire sous la gouverne de Culture Shawinigan.

Avec les informations de Raphaëlle Drouin


« Un théâtre nommé Shawinigan »
Philippe Gauthier répond en 2005 aux questions de Marie-Andrée Brault …

Source : N°115 Automne 2005 La Revue de théâtre « Jeu « 

M-A B : Comment est né le Festival de théâtre de rue de Shawinigan (FTRS), dont vous êtes l’actuel directeur artistique et metteur en espace ?

C’est Yves Dolbec, président et directeur général, qui a lancé le Festival en 1997. Il s’occupait à l’époque de l’organisme «Rues principales», qui avait pour objectif de revitaliser le centre-ville. Les préparatifs ont commencé en juin alors que l’événement devait avoir lieu au début du mois d’août ! La programmation, orchestrée par Sylvie Beaulieu et Bryan Perro (aujourd’hui connu pour ses romans jeunesse Amos Daragon), s’adressait principalement aux enfants; on y retrouvait du clown, de la commedia dell’arte, de la marionnette, peut-être douze à quinze spectacles déjà, présentés sur des scènes dispersées dans divers coins de la ville. Ce n’est qu’en 1999 et 2000 que les activités ont été vraiment centralisées. Rémi-Pierre Paquin codirecteur artistique – et moi avons été embauchés la deuxième année pour des emplois d’étudiants. Nous étions alors inscrits en théâtre à l’UQÀM.
Dès le départ, Yves nous a véritablement fait confiance. Il a même eu l’audace de nous emmener en Europe, voir un peu ce qui se faisait comme théâtre de rue là-bas. Rencontrer un artiste comme Gérard Guyon de l’Illustre Famille Burattini, qui pratique du théâtre forain, a été déterminant. Sans ménagement, il nous a fait comprendre que nous pensions le théâtre de rue comme le théâtre en salle, notamment à cause de notre formation. Nous commencions à peine à réfléchir à cette pratique. C’est au fil du temps et des rencontres, en découvrant diverses façons de faire, que nous nous sommes construit nos propres repères.


M-A B : Quelle est justement votre définition du théâtre de rue ?

 À un moment, je me suis beaucoup intéressé à la définition du concept, comme plusieurs autres d’ailleurs. Il n’y a qu’à regarder le nombre de travaux universitaires en France qui portent sur le théâtre, ou plus largement, les arts de la rue. Je crois que
ce questionnement a été utile dans la progression du Festival, mais qu’il l’est moins maintenant. À la base, nous choisissons des artistes qui nous inspirent. Mais je dirais tout de même que le théâtre de rue, c’est une composition artistique qui s’immisce dans un contexte particulier qui n’est pas une salle, qui peut être transformé en salle si on le veut bien, mais qui n’a pas à l’être. Le contexte devient la scénographie. théâtre de rue, c’est avant tout théâtraliser un lieu, en changer la définition. Mais il faut bien sûr avoir quelque chose à dire.

Parfois, le théâtre est là où on ne l’attend pas. Je pense notamment à l’installation réalisée par le sculpteur Yves Gendreau, du centre d’essai en arts visuels le 3e Impérial de Granby, lors de son passage au Festival en 2003. Il travaillait avec de longs bâtons en bois et échafaudait une structure, presque une habitation, sur le toit d’un édifice qu’il devait donc escalader. Or, à certains moments, il y avait 500 personnes qui le
regardaient d’en bas. Il devait monter, descendre, monter, parce que les gens attendaient qu’il se passe quelque chose ! Sa performance l’obligeait aussi à passer par un balcon. Une femme qui habitait l’immeuble s’y est assise pour le regarder travailler. Ce genre de moments inattendus est très intéressant. On se dit alors: «Tiens, ça peut aussi être ça, du théâtre de rue… » La locataire faisait partie intégrante de l’œuvre, comme le public, la foule, fait partie intégrante du théâtre de rue.


M-A B : L’intégration des arts visuels au FTRS vous semblait-elle aller

de
soi ?

Plusieurs pratiques, au fil des ans, ont trouvé leur place au Festival : il y a eu des artistes de cirque au début, il y a eu également de la musique. Les artistes visuels ont été intégrés
beaucoup plus récemment. Ils ont un sens aiguisé de l’espace et
du lieu qui convient bien au type d’événement que l’on cherche à créer. Pour tous les projets toutefois, une question se pose : celle de la pertinence dans un contexte de foule. Le nombre offre plusieurs possibilités, mais il est aussi un défi.


M-A B : Comment, en effet, conjuguer certaines pratiques plus « poin-
tues » avec le contexte d’un festival populaire ?

 C’est sans doute l’esprit de fête, le contexte festivalier lui-même qui attire la foule. Combien de gens viennent vraiment pour voir un spectacle ? De prime abord, ils recherchent un divertissement. Il est donc important d’avoir un grand  évé
nement, une production qui rassemblera tout le monde. Mais nous pouvons profiter de l’occasion pour faire d’autres propositions. Que les gens aiment ou non ce à quoi ils assistent, c’est l’expérience en soi qui prime, avec les commentaires et les réflexions qu’elle suscite, les sensations qu’elle provoque.

Un spectacle comme l’Homme idéal, où les femmes étaient invitées à un tête-à-tête avec un homme dans la salle de bain d’un appartement de la 5
e rue afin d’assouvir un désir (le voir exécuter un strip tease ou lui mettre une tarte à la crème au visage,par exemple), a d’ailleurs suscité de nombreuses réactions, tant chez les femmes qui attendaient en file que chez celles qui ressortaient. Il y avait de la fébrilité et de l’excitation dans l’air…

M-A B : En fait, observer le public était un spectacle à part entière ?
Je n’ai pas « vécu » ce spectacle, qui était réservé aux femmes, mais le mari d’une participante a fait un scandale. Les règles étaient pourtant claires : ce n’était pas pour les enfants, et chacune était libre d’y aller ou non. Vraisemblablement, cet
homme a vécu quelque chose. Il ne reviendra peut-être pas au FTRS, mais il va en parler !
Les productions en intérieur comme l’Homme idéal ou la Tache, du Théâtre de la Pire Espèce, permettent un autre genre de rapport avec les spectateurs. Ceux-ci peuvent être plus réceptifs et plus actifs, alors que souvent, dans la rue, ils passent… J’aime cette cohabitation des très grandes et des très petites productions.
La Tache mettait en scène des phénomènes étranges; Petites Détresses humaines et autres maux de Catherine Sylvain faisait évoluer des créatures bizarres et difformes. Les univers que vous présentez me semblent souvent éloignés d’un certain réalisme pourtant très présent dans la dramaturgie actuelle.

M-A B : Est-ce une ligne directrice que vous vous êtes donnée ?
L’irréel qui côtoie le réel, la folie, l’imaginaire, ne point y vouloir de réalité, ça nous intéresse. Théâtralement, les personnages élaborés par Catherine Sylvain sont très parlants, forts, magiques. Le réalisme, lui, est partout, à la télé notamment. Mais il ne s’agit pas d’une direction que l’on cherche à donner au Festival. C’est surtout le hasard. Les coups de cœur guident nos choix : des coups de cœur pour des projets que des artistes ont réalisés, des idées qu’ils ont eues. Nos rencontres et les références qui nous sont faites comptent pour beaucoup.
Pour élaborer notre programmation, nous essayons de former un tout en nous donnant une thématique. L’an dernier, c’était « États d’habiter » ; en 2003, « Nouveau[x] territoire[s] ». Ce qui nous guide pour l’édition 2005, c’est l’idée de ville corporelle, de la ville comme un corps vivant et sensible, en essayant d’éviter les clichés. Le danger est d’imposer avec trop de force la thématique aux créateurs. Mais le défi et le bonheur avec les manifestations, c’est de les orchestrer, de provoquer des hasards. Par exemple, l’an dernier, Florent Cousineau a conçu une immense salle de bain : il pleuvait sur les passants, mais c’était aussi une douche. On a intégré à cette installation le spectacle la Traversée de l’Atlantique du Théâtre des Deux Marie. Le plaisir intervient dans la mise en espace de tous ces projets, dans les échos qui se créent.

À l’avenir, nous aimerions développer cette veine. Comment chaque élément peut-il entrer en interaction avec les autres, comment peut-il participer à l’ensemble ? Dès cette année, nous diminuerons le nombre de créations afin de mieux les marier, de mieux jouer avec l’espace et le contexte particulier qu’offre Shawinigan; il y aura
environ une quinzaine de propositions faites au public (il y en avait près de cinquante l’an dernier !). Nous souhaitons faire du « sur mesure » pour l’endroit.

M-A B : Est-ce vraiment possible de concevoir un événement dans cette perspective au Québec ?

 C’est difficile dans la mesure où la pratique du théâtre de rue n’est pas aussi bien implantée ici qu’en Europe, qu’en France plus particulièrement. Combien d’artistes s’y consacrent au Québec ? Il y a peu de soutien et pas de lieu de diffusion
pour ce type de théâtre. Les gens peuvent se produire dans le contexte d’un festival comme Juste pour rire, mais c’est déjà autre chose.

Nos discussions avec Pierre Layac et Jacques Quentin, anciennement directeurs de l’événement Chalon dans la rue, nous ont amenés à réfléchir à l’idée des lieux de fabrique, si importants en France. À Chalon-sur-Saône, il y a l’Abattoir qui joue ce rôle.Et du côté de Marseille, il y a une concentration d’activités, de compagnies ; c’est le centre international des arts de la rue, des arts urbains. La question revenait sans cesse chez Layac : « Pourquoi n’avez-vous pas un lieu de fabrique ? » Nous en avons eu envie, mais cela prend beaucoup d’argent et une activité significative. Peut-être que cela pourrait
être envisageable, éventuellement, d’approcher quatre ou cinq compagnies afin qu’elles s’installent pendant un mois pour élaborer et mettre à l’épreuve leurs idées dans la ville. L’idée serait d’offrir les meilleures conditions de production possibles.


M-A B : Le fait que le Festival ne soit pas produit dans une grande ville comme Québec ou Montréal facilite-t-il les choses ou les complique-t-il ?

L’avantage de réaliser un événement en région, c’est l’esprit d’appartenance que nous retrouvons tant à la mairie que chez les citoyens ou les commerçants. Le fait
de prendre possession d’une rue – d’une cellule active de la ville – et d’en bousculer les
fonctions premières demande une connaissance des gens qui y travaillent ou qui y vivent. Dans les grands centres urbains comme Montréal ou Québec, je ne suis pas convaincu qu’on retrouverait cette même convivialité, du fait que les gens ne se connaissent que très rarement. Nous sommes chanceux : avec la ville de Shawinigan, il y a une collaboration, une complicité, donc des
accommodements indispensables à l’achèvement adéquat d’un festival de théâtre de rue.

En France et en Belgique, ce sont souvent de petites et moyennes villes qui accueillent les festivals et les événements. Mais alors qu’ici il n’y a, sauf erreur, que le FTRS, là-bas, il y a au-delà de 150 événements…
Évidemment, la logistique n’est pas simple quand il y a 200 artistes qui débarquent
en même temps ! Pour coordonner tout ça, nous avons cinq ou six employés saisonniers, une trentaine de personnes qui constituent l’équipe technique durant la semaine du Festival et, il va sans dire, des bénévoles.


M-A B : Est-ce que le théâtre de rue pourrait être viable en dehors d’un festival ? La gratuité qu’il implique est-elle un obstacle à sa survie ?

Dans les rues, c’est difficile de faire payer les gens. Toutefois, si le spectacle est présen
té dans un appartement, dans une usine, dans une salle de bain, il peut très bien y avoir un prix d’entrée. Évidemment, les profits seront presque inexistants, mais c’est
la même chose pour les jeunes compagnies qui se produisent dans de petits théâtres, même dans des salles établies. C’est alors le désir de créer qui doit primer.

Nous sentons avec le Festival, mais aussi avec d’autres événements, comme des biennales artistiques, qu’il y a actuellement une envie d’envahir l’espace urbain, l’espace Manifestation de Mario public, dans plusieurs domaines artistiques. Il y a un effet d’entraînement, presque de Duchesneau au Festival de mode. Peut-être est-ce un cycle. Peut-être reviendra-t-on à des salles conventionnelles. Mais les créateurs sentent le besoin en 2004.
d’aller à la rencontre des gens, de trouver un autre moyen de s’adresser à eux. L’installation de Mario Duchesneau lors de la dernière édition en est
un exemple. En recouvrant littéralement le stationnement étage de vête
ments, il a suscité des discussions chez les gens pendant la préparation, avant
et pendant le Festival. Plusieurs personnes allaient même se choisir des vê-
tements dans les tas disposés par terre.
Étaient-elles conscientes de prendre une part active à un événement par leur geste ? Je ne sais pas. Mais il y a là une rencontre et une expérience que la
rue seule peut offrir,

Source : N°115 Automne 2005 La Revue de théâtre « Jeu « 


Le théâtre de rue revient par la grande porte

Un article signé Bernard Lepage dans L’Hebdo du St Maurice du 16 juin 2022
Le théâtre de rue revient par la grande porte  

Les Escales fantastiques auront leur propre bière brassée par Microbrasserie Broadway. L’Escale est une lager rafraîchissante parfaite pour la saison estivale. Elle sera disponible pendant le festival, mais aussi les vendredis soir lors des Grandes Soirées à Place du Marché. Sur la photo, on retrouve le maire Michel Angers, Bryan Perreault et Philippe Gauthier. (Photo : L’Hebdo – Bernard Lepage)

CULTURE.  Après seize ans d’absence, le retour du théâtre de rue à Shawinigan se fera par la grande porte à la vue de la programmation de la 1e édition de Les Escales Fantastiques du 18 au 21 août prochain.

Avec 125 artistes provenant de troupes du Québec, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, des États-Unis, de la France, de l’Espagne et du Japon, le public retrouvera cette folie créatrice déjantée qui caractérisait tant le défunt Festival de théâtre de rue de Shawinigan entre 1997 et 2006 promet l’instigateur et responsable de la programmation, Philippe Gauthier.

L’homme en sait quelque chose puisqu’il faisait partie des trois fondateurs de l’événement avec Yves Dolbec et Rémi-Pierre Paquin. « On va rester dans la même énergie parce ce que c’est ce que le monde aimait de cet événement, explique Philippe Gauthier qui voulait au départ explorer de nouveaux lieux dans la ville avant de revenir avec le concept du centre-ville.

« Le théâtre de rue fait un retour, mais si on explose tout de suite comme je l’avais envisagé au départ, le public ne s’y serait pas retrouvé. J’ai donc à la base décidé de créer le même type énergie qu’on avait à l’époque et qui fonctionnait. »

Les trois premiers soirs (18, 19 et 20 août), le public aura rendez-vous au centre-ville entre 18h et minuit, sur la 5e rue de la Pointe, à la Place du Marché et les ruelles à proximité. Le dimanche 21 août en après-midi, les enfants et leurs familles pourront vivre des moments magiques au parc de l’Horloge, dans le secteur Shawinigan-Sud. Au total sur quatre jours, 35 spectacles différents se succéderont à un rythme effréné pour un total de 150 représentations dans 10 escales (lieux) différentes.

« Le public du théâtre de rue a besoin que ça bouge. Sans être péjoratif, il y a un petit côté très Walt Disney là-dedans. Les gens arrivent et font la découverte de différents univers. C’est ça le but. Si quelque chose les accroche, ils vont rester du début à la fin et vont même revenir le lendemain parce que le spectacle va les avoir marqués. C’est tellement vrai que toutes les fois que tu vas repasser dans le centre-ville, à l’endroit où se déroulait la représentation, tu vas te souvenir de ce moment-là », explique Philippe Gauthier qui est revenu dans son patelin il y a quatre ans pour prendre en charge la programmation des spectacles de Culture Shawinigan.

Parmi les troupes invitées, on note Générik Vapeur qui avait marqué l’histoire du Festival de théâtre de rue en 2001 avec ses barils et une pyramide devant l’Hôtel de Ville et ses comédiens grimpant sur les lampadaires. « C’est encore Pierre Berthelot, une référence dans le théâtre de rue dans le monde, qui dirige la troupe, mais avec des acteurs plus jeunes maintenant », souligne Philippe Gauthier persuadé de voir la troupe française encore surprendre les spectateurs.

Celui qui a eu carte blanche du directeur général de Culture Shawinigan, Bryan Perreault, pour préparer cette première édition promet un événement qui évoquera le Festival de théâtre de rue, mais avec sa propre identité.  » On ne peut recréer des souvenirs. On ne peut qu’en créer de nouveaux pour construire à nouveau un événement qui va prendre sa place solidement dans le territoire de Shawinigan. «

A suivre …

Pierre Berthelot au micro de Country Pop 92,9, c’est par ici …

Le centre-ville s’anime pour les Escales fantastiques

Par Patrick Vaillancourt dans L’Hebdo du St Maurice du 22 août 2022
Le centre-ville s’anime pour les Escales fantastiques

Générik Vapeur aux Escales fantastiques. (Photo : Hebdo Patrick Vaillancourt)

SHAWINIGAN.  Après plus de 15 ans d’absence, c’était le grand retour du festival de théâtre de rue à Shawinigan avec quatre jours de festivités lors des Escales fantastiques. La population a répondu en masse et Culture Shawinigan estime à plus de 60 000 personnes l’achalandage pendant les 4 jours.

Sans l’ombre d’un doute, c’est le spectacle Bivouac présenté par Générik Vapeur sur le coup de 21h30 vendredi et samedi qui est demeuré dans les mémoires. Pendant plus de 40 minutes, les personnages déguisés en punk bleus ont défilé sur la 5e Rue de la Pointe armés de barils et de pièce pyrotechniques sous une musique rock entraînante digne du groupe allemand Ramstein. Le groupe français a littéralement cassé la baraque devant l’hôtel de ville avec une pyramide de barils qui finissent par se retrouver sur le sol avec des effets de lumières spectaculaires.

Pendant tout le spectacle, la foule suivait le cortège pour ne rien manquer de l’action. Les gens courraient pour trouver une meilleure position et en déambulant dans la foule, on entendait à maintes reprises de commentaires d’approbation. L’expression « C’est malade! » revenait souvent aux oreilles.  » Écoeurant! », « Fou raide! », « On a adoré! », « C’était impressionnant! », ne sont là que quelques commentaires publiés sur notre page Facebook de l’Hebdo.

Vendredi et samedi soir, on peut estimer entre 25 000 à 30 000 personnes rassemblées au centre-ville de Shawinigan.

Pendant les 4 jours de festivités, pas moins de 150 représentations se sont déroulées avec 33 troupes théâtrales différentes pour un total de 125 artistes provenant d’un peu partout dans le monde, Canada, États-Unis, France, Espagne et Japon.

Quelle est la première chose qui vient en tête au directeur général de Culture Shawinigan Bryan Perreault à la suite des 4 jours de l’événement ?

« Le festival n’est jamais parti! Tout ce qu’il a fait c’est croître dans le cœur de tout le monde. On le ramène, les gens sont là! Il n’y a eu qu’un petit 15 ans d’espace. Je souhaitais et j’espérais cette participation des gens, mais je ne savais pas que ça allait être à ce niveau. C’est une réappropriation pour bien des gens de ce qu’on avait perdu. »
C’est avec un budget de 300 000$ que Culture Shawinigan a mis de l’avant sa programmation. À la différence d’autres festivals où il existe d’autres dépenses comme le personnel administratif, pour la billetterie, pour le graphisme, les gens impliqués dans les Escales fantastiques sont tous déjà des salariés. « C’est pourquoi on est capable de mettre le gros prix pour faire venir Générik Vapeur et d’autres grosses pointures », ajoute M. Perreault.

Et quoi penser des retombées pour les commençants du centre-ville, et la visibilité de la Ville de Shawinigan avec ces spectacles complètement gratuits?

« Ça n’a pas de prix! Je travaille en démocratisation de la culture pour rendre la culture accessible à tout le monde. Que tu ais 12$ ou 1200$ dans tes poches, tu peux en avoir plein la vue et c’est le même festival. C’est ça notre mission à Culture Shawinigan! »

Sans aucun doute, le festival les Escales fantastiques sera de retour l’an prochain, et pour bien des années encore. «J’ai 54 ans, et le festival sera encore ici pour 30 ans. Ça veut dire que je vais prendre ma retraite à 84 ans, lance le directeur à la blague. J’ai passé trois soirs à courir à gauche et à droite, et je n’ai pas réussi `tout voir! Mon plus grand coup de cœur est sans hésitation la participation des gens et le nombre de fois que j’ai pu me faire dire merci. C’était des mercis, mercis, mercis! »