Se loger en Bretagne : devenir riche ou partir …

Depuis les confinements liés au Covid, l’attrait pour la Bretagne s’est accentué et il devient de plus en plus difficile de se loger pour les locaux. Tout l’été, des actions sont prévues pour alerter sur cette situation et des réflexions sont en cours pour limiter les logements momentanés. Une idée émerge : l’instauration d’un « statut de résident », qui obligerait à habiter sur place un an avant de pouvoir acheter …

En Bretagne, alerte aux logements secondaires et de courte durée

Un reportage signé Éric Chaverou et Mathilde Doiezie diffusé par France Culture le lundi 1 août 2022 …

En Bretagne, les prix de l’accession à la propriété s’envolent, tandis que les offres de location longue durée se raréfient. Sur la route des vacances vers la région de plus en plus prisée depuis le Covid et ses confinements répétés, postés sur un pont au-dessus d’une quatre voies proche de Nantes, des membres du Collectif Dispac’h ont déployé des banderoles. Ewan Thebaud, son porte-parole, explique l’opération du jour : « On sait qu’il y a beaucoup de résidents secondaires, beaucoup de touristes aussi qui viennent en Bretagne, qui vont forcément avoir besoin de se loger et qui voilà potentiellement vont utiliser des logements secondaires ou des logements courte durée gérés par AirBnB etc. Donc nous on n’est pas contre les touristes, au contraire, mais il y a une problématique du logement et il faut que les gens soient sensibilisés à ça aujourd’hui« .

« Ça prive les locaux de pouvoir acheter, mais maintenant c’est carrément de louer »

Pouvoir se loger dans leur région est l’une des premières revendications de ce groupe de « jeunes indépendantiste, anticapitaliste, féministe, écologiste, et internationaliste ». Depuis plusieurs années, ils tentent de se faire entendre. « On a tous été travailleurs saisonniers, on a tous galéré à se loger en Bretagne. Donc on a commencé dès 2018 en collant des affiches sur les volets fermés l’hiver un peu partout en Bretagne et ensuite on a fait des actions, un peu de happening pendant l’été. Et ça s’est accentué avec le Covid. Il y a eu un intérêt pour l’immobilier en Bretagne. Ça prive les locaux de pouvoir acheter, mais maintenant c’est carrément de louer. Et c’est plus que sur le littoral, maintenant c’est toutes les zones, rurales, urbaines, qui sont impactées« . Alors le collectif interpelle les élus.

Un manifeste pour un statut de résident en Bretagne

Certains prennent la question à bras-le-corps et réfléchissent à des solutions. Comme Nil Caouissin, élu régional affilié à l’Union démocratique bretonne, auteur d’un manifeste pour un statut de résident en Bretagne : « Le principe c’est que le droit d’acheter un logement ou un terrain à bâtir est réservé aux gens qui habitent sur place depuis un certain temps. Et ça, ça fait qu’il y a pratiquement plus d’achats de résidences secondaires parce que très peu de gens achètent une résidence secondaire là où ils vivent. Après, cela dépend du périmètre : si on en prend un très grand, on aura encore un peu de résidences secondaires. Plus on le réduit, moins il y en aura. Moi, je prône donc au niveau des intercommunalités ou des pays. Et je pense qu’avec cette règle-là, on arrivera d’abord à détendre le marché, parce que la demande de résidences secondaires c’est le fait de la partie la plus riche de la population, des gens qui peuvent acheter sans visiter, en payant cash, sans négocier, donc ça contribue vachement à l’emballement du marché. Et à plus long terme cela devrait faire baisser les résidences puisque les nouveaux acheteurs sont des gens qui vivent-là. Cela veut donc dire que l’on va recréer du logement accessible pour la population, sans avoir besoin forcément de construire« .

Résidences secondaires aux volets fermés en bord de mer à Saint-Gildas-de-Rhuys, dans le Morbihan, le 17 novembre 2021.
Résidences secondaires aux volets fermés en bord de mer à Saint-Gildas-de-Rhuys, dans le Morbihan, le 17 novembre 2021.

– Francois Destoc / Le Télégramme

L’encadrement lancé par le maire de Saint-Malo

À Saint-Malo, la mairie a décidé de s’attaquer au phénomène des locations courte durée. D’abord, en demandant à tous les propriétaires de ces logements de faire une déclaration de changement d’usage. Dans l’hôtel de ville au pied des remparts, Gilles Lurton, maire Les Républicains depuis 2020, explique qu’il est allé encore plus loin l’année dernière, en instaurant des quotas. : « Quand nous sommes arrivés, nous avons considéré le nombre de logements par quartier qui avaient fait leur demande de changements d’usage. En principe, tous devait l’avoir fait. Et nous avons dit 319 logements sont loués en courte durée dans Saint-Malo intra muros. On arrête au chiffre de 319. Inutile de vous dire qu’on en a eu plus que 319 et il y en a qui n’ont pas la possibilité de louer ».

Cette disposition originale est toutefois combattue par des propriétaires au tribunal administratif. Mais pour le maire, « Il fallait prendre une mesure. Sinon, c’en était fini du logement à Saint-Malo« . À l’automne, le conseil régional de Bretagne doit débattre autour de la crise du logement et des outils à disposition pour y faire face.

Saint-Malo, une des villes bretonnes les plus sollicitées pour des séjours de courte durée.
 © Radio France – Benjamin Fontaine
Saint-Malo, une des villes bretonnes les plus sollicitées pour des séjours de courte durée


Seuls les locaux pourront être proprio : en Bretagne, l’idée séduit

Résidences secondaires, locations touristiques… La ruée vers la Bretagne entraîne bétonnage et crise du logement. Une idée émerge : l’instauration d’un « statut de résident », qui obligerait à habiter sur place un an avant de pouvoir acheter.
Un reportage signé Gwenvaël Delanoë à lire dans Reporterre daté du 15 juin 2022

Depuis Loguivy et Locmiquélic (Morbihan) …

Dorian est intérimaire, en ostréiculture. À chaque marée, qu’il pleuve ou qu’il vente, ce Breton de 25 ans remonte l’estuaire du Trieux en bateau depuis la ville de Lézardrieux, pour se rendre sur les parcs à huîtres de l’île de Bréhat, en face. Le chaland double un îlot dont une petite maison a récemment été achetée à plus de 1 million d’euros [1], pour une résidence secondaire. Il passe ensuite devant le port de Loguivy, et son front de mer. Presque toutes les maisons ont les volets clos. Des résidences secondaires.

Dorian, qui vit et travaille ici, dans la vase et l’eau froide, ne pourra jamais se payer l’une d’entre elles. « Ça fait mal au cœur parce qu’il y a beaucoup de maisons à l’abandon ici, les volets sont constamment fermés toute l’année », regrette-t-il. Le problème n’est pas nouveau, mais s’est accentué ces dernières années. Les Airbnb accaparent une part du parc locatif, « et puis, il y a les maisons qui ont été rachetées après le Covid par des gens qui habitent dans de grandes villes… On le voit l’été, c’est rempli de plaques d’immatriculation parisiennes, et c’est de plus en plus compliqué de trouver un logement ».

La donne pourrait changer. Car face à ce constat, des collectifs locaux se sont créés, et un mouvement régional se structure. Une campagne de mobilisations a vu le jour, fédérant plusieurs organisations autour du slogan « Un ti da bep hini » (« Une maison pour tous »), s’inspirant des luttes similaires menées au Pays de Galles, ou au Pays basque. Et une idée commence à faire du bruit : la création d’un statut de « résident principal ».

Habiter un an avant de pouvoir acheter

Un statut de résident principal ? « On demanderait aux personnes qui souhaitent acheter une maison ou un terrain constructible d’habiter au pays depuis un an », explique, en breton, Nil Caouissin, principal promoteur de cet outil, et membre de l’Union démocratique bretonne (UDB, gauche autonomiste et écologiste). De quoi limiter les achats compulsifs à destination de résidences secondaires, et remettre les résidences secondaires en vente sur le marché des logements à l’année, « pour que les gens qui ont été exclus du littoral par exemple, puissent y revenir ».

Et les « Parisiens riches » n’en sont pas les seuls responsables, comme on l’entend souvent. « Je ne propose pas que ce statut s’applique à un niveau régional, puisqu’il y a aussi beaucoup de personnes qui vivent en Bretagne et qui achètent des résidences secondaires en Bretagne. » L’échelon optimal serait celui de la communauté de commune, des pays ou des îles, et pourrait faire l’objet d’une expérimentation sur le modèle des territoires zéro chômeur.

Difficile se se loger au très touristique village de Ploumanac’h, élu village préféré des Français en 2015. Wikimedia Commons/CC BYSA 4.0/Service communication de Perros-Guirec

« La durée est d’un an, pour que ce ne soit pas trop compliqué pour les personnes qui souhaitent vivre en Bretagne pour de vrai. » Au cours de la vingtaine de réunions publiques organisées sur le sujet depuis un an, Nil Caouissin a voulu éviter toute confusion : pas question d’un statut réservé aux Bretons et Bretonnes, mais bien d’un statut ouvert à toutes les personnes habitant la région depuis un an, et ce, quelles que soient leurs origines.

« On est carrément en pénurie »

Ce statut aurait de quoi changer tout l’habitat en Bretagne. Car le phénomène ne concerne plus seulement le littoral, mais aussi la campagne. Détresse, crises de larmes d’habitants dans les agences immobilières… La presse locale relaie depuis des mois des témoignages poignants de locaux incapables de se loger correctement à l’année. Dorian et sa compagne, qui travaillent et vivent au pays, n’y échappent pas : « Chez nous, il y a de gros problèmes d’humidité, c’est insalubre. Dans toutes les pièces, surtout la chambre, ça sent le champignon. Ça fait presque un an qu’on cherche à partir, mais on ne trouve pas de location. »

Depuis 2019, les prix ont doublé à Locmiquélic. Wikimedia Commons/CC BY 2.0/Bert Kaufmann

La situation est même catastrophique dans le sud Morbihan, à Locmiquélic, près de Lorient : depuis 2019, les prix ont doublé. « À peu près 85 % de la population ne peut plus se loger au prix du marché. Les locaux le vivent comme une profonde injustice », explique Gwen, un jeune géographe et habitant de la commune. Le parc locatif est pris d’assaut, et les locations touristiques compliquent encore la conjoncture. « On est carrément en situation de pénurie, détaille Gwen. Les gens qui n’ont pas de contact chez des notaires, des agences, ou des contacts familiaux ne verront jamais une annonce de locatif : elles partent dans l’heure ! »

Locmiquélic, contrairement à d’autres communes littorales du Morbihan, restait, de par son immobilier plus accessible, relativement populaire et dynamique ; la culture et la langue bretonne y sont encore présentes. « Quand il y a un accaparement de l’immobilier par une population qui ne vit pas à l’année, elle ne peut pas s’imprégner de ces cultures populaires, elle ne participe pas à cette transmission. Les résidences secondaires ne participent pas à la vie sociale des communes », affirme le géographe.

« Avoir une résidence secondaire, c’est un crime écologique. »

Trouver une solution à cette problématique est d’autant plus pressante que la bétonnisation progresse : à Rennes, Nantes, Brest, Lorient, mais aussi dans de nombreux bourgs, on bétonne à tout va, et les prix flambent. Pour loger leurs administrés, des communes, touchées par l’assaut des résidents secondaires, construisent de nouveaux lotissements à des prix plus accessibles. Problème : l’artificialisation des sols en Bretagne est tellement forte que la plupart des plans d’urbanisme et d’aménagements du territoire locaux sont pointés du doigt par l’Autorité environnementale. Et certains chiffres donnent le vertige : à Lannion-Trégor Communauté par exemple, entre 2011 et 2016, avant même l’« effet-Covid », 52 % des nouveaux logements partaient en résidences secondaires et occasionnelles.

Lire aussi : Au Pays basque, les résidences secondaires mangent les terres agricoles

« Avoir une résidence secondaire, c’est un crime écologique, dénonce Gwen. Pour un même foyer, on va consommer deux fois plus de terres. » La crise du logement et la pression sur les terres devraient s’accroître dans la prochaine décennie. La Bretagne, victime de son attrait, se prépare à accueillir plusieurs centaines de milliers d’habitants supplémentaires, fuyant pour partie les grosses chaleurs du sud de la France ou la vie des grandes métropoles.

D’abord, s’attaquer aux logements vacants

Pour toutes ces raisons, l’idée d’un statut de « résident principal » fait ainsi parler d’elle dans la presse, propulsée au-devant de la scène par l’UDB. Leur allié régional, Europe Écologie-Les Verts (EELV), s’en empare également. « Il y a des élus d’autres groupes, droite ou gauche, qui nous disent qu’ils sont plutôt d’accord avec nous, mais qui préfèrent ne pas l’affirmer, car ce n’est pas le point de vue officiel de leur groupe », assure Nil Caouissin. Alors que la proposition suscitait une levée de boucliers il y a encore un an, elle fait désormais de plus en plus l’objet de débats.

« Vu le caractère d’urgence du logement, pour l’instant, ma priorité n’est pas les résidences secondaires, […] c’est plutôt les logements vacants », tempère Fanny Chappé, conseillère régionale au sein de la majorité (PS), déléguée à l’habitat, et par ailleurs maire de Paimpol. La commune est touchée de plein fouet par la crise du logement, et les bailleurs sociaux voient arriver de nouveaux profils dans les dossiers HLM, comme des cadres, des enseignants…

Se loger est devenu difficile en Bretagne, comme ici à Belle-Île-en-Mer, au sud de la région. Pixabay/CC/MarineBrs

« La réflexion de Nil Caouissin a le mérite de dire “Faisons déjà avec l’existant”, reconnaît Fanny Chappé. Et si on regarde l’existant, on se rend compte qu’on a du potentiel. Je partage ce constat, et nous, à Paimpol, on va mettre le paquet sur la vacance. […] On est en train de perdre des biens parce qu’ils deviennent insalubres, c’est plutôt là qu’il faut aller. » Priorité à la réhabilitation de logement, donc. Fanny Chappé voit aussi en l’organisme de foncier solidaire un bon outil, qui permet à la collectivité de privilégier des primo-accédants et familles sur critères définis, tout en restant propriétaire du foncier. Un bail spécial permet alors de maîtriser le devenir du bien lors des successions, et d’éviter qu’il ne participe à la spéculation. Et le statut de résident principal ? « Trop fragile », pour l’édile, qui « ne partage pas la notion de “prouver” son statut ».

Le statut de résident n’est pas à lui seul la solution miracle, prévient Nil Caouissin, conscient qu’il sera difficile à obtenir. Mais l’idée fait son chemin. Au moins jusqu’à Lézardrieux, où Dorian, qui vient de rentrer de marée, la voit d’un bon œil. Demain, lorsqu’il repartira en mer, il repassera devant quelques-unes des 300 000 résidences secondaires de Bretagne. Volets clos.


« Zone tendue » De quoi parle t’on ?

carte de la tension immobiliere en bretagne
Ci dessus une carte de l’analyse régionale des tension locatives. Carte produite par la DREAL. On remarque qu’une grande partie de la région Bretagne est déja en situation de tension selon les critères du ministère de la transition écologique.

 

Le 26 juillet 2022, lors de l’examen du projet de loi de finances1 à l’Assemblée nationale, le député du Morbihan Paul Mocal a tenté de faire voter un amendement visant à étendre le classement dit «zone tendue» à l’ensemble de la Bretagne. Cette revendication vise à endiguer la crise du logement dans les territoires attractifs, notamment les territoires touristiques et littoraux, mais dont les mesures sont également applicables aux contextes métropolitains. Nous souhaitions revenir en détail sur cette revendication portée par de nombreux collectifs et élus, qui si elle n’est pas une solution miracle et comporte certains risques pourrait offrir aux collectivités locales de leviers d’actions. Même si nous obtenions l’extension des mesures « zone tendue », l’exemple du Pays basque montre que son application effective devra faire à l’opposition des lobbys de l’immobilier et des élus libéraux refusant toute limite au marché libre de l’immobilier. Le rôle des collectifs locaux semble essentiel pour contraindre à une application réelle d’une politique sociale de l’habitat pour produire des villes réellement accueillantes.

La loi ALUR de 2014 et la loi ELAN de 2018 créent des zones dites « tendues » pour les villes répondant à certains critères : « Il s’agit des zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. Ces difficultés se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social2 ». Ce dispositif permet ou impose aux communautés de communes plusieurs mesures, qui sont applicables à partir du 1er janvier 2019, de fait pour toutes les villes de plus de 200 000 habitants, ainsi que pour les autres communes de plus de 50 000 habitants et leur agglomération, mais sous réserve de l’accord du préfet. En premier lieu, la mise en place obligatoire d’observatoires des loyers qui sont chargés d’assurer une veille sur l’évolution de l’immobilier, des loyers, de la construction, du taux de tension dans le parc public, du taux d’effort des ménages etc. Ils produisent et recensent toutes les données utiles à ces observations afin d’éditer des états des lieux de la situation du logement sur le territoire, permettant ainsi une bonne compréhension des besoins des populations et donc des leviers à actionner. Ces observatoires sont également les garants de la bonne application des réglementations et sont chargés de mener des contrôles et de prononcer des sanctions si nécessaire.

 

carte postale droit à la mer pour les précaires

Une autre des mesures phares permise par la zone tendue est celle de l’encadrement des loyers (rappelez-vous, la loi de 1948 supprimée par Chirac dans les années 80!). Les communes concernées peuvent demander au préfet, à titre expérimental et pour une durée de 5 ans, le droit d’encadrer les prix des loyers du privé lors de la relocation des logements : augmenter le montant du loyer entre deux locataires devient illégal au-delà de l’indice de référence des loyers. Cependant, de nombreuses exceptions rendent le dispositif contournable. La loi ELAN de 2018 ajoute à ce dispositif le plafonnement des loyers qui s’applique, en plus de l’encadrement, pour les logements neufs ou anciens, vides ou meublés, à usage de résidence principale. Concrètement, cela signifie que le prix de la location au mètre carré ne peut dépasser de plus de 20 % la valeur de référence établie par le Préfet du département concerné. Cela dit, là aussi un dépassement du plafond est permis dans certaines conditions. Mais les critères d’éligibilité des communes au plafonnement des loyers sont bien trop restrictifs : un loyer médian jugé « élevé » et des constructions trop peu nombreuses pour répondre aux besoins.

action pont pour la manifestation du 10 septembre à VannesDes outils de régulation du marché des meublés de tourisme sont également introduits comme la procédure d’enregistrement en mairie, la limitation du nombre annuel de nuitées pour les résidences principales ou l’autorisation préalable de changement d’usage pour les résidences secondaires. S’il s’agit de la location d’une chambre au sein de son logement principal, elle n’est soumise à aucune réglementation. Pour la location d’une résidence principale entière, une limite de 4 mois ou de 120 jours par an est acceptée, sans que le bailleur ait à effectuer des démarches particulières, sauf si la mairie demande un numéro d’enregistrement ainsi qu’un décompte des nuitées3. Au-delà du seuil de 120 nuitées par an, le bailleur devra obtenir une autorisation de changement d’usage et l’appartement ou la maison ne sera plus considérée comme un logement d’habitation mais comme un local commercial avec fonction hôtelière. Il pourra donc être loué toute l’année en meublé touristique mais dépendra du droit commercial et sera ainsi assujetti à la taxe de séjour. Pour les résidences secondaires, une déclaration en mairie est obligatoire partout en France avec obtention d’un numéro d’immatriculation, et dans les villes de plus de 200 000 habitant·es et les zones tendues, un changement d’usage (de l’habitation vers le local commercial) et une autorisation préalable de la commune sont obligatoires au-delà de 120 nuitées par an. Ces autorisations de changement d’usage sont parfois très limitées (comme à Paris où elles sont très peu délivrées) et souvent temporaire (délivrées pour 2 ou 4 ans, renouvelable ou pas).

La loi ELAN permet également d’exiger que les propriétaires s’acquittent d’une« compensation » en échange de la perte d’un logement au profit d’un « meublé de tourisme ». Les propriétaires ont ici deux solutions : soit, ils disposent d’un autre local non habitable (commerce ou bureau par exemple) qu’ils transforment en logement, soit ils achètent un titre de compensation à un bailleur qui produit à leur place un nouveau logement à usage d’ habitation4. Dans les villes de plus 200 000 habitants et dans la petite couronne parisienne, aucun autorisation de changement d’usage n’est délivrée sans cette compensation. En général, le propriétaire doit compenser à surface égale mais, dans les arrondissements les plus touristiques de Paris, la surface doit être doublée. Cette mesure a le mérite de calmer drastiquement les appétits en matière d’investissements locatifs touristiques.

Dans le panel des actions possibles grâce à la mise en place de zones dites « tendues », les communes peuventjouer sur la fiscalité locale en majorant la taxe d’habitation sur les résidences secondaires5sur un un taux modulable de 5 % à 60 %, selon le choix des communes. Mais en 2020, seules 272 communes françaises appliquaient cette majoration, soit 20 % des communes ayant le droit de l’instaurer. Et sur ces 272 communes, seules 33 appliquaient la majoration maximum. Mais la tendance est à l’augmentation6. En Bretagne historique, seules les agglomérations de Nantes et Saint Nazaire sont en zones tendues. À Nantes, la taxe est majorée seulement de 20 %, alors qu’à Saint Nazaire et Guérande elle l’est à 60 %. Toujours pour l’année 2020, le montant de la surtaxe s’est élevé en moyenne en France à 248 € par logement7, ce qui fait relativiser l’impact réel d’une telle mesure qui reste plus symbolique que suivie d’effets sur le marché immobilier.

affiche manifestation lannion zone tendueSi un logement est vide sur une commune « tendue », il est susceptible d’être soumis à la taxe annuelle sur les logements vacants, sous réserve d’être habitable (installation électrique, eau courante, équipement sanitaire). Cet impôt permet aux communes concernées d’imposer une taxe sur les logements considérés comme vacants depuis au moins un an afin d’inciter les propriétaires à les remettre sur le marché8. En 2021, l’INSEE décomptait plus de 3 millions de logements vacants en France (8,3 % de la totalité du parc). En Bretagne, ce taux est en constante augmentation et représentait près de 145 000 logements en 2018, soit 7,5 % du parc. Associée aux mesures de préemption et d’expropriation du droit commun, cet outil aurait un potentiel efficace sur le parc vacant. Un peu de volontarisme politique permettrait aux collectivités locales de préempter nombre de ventes afin de de se créer des réserves foncières et immobilières plutôt que de laisser le secteur privé se les accaparer sans répondre aux besoins des populations. Avec la préemption, les mairies ont la possibilité de préciser à quel type d’habitat elle destine ces nouvelles propriétés municipales avec un pourcentage de résidences principales et secondaires par exemple. Dans le cas où le rachat à l’amiable ne serait pas possible, les procédures d’expropriation existent également afin de répondre à une utilité publique, entre autres à la création de logements9. De plus, toujours dans le droit commun, les Plans Local d’Urbanisme et les Programmes Locaux de l’Habitat, désormais obligatoires pour toutes les communes, pourraient permettre de bien aiguiller l’action publique en matière de logement et de foncier. Cela permettrait de trouver des solutions plus satisfaisantes que la construction : des enquêtes, comme celle de la géographe Solène Gaudin, montrent que dans nombre de territoires, la construction de logements neufs ne répond pas aux besoins des populations les plus précaires, en terme de taille et de prix10. Pire, qu’une large partie de ces constructions neuves, notamment sur le littoral, deviennent des résidences secondaires. La responsabilité politique serait plutôt de considérer les enjeux écologiques en privilégiant toutes les solutions qui permettent de produire du logement sans artificialiser les sols et en protégeant les terres agricoles. Les outils comme les PLU et les PLH peuvent être utilisés par les communautés de communes comme des moyens de sanctuariserle foncier agricole et les terres non-artificialisées, tout en étant combinés à des objectifs ambitieux en matière de logement, en particuliers à destination des publics les plus précaires. Un fléchage privilégié des aides à la réhabilitation et à la rénovation énergétique en direction des ménages les plus pauvres permettrait de lutter effectivement contre l’habitat indigne et insalubre.

La création du dispositif de la « zone tendue » en plus des autres leviers existants permet donc, malgré de nombreuses dérogations possibles, des avancées significatives en matière de régulation du marché locatif. Cependant, nombre de territoires subissant pourtant de fortes tensions immobilières de par leur attractivité touristique en sont exclus s’ils ne répondent pas à tous les critères, et ce sont les préfets qui détiennent le pouvoir d’accorder ou non ce statut aux communes qui le souhaiteraient.

affiche residence szcondaire ta maireLa « zone tendue » n’est pas une solution miracle. Si l’extension de son application, demandée par les collectifs pour le logement en Bretagne, aboutit, il faudra une mobilisation forte pour faire appliquer réellement les mesures les plus contraignantes pour le marché. Nous n’avons pour le moment pas le recul nécessaire pour observer les bénéfices dans les territoires dans lesquels les mesures sont appliquées, mais le manque de contrôle effectif par les municipalités des limites imposées semblent freiner les bénéfices potentiels des mesures appliquées.

La zone tendue introduit également des mesures de défiscalisation de l’investissement locatif dite « loi pinel ». Pour Lorent Dequay, dans un article de Marianne «Le dispositif qui va évoluer en « Pinel plus» est une aubaine pour réduire ses impôts. Mais ce carburant de la construction alimente la flambée des prix et représente un frein à l’accession à la propriété pour les foyers modestes.11 » En rendant ces territoires plus attractifs pour les promoteurs privés, il se produit un enchérissement du prix du foncier qui le rend inaccessible pour les bailleurs sociaux et ralentit la production de logement social abordable pour les foyers modestes. Si le dispositif pinel atteint bien ses objectifs de production de nouveaux logements, il produit aussi une montée des prix et une spéculation supplémentaire dans les territoires concernés.

En savoir plus :

https://www.ouest-france.fr/bretagne/logement-en-bretagne-les-amendements-du-depute-paul-molac-sur-les-residences-secondaires-retoques-d9f85612-0dd2-11ed-bd80-f0737bfd1fbf
2 décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champs d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code Général des Impôts
3 Depuis 2016, toutes les communes ont le droit d’instaurer une procédure de déclaration préalable (numéro d’enregistrement) pour toutes les locations meublées de courte durée.
toutsurmesfinances.com
5 une résidence est considérée secondaire si elle est occupée moins de 8 mois par an
https://www.toutsurmesfinances.com/impots/surtaxe-de-la-taxe-d-habitation-sur-les-residences-secondaires-logements-et-liste-des-villes.html
7ToutSurMesFinances.com
8 un logement est considéré vacant s’il est occupé moins de 90 jours consécutifs par an
Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
10 Entretien avec Solène Gaudin, février 2022
11 https://www.marianne.net/societe/logement/comment-le-dispositif-pinel-empeche-les-foyers-modestes-de-devenir-proprietaires

Enjeux et limite de la mise en tourisme avec Gwendal Simon

Dans le cadre de la recherche action du collectif Droit à la ville Douarnenez un entretien avec Gwendal Simon, Maître de conférences en aménagement-urbanisme à l’université Paris Est Marne-la-Vallée Institut Français d’Urbanisme (depuis 2012)


Passage de Nil Caouissin dans l’émission “Bonjour Bretagne” de Tébéo la veille des rassemblements pour le droit au logement (20 et 21 novembre 2021).

Lire en complément : Manifeste pour le statut de résident en Bretagne …

Les écologistes et fédéralistes rassemblés sous la liste Bretagne Avenir aux élections régionales ont déclaré la guerre à la spéculation immobilière. Pour en finir avec la folie qui s’est emparée des côtés bretonnes, ils proposent de réguler l’accès au marché des résidences secondaires en créant un statut de résident breton. Concrètement, ce statut consisterait « à réserver le droit d’acheter à ceux qui habitent depuis un an au moins en Bretagne », explique, dans son « Manifeste pour un statut de résident en Bretagne », Nil Caouissin, militant au sein de l’UDB, à l’initiative de cette proposition reprise par Bretagne Avenir.

En savoir plus via cet article consacré en juin 2021 par La Gazette des Communes …


A suivre …

Une action contre la crise du logement le 10 septembre à Douarnenez,

Publié dans Le Télégramme Douarnenez du 15 août 2022

La question de l’accès au logement occupe une place brûlante à Douarnenez.
La question de l’accès au logement occupe une place brûlante à Douarnenez. (Le Télégramme/Rodolphe Pochet)

Un rassemblement est prévu samedi 10 septembre, à Douarnenez, sur la question de l’accès au logement.

Entre développement d’Airbnb, galère des saisonniers, projet d’extension de classement dit « zone tendue » à l’ensemble de la Bretagne et résidences secondaires et statut de résident breton, la question de l’accès au logement occupe une place grandissante dans les débats et l’actualité locale. Si bien que des actions autour de ce thème sont prévues le 10 septembre prochain, dans plusieurs villes de la région.

À l’appel d’un ensemble d’associations, de collectifs de solidarité et de partis politiques de Douarnenez, du Cap Sizun et du Haut Pays bigouden, un rassemblement est prévu à 10 h sur la place des Halles. Autour d’un mot d’ordre : « Pour le logement abordable pour toutes et tous, pour des politiques de l’habitat pour des villes accueillantes, pour des solutions écologiques et solidaires ».

« Contraindre les élus à agir »

Une action à l’initiative de Droit à la Ville Douarnenez, qui voit déjà des mouvements comme EELV Cap Sizun Douarnenez, PS Douarnenez, UDB, Douarnenez Terre Citoyenne ou La France Insoumise se mobiliser. L’appel à d’autres collectifs ou associations est lancé à un peu moins d’un mois de l’échéance. « Il existe de moyens d’action et certains élus et parlementaires commencent à porter les revendications des habitants et des associations. Nous sommes à un moment charnière », écrivent les organisateurs.

« Pour que des mesures supplémentaires soient votées et appliquées localement, nous avons besoin d’un maximum de collectifs locaux pour porter ces revendications et contraindre les élus à agir », ajoutent-ils. De même, ils lancent un appel aux personnes qui voudraient faire des affiches pour appeler au rassemblement, jouer de la musique le jour du rassemblement, ou encore participer à un atelier banderole.

Une réponse sur “Se loger en Bretagne : devenir riche ou partir …”

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