Le 4 septembre 2022, référendum sur la nouvelle Constitution chilienne …

Le 4 juillet dernier, après une année de travail acharné, l’Assemblée constituante chilienne, composée de 154 membres, citoyens indépendants ou affiliés à des partis politiques, élus de façon paritaire au cours d’élections populaires a remis son projet de nouvelle Constitution au président Gabriel Boric, et s’est dissoute pour entrer en campagne, en vue du référendum prévu le 4 septembre 2022. Où en est-on à un mois du scrutin ?

Les deux camps ont encore un mois pour tenter de convaincre les indécis qui représentent autour de 11 % de la population … Le président de la République, Gabriel Boric, qui est favorable au nouveau texte constitutionnel, se prépare à l’éventualité du rejet. Il a  déclaré que si la nouvelle constitution était rejetée « il faudrait de nouvelles élections, pour élire une seconde Assemblée qui rédigera un nouveau texte constitutionnel » …


Chili : les opposants à la nouvelle Constitution se mobilisent

Un manifestant chilien opposé à la nouvelle Constitution du pays, le 23 juillet 2022 à Santiago du Chili.
Un manifestant chilien opposé à la nouvelle Constitution du pays, le 23 juillet 2022 à Santiago du Chili. © Esteban Felix/AP

Au Chili, la campagne pour le référendum du 4 septembre sur la nouvelle Constitution, bat son plein. 15 millions de Chiliens seront appelés aux urnes pour un vote obligatoire. Et selon des derniers sondages, le « non » à la nouvelle Constitution pourrait l’emporter. C’est d’ailleurs cette option que la coalition de droite a choisie …

Dans le centre de la capitale, une soixantaine de personnes se sont réunies et agitent des drapeaux chiliens. Une grande banderole a été déployée sur laquelle il est écrit : « Rechazo Popular » (rejet populaire, en français).

« Ce mouvement est pour le Chili, pour la patrie avant tout », lance un des participants au mégaphone. Un rassemblement d’extrême droite auquel Jessica a participé. Elle votera « contre » la nouvelle Constitution, car elle veut conserver celle actuellement en vigueur écrite sous la dictature du général Augusto Pinochet en 1980.

« Ce n’est plus la Constitution des généraux, car beaucoup de réformes y ont été apportées et la signature de Pinochet n’est plus sur le document. Cette Constitution nous a fait grandir économiquement et c’est le général qui nous a sorti de la « merde » dans laquelle nous avait mis le président Allende. »

Jessica pense que si la nouvelle Constitution est approuvée, ce sera la porte ouverte au régime communiste : « Le communisme, c’est un cancer. Je ne veux pas que mon pays devienne comme le Venezuela ou Cuba. Je veux être libre dans mon pays ! ».

Des peurs face à certains concepts de la nouvelle Constitution

À côté d’elle, Pamela fait danser son drapeau chilien dans les airs. Elle aussi rejettera la nouvelle Constitution pour plusieurs raisons, mais il y a un article en particulier qui a retenu son attention. « L’éducation sexuelle intégrale, c’est un endoctrinement des jeunes enfants et ça porte atteinte à leur sexualité. Un enfant de 5 ans n’a pas besoin d’entendre parler de sexualité. Il doit vivre sa vie normalement et librement comme n’importe quel autre enfant. »

►À lire aussi : Le Chili, premier pays au monde à inscrire l’avortement dans son projet de nouvelle Constitution

Mais la nouvelle Constitution ne détermine pas d’âge précis en ce qui concerne l’éducation sexuelle intégrale. Elle garantit simplement ce droit à toutes les personnes. Beaucoup de fausses informations comme celle-ci circulent à propos du nouveau texte comme par exemple la notion d’état « plurinational ».

Dans sa chanson, le rappeur Fos One, rejette la « plurinationalité » qui reconnaît les peuples indigènes et leur garantit des droits, mais le chanteur ne le voit pas de cette façon. « Il y aura des règles différentes entre les peuples indigènes et les autres Chiliens, pense le rappeur. Même si le pays n’est pas divisé territorialement, il y aura quand même des divisions, car les peuples indigènes auront leur propre système de justice. »

Ces dernières semaines, plusieurs ténors de partis de centre-gauche et centre-droit ont annoncé qu’ils voteront « contre » la nouvelle Constitution. Jaime Arancibia est professeur de droit à l’université conservatrice de Los Andes : « Je pense qu’il a une validité démocratique et populaire, mais il ne remplit pas l’autre condition, selon moi très importante pour une constitution, qui est la légitimité technique du texte. L’Assemblée constituante et son côté révolutionnaire, refondateur et assez populiste, je dirais aussi, n’a pas beaucoup prêté attention à l’opinion des experts. »

Vers un nouveau processus ?

Jaime reconnaît l’importance des droits sociaux inscrits dans la nouvelle Constitution : le logement, la santé ou encore l’éducation, mais il craint que le nouveau texte ne puisse pas garantir leur financement. « Tous ces droits ne vont pas pouvoir se concrétiser car, selon moi, le système politique qui a été défini n’est pas bon et le nouveau texte ne permettra pas une croissance économique suffisante. »

Si la nouvelle Constitution est rejetée, plus de deux Chiliens sur trois seraient favorables à un nouveau processus constitutionnel pour écrire un autre texte. Le président Gabriel Boric a lui-même envisagé cette option, soulignant que le pays s’était largement prononcé en faveur d’une nouvelle Constitution il y a deux ans, enterrant ainsi le texte actuel écrit sous la dictature.


Gabriel Boric encouragera une nouvelle convention en cas de rejet du projet constitutionnel au Chili

Ce projet de nouvelle Constitution définit le Chili comme un « État social et démocratique de droit », « plurinational, interculturel, régional et écologique » avec une démocratie « inclusive et paritaire ». À travers ses 388 articles, le texte appelé la Carta Magna, établit de grandes avancées sur les plans écologique et social. En matière de droit du travail, il évoque une rémunération juste et adéquate. Il fixe des droits fondamentaux à caractère social tels que la santé, l’éducation et la sécurité sociale, et le droit à vivre dans un environnement sain. Le texte octroie une « protection aux écosystèmes » tels que les glaciers et les zones humides et reconnait « l’eau comme bien commun inappropriable ». Il prend en compte et protège les droits des différents groupes sociaux : droits des femmes dans le domaine sexuel et reproductif, droits des peuples autochtones, droits des minorités de genre, et droits des enfants et des adolescents. Il dessine les contours d’un état régional pour surmonter un centralisme structurel, propre à la culture chilienne. En effet, parmi les articles les plus polémiques, se trouve celui qui met fin au Sénat, qui serait remplacé par une Chambre des Régions.

Selon que l’on appartienne au camp des défenseurs ou à celui des opposants, le texte est jugé soit avant-gardiste soit trop radical. Pour Alondra Carillo Vidal, constituante de gauche et féministe, la nouvelle Constitution est historique à plus d’un titre. « Elle offre la possibilité d’un État social, garant des droits fondamentaux de la population, des femmes et des minorités sexuelles et de genre. Elle change notre relation à la nature et propose un futur qui ne sera plus le néolibéralisme, ni le modèle d’extraction des ressources naturelles » se réjouit-elle.

Parmi les opposants, Luciano Silva Mora, pasteur évangélique de centre droit, ayant participé à l’élaboration du texte, « ce texte est totalement radical, purement étatique, et va favoriser l’expropriation des terres » avance-t-il. « Ce qu’il manque à cette constitution, c’est davantage de libertés pour assurer un libre marché, régulé, qui nous permettra d’avoir des biens et des services ». Selon lui, le texte n’est pas assez représentatif. « Les grands et les petits entrepreneurs, les groupes religieux, ne sont pas considérés dans la nouvelle constitution » estime-t-il. Pourtant, l’élaboration de cette nouvelle Carta Magna émane des émeutes sociales qui éclatèrent à partir du 18 octobre 2019 sous le gouvernement de Sebastián Piñera, et elle s’est efforcée de répondre aux attentes du peuple.

Malgré tout, le « oui » ne semble pas garanti. Il reste un mois avant le référendum obligatoire prévu le 4 septembre et selon les sondages, le « non » pourrait bien l’emporter (54 % de la population, selon un sondage réalisé par Cadem) et laisser en place la constitution actuelle, écrite en 1980 sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet et qui, même si elle a été modifiée de nombreuses fois, manque de légitimité. La question est de savoir quel chemin suivra le Chili le lendemain du référendum.

Le président de la République, Gabriel Boric, qui lui est favorable au nouveau texte constitutionnel, se prépare à l’éventualité du rejet. Il a par ailleurs déclaré que si la nouvelle constitution était rejetée « il faudrait de nouvelles élections, pour élire une seconde Assemblée qui rédigera un nouveau texte constitutionnel » et « prolonger le processus d’un an et demi de plus, pour tout rediscuter et recommencer à zéro ». Son argument est que le Chili a voté de façon très claire lors du premier référendum du 25 octobre 2020 en faveur d’une nouvelle constitution écrite par des personnes élues par des citoyens. Le « oui » en faveur d’une nouvelle constitution l’avait alors emporté à 78 %.

Plusieurs membres de son entourage qui n’envisagent pas d’autre issue que l’approbation du nouveau texte, ont critiqué son annonce. Selon une députée de la coalition présidentielle, « ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est concrétiser la mise en place de la nouvelle constitution au lieu d’envisager des scénarios encore fictifs » s’est-elle agacée. L’opposition quant à elle se réjouit de l’annonce du président puisqu’en effet, la droite rejette la nouvelle constitution et considère comme « raisonnable » et « réaliste » que le gouvernement se prépare à cette éventualité.

Alors que pour l’opposition la campagne est menée sous la devise « rejeter pour réformer », la majorité progressiste postule « approuver pour réformer » le nouveau texte depuis le Congrès. C’est sans l’ombre d’un doute que Boric assure que le texte requiert des modifications. « J’aimerais que nous ayons un large accord à propos des choses qu’il faudra modifier. Par exemple le thème des systèmes de justice contre un Pouvoir judiciaire » a-t-il signalé.

Les deux camps ont encore un mois pour tenter de convaincre les indécis qui représentent autour de 11 % de la population. Le processus constituant convenu par les forces politiques, excepté le Parti communiste, établit qu’en cas de rejet du projet, la constitution de Pinochet devrait rester en vigueur. Or, Boric affirme : « Il y a un accord transversal à présent selon lequel la Constitution que nous avons en place aujourd’hui n’est plus conforme à l’accord social au Chili ». C’est en toute transparence que Gabriel Boric, avec le leadership qui le caractérise, anticipe les conséquences du rejet, et désigne le chemin qu’il faudra suivre après le plébiscite, un chemin qui ne peut être que démocratique.

Natalia MARTIN


La neurodiversité dans la nouvelle constitution, aujourd’hui au Chili et demain en France ?

Le projet de constitution du Chili, qui fera l’objet d’un référendum pour son adoption, indique : « l’État reconnaît la neurodiversité et garantit aux neurodivergents leur droit à une vie autonome, à développer librement leur liberté et leur identité, en exerçant leur capacité juridique et les droits reconnus dans cette Constitution et dans les traités et pactes internationaux (…) » par  Mary Josephson dans Apar.tv du 14 juillet 2022

Le Chili est en train de vivre un processus politique institutionnel historique, non seulement pour le pays, qui n’a jamais eu de Constitution écrite sous une démocratie, mais aussi au niveau international, puisque différentes lois constitutionnelles sont votées que très peu de Constitutions ont vu, voire aucune.

Ainsi, ce projet de Constitution s’attaque à des problèmes mondiaux, tels que la crise climatique, le racisme à l’égard des peuples indigènes, le centralisme des grandes villes, la maltraitance des animaux non humains et la violence à l’égard des femmes, les groupes de sexe et de genre dissidents et les personnes neurodivergentes.

Ce sont ces dernières, les neurodivergents, qui ont placé le Chili à l’avant-garde à l’échelle mondiale avec ce projet de Constitution, en donnant une reconnaissance officielle à des milliers de personnes qui ont été diagnostiquées comme ayant des problèmes de santé mentale et/ou comme ayant un handicap psychosocial ou un trouble du développement neurologique.

Ces personnes neurodivergentes ont non seulement dû subir la violence sous forme de stigmatisation, de discrimination, d’abus, de violations des droits de l’homme, d’enfermement forcé, de stérilisation forcée et même de torture, mais aussi la violence résultant des traitements psychiatriques (thérapie électroconvulsive) qu’elles reçoivent, qui continuent à envisager les questions de santé mentale selon un modèle rationaliste.

C’est pourquoi il est si important que la loi correspondante ne parle pas seulement de neurodivergents, mais aussi de neurodiversité, car elle brise le discours biomédical sur la normalité, car elle comprend qu’il existe un spectre plus large de la diversité humaine, montrant que les neurotypiques ne constituent qu’une partie de cette pluralité.

Par conséquent, ce qui est stipulé dans l’article 29 du projet de Constitution est extrêmement important, car il indique que « l’État reconnaît la neurodiversité et garantit aux neurodivergents leur droit à une vie autonome, à développer librement leur liberté et leur identité, en exerçant leur capacité juridique et les droits reconnus dans cette Constitution et dans les traités et pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme qui sont ratifiés et en vigueur au Chili« .

En d’autres termes, la nouvelle Constitution obligera l’État à reconnaître la neurodiversité et à garantir les conditions de développement de chacun, en laissant de côté la stigmatisation et les étiquettes psychiatriques qui ne cherchent qu’à nier les différences de vision et d’expérience du monde, pour laisser place à une vision inclusive des droits de l’homme.

En même temps, cette reconnaissance sans précédent de la neurodiversité dans le nouveau projet de Constitution chilienne n’est que le début d’un long processus de coexistence, qui n’est pas seulement lié à la santé mentale des personnes et à une vie autonome, mais aussi à la manière dont nous construisons une société sans idées préconçues ni stéréotypes, qui sont ancrés en nous dès le plus jeune âge.

Par conséquent, le rôle du nouveau système d’éducation nationale, également souligné dans le projet de Constitution, ainsi que celui des médias publics, sont essentiels pour promouvoir une vision qui considère la neurodiversité comme une richesse et non comme un problème, comme les groupes plus conservateurs ont tendance à le voir, étant donné leur peur de tout ce qui est différent et de l’approbation de ce type de lois.

Dans ce contexte, la défense de la neurodiversité est l’affaire de tous, et nous ne pouvons pas la déléguer à un organisme particulier, car il s’agit d’un sujet totalement transversal, ainsi que d’autres demandes présentées dans la nouvelle Constitution, comme la parité des sexes, le droit aux soins, le plurinationalisme, les droits de la nature et les animaux non humains en tant que sujets de droit.

Tout cela dit, il est impossible de ne pas mentionner le rôle que les citoyens organisés ont joué tout au long de ce processus constitutionnel et avant lui, où dans le domaine de la neurodiversité en particulier, le Mouvement national pour la défense de la santé mentale, a poussé cette discussion pendant des années, avec de nombreuses actions pour faire la lumière sur la question.

Enfin, il est important de citer des organisations individuelles dont font partie des personnes du secteur de la santé, des militants, des experts par expérience et des alliés de la neurodiversité, comme la Mesa Técnica del Movimiento Nacional de Defensa de la Salud Mental, Asociacion Autismo Arica, Centro Cultural Equidad y Género de Maule, Corporación ANUSSAM, Circulo Emancipador de Mujeres y Niñas con Discapacidad de Chile (CIMUNIDIS), Corporacion Voces, Observatorio de Derechos Humanos en Salud Mental Bío Bío et l’ONG Siendo.


Référendum constitutionnel au Chili: l’appel au discernement des évêques

«Les évêques du Chili face à la proposition constitutionnelle. Éléments de discernement». C’est le titre du document des évêques chiliens rendu public le 22 juillet. Il contient quelques réflexions sur le projet de nouvelle Constitution, qui sera soumis à référendum le 4 septembre prochain.

Article signé Anna Poce dans Cité du Vatican de juillet 2022

Cette semaine, tous les évêques chiliens, y compris les administrateurs diocésains, se sont réunis pour étudier la nouvelle proposition constitutionnelle, que les Chiliens seront appelés à approuver ou à rejeter le 4 septembre. Vendredi 22 juillet, les évêques ont remis un document de cinq pages et demie, signé par tous les participants, qui propose un guide, fondé sur la Doctrine sociale de l’Église, «pour éclairer la conscience de tous à partir de la Parole de Dieu, en particulier de ceux qui professent la foi chrétienne».

Ombres et lumières de la proposition constitutionnelle

Le texte constitutionnel, qui n’a pas reçu une approbation large et transversale, «est une proposition», disent les évêques, «qui nous met face à notre avenir, au défi de discerner si le texte proposé nous offre ou non un cadre social et juridique adéquat pour construire la paix, la solidarité et la justice dans notre pays».

Cela nécessite un discernement éclairé et un vote de conscience, soulignent-ils, en mettant toujours en avant le bien commun du pays. En outre, chacun est appelé «à accomplir son devoir civique en allant voter». Un discernement éclairé est nécessaire, soulignent les évêques, qui permet une évaluation éthique adéquate, qui vérifie «si la dignité de l’être humain est respectée et promue, si elle contribue à la réalisation du bien commun, et si les autres valeurs de la doctrine sociale qui promeuvent un ordre juste sont appliquées».

Si, d’une part, les évêques ont dit apprécier le texte constitutionnel dans sa proposition sur les droits sociaux, l’environnement et la reconnaissance des peuples autochtones, d’autre part, ils ont évalué négativement les réglementations qui permettent l’interruption de grossesse, celles qui laissent la porte ouverte à l’euthanasie, celles qui élargissent le concept de famille en le défigurant, celles qui limitent la liberté des parents sur l’éducation de leurs enfants, et celles qui imposent certaines limites au droit à l’éducation et à la liberté religieuse.

Le document épiscopal aborde chacune de ces questions, offrant aux catholiques des critères éthiques et doctrinaux de discernement.

Prendre garde aux sujets de bioéthique

«Nous considérons comme particulièrement grave, écrivent les évêques, l’introduction de l’avortement, que le texte de la proposition constitutionnelle appelle le « droit à l’interruption volontaire de grossesse». «Tout en comprenant, disent-ils, qu’il existe parfois des situations complexes dans lesquelles une nouvelle vie est générée, nous ne devons pas oublier que l’embryon est un être humain auquel il faut reconnaître les droits inaliénables d’une personne». C’est pourquoi, ajoutent-ils, «il est surprenant que la proposition constitutionnelle reconnaisse les droits de la nature et exprime sa préoccupation pour les animaux en tant qu’êtres sensibles, mais ne reconnaisse aucune dignité ni aucun droit à l’être humain dans le ventre de sa mère».

Outre l’avortement, les évêques sont préoccupés par la disposition garantissant à chacun le droit à une mort digne. Si le texte garantit de manière louable l’accès aux soins palliatifs pour les malades graves et chroniques, la «mort dans la dignité» est un droit ambigu, affirment-ils, «car il cherche à résoudre un problème en mettant délibérément fin à une vie humaine».

La famille et l’éducation des enfants

L’article 10 du texte alarme également les évêques du Chili, qui stipule que «l’État reconnaît et protège la famille dans ses différentes formes, expressions et modes de vie, sans la limiter aux liens exclusivement filiaux ou consanguins, et lui garantit une vie digne». En ce qui concerne cette norme, ils expliquent que «nous nous trouvons face à un sens neutre et défiguré de la famille, qui la laisse comme un mode d’organisation au même titre qu’une association, perdant finalement de l’efficacité dans la protection que l’État devrait fournir, puisque n’importe quel groupe de personnes pourrait être considéré comme une famille».

Les évêques regrettent également «qu’à aucun moment la responsabilité des parents et l’importance d’intégrer leur participation à l’éducation de leurs enfants ne sont établies». Il y a également une «forte présence de l’idéologie du genre, qui donne l’impression de vouloir s’imposer comme une pensée unique dans la culture et dans le système éducatif, portant atteinte au principe de la liberté des parents d’éduquer leurs enfants».

Droits et peuples autochtones

Les évêques saluent toutefois le nombre de droits proposés dans le texte constitutionnel et l’inclusion des peuples autochtones. «Il est encourageant de constater l’engagement à garantir un large éventail de droits fondamentaux, humains et sociaux, tels que, entre autres, l’éducation, le travail, le logement décent, la propriété, la santé intégrale et le bien-être, l’égalité et la non-discrimination, et la sécurité», apprécient-ils dans leur document, rappelant «traîner encore aujourd’hui une injustice historique ayant miné les autochtones» par le passé. Dans ce contexte, ajoutent-ils, «le souci de la protection de l’environnement et de la nature est également précieux», un thème particulièrement présent dans le Magistère du Pape François.


Chili. Amnesty International lance la campagne Aprobar es Humano (Approuver est humain) et déclare que la nouvelle Constitution permettra des avancées vers de meilleures conditions de vie

Déclaration datée du 6 juillet 2022

Cela fait des années qu’Amnesty International souligne que le Chili a besoin d’une nouvelle Constitution, car la Constitution actuelle, qui a été imposée sous le régime d’Augusto Pinochet, n’a manifestement pas contribué à réduire les inégalités, la précarité et les abus dont pâtit la grande majorité de la population. Le texte actuellement en vigueur empêche bien au contraire les changements qui sont nécessaires pour bâtir un Chili plus juste. C’est pour cette raison que l’organisation, qui est persuadée que la nouvelle Constitution protégera mieux les droits humains, a lancé le 6 juillet la campagne Aprobar es Humano (Approuver est humain).« En septembre, nous allons nous retrouver face à un choix qui va être déterminant pour l’avenir des générations actuelles et futures. D’une part, la population va avoir la possibilité d’approuver et de permettre l’instauration d’une Constitution qui favorise l’égalité des droits, ou de la rejeter et de maintenir la Constitution actuelle qui favorise certaines personnes au détriment d’autres personnes. Amnesty International, qui a décidé de s’engager sur la voie de la justice et de la dignité, est de ce fait en faveur de l’approbation, a déclaré Rodrigo Bustos, directeur d’Amnesty International Chili.

Amnesty International, qui a décidé de s’engager sur la voie de la justice et de la dignité, est de ce fait en faveur de l’approbation

Rodrigo Bustos, directeur d’Amnesty International Chili

« Le monde a les yeux tournés vers le Chili. La population tient là une occasion historique de corriger des décennies d’inégalités et d’injustices, et de garantir les droits humains avec une nouvelle Constitution représentative et inclusive, ce qui représente une première étape sur la voie de la construction d’un pays plus juste et plus libre pour toutes les personnes », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.

Amnesty International estime que le texte proposé pour une nouvelle Constitution garantira de façon plus solide les droits fondamentaux, en particulier les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux qui ont trait à l’accès à la santé, à la retraite, au logement, à l’éducation, à la sécurité sociale, à un travail digne et à l’eau, notamment. Cela va donc se répercuter directement sur la vie quotidienne des personnes en favorisant l’égalité et la justice.

Il s’agit d’une différence très claire avec ce qui se passe actuellement, car l’actuelle Constitution ne garantit pas certains droits fondamentaux tels que les droits au logement, à l’eau et à l’alimentation, ou alors de façon très insuffisante, comme pour les droits à la santé et à la sécurité sociale. L’actuelle Constitution attribue souvent à l’État un rôle très passif, au lieu de lui imposer des obligations pour garantir ces droits. Cela permet de comprendre pourquoi la grande majorité de la population se trouve dans une situation de vulnérabilité et d’inégalité, situation qui a engendré les manifestations massives d’octobre 2019.

Le monde a les yeux tournés vers le Chili. La population tient là une occasion historique de corriger des décennies d’inégalités et d’injustices, et de garantir les droits humains. Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International

D’autre part, la proposition de nouvelle Constitution protège les droits de catégories de personnes qui ont besoin d’une protection toute particulière parce qu’elles sont traditionnellement en butte à des discriminations, comme par exemple les personnes avec un handicap, les enfants et adolescent·e·s, et les peuples indigènes. Elle n’établit en aucun cas des privilèges, et permet de corriger une situation qui a jusqu’à présent généré des injustices.

Amnesty International est bien consciente du fait que la nouvelle Constitution ne pourra pas à elle seule garantir la protection immédiate et totale des droits de toutes les personnes, mais il s’agit d’une première étape essentielle dans cette direction.

« La nouvelle Constitution ne représente pas un aboutissement, mais un point de départ pour parvenir à une plus grande égalité. Approuver est humain est permettra de bâtir une société plus juste et solidaire », a déclaré Rodrigo Bustos.


Au Chili, le texte de la nouvelle Constitution se vend comme des petits pains

Une femme lit la nouvelle Constitution chilienne lors d'une manifestation en faveur de son adoption, dans la banlieue de Santiago le 23 juillet 2022.
Une femme lit la nouvelle Constitution chilienne lors d’une manifestation en faveur de son adoption, dans la banlieue de Santiago le 23 juillet 2022. AP – Esteban Felix

Au Chili, le texte de la nouvelle Constitution s’est déjà vendu à des dizaines de milliers d’exemplaires, du jamais-vu. À un peu plus d’un mois du référendum « pour » ou « contre » la nouvelle Constitution, beaucoup de Chiliens veulent se procurer le petit livre bleu et ses 388 articles juridiques. Alors les maisons d’éditions réimpriment le texte par centaines à la grande joie des vendeurs de rue.

Dans une rue piétonne du centre de la capitale, Manuel vend la nouvelle Constitution pour deux euros. Il en écoule entre 80 et 100 exemplaires par jours. « C’est un bon business, bien rentable, se réjouit-il. Même si tout le monde peut télécharger le texte gratuitement en ligne, les gens veulent quand même avoir la version imprimée pour annoter des choses, surligner ou pouvoir lire à nouveau. »
En cinq minutes, quatre personnes s’arrêtent pour acheter le texte. « L’information dans les médias n’a pas été claire. Je veux lire la nouvelle Constitution pour la comprendre moi-même, le partager avec ma famille et aller voter bien informée », explique Iris.
Felipe vient d’une commune rurale dans le sud de Santiago. « Là-bas, on ne vend pas la nouvelle Constitution, alors mes amis me demandent de la leur acheter quand je viens ici et je la leur donne ensuite », témoigne-t-il.

70 000 exemplaires vendus en un mois
En un mois, la maison d’édition LOM a vendu 70 000 exemplaires de la nouvelle Constitution.

« Dans cette campagne très forte de la droite contre la convention, ils ont utilisé à peu près tous les moyens, et parmi eux, malheureusement, la publication de faux textes. Et c’est important en ce sens que les gens s’assurent que ce soit le vrai », détaille Paulo Slachevsky, le directeur de LOM. Pour lutter contre ces faux textes, le gouvernement chilien distribue désormais gratuitement la version officielle de la nouvelle Constitution.

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