Le photovoltaïque allemand produit plus que le nucléaire français …

© Marianne Tricot pour Reporterre

Nos voisins allemands demeurent pour l’instant les premiers émetteurs de CO2 en Europe : ils ont décidé de débarrasser le pays du nucléaire et d’y fermer les centrales à charbon d’ici à 2038 Tandis que la France s’enfonce dans ses déboires nucléaires, l’électricité solaire ne cesse de gagner du terrain en Allemagne. Selon le magazine Reporterre, les énergies renouvelables y sont désormais majoritaires …

Quand le photovoltaïque allemand produit plus que le nucléaire français

Pendant toute la semaine du 13 au 19 juin, entre 10 h 30 et 16 h 30, soit pendant 6 heures autour du pic de consommation quotidien sur le réseau public, les panneaux solaires allemands fournissaient la moitié de la consommation électrique allemande (surfaces jaunes dans le diagramme ci-dessous).

En France près de la moitié des réacteurs nucléaires français (27 sur 56) étaient à l’arrêt. Et pendant les heures les plus ensoleillées, les panneaux solaires allemands, en très grande majorité la propriété de particuliers, de coopératives citoyennes, ou de collectivités locales, produisaient plus d’électricité que l’ensemble de la puissance nucléaire disponible en France (29 GW). Une pointe de 38,7 GW de solaire a été enregistrée en Allemagne le 15 juin.

© Fraunhofer

L’observation des transferts d’électricité montre que 4 à 5 GW de puissance électrique allemande ont été régulièrement exportés vers le réseau français, selon RTE.
On notera que le soleil, la canicule, la sécheresse ne sont pas favorables à la production nucléaire, qui demande beaucoup d’eau et rejette une énorme quantité de chaleur, alors que la production photovoltaïque croit avec l’ensoleillement dans un cycle vertueux au regard de la demande de froid. La production éolienne, à l’inverse, est plus importante en soirée et dans la nuit et elle croît avec le mauvais temps, cette complémentarité entre solaire et éolien palliant en partie leur intermittence journalière et saisonnière.

Il faut s’attendre à ce que l’Allemagne batte chaque année ses propres records de production photovoltaïque, car la puissance installée ne cesse d’augmenter. Elle est aujourd’hui de 60 GW : l’équivalent donc, en puissance, de 60 réacteurs nucléaires [1].

200 GW en 2030

Ce chiffre qui défie déjà l’entendement français sera porté à 200 GW en 2030. L’Allemagne a mis en service 5,3 GW de nouvelles installations photovoltaïques en 2021, 10 % de plus que l’année précédente. Une progression qui devrait atteindre 10 GW par an dès 2025. Depuis mai 2022, toutes les constructions résidentielles et commerciales du Bade-Wurtemberg, le land voisin de l’Alsace et le plus méridional de l’Allemagne, ont l’obligation d’intégrer des panneaux photovoltaïques. D’autres länder ont déjà initié des mesures similaires. On notera que l’Allemagne est très loin de bénéficier des conditions d’ensoleillement françaises. Même chose pour le vent.

Les renouvelables ont atteint 50 % de la consommation d’électricité allemande au premier trimestre 2022, avec 73 milliards de kWh générés [2]. Le pays prévoit d’atteindre 100 % d’électricité renouvelable en 2035 avec l’éolien terrestre pour premier contributeur (110 GW), suivi de l’éolien en mer (30 GW). Les derniers appels d’offre pour des installations solaires allemandes font état d’une rémunération moyenne exigée par les producteurs de 5,2 centimes le kWh (en euros 2022, marge du producteur comprise), et ce pour des installations de taille industrielle [3].

À l’inverse, en France à la fin de l’année 2021, malgré un développement qui s’est accéléré, le solaire occupe encore une place mineure dans la production électrique : la puissance installée photovoltaïque représentait 22% de celle de l’Allemagne (13 GW contre 60 GW en Allemagne), alors que les conditions climatiques et géographique françaises sont bien plus favorables.

L’exemple allemand de la puissance incroyable générée par des millions de petites sources de production électrique réparties sur le territoire, la guerre en Ukraine et la nécessité accrue d’une réelle indépendance énergétique européenne, la vulnérabilité dantesque des installations nucléaires en cas de conflit armé, les difficultés techno-économiques de la filière nucléaire française, vont nous obliger à un développement sans précédent des renouvelables et des économies d’énergies. L’un des enjeux sera industriel, celui de reconstruire des filières sacrifiées à la domination du nucléaire. Un autre sera de permettre aux citoyens, aux collectivités et aux entreprises de capter les bénéfices du soleil, du vent, des kWh qu’on économise ou qu’on déplace, plutôt que d’en organiser le partage par quelques géants de l’énergie.


Les énergies renouvelables n’ont pas toujours été « la tasse de thé » des dirigeants d’EDF

Un extrait de 3′ de « EDF : un géant sous tension », un document diffusé par France2 dans « Complément d’enquête » le 27 janvier 2022.

Pour passer l’hiver en France , ne comptez pas sur les panneaux solaires et les éoliennes d’EDF : ils pèsent bien peu par rapport à l’électricité produite dans les centrales nucléaires. La conséquence de certains choix stratégiques, voire d’un « mépris » du renouvelable, questionne cet extrait de « Complément d’enquête ».
Les éoliennes offshore de Saint-Nazaire, qui peinent à sortir de mer, seraient-elles représentatives du retard de la France en matière d’énergies renouvelables ? Les renouvelables, pendant longtemps, on n’y croyait guère chez le fournisseur historique d’énergie en France, EDF. Son PDG de 2009 à 2014, Henri Proglio, le reconnaît sans difficulté dans « Complément d’enquête » : « Ce n’est pas ma tasse de thé, j’en ai fait parce qu’il fallait en faire. »

Les choses ont-elles évolué ensuite, à partir de la nomination du nouveau PDG, Jean-Bernard Lévy ? Avec Cap 2030, le plan pour la transition énergétique lancé en 2015, EDF proclamait « accélérer le développement des énergies renouvelables ». Mais dans les coulisses de l’entreprise, le discours aurait été un peu différent, se souvient Gérard Magnin, un ancien administrateur.

« En France, il ne fallait pas trop déranger le système avec les renouvelables, c’était un petit peu ça… » Gérard Magnin, ancien administrateur EDF

Nommé au conseil d’administration d’EDF en 2014 par le gouvernement de François Hollande, ce défenseur de la transition énergétique comprendra vite (il finira par démissionner) qu’au sommet de l’entreprise, les énergies renouvelables n’ont pas particulièrement la cote. Il se rappelle y avoir entendu ce genre de propos : « Nous sommes une entreprise nucléaire » ou « Notre problème, ça va être la concurrence des énergies renouvelables »… On préfère d’ailleurs les appeler « énergies intermittentes subventionnées » – preuve, selon lui, d’un « certain mépris pour les énergies renouvelables ».
Selon Gérard Magnin, « même le directeur, à l’époque, des énergies renouvelables, n’était pas du tout convaincu que le solaire et l’éolien avaient une pertinence ». Il l’a rencontré au moment du lancement du projet Cap 2030. « Il m’a dit quelque chose du genre ‘Faire du solaire en France ou en Europe occidentale, c’est juste de la bêtise' », se souvient-il dans « Complément d’enquête ».


Malgré toutes les initiatives d’Angela Merkel, l’Allemagne demeure le premier émetteur de CO2 en Europe

Une vidéo de 8’23 » produite et diffusée en septembre 2021 par Le Monde …

Le changement climatique menace l’avenir de l’humanité : Angela Merkel l’a répété tout au long de ses mandats. La dirigeante de l’Allemagne a même hérité d’un surnom : Klima-Kanzlerin, « la chancelière du climat ». Pourtant, le bilan de ses mesures en matière d’écologie est loin d’être exemplaire. Durant ses seize années au pouvoir, elle a largement développé les énergies renouvelables (en particulier, les éoliennes), qui représentent désormais la moitié de la production d’électricité du pays. Dans le même temps, elle a décidé de débarrasser ce dernier du nucléaire d’ici à 2022 et d’y fermer les centrales à charbon d’ici à 2038. Mais, au bout du compte, cette transition énergétique est aujourd’hui loin de suffire : l’Allemagne reste le premier émetteur de CO2 en Europe. A l’occasion des élections allemandes, Angela Merkel a annoncé son retrait, et laisse du même coup à ses successeurs une liste imposante d’efforts supplémentaires à fournir…


Et dans le même temps, la Cour suprême des États-Unis vient de prendre des mesures pro-charbon !

Brève d’actualité parue dans Reporterre.net du 1er juillet 2022 …

Quelques jours après s’être attaqué au droit à l’avortement des Américaines, la Cour suprême des États-Unis s’en est pris à la lutte contre le changement climatique.

Dans une décision rendue jeudi 30 juin, la plus haute juridiction du pays a estimé que l’Agence pour la protection de l’environnement ne pouvait pas édicter de règles générales pour réguler les émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon, relate France info.
Les centrales à charbon produisent 20 % de l’électricité du pays et sont fortement émettrices de gaz à effet de serre. Les cinquante États américains sont donc libres de continuer à exploiter cette source d’énergie et pourront même développer de nouvelles centrales.

« Aujourd’hui, la Cour a retiré à l’Agence de protection de l’environnement le pouvoir que le Congrès lui a donné de répondre au « problème le plus urgent de notre époque » », a dénoncé Elena Kagan, l’une des trois juges progressistes que compte l’institution.
La Cour suprême des États-Unis est dominée par des juges conservateurs depuis le mandat présidentiel de Donald Trump.


A suivre …