Aurélien Barrau préconise une révolution politique, poétique et philosophique …

Aurélien Barrau est astrophysicien, directeur du Centre de Physique Théorique Grenoble- Alpes et il est aussi un ardent défenseur de la planète. Il est l’auteur de « Il faut une révolution politique, poétique et philosophique » (éditions Zulma). Ce 9 mai 2022, il était sur France Inter au micro de Mathieu Vidard et de Camille Crosnier, l’invité de l’émission « La Terre au carré »  …

, l’astrophysicien pointe du doigt « l’inertie » de notre société face à la catastrophe écologique actuelle, alimentée par un rapport au vivant qu’il juge éminemment problématique. Une vidéo de 37’57″…

Face à cette « inertie », l’astrophysicien préconise « une révolution politique, poétique et philosophique » dans un entretien paru aux éditions Zulma. Un ouvrage bref de 30 pages dans lequel il rappelle de nouveau « que la situation actuelle est instable, que l’effondrement s’annonce brutal et qu’on n’a absolument rien à gagner à l’immobilisme ». Au micro de France Inter  il en a profité pour énumérer les raisons qui expliquent cette inertie, et ce qui fait que, contrairement à ce qu’on pense l’angoisse écologique est très inférieure à la mesure de la gravité réelle.

La catastrophe est en cours (et non pas à venir)

Dans un premier temps, cette inertie face l’urgence environnementale s’expliquerait par le fait que, dans les esprits, l’urgence se conjugue toujours autant au futur alors qu’elle est belle et bien un enjeu imminent et présent : « Nous ne sommes pas dans une projection concernant l’avenir, nous sommes dans un constat quant au présent.

Il y a un anéantissement global dont la question ne se pose absolument plus chez les scientifiques, c’est une réalité factuelle qui est absolument indéniable, mais qui n’a malheureusement pas encore pénétré nos inconscients et nos rapports au monde. Un état d’esprit résultant d’une résilience du système qui a une capacité d’ingérence de tout message de façon à le retourner très souvent en un outil de divertissement.

Nous sommes dans une situation qui est fondamentalement désespérée puisqu’on a un problème de hiérarchisation de ce qui fait sens. Il faut créer de nouveaux concepts, de nouveaux enchantements, comprendre qu’on peut jouir autrement qu’en préparant la 6G sur son téléphone portable ».

Notre inertie va de pair avec un rapport problématique au vivant

Cette « inertie systémique » aurait une capacité magnifique et insidieuse à détourner les mots. Notre culture humaine telle que nous l’avons construite nous conduirait systématiquement à relativiser la relation une et indivisible que nous entretenons en réalité avec le monde vivant. Notre langue formulerait indirectement une séparation, une distanciation entre nous autres humains et le reste du monde vivant.

Notre usage linguistique induit une séparation de l’homme par rapport au vivant

Les mots que nous utilisons dans notre langage courant pour parler de notre monde vivant tend davantage à séparer l’homme de son espace naturel en le plaçant au-dessus du monde vivant auquel il appartient. Tous les mots qualifiant l’espace vivant ont, d’après lui, été dévoyés : « Le mot « environnement » est très étrange puisqu’il consiste quand même à ramener tout ce qui n’est pas nous à ce qui est autour de nous. C’est un peu faire de « la nature » – qui est aussi un mot très problématique – une espèce de grand Disneyland pour notre présence… De même que le mot « écologie » car c’est déjà penser l’homme dans une opposition à cet environnement dans lequel il est censé évoluer.

Rien que cette classification linguistique du réel est extraordinairement problématique

Cette binarisation entre nature et culture – comme tant d’autres – est une construction sociale qui s’est avérée très puissante dans la métaphysique occidentale, mais dont on voit aujourd’hui qu’elle est extraordinairement néfaste parce qu’elle nous fait croire que nous jouissons d’une sorte de statut transcendant, nous les humains, ce qui est biologiquement faux, poétiquement triste et philosophiquement abject. »

Même chose quand on s’attache à dire qu’on entend « sauver le climat et la biodiversité » qui induit, selon l’astrophysicien, l’idée qu’on sauve quelque chose d’extérieur à la vie en général alors qu’en réalité, il s’agit de sauver la vie avant tout : « On parle beaucoup de ‘sauver le climat’, mais ‘sauver le climat’, on s’en fiche un peu.

Moi, le climat, ça m’intéresse pas. Ce qui compte, c’est la vie !

Or, quand on regarde un peu les conditions nécessaires pour l’existence et la pérennité de la vie sur terre, on voit que le climat, ce n’est qu’un problème parmi d’autres puisque en réalité l’effondrement est multifactoriel. De même, pour ‘la biodiversité’, ce n’est pas un (simple) impact sur la biodiversité (qui serait externe à nous) dont il s’agit, mais sur la vie elle-même car la biodiversité, c’est la vie ».

Repenser la relation entre politique, croissance et vivant

Il faut également travailler sur la valeur politique et économique que nous donnons au vivant, inventer d’autres rapports au monde et au vivant là où aujourd’hui, estime-t-il, « notre conception de ‘la croissance’ consiste essentiellement à détruire le vivant plus qu’à le préserver, car considéré comme une simple ressource. Actuellement c’est un effondrement de la vie du fait de son instrumentalisation comme ressource (économique). C’est ce qui nous tue actuellement ».

📖LIRE – Entretien avec Aurélien Barrau, par Carole GuilbaudPour une Révolution politique, poétique et philosophique (éditions Zulma)


 « Une révolution politique, poétique et philosophique » : c’est ce que propose Aurélien Barrau pour contrer la catastrophe écologique et sociale.

L'astrophysicien Aurélien Barrau à la 34e édition du salon Primevere, salon de l'alter écologie, 6 mars 2020.

L’astrophysicien Aurélien Barrau à la 34e édition du salon Primevere, salon de l’alter écologie, 6 mars 2020. © Maxppp / Rolland Quadrini / IP3 – Chassieu

Dans son dernier livre « Il faut une révolution politique, poétique et philosophique » édité chez Zulma , l’astrophysicien Aurélien Barrau aborde toutes les questions d’actualité brûlantes. Selon l’auteur, ardent défenseur de la planète,   « les petits gestes et autres initiatives individuelles » sont certes bienvenus. Mais ce n’est pas la question de fond. Un problème systémique ne peut avoir de solution que systémique. Il faut une révolution politique, poétique et philosophique et  pour cela il faut changer les règles et fonder un autre monde « Il ne s’agit plus de commenter ou de comprendre le réel : il s’agit de produire du réel. Ce qui tue aujourd’hui et avant tout, c’est notre manque d’imagination . L’art, la littérature, la poésie sont des armes de précision. Il va falloir les dégainer. Et n’avoir pas peur de ceux qui crieront au scandale et à la trahison. »
En répondant aux questions de Carole Guilbaud, Aurélien Barrau remet le politique et le social au cœur de l’écologie . Il nous aiguillonne vers un renouveau démocratique où la liberté la plus fondamentale est d’abord celle du pouvoir vivre .« Il ne s’agit plus de commenter ou de comprendre le réel : il s’agit de produire du réel. Ce qui tue aujourd’hui et avant tout, c’est notre manque d’imagination . L’art, la littérature, la poésie sont des armes de précision. Il va falloir les dégainer. Et n’avoir pas peur de ceux qui crieront au scandale et à la trahison. »


En savoir plus sur Aurélien Barrau …

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Né le à Neuilly-sur-Seine, est un astrophysicien français spécialisé en relativité générale, physique des trous noirs et cosmologie. Il est directeur du Centre de physique théorique Grenoble-Alpes et travaille au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie de Grenoble (LPSC) au sein du polygone scientifique. Il est également professeur à l’université Grenoble-Alpes.

Il a été invité en tant que visiteur à l’Institute for Advanced Study (IAS) de Princeton, à l’Institut des hautes études scientifiques (IHES) de Bures-sur-Yvette1 et à l’Institut Périmètre de physique théorique (PI) au Canada2.

Il a été membre du comité de direction du Centre de physique théorique de Grenoble-Alpes et du laboratoire d’excellence ENIGMASS, et responsable du master de physique subatomique et de cosmologie de Grenoble. Il est membre nommé du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS), section physique théorique. Il travaille actuellement sur la gravitation quantique.

Il est également docteur en philosophie. Militant écologiste, il est favorable à la décroissance. Il est souvent classé proche des thèses collapsologistes, bien qu’il récuse cette étiquette.

 

 

 
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