Chili, 19 décembre 2021 : nous y étions, nous en étions !

L’ancien député et leader étudiant de 35 ans Gabriel Boric à la tête d’une vaste alliance allant du Parti communiste au centre gauche, remporte l’élection présidentielle chilienne avec 56 % des voix contre le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast. Retour sur un dimanche historique vécu au sein de la Communauté Voltaire de Valparaiso : nous y étions, nous en étions  … Dimanche 19 décembre 2021, 11H11, dans les rues de Valparaiso … Magasins fermés (sauf les chinois), interdiction de vente d’alcool jusqu’à 20h (sauf dans les hôtels), et surtout des bus gratuits bondés et insuffisants (suite à des prévisions défaillantes du gouvernement sortant) …

Déjà des files d’attente pour les votantes et les votants, ici devant l’un des lycées techniques de Valparaiso …

C’est à 12H12 que Kevin franchit les portes de son bureau de vote : ici les étrangers « résidents- permanents » ont le droit de vote …

12H12 …


C’est le début d’une journée d’attente interminable …

18H … Début du dépouillement

Et dès 19H06, les premières (bonnes) tendances …

19H22 : L’instant précis où la télévision chilienne annonce que Gabriel Boric sera le nouveau Président du Chili …

… et la scène de joie qui s’en suit sur les hauteurs de Valparaiso, au sein de la Communauté de la Rue Voltaire …

Larmes et cris de joie …

… Soulagement total et la conviction d’avoir contribué à cette victoire : « Ça fait longtemps que nous n’avons pas célébré une élection avec un tel enthousiasme !

21H21,  première allocution historique du nouveau Président, au plus près  du peuple,

… une allocution magnifique qui déclenche l’invasion des rues de la capitale Santiago par plus de 700 000 personnes

… pendant que les places des communes rurales font la fête, comme  à Limache au son de la cornemuse !



Ce qu’écrira 3 jours plus tard  le quotidien breton Le Télégramme de cette journée unique à Valparaiso :
Élection présidentielle au Chili : « Un moment historique ! », vécue par une famille bretonne

Présent au Chili lors de l’élection à la présidence, dimanche, du progressiste de gauche Gabriel Boric, le Breton Claude Morizur a vécu « un moment historique ».

Un témoignage signé Pascal Cabioch publié dans Le Télégramme du 22 décembre 2021

Claude Morizur (deuxième en partant de la droite), dimanche, sur la place centrale de La Ligua, à Valparaiso, avec sa femme Françoise (à sa gauche) et Nelson Rojas (masque noir), artiste de rue et mus
Claude Morizur (deuxième en partant de la droite), dimanche, sur la place centrale de La Ligua, avec sa femme Françoise (à sa gauche) et Nelson Rojas (masque noir), artiste de rue et musicien, Michèle Bosseur et son fils Kevin. (Photo DR)

Claude Morizur, co-fondateur et ex-codirecteur, avec Michèle Bosseur, du Fourneau, le centre national des arts de rue et de l’espace public de Brest, est actuellement au Chili avec sa femme Françoise, où ils sont partis pour deux mois retrouver leur fils, Kevin, qui y réside depuis une dizaine d’années. « Nous ne l’avions pas revu depuis deux ans. Et quand on a vu la date de l’élection présidentielle, nous ne voulions pas rater ce moment », témoigne Claude, depuis Valparaiso.

« Atmosphère étrange »

Dimanche, l’ancien instituteur était donc présent lors de la victoire du progressiste de gauche Gabriel Boric, opposé au candidat d’extrême droite – et admirateur de la dictature d’Augusto Pinochet – José Antonio Kast, lors du second tour de l’élection présidentielle.

Dans la journée, il a accompagné son fils au bureau de vote (au Chili, les résidents étrangers peuvent voter). « Nous sommes descendus dans la ville, l’atmosphère était assez étrange. On a tout de suite senti qu’il y avait un problème : les transports en commun n’étaient pas assez nombreux pour les habitants les plus pauvres, qui habitent sur les hauteurs de la ville. » Des « erreurs d’appréciation, mais pas vraiment des erreurs » du pouvoir en place, ironise-t-il.

« On sentait une mobilisation »

« Une forme de solidarité est alors née avec des gens qui avaient des voitures proposant d’accompagner ceux qui n’avaient pas de moyen de locomotion », relate celui qui écrit, depuis trois ans, un blog sur les événements au Chili, et notamment la révolte sociale de 2019. « On sentait une mobilisation, depuis plusieurs semaines, avec des drapeaux à l’effigie de Boric dans les villages, des gens qui faisaient du porte-à-porte et, dimanche, de longues files d’attente devant les bureaux de vote… »

« Au Chili, il se passe toujours quelque chose ! »

La mobilisation a porté ses fruits pour Gabriel Boric (35 ans), arrivé derrière son opposant au premier tour (25,8 % contre 27,8 %) et qui l’a emporté avec près de 56 % des suffrages (55,87 %). « Nous avons su les résultats assez tôt, à 19 h 22 exactement, quand Kast a reconnu sa défaite à la télévision. C’était énorme, un moment historique ! », indique Claude Morizur, rappelant un « épisode incroyable », le vendredi précédent, « avec le décès de la veuve de Pinochet, chez elle, en toute impunité, alors que des milliers de familles ont souffert de la dictature. Ce qui est fou, c’est qu’au Chili, il se passe toujours quelque chose ! ».

La victoire « de la jeunesse » et d’une « lutte intergénérationnelle »

« Cette victoire de Boric, devenu candidat après un référendum populaire à gauche dans un pays marqué par le désaveu des partis traditionnels, c’est celle de la jeunesse qui veut prendre en main son avenir, avoir le choix dans ses études, et celle d’une lutte intergénérationnelle née d’une révolte où l’on retrouve trois urgences : sociale, démocratique et environnementale », explique le Finistérien.

Le « Mai-68 » chilien

Ce dernier a senti la fierté d’un peuple « empli de pudeur » pour qui « le regard des autres importe beaucoup, et en particulier celui de la France, qui a accueilli ses réfugiés politiques. Il y a un profond respect pour notre pays, celui de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ». Mais il ne voit pas de comparaison avec la prochaine élection en France : « Au Chili, cette élection a un récit qui date de la révolte sociale et estudiantine de 2019, avec 1,8 million de personnes dans la rue, pour un pays qui compte 18 millions d’habitants. Au printemps prochain, une nouvelle constitution écrite par 150 citoyens, dont beaucoup ne font pas partie du monde politique, va être mise aux voix. Ce n’est pas comparable avec la France d’aujourd’hui, plutôt à Mai-68 et au pouvoir de la rue. »
La gauche est de retour au Chili et, avec elle, « l’espoir d’un avenir », conclut Claude Morizur.

Pascal Cabioch



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