Vêtue de jaune, la tête coiffée d’une couronne rouge, Amanda Gorman illumine la cérémonie d’investiture de Joe Biden, 46e président des États-Unis. Dans un poème de sa composition, « The hill we climb », elle fait référence à la colline du Capitole gravie quelques jours auparavant par les partisans de Trump pour envahir le siège du Congrès. Zoom sur une poétesse afro-américaine de 22 ans …
Mercredi 20 janvier 2021, les regards du monde entier sont happés par une jeune femme noire américaine venue incarner un poème empli d’espoir pour une Amérique déchirée … Une vidéo de 1’27 » montée par L’Obs …
Amanda Gorman, plus jeune poétesse jamais invitée à une cérémonie d’investiture dans l’histoire des États-Unis
Amanda Gorman, 22 ans, été choisie pour composer et réciter un poème sur l’unité nationale lors de la cérémonie d’investiture de Joe Biden à la présidence des États-Unis, ce mercredi 20 janvier. C’est la plus jeune poétesse jamais invitée à cette cérémonie dans l’histoire du pays.
« When day comes we ask ourselves, / where can we find light in this never-ending shade? / The loss we carry, / a sea we must wade » : c’est par ces mots que commence le poème lu par Amanda Gorman, la plus jeune poétesse jamais invitée à une cérémonie d’investiture dans l’histoire des États-Unis. Originaire de Los Angeles, elle a été choisie par Joe Biden pour composer et réciter un poème lors de sa prise de fonction à la Maison Blanche, ce mercredi 20 janvier. Selon la presse américaine, la Première Dame, Jill Biden, apprécie beaucoup le travail de cette poétesse de 22 ans, originaire de Los Angeles, et a convaincu le comité chargé de la cérémonie d’investiture de la choisir. Cette tradition démocrate du poète inaugural remonte à l’investiture du président John Fitzgerald Kennedy : le 20 janvier 1961, le poète Robert Frost avait alors récité The Gift Outright. En 2009, Barack Obama avait par exemple choisi Elizabeth Alexander, qui avait récité Praise Song for the Day pour sa première cérémonie d’investiture. Le poème lu par Amanda Gorman pour l’investiture du 46e président des États-Unis, est intitulé The Hill We Climb (La colline que nous gravissons), et aborde le thème de l’unité nationale.
Un poème sur l’unité nationale
Selon le New York Times, le comité d’organisation de la cérémonie d’investiture de Joe Biden a contacté Amanda Gorman à la fin du mois dernier. Elle a appris à ce moment-là que Jill Biden avait vu, à la Bibliothèque du Congrès en 2017, une lecture de son poème In This Place : An American Lyric, dans lequel la jeune poétesse condamne la marche raciste de Charlottesville en Virginie. La future Première Dame avait alors suggéré que la poétesse lise un poème lors de l’investiture. Aucune consigne ne lui a été donnée, mais elle a été encouragée à insister sur l’unité et l’espoir. « Gorman a commencé le processus, comme elle le fait toujours, avec des recherches. _Elle s’est inspirée des discours des leaders américains qui ont essayé de rassembler les citoyens pendant des périodes de division intense_, comme Abraham Lincoln et Martin Luther King. Elle a également parlé à deux des précédents « poètes inauguraux », (Richard) Blanco et (Elizabeth) Alexander« , affirme le New York Times.
Le poème d’Amanda Gorman fait référence au quartier de Washington, Capitol Hill, où se situe le siège du Congrès américain. Selon le New York Times, la poétesse de 22 ans était arrivée environ à la moitié de son poème lors que les militants pro-Trump ont envahi le Capitole : elle est restée éveillée cette nuit-là et a ajouté des vers au poème pour décrire ces scènes apocalyptiques qui ont ébranlé les États-Unis.
« Nous avons vu une force qui détruirait notre nation plutôt que de la partager / Détruirait notre pays si cela veut dire retarder la démocratie / Et cet effort était à deux doigts de réussir / Mais pendant que la démocratie peut être ponctuellement retardée / Elle ne peut être vaincue de façon définitive / Nous croyons en cette vérité, en cette foi », écrit Amanda Gorman dans cet extrait du poème dévoilé par le New York Times, avant l’investiture.
Dans The Hill We Climb, Amanda Gorman évoque son parcours, qui fait écho à celui de Kamala Harris, devenue la première femme à accéder au poste de vice-présidente des États-Unis :
« Nous les héritiers d’un pays et d’une époque / où une fille noire maigre / descendante des esclaves et élevée par une mère célibataire / peut rêver de devenir présidente / seulement parce qu’elle se retrouve à réciter pour l’un d’eux)« , a déclaré Amanda Gorman à travers son poème.
Contrairement à ses prédécesseurs, la jeune poétesse a dû relever un défi de taille : composer un poème qui appelle à l’unité et à l’espoir, alors que les Américains sont plus divisés que jamais au sortir de la présidence de Donald Trump. Son poème reflète donc cette Amérique « en désordre« . « Je dois reconnaître cela dans le poème. Je ne peux pas l’ignorer ou l’effacer. Et donc, j’ai élaboré un poème inaugural qui reconnaît ces cicatrices et ces blessures. J’espère qu’il nous fera progresser vers leur guérison« , a confié Amanda Gorman au Los Angeles Times.
Selon le journal Los Angeles Times, la jeune poétesse a écouté de la musique pour l’aider à composer son poème et avoir un « état d’esprit historique et épique« , avec notamment les bandes originales des séries The Crown, Lincoln, Darkest Hour et Hamilton. Lors de la cérémonie d’investiture, Amanda Gorman a lu son poème pendant six minutes, d’une voix assurée alors qu’elle savait que des millions d’Américains avaient les yeux rivés sur elle et son message.
« Nous nous battons pour forger une union avec un but / Pour composer un pays engagé dans toutes les cultures, couleurs, personnages et / conditions de l’homme / Et nous levons nos regards non pas vers / ce qui se tient entre nous / mais vers ce qui se tient face à nous / Nous mettons fin au clivage parce que nous savons, mettre notre futur en premier, / nous devons mettre nos différences de côté / Nous déposons nos armes / pour atteindre nos bras / et en former un autre », invite Amanda Gorman dans The Hill We Climb.
Une étoile montante de la poésie
Amanda Gorman est tombée amoureuse des mots et de la poésie quand elle était petite. Elle grandit à Los Angeles, élevée avec sa soeur jumelle par sa mère célibataire, qui enseigne l’anglais au collège. Elle écrit dans des journaux dans la cour de récréation. À l’âge de 16 ans, elle remporte le concours des jeunes poètes de Los Angeles. En 2017, alors qu’elle étudie la sociologie à l’université d’Harvard, elle devient lauréate du premier concours national des jeunes poètes : c’est la première personne à détenir ce titre.
Depuis cette période, Amanda Gorman a acquis une certaine notoriété et a été conviée par des personnalités comme Lin-Manuel Miranda, Al Gore ou encore Hillary Clinton. Elle a également récité des poèmes lors des célébrations du Jour de l’Indépendance ou lors de l’investiture du nouveau président de l’université d’Harvard en octobre 2018.
Amanda Gorman est une poétesse militante, qui s’inspire de la société américaine. Elle a par exemple composé We the People pour décrire le choc qu’elle a ressenti après l’élection de Donald Trump. Elle a écrit We Rise, en écoutant le témoignage de Christine Blasey Ford, la psychologue qui a accusé Brett Kavanaugh d’agression sexuelle, alors qu’il était candidat à la Cour suprême des États-Unis. L’année dernière, elle s’est inspirée de la crise sanitaire pour écrire The Miracle of Morning, poème dans lequel elle tente d’insuffler de l’espoir : « Dans ce chaos, nous découvrirons la clarté / Dans la souffrance, nous trouverons la solidarité ».
En février 2020, la poétesse a été sollicitée par Nike pour rédiger une tribune en faveur des athlètes noirs.
Consciente du succès des messages qu’elle véhicule dans ses poèmes, Amanda Gorman a déjà beaucoup d’ambition. Dans une interview au New York Times en 2017, elle ne cachait d’ailleurs pas qu’elle avait la Maison Blanche dans le viseur. « C’est un objectif très lointain, mais en 2036, je présenterai ma candidature pour devenir présidente des États-Unis« , affirmait la poétesse. Avant d’ajouter, à l’intention du journaliste : « Vous pouvez ajouter cela à votre calendrier iCloud« .
Soudain, la jeune poétesse Amanda Gorman entre dans l’Histoire …
Un article de Marine Landrot publié dans Télérama du 22/01/21 …
Ce fut l’une des sensations de la cérémonie d’investiture de Joe Biden : Amanda Gorman, autrice et féministe de 22 ans, a enthousiasmé le public et les téléspectateurs avec un poème lumineux.
Soudain, la jeunesse. Soudain, la poétesse. Sous les yeux du monde, en tenue de soleil, Amanda Gorman prend son envol, direction demain, dès l’aube, parce qu’il n’y a plus de temps à perdre pour l’Amérique. Une oiselle de 22 ans entre dans l’Histoire en battant des ailes. Son chant est d’une beauté inouïe. À son doigt, une bague ornée d’une cage d’or, tenant un oiseau prisonnier. Un cadeau d’une sœur de cœur et de lutte, Oprah Winfrey, en clin d’œil à une autre, Maya Angelou, autrice de Je sais pourquoi l’oiseau chante en cage, qui jadis récita un poème de sa composition, en de pareilles festivités d’intronisation. À l’époque, le président célébré s’appelait Bill Clinton, les années 90 commençaient tout juste à se dérouler, elles attendraient le dernier moment pour voir naître Amanda Gorman.
C’est que la poésie d’Amanda Gorman vient de loin, de très loin, du fond de son être, où longtemps l’indicible fut roi. Qui pourrait croire que cette jeune femme, à la diction si ensorcelante, souffrit longtemps de sentir les mots se bousculer au portillon, victime de ce qu’elle appelait encore défaut d’élocution ? Elle assure que depuis l’enfance, certaines consonnes se dérobent, se métamorphosent, se jouent d’elle. Sa hantise de les prononcer l’a conduite, dès le plus jeune âge, à développer une stratégie d’évitement très créative, digne de Georges Perec. Elle est notamment devenue experte pour éliminer tous les mots contenant des « r ». Ainsi naquit son art poétique, fruit d’un supposé trouble de la parole et d’une imagination verbale débordante. Plutôt que de savonner sur « Girls can change the world » (« Les filles peuvent changer le monde »), elle préférait par exemple dire : « Young women can shape the globe » (« les jeunes femmes peuvent modeler le globe »).
“Être une femme de lettres, c’est faire entendre distinctement une voix forte et courageuse”
La dimension féministe de cet exemple qu’elle aime citer n’est pas un hasard. Amanda Gorman a le girl power chevillé au corps. À 14 ans, elle fréquente chaque mercredi le WriteGirl, organisme de Los Angeles exclusivement féminin, réservé aux adolescentes tentées par l’écriture, journalistique, romanesque ou poétique. Sa maison, sa famille, pour toujours, dira-t-elle ensuite, après avoir été couronnée Youth Poet Laureate de Los Angeles à 16 ans, puis First National Youth Poet Laureate à 19 : « J’y ai rencontré des mères et des sœurs qui m’ont hissée au plus haut de mes capacités. Grâce à ces femmes remarquables, je sais que l’écriture féminine n’est pas forcément un acte silencieux, qui consiste à gratter de sa plume dans un coin, à coucher timidement des mots qu’on n’oserait pas dire tout haut. Elles m’ont appris qu’être une femme de lettres, c’est faire entendre distinctement une voix forte et courageuse. »
Faire entendre sa voix à pleins poumons pour fêter des élections auxquelles on vient de voter pour la première fois, y a-t-il plus grande fierté ? L’honneur vient laver un remords qu’Amanda Gorman avoue aujourd’hui : à 18 ans, en 2016, elle a raté le coche. Alors qu’elle avait soigneusement rempli son bulletin électronique, elle s’est aperçu plus tard que le mail n’était jamais parti. Sa voix pour barrer la route à Donald Trump était donc restée au fond du gosier de son ordinateur… « J’ai entendu au fond de moi des rugissements de honte, de culpabilité, d’impuissance, qui m’ont semblé venir de temps beaucoup plus anciens que le mien », confiera-t-elle, se jurant alors de consacrer sa vie à faire de la poésie un acte éminemment politique.
Son prochain geste sera à l’adresse des enfants, pour lesquels elle vient de signer un album jeunesse, dont le titre Change Sings zozote intelligemment, où elle prend les jeunes consciences très au sérieux : « Je l’ai écrit pour que les enfants se voient comme des acteurs du changement, et non pas comme de simples observateurs », annonce-t-elle. Le livre paraîtra après l’été, quand le nuage sanitaire sera passé, et que l’horizon sera peut-être enfin dégagé, comme l’espère Amanda Gorman dans la dernière strophe de son poème, gracieusement martelé à l’oreille du monde entier : « Le jour venu, nous sortirons de l’ombre, enflammés et sans peur / La nouvelle aube fleurit dès lors que nous la libérons / Car il y a toujours de la lumière, lorsque nous sommes assez courageux pour le voir. »
Qui est Amanda Gorman, la poétesse noire qui a fait sensation lors de l’investiture de Joe Biden ?
Lors de la cérémonie d’investiture de Joe Biden à la présidence des États-Unis, Amanda Gorman, une poétesse noire américaine de 22 ans, a ému le monde entier.
Mercredi 20 janvier, Joe Biden était investi 46ème président des États-Unis. Mais lors de la cérémonie, les regards du monde entier ont été happés par quelqu’un d’autre, une jeune femme noire américaine, vêtue de jaune et rouge, venue incarner un poème empli d’espoir pour une Amérique déchirée. Cette femme, c’est Amanda Gorman. Elle a 22 ans. Et en interprétant son texte The Hill we climb (La colline que nous gravissons), elle fait alors plus de bruit que deux reines de la scène américaine, elles aussi invitées : Lady Gaga et Jennifer Lopez..
Fidèle à ses sujets de prédilection engagés, que sont le racisme, l’IVG, les violences policières, les inégalités ou encore les questions migratoires, Amanda Gorman évoque les maux de son pays. De l’esclavage jusqu’à la présidence de Donald Trump, sans éviter le plus évident, la crise sanitaire sans précédent du Covid-19.
Blessures de la nation
Sans concessions, elle dresse le portrait d’une nation souffrante, au pied d’une montagne de défis. Elle se tient alors devant le Capitole, violemment attaqué quelques jours plus tôt par les manifestants pro-Trump, au lendemain d’une présidence marquée par les violences policières et le mouvement Black Lives Matter.
« Nous avons vu surgir une force prête à briser notre nation, refusant de la partager. Qui aurait conduit notre pays en essayant d’entraver la démocratie. Et cet effort a presque réussi. Mais si la démocratie est parfois freinée, jamais elle ne pourra être anéantie. »
Amanda Gorman récite ces mots, et ses mains suivent son récit dans un mouvement enivrant, qui donne l’impression qu’elle dirige un orchestre. Loin des discours politiques trop figés ou trop grandiloquents, Amanda Gorman affiche une posture naturelle captivante.
Sa présence est militante et nécessaire, marquée par l’espoir de reconnecter le politique au culturel et à l’humain aux États-Unis. Elle parle de guérir les blessures de sa nation, et cela n’est pas sans rappeler une phrase de John F. Kennedy. En janvier 1961, le président avait donné naissance à cette tradition poétique lors de sa propre investiture, affirmant que « quand le pouvoir corrompt, la poésie purifie ».
Premières fois
Les rimes, Amanda Gorman les découvrent en CE2. À cet âge où l’on récite des fables devant la classe, où l’on découvre les interrogations surprises et ce « par cœur » qui ne laisse pas que de bons souvenirs aux écoliers, Amanda Gorman tombe amoureuse du langage versifié, bercée par le rythme de Ray Bradbury. Brillante, elle rejoint les bancs de Harvard où elle étudie la sociologie, sans perdre de vue son goût pour la poésie. À 16 ans, elle décroche le titre de « poétesse lauréate junior de la ville de Los Angeles », puis à 19 ans, elle remporte la même récompense à l’échelle nationale.
C’est Jill Biden, la nouvelle première dame des États-Unis, qui la découvre lors d’une lecture publique, et qui plaidera pour qu’elle soit « Inaugural poet » (la poète de l’investiture). Elle sera ainsi choisie par une femme pour inaugurer la présidence d’un homme, mais aussi la vice-présidence d’une autre femme. Kamala Harris et Amanda Gorman partagent ce jour-là une « première fois »… et bien d’autres choses. Quand l’une est la première de son genre à être élue à ce poste prestigieux, au sommet de l’État américain, l’autre est la plus jeune personnalité jamais appelée pour déclamer un poème lors de cette importante cérémonie. L’une est issue de l’immigration, l’autre de l’esclavage. Ces deux femmes ont été élevées par des mères célibataires et grimpent cette colline symbolique, celle du progrès, de l’égalité.
« Une maigre femme noire (…) qui peut rêver de devenir présidente », voici comment se décrit Amanda Gorman dans The Hill we climb. Son objectif est déjà formulé : se présenter à la magistrature suprême en 2036.