Les librairies doivent rester ouvertes …

Nous marchons sur la tête : au lieu d’autoriser l’ouverture des petites librairies indépendantes en les reconnaissant comme « commerces de première nécessité », Bercy vient de décider la fermeture des rayons Culture des grandes surfaces ! Un coup dur pour toute la filière du livre et un cadeau pour les sites de vente en ligne  désormais seuls fournisseurs. Pour protester contre cette décision,  dessinateurs, auteurs ou politiques montent au créneau …

Monsieur le Président, faisons le choix de la culture en rouvrant les librairies !

Pour signer cette pétition adressée au Président de la République, c‘est par ici …

« Monsieur le Président de la République,

A l’heure où les salles de spectacles, les musées, les centres d’art et les cinémas sont malheureusement contraints de nouveau à la fermeture, l’ouverture des librairies maintiendrait un accès à la lecture et à la culture dans des conditions sanitaires sécurisées. 

En mars dernier, l’absence de masques, de gel, de protocole sanitaire face à ce virus ne permettait pas d’accueillir le public en librairie en toute sécurité. Depuis, les libraires se sont équipés et les gestes barrières sont parfaitement respectés dans leurs magasins. La librairie est un lieu sûr.

Le retour en nombre des lecteurs en librairie, jeunes ou adultes, à l’issue du premier confinement a illustré cette soif de lecture, porteuse de mille imaginaires, et cette volonté de défendre nos lieux de vie, de débats d’idées et de culture au cœur des villes. Sachons l’entendre. 

A la veille du quarantième anniversaire de la Loi sur le prix unique du livre, rappelez avec nous, Monsieur le Président, que le livre n’est pas un produit comme un autre : c’est un bien qui doit être défendu par la nation, en toutes circonstances et en tous lieux. 

Désormais, seul internet est autorisé à vendre des livres. Que les librairies indépendantes soient contraintes de fermer est totalement incompréhensible.

Comme vous le savez, ces librairies jouent un rôle que nul autre ne peut tenir dans l’animation de notre tissu social et de notre vie locale, pour la transmission de la culture et du savoir et le soutien à la création littéraire. Elles sont en outre un des plus efficaces remparts contre l’ignorance et l’intolérance.

Nous tous, libraires, éditeurs, écrivains, lecteurs sommes prêts à assumer nos responsabilités culturelles et sanitaires.

Ouvrir toutes les librairies, comme toutes les bibliothèques, c’est faire le choix de la culture. C’est un choix citoyen.

Monsieur le Président de la République, nous vous demandons, aujourd’hui, de laisser les librairies indépendantes ouvrir leurs portes, et de bien vouloir recevoir les représentants des signataires de cette lettre ouverte qui vous la remettront, masqués et en respectant les gestes barrières, dès que vous nous y inviterez. « 

Premiers signataires : 

François Busnel, journaliste, animateur de La Grande Librairie, Joann Sfar, écrivain, dessinateur et cinéaste, Eric Fottorino, écrivain et journaliste, Boris Cyrulnik, psychiatre et écrivain, Delphine de Vigan, écrivaine, Denis Westhoff, écrivain, Daniel Picouly, écrivain, Alexandre Jardin, écrivain, Tatiana de Rosnay, écrivaine, Joël de Rosnay, scientifique et écrivain, Sandrine Kiberlain, comédienne, Alex Beaupain, chanteur, Erik Orsenna, de l’Académie française, Olivier Frébourg, éditeur, Oliver Gallmeister, éditeur, Philippe Rey, éditeur, Philippe Robinet, éditeur, Adrien Bosc, écrivain et éditeur, Renaud Capuçon, musicien, Manuel Carcassonne, éditeur, Philippe Labro, écrivain, Jeanne Cherhal, chanteuse, Isabelle Carré, comédienne et écrivaine, Clotilde Courau, comédienne, François Cluzet, comédien, Philippe Delerm, écrivain, Martine Delerm, écrivaine et illustratrice, Mathieu Persan, illustrateur, Sylvia Rozelier, écrivaine, Lionel Duroy, écrivain, Dominique Farrugia, comédien et cinéaste, Arnaud Cathrine, écrivain, Françoise Nyssen, éditrice, Marc Dugain, écrivain et cinéaste, Philippe Claudel, écrivain et cinéaste, Jérôme Garcin, écrivain, La Grande Sophie, chanteuse, Cécile Coulon, écrivaine, Philippe Besson, écrivain, Anne Martelle, présidente du Syndicat de la librairie française (SLF), librairie Martelle, Maya Flandin, vice-présidente du SLF, librairie Vivement dimanche, Olivier Rouard, vice-président du SLF, librairies Charlemagne, Amanda Spiegel, membre du SLF, Folies d’encre, Frédérique Massot, membre du SLF, librairie La Rose des vents, François Céard, membre du SLF, librairie Ruc, Frédérique Pingault, membre du SLF, Librairie du tramway, Wilfrid Séjeau, membre du SLF, librairie Le Cyprès, Florence Veyrié, membre du SLF, librairie La Maison jaune, Serge Wanstok, membre du SLF, La Galerne, Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition (SNE), Média Participations, Antoine Gallimard, Madrigall, vice-président du SNE, Liana Lévi, Editions Liana Lévi, vice-présidente du SNE, Renaud Lefebvre, Lefebvre Sarrut, Michèle Benbunan, Editis, Alban Cerisier, Madrigall, Louis Delas, L’école des loisirs, Francis Esménard, Albin Michel, Nathalie Jouven, Hachette Livre, Laure Leroy, Zulma, Arnaud Nourry, Hachette Livre, Françoise Nyssen, Actes Sud, Jean Spiri, Editis, Lionel Naccache, neurologue et chercheur, Riad Sattouf, auteur de bande dessinée et réalisateur, Tobie Nathan, écrivain, Nina Bouraoui, écrivaine, Diane Mazloum, écrivaine, Jean-Paul Delfino, écrivain, Pierre Pelot, écrivain, Hervé de La Martinière, Média-Participations, Claude de Saint Vincent, Média-Participations, Christel Hoolans, Editions Le Lombard et Kana, Stephen Carrière, Editions Anne Carrière, Séverin Cassan, Editions de La Martinière, Hugues Jallon, Le Seuil, Benoit Pollet, éditions Dargaud, Julien Papelier, éditions Dupuis, Olivier Cohen, L’Olivier, Anne-Marie Métailié, Editions Métailié, Hilaire de Laage, Editions Fleurus, Pol Scorteccia, Urban Comics, Nathalie Zberro, L’Olivier, Stanislas Rigot, libraire (Librairie Lamartine, Paris), Julie Remy, libraire (La Cour des Grands, Metz), Pascal Thuot, libraire (Millepages, Vincennes), Stéphane Hun, libraire (Pages D’encre, Amiens), Frédéric Beigbeder, écrivain, Etienne Klein, philosophe et physicien, Thibault de Montalembert, comédien, Michel Onfray, philosophe et écrivain, Bernard Lehut, journaliste, Inès de la Motte Saint Pierre, journaliste …


Reconfinement : sur les réseaux sociaux, mobilisation pour que les librairies restent ouvertes

par Xavier Demagny  publié le

De Joan Sfar à Riad Sattouf, de Tatiana de Rosnay à François Busnel : dessinateurs, écrivains, critiques se mobilisent pour que les librairies rouvrent rapidement, malgré le confinement.

Commerce essentiel ? Au grand désespoir de certains, les librairies ne font pas partie des commerces qui peuvent, malgré le confinement, rester ouverts. Ainsi, de nombreux magasins ont du fermer boutique jeudi soir, sans réelles perspectives sur les prochaines semaines. Le chef de l’État a bien indiqué que le dispositif du reconfinement serait réévalué tous les quinze jours, mais rien ne dit que les restrictions seront levées pour ces commerces. Alors, pour protester contre cette décision, injuste selon eux, dessinateurs, auteurs ou politiques se mobilisent, notamment sur les réseaux sociaux.

Les dessinateurs en première ligne

Très rapidement après l’allocution du chef de l’Etat, de nombreux auteurs ont réclamé le maintien des librairies. C’est le cas du dessinateur Riad Sattouf, auteur des Cahiers d’Esther ou de l’Arabe du futur. Le dessin de son personnage est d’ailleurs très partagé depuis jeudi matin : on y voit ce petit garçon qui demande de lever la main « si vous voulez que les librairies restent ouvertes ».

Le créateur de la série Le Chat du Rabbin, Joan Sfar, a lui aussi réagi. « Et on prétend vouloir vaincre le fanatisme en reléguant la culture au rang du dispensable », a-t-il protesté, accompagné d’un dessin de son félin personnage. Le chat, dans une bulle, abonde : « On a des élus qui pensent que les livres ne font pas partie des biens essentiels ! »

 

« La fermeture des librairies est pour moi une punition : c’est elle qui est irresponsable. Je trouve cela désastreux Les gens ne mesurent pas la fragilité de la chaîne du livre. Il faut faire plus pour soutenir les librairies », a-t-il d’ailleurs estimé, invité de France Inter, vendredi matin.

Enfin, avant « le grand black-out de la culture » et le début du confinement, l’illustrateur Mathieu Persan avait aussi sorti son crayon pour créer cette affiche qui dit « Allons en librairie ». « En rentrant chez vous ce soir, passez donc chez votre libraire faire le plein de nourriture intellectuelle ! (Des pâtes vous en trouverez encore demain, des livres non…) », disait-il. Cette affiche a été massivement relayée.

De nombreux auteurs mobilisés

Sur Twitter, de grandes signatures ont également protesté contre la fermeture des librairies. Pêle-mèle, les écrivain.e.s Tatiana de Rosnay, Alexandre Jardin, Maxime Chattam, Philippe Labro ou l’économiste Julia Cagé, qui souligne par exemple son incompréhension. « Tous les acteurs du livre, libraires, éditeurs, lecteurs et auteurs, s’élèvent pour demander de faire du livre une cause nationale, un produit d’exception présent en temps d’obscurantisme. Emmanuel Macron peut être le Président qui rouvre les librairies pas celui qui les aura fermées », écrit pour sa part Alexandre Jardin.

L’appel de François Busnel

Pour faire écho à cette mobilisation, le critique littéraire François Busnel a annoncé qu’il allait lancer une pétition en ligne pour réclamer la réouverture des librairies, une mesure défendue également par de nombreuses personnalités. Selon le journaliste et présentateur de l’émission littéraire de France 5, en fermant les marchands de livres, la France se prive de son « meilleur bataillon pour nous permettre d’affronter l’obscurantisme ».

« Il y a des millions de personnes dans ce pays, et on l’a vu juste après le premier confinement, qui ont envie de lire, qui ont besoin de lire. Fermer les librairies, c’est condamner tout un pan de l’économie culturelle, sans doute à vaciller, pour certains à disparaître », a souligné François Busnel, invité de franceinfo. Et le gouvernement fait au passage « un cadeau énorme à une entreprise qui commence par Ama et finit par Zon, dont on connaÏt les pratiques fiscales », a-t-il ajouté.  Le critique littéraire demande à ce que le président Emmanuel Macron reçoive le syndicat des libraires de France, le syndicat national des éditeurs, et les écrivains, pour qu’ils puissent plaider en faveur d’une réouverture.

« S’il vous plaît, laissez les libraires ouvrir, ils rivalisent d’inventivité et se battent comme des fous pour que nous puissions lire. Aujourd’hui, ils savent servir les livres en respectant toutes les mesures sanitaires. L’enjeu est immense », implore-t-il dans un post sur Instagram.

Les politiques à la rescousse, la réaction du Goncourt

Le monde politique s’est aussi exprimé sur le sujet. « Laissons ouvertes les librairies, les bibliothèques, nous avons besoin de cette fonction-là, de s’évader », a pour sa part lancé l’ancien président François Hollande jeudi, dans l’émission télévisée « Livres & vous » sur Public Sénat. « Nous ne devons sacrifier ni l’éducation, ni la culture, ni les commerces de proximité », a estimé pour sa part la maire de Paris Anne Hidalgo, jeudi, qui « souhaite que nous gardions nos librairies ouvertes ». Toujours en région parisienne, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a expliqué qu’elle aurait « aimé que les librairies soient inscrites au rang des commerces essentiels ».

Le prix Goncourt, lui, a été reporté sine die par « solidarité » avec les librairies, contraintes de fermer en raison de l’épidémie de Covid-19 et comme l’avait demandé la profession pour ne pas laisser « porte ouverte » à Amazon. « Pour les académiciens il n’est pas question de remettre [le prix] pour qu’il bénéficie à d’autres plateformes de vente », indique l’Académie. Par ce geste, les académiciens du Goncourt « tiennent à exprimer leur solidarité avec les libraires ». le Goncourt devait être décerné le 10 novembre.

« Dans quinze jours, nous regarderons où nous en sommes pour tous les commerces, pas uniquement les libraires, et nous verrons s’il est possible d’adapter les dispositifs », a promis le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, invité de France Inter vendredi 30 octobre.

Ce même vendredi, peu avant 18h, la FNAC a annoncé sa décision de fermer ses rayons livres. L’enseigne écrit « face au constat de l’impossibilité d’une ouverture de l’ensemble des acteurs de la vente de livres » dans le cadre du reconfinement des commerces « non essentiels », la FNAC a décidé vendredi fermer « l’ensemble des rayons culture » des magasins Fnac pour les 15 prochains jours. Deux heures plus tard le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire et la ministre de la Culture Roselyne Bachelot annoncent que les rayons livres et culture des grandes surfaces alimentaires et spécialisées seront « momentanément fermés dès ce [vendredi] soir », par « souci d’équité entre grandes surfaces et les librairies indépendantes ».


Les librairies indépendantes continuent de réclamer leur réouverture

Par

La fermeture des librairies n’en finit pas d’être critiquée, jusque dans les rangs de la majorité. La décision prise vendredi de fermer les rayons culturels des grands magasins n’a pas suffi à satisfaire les libraires indépendants.

Les librairies indépendantes ne désespèrent pas de faire plier le gouvernement, au deuxième jour d’un reconfinement qui les a exclues de la liste des commerces autorisés à poursuivre leur activité. Les professionnels du secteur s’étaient notamment insurgés contre la possibilité offerte aux grandes surfaces de vendre des livres.

Vendredi, le ministère de l’économie a fini par faire machine arrière et annoncé la fermeture des enseignes comme la Fnac et des rayons « culture » des grands magasins à compter de samedi matin. Pas de quoi franchement apaiser la colère des libraires indépendants. Le Syndicat de la librairie française (SLF) a réagi en évoquant une décision qui ne « résout qu’une partie du problème », offrant « un boulevard à Amazon ». 

Une librairie fermée dans le XXe arrondissement de Paris. © Marie Magnin / Hans Lucas via AFP Une librairie fermée dans le XXe arrondissement de Paris. © Marie Magnin / Hans Lucas via AFP

Certains commerçants ont même choisi d’ouvrir leur librairie ce samedi, en dépit des décisions gouvernementales. C’est le cas de la librairie Place ronde à Lille, comme le raconte La Voix du Nord ce samedi.

De son côté, le groupe Fnac-Darty expliquait que ses magasins resteraient ouverts « pour notamment répondre aux demandes importantes en équipement informatique/multimédia pour le télétravail, ainsi qu’à la réparation de produits électriques et électroniques ». Les rayons culturels de l’enseigne ne seront toutefois pas accessibles.

Vendredi, l’académie Goncourt avait annoncé le report sine die de la remise du prix homonyme, par « solidarité » avec les libraires. « Le prix Goncourt est remis à une date indéterminée puisque le 10 novembre, les librairies ne seront pas ouvertes, a expliqué Françoise Rossinot, la déléguée générale de l’académie. Pour les académiciens, il n’est pas question de le remettre pour qu’il bénéficie à d’autres plateformes de vente. »

Une pétition notamment lancée par le SLF et le journaliste François Busnel avait recueilli samedi après-midi plus de 12 500 signatures. « Rappelez avec nous, Monsieur le Président, que le livre n’est pas un produit comme un autre : c’est un bien qui doit être défendu par la nation, en toutes circonstances et en tous lieux », plaidait le texte de cette pétition.

Dans un communiqué diffusé jeudi, le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Conseil permanent des écrivains (CPE) s’associaient au SLF pour réclamer que « le confinement social ne soit pas aussi un isolement culturel ». « Nous sommes prêts à assumer nos responsabilités culturelles et sanitaires », écrivaient les trois organisations.

Jeudi matin, sur Europe 1, l’ancien président de la République François Hollande lançait lui aussi un « appel » à ouvrir les librairies indépendantes. « Laissons ouvertes les librairies, les bibliothèques, nous avons besoin de cette fonction-là, de s’évader, plaidait-il. Quand on n’a plus la liberté de circuler, on doit avoir au moins la liberté de penser, de lire. Ça fait partie de notre patrimoine. »

Une position partagée à gauche comme à droite. Le secrétaire général des Républicains (LR), Aurélien Pradié, regrettait sur Twitter que les Français n’aient plus que deux possibilités, « abandonner les achats de livres ou engraisser Amazon ». Même au sein de la majorité, la décision du gouvernement suscite certaines critiques. « Je continue de plaider pour la réouverture de nos librairies, a tweeté samedi Aurore Bergé, présidente déléguée du groupe La République en marche (LREM). Plutôt que de restreindre l’accès aux livres… »

Sujette aux mêmes débats, la Belgique a fait un autre choix que la France. Les librairies belges pourront rester ouvertes pendant le confinement, écrit Le Soir, révélant un « ultime arbitrage en ce sens » du gouvernement d’Alexander De Croo samedi matin. « On laisse bien ouverts les Brico [une grande enseigne belge de quincaillerie – ndlr], nous devions aussi laisser ouverts les bricos de la culture et du cerveau », commente un ministre belge cité par le quotidien.Au-delà des librairies, c’est tout le commerce de proximité qui fait entendre sa voix depuis jeudi pour réclamer un assouplissement des règles du confinement. Plusieurs maires de droite et d’extrême droite, dont ceux de Valence (Drôme), de Perpignan (Pyrénées-Orientales) ou de Béziers (Hérault), ont même pris des arrêtés pour autoriser leurs commerçants locaux à rouvrir, contre l’avis du gouvernement. L’Association des maires de France (AMF) a demandé ce samedi, dans un communiqué, le « réexamen » de la notion de « commerces de première nécessité », dénonçant des critères « difficiles à justifier » et citant l’exemple des salons de coiffure et des librairies.


Confinement : fermer les librairies, c’est nous « priver du meilleur bataillon pour affronter l’obscurantisme », plaide François Busnel

Le critique littéraire lance une pétition pour que les librairies puissent rester ouvertes pendant le confinement. Article publié par franceinfo 

François Busnel, le 11 janvier 2016.  (JOEL SAGET / AFP)

« Nous avons tous entendu le président de la République nous dire ‘nous sommes en guerre’. Pourquoi nous priver du meilleur bataillon pour nous permettre d’affronter l’obscurantisme », s’est interrogé sur franceinfo vendredi 30 octobre le journaliste et critique littéraire François Busnel qui lance une pétition pour que les librairies soient autorisées à rester ouvertes malgré le confinement, qui démarre ce vendredi pour au moins un mois. Selon lui, « tout est lié y compris ce qu’il s’est passé de tragique hier à Nice ».

franceinfo : Au moment où l’épidémie s’emballe, que tout un pan de l’économie est menacé, en quoi est-ce si grave de fermer une librairie ?

François Busnel : Pour plein de raisons, qui sont toutes liées les unes aux autres, c’est à dire au combat que tout le monde essaye de mener contre l’ignorance, contre l’obscurantisme, contre le fanatisme. Les librairies, c’est le seul endroit peut-être où vous pouvez faire disparaître, avec les bibliothèques, toute théorie du complot. Parce que vous avez des livres qui racontent des histoires, qui expliquent que les choses ne sont pas noir ou blanc, et que contre un livre unique, quel qu’il soit, il y a les livres. C’est aussi l’endroit où vous pouvez vous armer avec des armes efficaces contre le réel. C’est l’endroit où vous pouvez trouver de l’espoir, trouver de la consolation. Trouver également ce qui vous dérange, ce qui vous inquiète, ce qui vous fait progresser, ce qui vous fait penser par vous-même. Les librairies ont besoin d’être ouvertes et ce n’est pas simplement l’amoureux des librairies qui vous le dit, pas simplement pour préserver un commerce, mais parce qu’il y a des millions de personnes dans ce pays, et on l’a vu juste après le premier confinement, qui ont envie de lire, qui ont besoin de lire. Fermer les librairies, c’est condamner tout un pan de l’économie culturelle, sans doute à vaciller, pour certains à disparaître. C’est malheureusement se condamner dans quelques semaines, dans quelques mois ou dans quelques années, à voir des villes sans librairie, à trouver des zones blanches en France. Et vous faites un cadeau énorme à une entreprise qui commence par Ama et finit par Zon, dont on connait les pratiques fiscales.

Vous lancez une pétition et demandez à Emmanuel Macron de vous recevoir, il faut qu’il soit le « président des livres » ?

Il est le « président des livres », je crois. En tout cas, c’est comme ça que je l’ai entendu. Je ne parle pas de politique, mais j’ai entendu effectivement un candidat qui parlait de littérature. Cela fait longtemps que nous n’avions pas eu un président-lecteur. Je crois que c’est une formidable opportunité d’être en accord avec les actes.

Le gouvernement explique que si on le fait pour les librairies, il faudra le faire pour tout le monde.

Je suis en total soutien des théâtres et des cinémas. J’adore ces gens-là, j’adore ce milieu. Je crois que le livre n’a rien à voir avec cela. Il ne s’agit pas de cela. Le cinéma et le théâtre viennent du livre. Ça n’est pas une exception, c’est la prolongation de ce qu’est la France. N’éteignez pas les lumières s’il vous plaît. Tout part du livre. Ce n’est pas moi qui demande à Emmanuel Macron de me recevoir. Nous voudrions, et le nous, c’est le syndicat des libraires de France, c’est le syndicat national des éditeurs, ce sont tous les écrivains, ce sont aussi tous les gens qui vont en librairie. J’étais hier soir avant la fermeture dans ma librairie de quartier à Paris. Il y avait une queue comme on n’en a jamais vu. La libraire m’a dit qu’il y avait eu 700 personnes. Cela traduit un formidable appétit, un désir immense de continuer à se rendre dans ces librairies, dans ces endroits. Cela n’est pas faire une exception. Nous avons tous entendu le président de la République nous dire « nous sommes en guerre ? » Pourquoi priver du meilleur bataillon, celui qui va permettre à la connaissance d’affronter l’obscurantisme. Tout est lié y compris ce qu’il s’est passé de tragique hier à Nice.