Jeudi 11 juin 2020, il est 13h à « Brest même »…


« Du bout de notre terre, on observait ce qui se passait plus à l’est. Les musiciens aux balcons, les crieurs de rue, les artistes en déambulation dans les quartiers. On était quelques-uns à nous dire qu’il fallait nous rassembler à Brest et reprendre la place publique. On avait en ligne de mire cette date du 11 juin, symbolique …
 

Et puis les images de Besançon nous sont parvenues. Elles nous ont émus, c’était beau, puissant, juste. On a enclenché, on s’est vu à quatre le 3 juin: qu’est ce qu’on fait ? on crée notre rituel ? Non, on reprend, on s’y reconnaît, dans le fond, dans la forme, on a une semaine, trop court…Chacun appelle 5 personnes, qui appellent 5 personnes, ça devrait aller vite, rendez-vous secret le 8.
Lundi soir nous étions 36, dans une chapelle brestoise désacralisée et devenue théâtre.

On est content, des têtes connues, des nouveaux. On accueille, on raconte l’histoire, la genèse, les revendications. On explique les règles du jeu. 3 personnes qui se chargent de la menuiserie. Qui porte le cercueil ? Les tréteaux ? On a deux chanteuses, des musiciens. 15 minutes de répétition et rendez-vous jeudi. On commencera à 13h, Place de la Liberté.

Mercredi 10, 20h30, alerte orange, pluie, vent pour le lendemain. Quelques messages. On est pas en sucre. On peut pas reporter, trop compliqué de rappeler tout le monde. Allez, ça va nous nettoyer. Ici c’est BREST !

Jeudi 11, 9h : grosse pluie, sms, doute, on va se faire saucer. 11h30, la pluie s’est arrêtée. 12h20 coup de téléphone, problème de sono. 12h45 livraison du cercueil. On est à notre poste sous le porche qui débouche sur la place. Des femmes et hommes en noir dispersées dans les rues tout autour.
12h58, le Maire de Brest passe sous le porche en direction de notre hôtel de ville, architecture soviétique qui surplombe la place. Est–il au courant ?
13h, c’est parti, le cortège funèbre apparaît à la lumière. 60 personnes convergent vers lui. Rayon de soleil, vent océanique…
11 minutes, force et émotion. Le temps s’arrête. Les passants aussi. Des spectateurs, des amis, la profession est là, avec nous.
Dispersion, on a rendez sous les halles du marché de Kerinou, à l’abri, pour partager à manger et à boire.
On échange, comment ça s’est passé. Et tu sais quoi ? Le groupe Tonne, ils ont fait Besançon, et ils sont au Fourneau depuis hier. Ils étaient avec nous cet après-midi !
De la place de la Révolution à la place de la Liberté, nous sommes reliés…
Nous sommes heureux, nous sommes ensemble, nous sommes vivants. »
Texte écrit à plusieurs mains
Vidéo: Pierre Souchard
Musiques : Haendel « Dixit Dominus », et Ivo Papasov.

Photos: Nicolas Hergoualc’h


Ça s’est passé à Nantes le samedi 20 juin …

Post-Covid à Nantes. Les artistes réveillent la place Royale

Après Besançon, Bayonne et Brest, des artistes de la région ont exprimé, à Nantes, ce samedi 20 juin, leur vision du passage à l’après-Covid. «Enterrer les morts, réveiller les vivants » : un happening aux symboles bien choisis.

« Enterrer les morts, réveiller les vivants » : un happening d’artistes de différents collectifs et compagnies de la région, place Royale à Nantes.
« Enterrer les morts, réveiller les vivants » : un happening d’artistes de différents collectifs et compagnies de la région, place Royale à Nantes. | FRANCK DUBRAY / OUEST FRANCE

Nantes, 14 h 30 ce samedi 20 juin, place Royale. La fontaine porte le deuil à la mémoire de Steve, mort dans la Loire il y a un an. Demain dimanche 21 juin, la musique ne sera pas. Interdite, la Fête de la musique. Interdits, toujours, les rassemblements de plus de dix personnes.

Ils sont une bonne soixantaine, venus de la région, à tracer un cercle de poudre blanche autour d’eux. | FRANCK DUBRAY / OUEST FRANCE

14 h 32. Comme un défi à l’obéissance, le cortège vêtu de noir débarque en silence et dépose son cercueil au milieu de la place. Hommage aux morts du Covid. À Steve. Aux libertés perdues. À l’expression muselée des artistes confinés.

Ils sont une bonne soixantaine, venus de la région, à tracer un cercle de poudre blanche autour d’eux. Masqué, chacun dans sa bulle est comme prisonnier, puis recouvert de poussière. Le chant porte haut le recueillement, élevé par la voix ample d’une belle chanteuse inconnue.

« Enterrer les morts, réveiller les vivants » : un happening d’artistes de différents collectifs et compagnies de la région place Royale à Nantes. | FRANCK DUBRAY / OUEST FRANCE

Puis le chant fini, au diable la poussière. Les masques tombent. Les vivants sont debout. La musique enjouée débride les corps dans une danse improvisée.

La musique enjouée débride les corps dans une danse improvisée. | FRANCK DUBRAY / OUEST FRANCE

Le public applaudit ces danseurs venus exprimer leur refus de se taire qui s’échappent, en courant, de leur cercle limitant. À Nantes, comme auparavant à Besançon, Bayonne et Brest, la liberté n’est pas morte.


Ça s’est passé à Redon le samedi 27 juin …

La Conjuration des Anguilles : « Enterrer les morts, Réveiller les vivants »

« Il est 11h, ce samedi 27 juin, quand, arrivant des différentes communes du Pays de Redon, comédiens, musiciens, marionnettistes, danseurs, chanteurs, techniciens, organisateurs, administrateurs… convergent vers le point de rendez-vous fixé au jardin public à Redon.
Nous sommes alors 53 à trépigner, à guetter l’éclaircie tant espérée tout en se briefant sur le déroulé de notre action, pendant que les musiciens s’accordent entre eux. Puis nous nous dirigeons vers le centre ville.
A 12h précise, accompagné par le son des cloches et le soleil qui nous salue, nous nous lançons enfin pour vivre tous ensemble ce très grand moment d’émotion : https://vimeo.com/434261019
Une chose est sur, nous n’oublierons pas de si tôt ce samedi midi, qui marque, pour nous, le début d’un mouvement collectif qui n’a pas dit son dernier mot…

Allez, à qui le tour ? » Une vidéo de 10’05″…

Source : Johann Sauvage

Ça s’est passé à Sotteville-lès-Rouen le samedi 4 Juillet …

La conjuration des Clochers /
« Nous aussi, nous sommes là. Rendez vous 14h, sur la voix ferrée derrière l’atelier 231. J’espère que nous ne serons pas 3…. Personne n’a confirmé. Les musiciens sont chauds, les caméras chargés. Petit à petit nous sommes une vingtaine, artistes en tous genre, animés par ce besoin de renaitre ensemble, de goûter à nouveau au miel du pavé, au frisson de la rue. Une petite répétition s’impose, chacun trouve sa place. Le cercueil est prêt, les bières réchauffes. Il est 16h30 nous partons vers le bois de la Garenne, le jardin de Viva cité, là où beaucoup d’entre nous ont commencé et ont découvert la magie de la rue On branche les amplis pour les instruments, un public se poste, s’assied par terre et reprend très rapidement ses habitudes.
17h tout le monde est prêt.
Pendant 15 min, la sensation d’être ailleurs avec vous tous qui avez lancé cette action et vous tous qui l’avez fait voyager.
17h30, tout le monde se retrouve autour des musiciens, dans le bois de la Garenne, il y a des enfants qui dansent, des passants qui s’arrêtent. On partage un verre ,on discute, on voudrait se revoir, faire d’autres choses ensemble, bref on se retrouve et on se rappelle que l’essence de notre métier est là …
Une vidéo de 8’21″…

Source : Franswa Henry, Compagnie Acid Kostik


Ca s’est passé à Rennes le samedi 11 juillet …

A Rennes, une cérémonie poétique pour « enterrer les morts » et « réveiller les vivants »

Une quarantaine de comédiens et danseurs d’Ille-et-Vilaine ont joué un spectacle place de l’hôtel de ville de Rennes, samedi 11 juillet, sous le regard de nombreux passants. La mise en scène se voulait un symbole de ce que nous avons vécu depuis quatre mois : le drame et le deuil, puis la renaissance.

Une quarantaine de comédiens et danseurs d’Ille-et-Vilaine ont joué un spectacle place de l’hôtel de ville de Rennes, samedi 11 juillet
Une quarantaine de comédiens et danseurs d’Ille-et-Vilaine ont joué un spectacle place de l’hôtel de ville de Rennes, samedi 11 juillet | OUEST-FRANCE

C’est un spectacle poétique et métaphorique qu’ont organisé les différentes compagnies de spectacle vivant de l’Ille-et-Vilaine, samedi 11 juillet, sur la place de l’hôtel de ville de Rennes. Sous un grand soleil et devant le regard captivé de centaines de passants, une quarantaine de comédiens et danseurs ont mené une action pour « enterrer les morts et réveiller les vivants ».

Vêtus de noir et masqués, ils ont d’abord porté jusqu’au centre de la place un cercueil, en silence, avant de se recueillir autour. Les artistes ont tracé des ronds au sol avec de la farine, avant de s’en renverser sur la tête et le corps. Puis ils se sont progressivement relevés et se sont mis à danser au rythme d’une musique joyeuse et festive, pour finalement emporter le cercueil loin de la place, au pas de course.

Première partie du spectacle : le recueillement autour du cercueil, en silence. | OUEST-FRANCE

Ce spectacle d’une dizaine de minutes, imaginé et joué pour la première fois à Besançon fin mai, puis dans d’autres villes françaises, est donc repris à Rennes « en version bretonne », s’amuse Pierre Bonnard, l’un des comédiens à l’origine de cette mise en scène. « On veut interpeller sur la situation dans notre secteur, montrer qu’on est là, explique-t-il. On tire un vrai cri d’alarme, car beaucoup de compagnies sont en danger de mort après plusieurs mois d’arrêt. »

Le deuil et la renaissance

Pour autant, pas question de se plaindre, assure-t-il. Les artistes veulent proposer des choses « pragmatiques et concrètes », comme la mise en place de ce spectacle, allégorie de ce que la société française a vécu depuis quatre mois. « L’idéogramme chinois pour désigner le mot crise est composé de deux symboles, celui du danger et celui de l’opportunité, poursuit Pierre Bonnard. C’est exactement ce que l’on veut dire : il y a un moment pour les pleurs, pour le drame. Puis il y a la renaissance, qui sera d’autant plus belle si on s’aide tous ensemble. Dans ce spectacle, il y a un côté refouloir, pour expurger la frustration, les deuils, pour saluer ceux qui sont morts. La société a besoin de rituels, les artistes sont là pour ça. Maintenant, on veut se projeter vers l’avant. »par Taboola

Deuxième partie : la danse et la joie, pour exprimer la renaissance qui vient après le drame. | OUEST-FRANCE

« La première partie montre la souffrance dans laquelle vivent beaucoup d’artistes en ce moment, de façon individuelle, mais aussi collective, confirme Caroline Allaoui, comédienne et metteuse en scène. La deuxième parle évidemment de la joie qui est la nôtre d’être des artistes, de pouvoir créer et de réinventer les choses. » Une joie visiblement partagée par les spectateurs, qui ont chaleureusement applaudi à la fin de du spectacle.

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« Enterrer les morts et réveiller les vivants »