Enfourcher le tigre …

« Là, on rentre dans une période où on doit en quelque sorte enfourcher le tigre et donc le domestiquer. «  Pour Médiapart, Usul  revient sur quelques-unes des annonces faites par Emmanuel Macron sur la crise que traverse le secteur culturel français. L’annulation des grands festivals et des salons a porté un coup très dur aux acteurs de ce domaine.  Et ce n’est pas l’annonce de la prochaine réouverture du Puy du Fou qui va calmer le secteur …

C’est souvent lorsqu’il tombe la veste qu’Emmanuel Macron dévoile le fond de sa pensée. Invité à conclure une visioconférence avec des artistes, organisée mercredi 6 mai depuis l’Elysée, le chef de l’Etat a été un peu plus disert sur la façon dont il concevait l’après-crise du Covid-19.
Une vidéo de 10’23 » signée Usul et diffusée le 18 mai dans l’émission hebdomadaire  « Ouvrez les guillemets ».

Et dans le même temps … Le Puy du Fou annonce sa réouverture le 11 juin. Le Puy du Fou, parc d’attraction vendéen réputé pour ses fresques historiques, a annoncé jeudi sa réouverture le 11 juin, affirmant avoir été informé d’une décision du président de la République de rouvrir les sites touristiques et parcs à thème en zone verte le 2 juin.


En route pour La France éternelle du Puy du Fou ?

Les Deschiens –


Puy du Fou, le fait du prince

Un billet signé Ève Beauvallet
paru le
Emmanuel Macron au Puy du Fou en août 2016. Photo Loic Venance. AFP

Revenons un peu sur la «distanciation». Pas sociale, mais brechtienne – cet effet d’étrangeté produit sur le spectateur, visant à rompre le pacte de croyance en ce qu’il voit. Un exemple type a été donné le 20 mai, lorsqu’à l’occasion d’un conseil de Défense réuni à l’Elysée, le chef de l’Etat a poussé en faveur de la réouverture rapide – elle sera effective le 11 juin – du Puy du Fou, célèbre parc à thème médiévo-zemmourien de Vendée, fondé par une bonne relation d’Emmanuel Macron, Philippe de Villiers.
Voici alors que les acteurs de la culture, et en particulier les directeurs des grands festivals sommés d’annuler leurs événements jusque mi-juillet, échangèrent des regards incrédules pour savoir si, mortecouille, cela relevait ou non de l’hallucination. Aurélie Filippetti leur a confirmé qu’ils avaient bien compris le coup de théâtre : il s’agit bien, selon l’ex-ministre de la Culture sur les réseaux sociaux, d’un «passe-droit monstrueux». «On ferme le festival d’Avignon mais cet individu d’extrême droite pourra continuer à faire l’apologie de son révisionnisme historique. Copinage relevant de la trahison la plus totale des idéaux républicains. La devise de la République c’est « liberté égalité fraternité ».»

Quelque temps avant la création de cette devise, les royalistes étaient engagés dans la sanglante guerre de Vendée. Est-ce par sympathie monarchiste qu’Emmanuel Macron dépose aujourd’hui cette offrande aux pieds du Disneyland de la droite identitaire ? Ou, plus prosaïquement, pour adresser un gros «fuck» à tous ces snobinards du théâtre public en même temps qu’une pichenette sur l’oreille de son Premier ministre, Edouard Philippe, puisque ce dernier préférait, paraît-il, temporiser l’annonce ?
Nous voilà en tout cas propulsés, comme jadis Jean Reno et Christian Clavier dans le blockbuster gaulois les Visiteurs, en un autre temps, dont on ne sait encore s’il correspond au «monde d’après» ou plutôt au monde de bien, bien avant – soit cette époque d’il y a plusieurs siècles où les privilèges étaient vraiment «okay».
Alors que l’ensemble du secteur culturel pourrait sombrer dans une précarité border Jacquouille-la-Fripouille, on en viendrait à croire que les personnages du film de Jean-Marie Poiré n’inspirent plus seulement l’esthétique du parc à thème vendéen mais aussi la politique du chef de l’Etat.

Ève Beauvallet

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