Des femmes interdites de stades …

Sahar Khodayari est morte ce 9 septembre 2019 après s’être immolée devant le tribunal de Téhéran, en Iran. Elle avait été arrêtée pour avoir voulu entrer dans le stade de football du Esteghlal FC. Le décès de la jeune femme est devenu pour beaucoup, le symbole d’un combat qui fait de l’Iran un des derniers pays au monde à refuser l’accès de ses femmes aux stades …

Iran : ces femmes qui bravent l'interdit et veulent assister à des matchs de football

Arrêtée en Iran pour avoir assisté à un match de football, Sahar Khodayari s'est immolée par le feu. Un suicide qui a bouleversé le monde entier. Zeinab a été une des premières Iraniennes à braver l'interdit et pour rentrer dans un stade. Aujourd'hui elle a quitté son pays. Elle raconte.

Publiée par Brut sur Vendredi 13 septembre 2019

Iran : interdites de stade, les femmes veulent plus de libertés

En Iran, une tragédie a suscité l’indignation à travers le monde. Sahar Khodayari, une jeune femme de 29 ans est décédée dans un hôpital de Téhéran après s’être immolée. Elle craignait de se faire condamner pour une activité considérée comme un crime par les autorités iranienne: regarder du football.

Cette fan de foot s’était déguisée en homme pour essayer de contourner l’interdiction mise en place peu de temps après la révolution islamique de 1979 . Les femmes iraniennes ne peuvent pas accéder aux stades lors des événements sportifs masculin

Une interdiction pas inscrite dans la loi

Pourquoi les femmes ne sont-elles toujours pas autorisées à assister aux matchs de foot alors que cette interdiction n’est pas inscrite dans la loi ? Parmi les 290 membres du parlement, 17 sont des femmes. L’une d’entre elles, Tayebeh Siavashi, donne son explication : « les femmes et les hommes vont ensemble au cinéma, au théâtre, à des concerts ou à d’autres événements publics. On regarde, on participe… Il n’y a pas de ségrégation et aucun problème ne surgit. Mais les autorités expliquent que pour le sport, elles ne peuvent pas anticiper ce qui pourrait se produire à cause de l’excitation que cela entraîne« .

Selon la membre du Parlement, Tayebeh Siavashi, le problème serait plutôt la façon dont les autres pays interprètent la situation.

« Je ne comprends vraiment pas l’inquiétude des pays étrangers à propos de l’Iran. Cela a un effet néfaste sur la société iranienne et les femmes du pays. Les interférences étrangères par rapport à la question des femmes est dangereuse. Tant que la société iranienne ne parviendra pas à un accord, rien ne changera pour les questions comme le hidjab ou les stades. Il y a des problématiques culturelles qui ne peuvent pas être réglées par les pays étrangers. Je pense que si les choses changent, cela se fera de l’intérieur« .

Mais comment le changement pourrait-il venir de l’intérieur alors que cette volonté peut justement mettre les femmes en danger ? Ne pas porter le hidjab est une infraction et protester contre cela peut vous envoyer en prison.

Une histoire que Yalda Moayeri connait trop bien. Ses photographies dépeignent l’Iran de tous les jours. Elle nous a demandé de ne pas diffuser certaines images par crainte de représailles de la part des autorités iraniennes. Malgré la pression, elle pense avec espoir que les femmes iraniennes auront un rôle à jouer dans les décennies à venir.

 » Je peux dire que le pouvoir des femmes s’est accru à partir du moment où elles ont fait partie de la classe éduquée de la société. En dépit de toutes leurs limitations et privations, elles vont de l’avant, elles les surmontent malgré les nombreuses difficultés. Elles vont certainement jouer un rôle notable dans l’avenir de l’Iran » explique la photographe Yalda Moayeri.

Quel rôle pour les femmes à l’avenir ?

Mais tout le monde en Iran n’est pas aussi optimiste. Une femme que nous avons rencontré dans un skatepark nous confie que même faire du vélo peut lui causer des problèmes. Quand on lui demande si la mort de Sahar Khodayari pourrait entraîner un changement au delà des stades de foot, elle répond par la négative.

 » Elle sera oubliée, ils diront que c’était de sa faute, qu’elle avait un problème. Je sens que son dossier va être clos. La pauvre fille, elle voulait seulement regarder un match de foot… Ils l’ont empêchée. Comme des milliers d’autres personnes, elle a été tuée et il n’y aura pas de suite et rien de changera ».

A quoi ressemblera l’Iran si les femmes obtiennent ce qu’elles souhaitent ? Certains dans le pays ne veulent pas connaitre la réponse. D’autres au contraire espèrent que les choses vont changer et pensent qu’elles seront être actrices de ce changement.


Indignation après le suicide d’une Iranienne, poursuivie pour avoir assisté à un match

Une bannière "Laissez les femmes entrer dans les stades" lors du match amical Suède-Iran (2015).
Une bannière « Laissez les femmes entrer dans les stades » lors du match amical Suède-Iran (2015). Jonathan Nackstrand, AFP

Sahar Khodayari s’est immolée, lundi, par le feu devant le tribunal de Téhéran, où elle devait être jugée pour avoir assisté à un match de football. Avec #BlueGirl, les internautes lui rendent hommage et demandent à l’Iran de revoir sa politique.

Une Iranienne est décédée, lundi 9 septembre, après s’être immolée par le feu devant le tribunal de Téhéran une semaine auparavant. La jeune femme de 29 ans risquait six mois de prison pour avoir voulu assister à un match de football, un loisir toujours interdit aux femmes en Iran.

Tout commence le 12 mars, quand Sahar Khodayari se grime en homme afin de passer les portes du stade de Téhéran pour voir le match de son équipe préférée, l’Esteghlal Téhéran Football Club. Repérée par les autorités, elle est arrêtée, puis passe trois jours en prison avant d’être libérée sous caution. La semaine dernière, elle se présentait au tribunal de Téhéran afin d’être jugée. Elle aurait entendu quelqu’un déclarer qu’elle encourait entre six mois et deux ans de prison, et serait alors sortie devant le bâtiment pour s’immoler par le feu.

Le site du ministère de la Justice, Mizan Online, a indiqué de son côté qu’aucune sentence n’avait été prononcée et qu’il n’y avait même pas eu de procès. Depuis l’annonce de sa mort, l’indignation se répand sur les réseaux sociaux. Sous le hashtag #BlueGirl, en référence à la couleur du maillot de l’Esteghlal Téhéran Football Club, de nombreux internautes et clubs sportifs ont rendu hommage à la jeune femme, et appelé l’Iran à changer sa politique à ce sujet.
Alimi Karimi, ancienne star du football iranien, a appelé ses 4,5 millions d’abonnés sur Instagram à boycotter les stades jusqu’à nouvel ordre. « Les femmes de notre Terre sont meilleures que les hommes », écrit-il en légende de sa photo.

De son côté, la Fédération internationale de football (Fifa) a accru ses pressions sur le pays, pour qu’il autorise les femmes à assister aux rencontres de qualifications pour la Coupe du monde 2022. L’Iran avait jusqu’au 31 août pour se plier à ces règles, sous peine de conséquences. Le ministère des Sports avait indiqué le 25 août que les supportrices seraient autorisées à assister le 10 octobre à un match de qualification entre l’Iran et le Cambodge.

Depuis la Révolution islamique de 1979, les femmes ne sont pas admises dans les stades de football, les responsables religieux arguant qu’elles doivent être protégées de « l’atmosphère masculine » et de la « vue d’hommes à moitié dévêtus ». Et même si aucune loi ne l’indique, dans les faits, la police les empêche d’entrer « pour des raisons de sécurité ». Durant la Coupe du monde 2018, l’interdiction avait exceptionnellement été levée notamment à Téhéran, où les matches de l’Iran étaient diffusés en streaming dans les stades.

Sahar Khodayari n’était pas la première Iranienne à tenter de franchir les portes d’un stade : en mai 2016, Shakiba devenait la coqueluche de l’équipe de Persépolis en assistant à un match de l’équipe. Elle aussi s’était déguisée en homme pour passer la sécurité présente à l’entrée.

La justice iranienne va enquêter sur le décès de Sahar Khodayari, sur demande de la vice-présidente Masoumeh Ebtekar, qui a adressé une lettre au chef du pouvoir judiciaire, selon l’agence de presse officielle Irna.


« Football féminin en Iran – Football sous surveillance »
Un documentaire de 52′ réalisé en 2006 par Arte

Téhéran, avril 2006.
Sur un terrain de football de terre sans lignes de démarcation, coincé entre une route et de hauts immeubles, une jeune fille voilée joue au football, seule. Courses balle au pied, petits jongles, tirs en direction d’une cage aux montants rouillés. Dans son souffle, le vent charrie des nuages de poussière qui bientôt enveloppent complètement la joueuse et nous la cachent…
L’équipe nationale iranienne de football féminin, qui jusqu’ici n’avait le droit de jouer qu’en salle, loin du regard des hommes, va disputer son premier match contre une équipe étrangère, celle de Berlin-Kreuzberg. Un an de préparatifs. Confrontées tous les jours à de nouvelles difficultés, les filles ne renoncent pas.

Ça s’est passé depuis …

Iran : des femmes à nouveau autorisées à se rendre dans un stade de foot

Suite aux pressions de la FIFA sur l’Iran, quelque 3.500 supportrices devraient assister ce jeudi 10 octobre 2019, à Téhéran au match de qualification pour le Mondial-2022 face au Cambodge. Une première en Iran depuis près de 40 ans. Les supportrices seront néanmoins assignées à une tribune différentes de celles des supporters. Ce changement survient après la mort tragique en septembre d’une jeune femme, qui s’était immolée par le feu après avoir cru, selon la presse locale, qu’elle allait être condamnée à de la prison ferme pour avoir tenté d’entrer dans un stade.

Un article de Sébastien Duhamel paru le 10 oct 2019, comprenant  une vidéo de 1′ 32″ à voir par ici …