Je m’interroge …

Lundi 12 novembre 2018 :  « Je m’interroge… » En ces temps troubles et au lendemain de cette phrase d’Emmanuel Macron, Eric Goubet délivre à PrendreParti.com ses interrogations : des mots crieurs, rageurs, des mots qu’on imagine frappés sur le pavé avec le talent, la hargne et les convictions qu’on lui connait  …

« Je m’interroge …
Je m’interroge sur ces dérapages verbaux contrôlés par nos élites politiques qui se suivent et s’intensifient d’années en années .
Je m’interroge, non pas pour comprendre cette « excessivité » de langage qui n’a d’autre but que de récolter des bulletins de l’obscur à l’odeur nauséabonde de la peste brune, mais plutôt sur leurs conséquences. J’ose (encore) imaginer qu’il reste un soupçon de mémoire et d’humanisme chez nos élites pour savoir ce que l’inconséquence de tels propos peut engendrer.
Ça a commencé avec le bruit et l’odeur pour mieux diviser les différences culturelles. Puis les gens d’en bas et ceux du haut pour bien différencier ceux qui ne comprennent rien et ceux qui gèrent notre incompréhension du monde. Ça s’est prolongé avec les sans dents pour se lier ensuite avec le pognon de dingue que ça coûte. Et ça continue avec ceux qui ne sont rien et ceux qui réussissent …

 Et c’est ainsi, dans un coin perdu de moi-même, que je tentais de résister, il y a quelques mois, à ces derniers propos du Président de la république française.

Oui, Monsieur le Président, il y a ceux qui ne sont rien et ceux qui réussissent
Il y a ceux qui ont réussi et qui ne sont plus rien
Il y a ceux à qui l’on fait croire qu’ils réussissent pour mieux les asservir au rien
Il y a ceux qui n’ont jamais été et qui ne seront jamais

Il y a ceux qui ne sont rien et qui s’en foutent (on les envie)
Il y a ceux qui ne sont rien mais qui continuent à rêver (eux aussi, on les envie)
Il y a ceux qui sont fatigués d’être rien

Il y a ceux qui sont fatigués de réussir avec la peur de n’être rien
Il y a ceux qui sont fatigués que rien n’arrive
Il y a ceux qui sont fatigués que tout arrive et que seul subsiste le rien

Il y a ceux qui souhaitent partir avant que le rien n’arrive
Il y a ceux qui souhaitent partir parce que rien ne les invite à rester
Il y a ceux qui, même avec un costume pour traverser la rue, ne trouvent rien

Et il y ceux qui, fatigués d’être considérés nuisibles, puisque rien, acceptent l’invitation ultime… du plus rien…

Monsieur le Président, à celles et ceux qui vous interpellent pour vous faire part de leur désespoir, vous leur demandez néanmoins le respect de la fonction présidentielle. Oui, vous avez raison ! En tant que républicains démocrates, nous avons le devoir de saluer votre fonction et tous les corps d’État. Mais, en ces temps mémoriels où l’on commémore les 9,9 millions de morts, sacrifiés par l’entêtement absurde des généraux de l’époque, on doit aussi se souvenir de ces femmes et hommes qui ont choisi en 1940 la désobéissance civile pour s’opposer à un maréchal de la Première Guerre devenu complice de la deuxième et de la barbarie nazie. Celui-là même que vous avez souhaité associer à l’hommage national.

Monsieur le Président, je fais partie des « riens » qui jamais n’insulteront la fonction présidentielle, et qui toujours, respecteront l’État républicain. Je me permettrais cependant de questionner l’homme pour qui j’ai voté. Êtes-vous conscient que vos propos ne font que détruire et anéantir toute espérance d’un Nouveau Monde ? Êtes-vous conscient qu’à peine 30% de la population est en capacité de se projeter vers Votre Nouveau Monde ? Et si oui, que faites-vous des 70 autres %…? Un autre sacrifice ? »

Éric Goubet
12 novembre 2018


En savoir plus sur Eric Goubet :

Eric GOUBET Compositeur et metteur en scène, il associe la pensée humaine, le témoignage de l’individu et sa mémoire gestuelle et sonore pour imposer la poésie industrielle et les mots d’auteurs dans les arts de la rue. Avec les compagnies les Tambours du Bronx, Metalovoice, Transmemoria, il expérimente toutes formes d’expression : musique et percussions, textes, lumière, pyrotechnie, vidéo et jeu d’acteur, …
Après une longue collaboration artistique avec les écoles de cirque (Cnac Châlons-en-Champagne, Enacr Rosny-sous-Bois), il écrit en 2002 Le cirque en mouvement. Il dirige l’Ecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois de 2014 à 2016.

 

La Cie Transmemoria au FAR de Morlaix 2006 : un entretien réalisé par Aurélien Marteaux  

 

 

 

Avec la Cie Métalovoice aux Jeudis du Port de Brest  1995, lors de la Première de « Do hit » .