Gérald Bronner inaugure un cycle de conférences gratuit pour prémunir contre la Désinformation en Sorbonne
Un article signé Yaël Hirsch dans Cult News du 05.02.2025 …
C’est donc à la Sorbonne dans l’amphithéâtre Richelieu, que le sociologue Gérald Bronner, Professeur à Sorbonne Université, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie nationale de médecine, avait donné rendez-vous aux citoyenn.e.s de bonne volonté désireux.ses de bien s’informer.
Un premier cours qui fait avec lucidité l’état des lieux
L’auteur de la Démocracie des crédules (2012) et de Apocalypse Cognitive (2021) est donc parti de l’urgence de la situation actuelle : le portrait de Trump et Musk en goguette complice trônait sous les moulures de l’amphithéâtre Richelieu, sur un écran haut perché, où défilaient également des statistiques très sérieuses et sérieusement expliquées. À commencer par le rapport annuel des risques mondiaux du forum économique de Davos de 20255 où 1500 experts place en tête des risques à courts termes, bien devant ceux de guerres ou de catastrophes climatiques, celui de la désinformation (voir illustration). Alors qu’il partage depuis 2012 l’idée que la somme exponentielles d’informations disponibles pour toutes et tous n’annonce pas l’entrée attendue dans une société de la connaissance. Mais plutôt celle de la « démocratie des crédules », Bronner démontre élégamment que la maxime de Thomas Jefferson « la vérité peut se défendre toute seule » est fausse.
Vulgarisation de concepts clés
Il le prouve en armant son public de chiffres et de concepts clés : Sur les réseaux sociaux, 1 % des comptes génèrent à eux seuls 33 % du contenu, souvent marqué par une radicalité qui déforme le débat public. Tout n’est pas forcément faux dans cette radicalité, mais les ressorts de la psyché et de l’attention humaine face à la démultiplication de la somme et de la vitesse de circulation de l’information tendent à favoriser le vraisemblable sur le vrai. Gérald Bronner prend le temps de nous expliquer comment et pourquoi. On ressort du cours avec une manière savante de définir notre paresse : en l’appelant l’ « avarice cognitive » ou le lazy thinking, décrit par Brashier et Marsh, on a plus d’impact ! Mais lorsqu’on est capable de définir clairement la loi de Brandolini : « il faut beaucoup plus d’efforts et de temps pour réfuter une fausse information que pour la propager », on est carrément convaincant ! Avec un petit bonus quant à l’accélération des « fake news » complotiste en réaction à un phénomène (27 jours avant que le 11 septembre 2001 soit nié, 6 pour l’épidémie de Covid). Le sociologue nous a aussi endurci fasse aux syllogismes et raisonnements qui nourrissent les théories du complot : on sort du cours en maîtrisant l’hypothèse de Fermi et également la différence entre un lien de causalité VS un lien de corrélation. Et cela sert pour ne pas prendre les vessies pour des lanternes et bien trier et vérifier les variables qui sont utilisées pour démontrer certaines informations.
Un Ted Talk, en mieux !
Mais le grand plus de ce premier cours de Gérald Bronner, qui nous a promis en fin de cycles deux ateliers très pratiques de lutte contre la désinformation, c’est son format tenu d’une heure pile et le climat très chaleureux qui nous a réunis. Malgré et peut-être à cause de la gravité de ce thème sur lequel il lance des alertes depuis plus de 15 ans, Bronner nous a fait rire. Cela a commencé par le chouette accent canadien du réalisateur qui nous a demandé de figurer dans son documentaire dédié au sociologue, et cela s’est poursuivi avec des exemples allant de vifs à saugrenus sur ce qu’on peut nous faire croire. Avec un orateur entraîné comme pour une conférence Ted qui s’ancrerait dans la durée, une heure durant, nous sommes devenus une foule scientifique mais aussi sentimentale. Et l’on sait bien combien l’affect engrave en nous les réflexes : ici ceux de vérifier l’information. Ce qu’on ira faire en revoyant les vidéos quand elle sera en ligne en ayant accès sur youtube aux nombreuses sources citées par le sociologues.
En savoir plus
Cycle de conférences – Développer son esprit critique face au monde de la désinformation
Cycle de conférences proposé par Gérald Bronner, en partenariat avec la Fondation Descartes.
Un cycle de quatre conférences
Mardi 4 février à 19h
Ce premier séminaire aura pour but de préciser le périmètre de la situation actuelle. La crédulité a toujours existé, mais pourquoi prend-elle un tour si particulier dans un monde contemporain où, pourtant le niveau d’étude n’a jamais été aussi important et l’information aussi disponible ? La compréhension de cette situation permet de comprendre pourquoi il est devenu essentiel de faire du développement de l’esprit critique une grande cause collective.
Mardi 4 mars à 19h
Ce deuxième séminaire proposera aux participantes et participants de domestiquer leurs propres raisonnements intuitifs en voyant comment notre pensée est incarcérée dans des conditions qui nous empêchent de voir le monde objectivement. Il s’agira donc d’examiner les trois freins fondamentaux de la pensée rationnelle et de voir comment, si ce n’est s’en affranchir, du moins en prendre conscience pour amoindrir nos erreurs de jugement.
Mardi 1er avril à 19h
Ce troisième séminaire proposera d’explorer les rapports complexes que le désir et le raisonnement entretiennent. En d’autres termes : comment ne pas prendre ses désirs pour des réalités. Ce que la littérature nomme pensée motivée ou pensée désirante est l’un des principaux lests qui pèsent sur la possibilité de concevoir rationnellement le monde. Il s’agira de domestiquer cette contrainte fondamentale de la pensée humaine et de concevoir quelques exercices pratiques nous aidant à y parvenir.
Mardi 13 mai à 19h
Lors de cette ultime séance, le séminaire proposera d’examiner quelques-uns des biais les plus courants et célèbres qui pèsent sur notre jugement. Les connaître ne suffit pas à s’en défaire mais favorise la possibilité de minimiser l’empire qu’ils ont sur nous. Le cerveau humain est un outil formidable, mais il se trompe souvent et de façon prévisible. Ces pièges de notre esprit, que l’on nomme parfois des biais cognitifs constitueront l’objet de la conclusion de ce séminaire.