L’ancien secrétaire d’État et député Kofi Yamgnane a été victime d’une agression raciste le jeudi 20 juin, sur un quai de la gare Montparnasse, à Paris. « Toi, tu as intérêt à te préparer à rentrer chez toi, en Afrique « , lui a dit un homme, « On va vous foutre tous dehors. » Celles et ceux qui avaient participé à la campagne des Législatives de 1997 aux côtés de Kofi et de Dédé Le Gac, Maire de Plougastel ont conservé fièrement ce visuel …
« Je sens malheureusement qu’il se passe quelque chose de différent aujourd’hui et que les racistes se sentent libérés » vient de déclarer Kofi aux journalistes …
Binationaux : victime d’une agression raciste, Kofi Yamgnane s’indigne …
Dans une tribune adressée au Télégramme, Kofi Yamgnane, ancien ministre de François Mitterrand et ancien maire de Saint-Coulitz (29) fait part de son « indignation après l’annonce par le RN d’une interdiction d’emplois liés à la défense et à la sécurité pour les binationaux ». Un article signé Olivier Desveaux dans Le Télégramme du
« Je suis binational, écrit-il, et cette annonce me rappelle le statut des juifs mis en place en 1940 par le régime de Pétain ». Vivant aujourd’hui à Concarneau (29), il rappelle qu’en tant que franco-togolais, il a consacré « plusieurs années de (sa) vie à la DDE du Finistère, à construire les ponts de Bretagne dans le cadre du plan routier breton, puis comme maire de Saint-Coulitz, conseiller général du Finistère, conseiller régional de Bretagne, député de la Nation et ministre de la République ». Il n’a toutefois pas déposé plainte.
Mélanie Thomin apporte son soutien à Kofi Yamgnane, victime de propos racistes
La députée sortante de la sixième circonscription du Finistère, Mélanie Thomin, apporte son soutien à l’ancien maire de Saint-Coulitz et ancien ministre de François Mitterrand, Kofi Yamgnane, victime d’une attaque raciste, jeudi 20 juin, à Paris.
« Je condamne fermement les propos racistes dont a été victime Kofi Yamgnane, jeudi dernier, à Paris », déclare, dans un communiqué de presse, la députée sortante de la circonscription Châteaulin-Carhaix, Mélanie Thomin.
« Il est la fierté de la Bretagne »
Maire de Saint-Coulitz entre 1989 et 2001, ancien ministre de François Mitterrand et ancien député de la 6e circonscription du Finistère, Kofi Yamgnane, a été victime de propos racistes à Paris, jeudi 20 juin, sur un quai de la gare Montparnasse. Pour Mélanie Thomin, « Kofi, franco-togolais, est un symbole de la République qui accueille et qui émancipe. Il est la fierté de la Bretagne tout entière, en particulier de la Bretagne rurale qui a fait de lui un élu respecté ».
Le témoignage émouvant d’André Le Gac 27 ans après …
Le Comité de soutien au Nouveau Front Populaire a utilisé le fond de notre affiche, Kofi et moi, des législatives de 1997 . Election gagnante pour la Gaucher Plurielle comme on disait alors. Cette indestructible poignée de main nous l'avions voulue symbolique de la Fraternité et de l'Égalité entre les êtres humains. Mon père, pas de Gauche pourtant,l'avait trouvée " très bien, on dirait ADJUGÉ, GRET 'EO " . Honneur aux artistes, créateurs, à toutes celles et ceux qui vivent mal, souffrent, mangent mal,dorment mal ,...et qui doivent relever la tête pour bâtir un monde meilleur en votant pour Mélanie Thomin dimanche . " Ceux qui croyaient au ciel Ceux qui n'y croyaient pas .... Quand les blés sont sous la grêle fou qui fait le délicat fou qui isonge à ses querelles Au coeur du commun combat ...." J'y ajouterai le poème de Bobby Sands " The lark/l'Alouette " chant de liberté et d'espoir écrit en prison à Belfast. A greiz kalon ganeoc'h/ De tout coeur - et en chœur - avec vous . Aux urnes, " El pueblo, unido .... POKOU deoc'h toud,/ Bises à vous tous. Dédé Le Gac (et Kofi bien sûr !) .................................... En 1997 , dans nos réunions publiques nous citions les combats de Nelson Mandela, de Martin Luther King ,de Myriam Makeba et Angela Davis , Gandhi aussi et Guy Mocquet et ceux de l'Affiche Rouge, et terminions souvent par " La rose et le réséda" de Louis Aragon.(ci-dessus)
Racisme en politique : « Cette place est réservée à un Blanc », témoigne Kofi Yamgnane
Quand on est noir et que l’on s’engage en politique en France métropolitaine , il faut s’attendre aux insultes, aux menaces … Extrait d’un article publié le
La Bretagne vue par Kofi Yamgnane : « C’est la Bretagne qui m’a fait, je lui dois tout »
Quand on a demandé à Kofi Yamgnane de nous confier son coin de Bretagne préféré, c’est sans hésiter dans le Finistère qu’il nous a emmenés. Sur la presqu’île de Crozon, à la Pointe de Pen Hir. « Un endroit où la mer gronde et où l’on voit les larmes des morts« , dit-il.
« Mon ethnie, c’est la Bretagne, ma tribu, c’est le Finistère, mon clan, c’est ma famille« .Il s’appelle Kofi Yamgnane. Il est né et a grandi au Togo avant d’arriver en Bretagne dans les années 60. Il est le premier maire noir de France métropolitaine. Il a été élu en 1989, à Saint-Coulitz dans le Finistère.
Deux ans plus tard, il est nommé secrétaire d’État à l’Intégration de François Mitterrand.
La pointe de Pen Hir, un endroit où l’on voit « les larmes des morts »
Il nous fait découvrir la pointe de Pen Hir, à Camaret, dans le Finistère. Il aime se ressourcer devant « ces rochers déchiquetés » qui s’appellent les Tas de Pois.
L’exil de Kofi Yamgnane en Bretagne est heureux, même si le Togo lui manque. « Je n’ai jamais été initié dans mon pays, je suis parti à l’école avant (..) Quand je me pose ces questions et que je suis mal, je viens ici sur la presqu’île, je retrouve la sérénité« .
Dans la région, il incarne le visage d’une intégration réussie, peut-être plus facile que d’autres.
Je suis chrétien, je suis baptisé, je suis marié avec une Bretonne, une fille de la Forêt Fouesnant, explique-t-il, je suis ingénieur diplômé de l’Ecole des Mines, c’est pas n’importe quoi, je suis sûr que si j’avais été étripeur de poulets chez Doux, si j’avais été musulman, si ma femme avait été arménienne ou américaine, j »aurais peut-être eu plus de mal à m’intégrer dans ce pays. Mais le sens de l’accueil est lié à la Bretagne, c’est singulièrement, la Bretagne qui est une terre d’accueil
Loin de sa famille togolaise, les amis comptent beaucoup
Kofi Yamgnane nous emmène chez Pierre Grall. Le Finistérien lui a ouvert les bras quand il s’est installé avec sa famille du côté de Châteaulin. Une amitié qui dure depuis 47 ans.
Tous deux sont des amis, comme des frères. Ils sont socialistes, ils se sont trouvés dans le combat politique. Pierre Grall, le prof d’histoire a suivi la carrière de son copain et a aussi partagé quelques bons moments avec lui et sa famille
Aujourd’hui, Kofi Yamgnane est retiré de la vie politique. Il suit avec intérêt l’actualité en France et dans le monde. Après la mort de Georges Floyd aux Etats Unis, il a pris la parole pour apaiser.
Il ne perd jamais une occasion de partager son expérience, de dire sa chance d’avoir posé ses valises en Bretagne
Je suis persuadé que ce qui m’est arrivé en France, ne me serait pas arrivé ailleurs en France qu’en Bretagne. je n’aurais pas été élu ni à Perpignan ni à Marseille, ni à Paris. Kofi Yamgnane
Et ne lui dites pas qu’il a apporté beaucoup à la Bretagne, il vous répondra, c’est elle qui m’a fait, je lui dois tout.
A lire en complément : « Mémoires d’outre-haine »
« Mémoires d’outre-haine » : le « Musée des horreurs » de Kofi Yamgnane
Premier maire noir en France métropolitaine, Kofi Yamgnane revient sur cette élection à la tête de Saint-Coulitz (29), en 1989. Un retour à travers un livre « Mémoires d’outre-haine » (1), inspiré des centaines de lettres d’injures racistes qu’il avait reçues et conservées dans son « Musée des horreurs ».
Pourquoi ce livre et ce titre « Mémoires d’outre-haine » ?
Je voulais raconter l’histoire que j’ai vécue quand j’ai été élu maire (2). J’ai alors reçu ces courriers dont la teneur était généralement « Sale négro, remonte dans tes arbres et rentre chez toi ». Si j’ai gardé ces lettres dans ce que j’ai baptisé « Le musée des horreurs », c’est que je voulais répondre à chacun des auteurs, mais ils n’ont pas laissé d’adresse. Ce livre est donc la réponse unique à toutes ces lettres (entre 500 et un millier). Et si le livre s’intitule « Mémoires d’outre-haine », c’est que l’outre-haine va au-delà de la haine et c’est inhumain d’avoir été traité comme je l’ai été.
« Guenon », « Kofi Miam », « C’est pas la peine que tu te laves, tu ne seras jamais blanc »… Quelle est l’insulte qui vous a le plus blessé ?
Elle provient d’une personne qui a pris un papier où elle a écrit « Sale négro, remontes dans tes arbres, mon caca pour éclaircir votre peau ». Elle est ainsi allée aux toilettes où elle s’est essuyée avec cette feuille qu’elle m’a adressée. Je me suis demandé ce que cela voulait dire. Qu’est ce qui lui permet de dire que je suis moins beau que son caca ? Je ne comprends pas.
Avez-vous eu peur de toutes ces menaces ?
Oui, car les gens de Saint-Coulitz, qui étaient dans l’annuaire, ont reçu des lettres où il était écrit : « Les Bretons sont-ils à ce point tarés, dégénérés, alcooliques pour ne trouver qu’un nègre à élire ? ». J’ai ensuite reçu une série de courriers avec ce message : « On vous a dit de partir mais vous n’avez pas compris. On va donc mettre en broche vos négrillons et votre truie doit aimer ça ». J’ai eu peur et j’ai dit à mon épouse : « Là, ça suffit ».
C’est justement votre épouse qui vous a incité à ne pas jeter l’éponge ?
C’est vrai. Elle m’a ainsi dit : « Dis-toi qu’il y a aussi tous ces gens qui t’écrivent pour te soutenir, te féliciter et aussi pour espérer. Il n’est pas question que tu donnes raison à ceux qui t’insultent ».
« Les Bretons sont ancrés sur leur granite d’où ils n’ont peur de personne ».
Vous avez donc aussi reçu des messages de sympathie ?
Oui, beaucoup, dont certains étaient à pleurer. Je me souviens notamment de celui d’un missionnaire, perdu dans un tout petit village perché dans une montagne d’Inde. Il m’avait écrit : « Je suis breton et je viens d’apprendre que vous êtes élu dans un village de mon pays. Je suis fier de mes frères ».
À votre avis, pourquoi, en France métropolitaine, les Bretons ont été les premiers à élire un maire noir ?
Je suis arrivé dans une région où cela va de soi, car les Bretons sont ancrés sur leur granite d’où ils n’ont peur de personne. Ils ont aussi une culture, une langue et ils voyagent beaucoup et souvent loin, voire très loin.
En quoi votre élection a pu changer les choses ?
Mon élection n’a pas changé beaucoup de choses. La preuve, c’est qu’il n’y a aujourd’hui qu’un seul maire noir en France métropolitaine. Il s’agit de Simon Worou, à Saint-Juliette-Sur-Viaur, en Aveyron. J’ai donc échoué dans ma tentative de la réconciliation entre les hommes. Très naïvement, j’ai cru qu’aux élections municipales de 1995 à Marseille, il y aurait un maire noir, arabe ou turc car il y en a plein dans cette ville.
Quel bilan tirez-vous de votre passage au secrétariat d’État à l’Intégration ?
Un sentiment d’impuissance. Quand vous êtes au gouvernement, les gens pensent que vous avez le pouvoir. Moi, je l’ai cherché partout et je l’ai trouvé nulle part. Dans la réalité, c’est la haute fonction publique qui détient le pouvoir et non pas les ministres.
Quel souvenir gardez-vous de François Mitterrand ?
Un homme impressionnant, non pas par sa taille, mais par son verbe et cette fonction de chef d’État qu’il incarnait si bien. Lui, il incarnait vraiment la France.
« L’avenir de l’humanité, c’est le métissage religieux, racial, idéologique… »
Votre plus belle rencontre ?
Nelson Mandela, en juin 1990. C’était comme si j’avais rencontré un dinosaure. C’était à l’hôtel de Lassay, la résidence principale du président de l’Assemblée nationale, où j’étais le seul noir. Il était venu directement vers moi pour me demander ce que je faisais là. Je lui ai alors expliqué que j’avais été élu maire d’un village en Bretagne.
Il m’a demandé : « Mais qu’est-ce que vous leur avez fait pour qu’ils votent pour vous ? ». Je lui ai répondu : « Rien, je me suis juste comporté normalement et ils ont compris que peut-être, je pouvais leur apporter quelque chose ».
Nelson Mandela s’est alors retourné vers ma femme et il lui a dit : « You’ve got a good man. Take care » (Vous avez un homme bien. Prenez-en soin). Mandela était un homme de paix. C’était un sage. Il avait eu 1 000 raisons de poursuivre les blancs mais il a préféré construire une nation arc-en-ciel.
Que faudrait-il faire pour lutter contre le racisme ?
Je crois que le racisme provient de ce que j’ai appelé l’ignorance. La lutte contre le racisme et l’ignorance passe donc par l’école. Il faut que celle-ci enseigne à toutes les générations à venir que l’humanité ne survivra que dans le métissage. L’avenir de l’humanité, c’est le métissage religieux, racial, idéologique… On n’arrivera jamais à rien si on ne se mélange pas car on sera obligé de se mélanger. Il faut donc mettre le paquet sur cette lutte contre l’ignorance. Il faut que les gens se cultivent. Regardez la Bretagne, c’est la région la plus cultivée de France…
1 « Mémoires d’outre-haine » par Kofi Yamgnane aux éditions Locus Solus. 22 €. L’auteur dédicacera son livre le 27 mars, de 9 h à 13 h, au Centre Leclerc de Châteaulin (29) ; le 3 avril, de 9 h à 13 h, au Centre Leclerc, du Relecq-Kerhuon (29) ; le 10 avril, de 10 h à 13 h, à la Maison de la Presse de Douarnenez (29).
2 Originaire du Togo et âgé aujourd’hui de 75 ans, Kofi Yamgnane (PS) a été maire de Saint-Coulitz de 1989 à 2001 ; conseiller général du Finistère, de 1994 à 2008 ; député, de 1997 à 2002 ; et secrétaire d’État aux Affaires sociales et à l’Intégration, de 1991 de 1993.