Simon Worou, le premier maire noir de l’Aveyron …

Quand on est noir et que l’on s’engage en politique en France, il faut s’attendre aux insultes, aux menaces … Simon Worou né à Lomé, au Togo vient d’être réélu maire de Sainte-Juliette-sur-Viaur avec 87% des voix. Mais un maire noir dans un petit village de la France métropolitaine, ça pose encore problème à certains… 25 ans auparavant, Kofi Yamgnane, lui aussi Togolais d’origine avait pu le constater dans la commune de St Coulitz dans le Finistère …

L’histoire de Simon Worou, le premier maire noir de l’Aveyron

publié par Brut France Télévisions le
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Le quadragénaire est né à Lomé, au Togo. Il a été élu maire de Sainte-Juliette-sur-Viaur pour la première fois en 2014, puis réélu en 2020. Mais dans ce village, il n’a pas été accepté facilement.

« J’ai eu des amis, des voisins, quand je n’étais que conseiller, ça allait, mais maire, ils ne l’ont pas supporté. Encore aujourd’hui. Ils ne pouvaient pas supporter que ce soit un Noir qui soit maire. » Simon Worou le constate : un maire noir dans un petit village français, ça pose encore problème à certains.

Il a servi dans l’armée française

À Sainte-Juliette-sur-Viaur, il a été réélu à 87 % aux élections municipales de 2020. Un score encore plus impressionnant qu’en 2014, où il avait été élu à 62 %. Simon Worou est né à Lomé, au Togo. Il a servi dans l’armée française avant de s’installer dans ce village aveyronnais de 600 habitants.

« On sentait quand même que l’Aveyron était à l’époque un peu habituée à d’autres populations, autres que celles d’ici. Mais ça restait comme à l’armée, certains, dans le regard, approuvaient, d’autres détestaient. Surtout quand on était deux ou trois quelque part. Il y avait un effet de peur« , se souvient l’élu.

« Souris parce qu’on te verra pas »

À l’époque, il fait plusieurs petits boulots, dont celui de videur de boîte de nuit pendant 10 ans. Les remarques racistes fusent. « Vous arrivez, la première phrase qui sort, c’est « ah tiens, on te voit pas arriver parce qu’il n’y a pas de lumière ». Ou quand il y a une photo à prendre, « souris parce qu’on te verra pas ». « Ah tiens, tu t’es habillé en noir », comme si en étant noir on ne peut pas s’habiller en noir. Ceux qui ont cette envie d’intégration ne disent rien… C’est une souffrance.« 

En 2000, il décide de s’inscrire au club de rugby de Cassagnes-Bégonhès, le village voisin. Le sport l’aide à s’intégrer beaucoup plus rapidement. « Les gens venaient me voir à la fin du match pour me féliciter. Ça amène le public vers soi, une sympathie, une valeur qu’il reconnaît. Les gens te connaissent, les gens te tolèrent. Les gens acceptent, les gens évoluent parce que tu es dans un jeu collectif et que tu joues pour un territoire.« 

Marié à une Aveyronnaise

Aujourd’hui, Simon Worou est marié à une Aveyronnaise, avec qui il a deux enfants. Une décision que sa belle-famille a mis du temps à accepter. « J’ai reçu un jour du courrier d’une de mes tantes, qui a résumé un peu en me disant « on n’aurait pas pensé un jour que tu fasses de notre fille ce qu’elle est devenue. Videur que tu étais, on avait peur. Aujourd’hui, cadre fonctionnaire que tu es, tu es maire, tu es la fierté de la famille » », se souvient le maire.


Simon Worou, né à Lomé, séminariste, militaire et maire de village français

Les grands-parents de sa femme n’avaient encore jamais vu un Noir quand il les rencontra en 1997 dans leur village du Sud de la France. Dix-sept ans plus tard, le Togolais Simon Worou y est le premier maire d’origine africaine du département français de l’Aveyron.


Racisme en politique : « Cette place est réservée à un Blanc », témoigne Kofi Yamgnane

Quand on est noir et que l’on s’engage en politique en France métroplitaine , il faut s’attendre aux insultes, aux menaces …

La Bretagne vue par Kofi Yamgnane : « C’est la Bretagne qui m’a fait, je lui dois tout »

Quand on a demandé à Kofi Yamgnane de nous confier son coin de Bretagne préféré, c’est sans hésiter dans le Finistère qu’il nous a emmenés. Sur la presqu’île de Crozon, à la Pointe de Pen Hir. « Un endroit où la mer gronde et où l’on voit les larmes des morts« , dit-il.

Kofi Yamgnane devant les Tas de Pois en presqu'île de Crozon : "Ici, je me sens apaiser"
Kofi Yamgnane devant les Tas de Pois en presqu’île de Crozon : « Ici, je me sens apaisé »© Sylvaine salliou

« Mon ethnie, c’est la Bretagne, ma tribu, c’est le Finistère, mon clan, c’est ma famille« .

Il s’appelle Kofi Yamgnane. Il est né et a grandi au Togo avant d’arriver en Bretagne dans les années 60. Il est le premier maire noir de France métropolitaine. Il a été élu en 1989, à Saint-Coulitz dans le Finistère. 

Deux ans plus tard, il est nommé secrétaire d’État à l’Intégration de François Mitterrand. 

La pointe de Pen Hir, un endroit où l’on voit « les larmes des morts »

Il nous fait découvrir la pointe de Pen Hir, à Camaret, dans le Finistère. Il aime se ressourcer devant « ces rochers déchiquetés » qui s’appellent les Tas de Pois.

L’exil de Kofi Yamgnane en Bretagne est heureux, même si le Togo lui manque. « Je n’ai jamais été initié dans mon pays, je suis parti à l’école avant (..) Quand je me pose ces questions et que je suis mal, je viens ici sur la presqu’île, je retrouve la sérénité« .

Kofi Yamgnane : « C’est la Bretagne qui m’a fait, je lui dois tout »

Dans la région, il incarne le visage d’une intégration réussie, peut-être plus facile que d’autres.

Je suis chrétien, je suis baptisé, je suis marié avec une Bretonne, une fille de la Forêt Fouesnant, explique-t-il, je suis ingénieur diplômé de l’Ecole des Mines, c’est pas n’importe quoi, je suis sûr que si j’avais été étripeur de poulets chez Doux, si j’avais été musulman, si ma femme avait été arménienne ou américaine, j »aurais peut-être eu plus de mal à m’intégrer dans ce pays. Mais le sens de l’accueil est lié à la Bretagne, c’est singulièrement, la Bretagne qui est une terre d’accueil

Kofi Yamgnane

Loin de sa famille togolaise, les amis comptent beaucoup

Kofi Yamgnane nous emmène chez Pierre Grall. Le Finistérien lui a ouvert les bras quand il s’est installé avec sa famille du côté de Châteaulin. Une amitié qui dure depuis 47 ans.

Tous deux sont des amis, comme des frères. Ils sont socialistes, ils se sont trouvés dans le combat politique. Pierre Grall, le prof d’histoire a suivi la carrière de son copain et a aussi partagé quelques bons moments avec lui et sa famille

Aujourd’hui, Kofi Yamgnane est retiré de la vie politique. Il suit avec intérêt l’actualité en France et dans le monde. Après la mort de Georges Floyd aux Etats Unis, il a pris la parole pour apaiser.

Il ne perd jamais une occasion de partager son expérience, de dire sa chance d’avoir posé ses valises en Bretagne

Je suis persuadé que ce qui m’est arrivé en France, ne me serait pas arrivé ailleurs en France qu’en Bretagne. je n’aurais pas été élu ni à Perpignan ni à Marseille, ni à Paris.

Kofi Yamgnane

Et ne lui dites pas qu’il a apporté beaucoup à la Bretagne, il vous répondra, c’est elle qui m’a fait, je lui dois tout. 


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Publié le | Le Point.fr