Hommage à Ben, artiste d’une écriture populaire et provocatrice …

Très tôt, il fait sortir l’art dans la rue, pour aller à la rencontre du public. Dans les années 1970,  l’artiste Benjamin Vautier, dit « Ben » se promène à Nice sur la promenade des Anglais, avec autour du cou, un panneau où on peut lire : « Regardez-moi, cela suffit ». Dans les années 90 , on retrouve ses punchlines tracées à l’encre blanche sur fond noir sur les trousses et agendas des collégiens . Retour sur le parcours d’un artiste de l’écriture populaire et provocatrice …

Un portrait de Ben réalisé pour FR3 en janvier 2019 par le magazine culturel « Renversant ». Une vidéo de 5’24 » …

A l’occasion de la grande exposition « Tout est art? » dédié à Ben au Musée Maillol dans le 7e arrondissement de Paris, en septembre 2016 … Mélangeant dérision, provocation et philosophie, pour Le Parisien, il revient sur les thèmes qui l’ont accompagné pendant toute sa vie d’artiste. Une vidéo de 3’38 » …

Ben, artiste agitateur, coquin et fier de l’être … A l’occasion de la même expo en 2016 au Musée Maillol, un retour sur sa carrière réalisé par France Info . Une vidéo de 2’04 » 


Ben, artiste de l’écriture, n’est plus …

Un article publié par Le Monde le 5 juin 2014 …

L’artiste français Benjamin Vautier, également connu sous le nom de « Ben », dans son atelier de Nice, en 2016.
L’artiste français Benjamin Vautier, également connu sous le nom de « Ben », dans son atelier de Nice, en 2016. CREATIVE COMMONS

C’était un artiste obsédé par les mots. L’artiste Benjamin Vautier, dit « Ben », est mort dans la nuit, a confirmé sa fille au Monde, mercredi 5 juin. Il était âgé de 88 ans. Son corps a été retrouvé à son domicile, à Nice, en milieu de matinée, selon Nice-Matin. Son épouse était morte peu auparavant. Les premiers éléments font état d’une plaie par arme à feu, selon le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli. Une enquête a été ouverte et devra déterminer les causes de sa mort.

Le maire de Nice, Christian Estrosi, s’est dit « bouleversé et inconsolable. Il laissera l’image d’un artiste formidable qui aura tant fait rayonner l’école de Nice. Ils sont réunis avec son épouse dont il était inséparable. Je pense à sa fille Eva ». « Le monde de la culture perd une légende », a écrit sur réseaux sociaux la ministre de la culture, Rachida Dati.

Renaud Muselier, président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, a salué un artiste qui a « fait rêver, grandir et réfléchir toute une génération de jeunes gens. (…) Son art lui a permis de voir grand. Reconnu de tous, en France et à l’international, il est toujours revenu dans le Sud, chez lui ! Notre région perd un de ses artistes ».

L’écriture ronde de Ben et ses phrases qui prêtent à s’interroger sur le monde et l’art ornent depuis des années toutes sortes de fournitures scolaires.

Né en 1935 à Naples, Ben est un artiste français d’origine suisse. Après la déclaration de la seconde guerre mondiale, en 1939, Ben et sa mère, irlandaise et occitane, multiplient les voyages : en Suisse, en Turquie, en Egypte, en Italie, pour s’installer enfin à Nice en 1949.

En 1955, Ben est âgé de 20 ans. Il vit à Nice et se retrouve libraire, papetier, disquaire. Il dessine et écrit des sortes de poèmes. Nice est alors la ville des futurs nouveaux réalistes, Yves Klein et Arman. Sur une photo, le jeune homme pose, un panneau suspendu à son cou. Il y est écrit en capitales : « L’art est inutile. » Ben, dès ses débuts, est animé à la fois par un désir paroxystique – être le plus grand artiste de son temps – et par la conviction qu’il vient trop tard, dans une époque profondément hostile à cette ambition.

« L’art doit être nouveau et apporter un choc »

Ses phrases, écrites dans une calligraphie un peu naïve, souvent en blanc sur fond noir, peuvent être des vérités, des commentaires (sur le monde, l’actualité), des scénarios, des invectives (au public, au monde de l’art), des constatations…

Rapidement, sa librairie devient un lieu de rencontres et d’expositions où se retrouvent les principaux membres de ce qui deviendra l’École de Nice. Proche d’Yves Klein et séduit par le Nouveau Réalisme, il est convaincu que « l’art doit être nouveau et apporter un choc ». Au début des années 1960, il rejoint le mouvement Fluxus, fondé sur l’héritage du groupe Dada, de Marcel Duchamp, d’Allan Kaprow et de John Cage, qui prône l’abolition de la frontière élitiste entre l’art et la vie et entre les différents champs artistiques. Entre 1960 et 1963, il développe la notion d’appropriation, qui estime que tout est art et que tout est possible en art.

En 1965, dans la mezzanine de son magasin, il crée une galerie de trois mètres sur trois intitulée « Ben doute de tout », qui accueille les créations de jeunes artistes « qui font du nouveau ». Le doute est un aspect fondamental de son œuvre, qui vise à interpeller, à interroger le passant.

Au début des années 1970, il achète une maison sur les hauteurs de Nice, dans laquelle il vivait encore, qui devient elle-même une œuvre d’art, recouverte de mots d’esprit et d’objets inspirants ou chargés d’humour.

La maison de l’artiste Benjamin Vautier, dit « Ben », dans le quartier de Saint-Pancrace, à Nice, en 2012.

Les œuvres de Ben sont présentes dans les plus grandes collections privées et publiques du monde, notamment le MoMA de New York, le Centre Pompidou de Paris, l’Art Gallery of New South Wales de Sydney, ou encore le Stedelijk Museum d’Amsterdam.

Source  : Le Monde


Ben, artiste de l’écriture populaire et provocateur …

Pour lui, tout était art. Il l’a toujours proclamé. Particulièrement connu pour ses écritures blanches sur fond noir … Un article rédigé par Neil Senot et  Valérie Oddos pour France TélévisionsPublié
L'artiste Ben en avril 2010 à Paris. (BERTRAND RINDOFF PETROFF / FRENCH SELECT)

« J’écris donc je suis », « question sans réponse ! » « réinventer le monde »… Ces courts textes tracés avec des lettres rondes sont connus bien au-delà du pays qui les a vus naître. Exposés au Moma de New York comme au Centre Pompidou à Paris, répliqués sur des stylos, des t-shirts et des trousses, ils ont fait de Ben un artiste incontournable et populaire.Ce décès survient peu après celui de sa femme.

Nice, l’enfance de l’art

D’origine suisse, Benjamin Vautier dit Ben est né à Naples en 1935, a vécu enfant à Izmir en Turquie et Alexandrie en Egypte avant d’arriver à 14 ans à Nice où il s’était depuis installé. Autodidacte, le jeune homme fait son apprentissage dans une librairie, en regardant des livres d’art, puis en croisant la route de grandes figues de la scène artistique contemporaine.

Au milieu des années 1950, la scène artistique niçoise est très vivante. Ben rencontre Yves Klein, Arman, Martial Raysse, avec qui il fonde alors l’école de Nice, une école constituée de façon géographique et pas stylistique.

"Le magasin de Ben" à Nice en 1958. (FRANCE 3 / Capture d'écran)

Le jeune artiste fait ses débuts en imitant ce qui se fait à l’époque mais cherche très vite à développer quelque chose de caractéristique, des œuvres qui lui soient propres. Il commence par dessiner et peindre des « bananes », formes phalliques simplifiées, et réalise, sous les encouragements d’Yves Klein, ses premières écritures.

À l’époque, Ben possède un « magasin », une boutique devenue mythique où il vendait des disques d’occasion pour gagner sa vie. Ce lieu est un rendez-vous artistique important où il s’expose et montre aussi d’autres artistes. Ses premières inscriptions sont présentées sur la façade.

Art, provocation et ironie

Une des grandes idées de Ben, dans la lignée des ready-made de Marcel Duchamp, est que « tout est art », une toile retournée, un cadre d’où l’œuvre a disparu. Il crée des sculptures avec ce qui traîne dans son atelier, pinceaux, rouleaux, objets divers.
Ben s’oppose à l’élitisme de l’art, veut que l’art se mêle à la vie. L’artiste a d’ailleurs fait de sa maison une œuvre d’art à part entière. Située sur les hauteurs de Nice, la bâtisse dans laquelle il a vécu jusqu’à la fin de sa vie est recouverte de ses créations.

La maison niçoise de l'artiste Ben en août 2020. (ARIE BOTBOL / HANS LUCAS)

À une époque, tous les soirs, Ben hurle pendant deux minutes dans son magasin, à 18h33. Car la performance est un aspect important de son travail : il fait sortir très tôt l’art dans la rue, pour aller à la rencontre du public. Dans les années 1970, Ben se promène sur la promenade des Anglais, arborant autour du cou un panneau où on peut lire : « Regardez-moi, cela suffit » : il se présentait alors lui-même comme une œuvre d’art.

Si son travail a parfois une dimension égocentrique, Ben est aussi un artiste du doute, réfléchissant à son œuvre et à soi. Au cours de sa longue carrière, il cherche en permanence des nouveautés, ne recule jamais devant la provocation et l’ironie. « L’art est inutile, rentrez chez vous » a-t-il écrit , toujours sur fond noir, en 1971.