C’est place du Palais-Royal à Paris, à deux pas du ministère de la Culture, qu’une trentaine de salariés du JDD a poursuivi vendredi 28 juillet la grève entamée il y a 36 jours. « C’est long ! Quand on a démarré, on ne pensait pas qu’on en serait encore là aujourd’hui », reconnaît la journaliste Emmanuelle Souffi. Elle et ses collègues s’opposent à la nomination à la tête de leur rédaction de Geoffroy Lejeune, marqué à l’extrême-droite. Pour les salariés mobilisés, ce combat va au-delà de leur propre journal, c’est « pour la liberté de la presse en général ».

« On mène ce combat avec le sentiment qu’il ne sera peut-être pas complètement vain, sans doute pour nous, mais peut-être pas pour toute la profession, poursuit Emmanuelle Souffi, désignée porte-parole du mouvement. Ce combat doit aussi être politique, mais avec un grand P. » 

Les salariés du journal peuvent compter sur plusieurs parlementaires venus afficher leur soutien lors de ce rassemblement, vendredi 28 juillet. Parmi eux, David Assouline, sénateur socialiste. Il est l’auteur d’une proposition de loi pour renforcer notamment le droit pour rédaction d’accepter ou non la nomination d’un directeur de la rédaction. « C’est à peu près la même chose qui se fait à l’Assemblée nationale. Là, on est en plein été et la session parlementaire est finie, mais une collaboration va se mettre en place pour faire avancer ce projet le plus vite possible. Et je pense qu’on peut trouver une majorité », explique le sénateur de Paris.

>> Geoffroy Lejeune à la tête du « JDD » : ce que contient la proposition de loi transpartisane pour « protéger la liberté éditoriale des médias »

Des Etats généraux de l’information vont aussi tenir à l’automne, comme l’a promis Emmanuel Macron. C’est une bonne idée selon David Assouline : « Je pense que ça peut aller dans le bon sens de chercher ensemble à trouver des solutions sur tous les problèmes que pose la liberté de l’information. Il n’y a pas que ça, il y a aussi les problèmes de concentration, etc. Il y a quand même, avec la gauche et les démocrates dans les deux assemblées, la possibilité de trouver un chemin pour répondre, au moins, sur cette question qui devrait faire consensus ». Une délégation de trois journalistes du JDD a eu rendez-vous vendredi 28 juillet, dans la matinée, au cabinet du ministère de la Culture. L’objectif était de faire pression sur le calendrier parlementaire pour éviter qu’une autre « affaire JDD » ne se produise.

 JDD : les actionnaires menacent-ils l’indépendance des rédactions ?

Outre le retrait de Geoffroy Lejeune, les journalistes du JDD demandent des garanties d’indépendance. Quels sont les droits des actionnaires sur la ligne éditoriale des médias qu’ils possèdent ? Quel cadre juridique garantit aujourd’hui l’indépendance des rédactions ?
L’avocat Benoît Huet répond aux questions de Quentin Laffay au micro de la matinale de France Culture du 26 juillet 2023 . Une vidéo de 11’40 ».

La grève est levée. Six semaines après le début du mouvement contre l’arrivée de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du dimanche (JDD), un accord a été conclu entre les syndicats représentatifs de Lagardère Media News, la société des journalistes (SDJ) et la direction « pour mettre fin à la crise traversée » par l’hebdomadaire, a annoncé mardi 1er août la SDJ. « Cette signature implique la levée de la grève votée depuis quarante jours par la rédaction », précisent les journalistes dans un communiqué.

La fin du mouvement a été approuvée par 94% de la rédaction (82 voix pour, 5 contre, 3 ne se prononcent pas). « Face à notre actionnaire, nous n’avons pas gagné », estiment-ils. Cette annonce intervient alors que Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, revue marquée à l’extrême droite, a officiellement pris ses fonctions à la tête du JDD mardi. « C’est dans une rédaction vide qu’il entrera. Des dizaines de journalistes refusent de travailler avec lui et devraient quitter le journal », poursuit le communiqué.

Retour du journal en kiosque prévu « mi-août »

« Dans les prochaines heures, nous serons confrontés à un dilemme douloureux : partir ou rester », ajoute la SDJ. « Partir, c’est dire adieu à un titre qui, pour beaucoup d’entre nous, était devenu une deuxième famille. Rester, c’est reprendre le travail dans une rédaction dénaturée. Dans tous les cas, ce sera un choix de combat », a-t-elle estimé.

L’accord définit « la mise en place de conditions d’accompagnement pour les journalistes qui souhaiteraient quitter la rédaction », selon Lagardère, propriétaire du journal. Le site du JDD doit reprendre son activité dès mardi. La version papier du journal reviendra dans les kiosques « à partir de mi-août », précise le groupe dans un communiqué.