À 73 ans, le funambule français Philippe Petit brille encore et toujours sur le fil. Sous les yeux de 300 personnes, il s’est produit le 23 mars dernier à Washington, sur un câble à 15 mètres du sol. Presque 50 ans après l’acte poétique et magique qui l’a fait connaître : entreprendre plusieurs allers-retours entre les tours du World Trade Center sur un câble suspendu à 417 mètres d’altitude …
Philippe Petit a encore la tête dans les étoiles. Dans une veste en queue-de-pie, l’artiste funambule français est perché là-haut, au-dessus d’un parterre de gala à Washington, marche sur le fil et, quelque part, pense à l’après, quand il sera arrivé de l’autre côté. Une vidéo de 1’41″…
Philippe Petit, encore et toujours sur le fil
Publié dans Le Point du . Source AFP
L’homme bourré d’énergie tient toujours dans sa poche une courte ficelle rouge. « Parfois, je m’arrête et je dis: +Ca serait bien de mettre un câble là+ », disait-il plus tôt à l’AFP en la tendant à bout de bras, son regard tourné vers le haut. « Cette petite corde, pour moi, elle m’aide à rêver à des traversées ». Toujours dans le vide, sans sécurité.
Jeudi soir, sous les yeux de 300 personnes, l’élégant acrobate évolue avec grâce sur son câble à 15 mètres du sol, jouant d’une scène exceptionnelle: le National Building Museum et son hall fastueux, immense.
M. Petit, de blanc vêtu, la houppette qui dépasse, s’assoie, s’allonge, prend son temps, multiplie les allers-retours. Sur le fil, il est chez lui.
Les jeux de lumières, Anat Cohen à la clarinette, Tal Mashiach à la guitare, la magie prend forme. Les regards sont tirés vers le ciel, vers ce petit homme qui dompte la peur pour cette soirée de levée de fonds dans la capitale des Etats-Unis, pays où il réside depuis des décennies.
« Vie de passion »
Mardi, en chemise orange et bretelles rouges, il fignolait son installation, ajustait son balancier. A un pas de l’ancrage du lourd câble, un épais carnet: ses centaines d’instructions détaillées et de croquis, des années de travail pour rendre cette installation possible ? et ce n’est pas la dernière.
« Je ne prendrai jamais ma retraite », affirme l’équilibriste aux cheveux blonds vénitiens. « J’ai dans mes manches plein de projets », stockés dans une boîte sous son lit, chez lui dans l’Etat de New York. « Il y a des lieux extraordinaires, des lieux naturels, des abysses, des canyons, des icebergs, et il y a aussi des +buildings+ incroyables. »
Dès l’enfance, « j’ai commencé à ne pas suivre le mouvement de l’autorité ». Il grimpe partout, sur les chaises de la cuisine, dans les arbres, apprivoise la verticalité, « et puis un beau jour, tout naturellement, j’ai mis une corde entre deux arbres ».
Un film, « The Walk » avec l’acteur Joseph Gordon-Levitt, et un documentaire (« Le Funambule », « Man on Wire »), racontent son épopée illégale dans le ciel de New York en 1974, sous les yeux écarquillés de la foule et des policiers.
Lassé d’être réduit à ces quelques minutes de son existence, il se projette toujours ailleurs, dans sa « vie de passion ». « Deux spectacles ne sont jamais les mêmes (…), c’est à chaque fois une aventure où j’apprends, où je découvre, » dit-il devant les poutres de bois, poulies et dynamomètre qui ont soutenu sa déambulation aérienne de jeudi soir.
Majesté
Et puis, dit-il comme un vieux sage, « avec mes 50-55 ans d’expérience, je suis plus en contrôle ». Une chose, peut-être, l’agace: la slackline, pratique récente issue du milieu montagnard où le câble de métal est remplacé par une sangle plate de quelques centimètres de large, tendue dans un jardin ou entre deux montagnes. « C’est un passe-temps pour les dimanches, c’est génial », lance-t-il, acerbe. « Cela n’a aucune élégance, aucun art, aucune pensée, aucune poésie, aucune humanité. » « C’est un super sport », poursuit-il, « un autre monde que celui de la majesté et de la beauté de jouer sa vie sur un fil ».
Jeudi soir, pour achever son spectacle, Philippe Petit a joué sa vie dans le noir, un fin rayon de lumière éclairant uniquement sa ligne au-dessus de la foule. Sur son balancier blanc, il porte huit longues bougies.
Philippe Petit traverse le World Trade Center …
Bande -annonce de THE WALK « Rêver Plus Haut », le film sur le funambule français Philippe Petit (2’27 »)
Philippe Petit : l’incroyable funambule qui traversa les Tours Jumelles sur un câble
Philippe Petit est un funambule français, qui effectua un des actes les plus insensés et les plus beaux que l’on puisse imaginer. En effet, ce dernier entreprit en 1974 plusieurs allers-retours entre les tours du World Trade Center sur un câble suspendu à 417 mètres d’altitude.
Philippe Petit : une vie de funambule
Philippe Petit est né en 1949 à Nemours. Dès son enfance, ce dernier s’intéresse aux arts du spectacle, comme la magie ou le jonglage. A 16 ans, il commence à se former comme funambule autodidacte. C’est ainsi que démarre une carrière d’artiste… Ou de vandale, dépendamment des points de vue.
En effet, Philippe aime déployer ses talents de manière illégale, ce qui lui vaut quelques arrestations. L’une des plus emblématiques étant après qu’il ait traversé les deux tours de Notre-Dame. Et ses initiatives étaient loin de plaire à tout le monde. Y compris à nous en France, où ses traversées illégales étaient parfois considérées comme du vandalisme
Mais qu’importe ! L’artiste s’apprête dès ses 18 ans à commettre ce qu’il appellera le « crime artistique du siècle ».
La traversée des Tour Jumelles
En 1968, alors qu’il est chez le dentiste, Philippe Petit tombe sur un article parlant de la construction des tours du World Trade Center. Dès ce moment, l’idée germe d’y tendre un câble et d’y effectuer une traversée. Démarre alors une préparation de 6 ans pour Philippe. Une préparation physique, technique et logistique…
Car on ne tend pas un câble entre les Tours Jumelles facilement, encore moins sans autorisation. A cela s’ajoutent des défis techniques, comme la gestion du câble alors qu’il est tendu à 417 mètres du sol sur 61 mètres de long. Car à cette hauteur, gérer le vent et le balancement des Tours n’est pas chose aisée.
C’est ainsi qu’après des années de préparations minutieuses, Philippe Petit s’élance le 7 août 1974 sur son câble. Démarrent alors 45 minutes de magie pour les New-yorkais matinaux. Le funambule effectuera 4 allers-retours sur son câble. Il en profitera pour danser, saluer la foule, ou même s’allonger sur le câble.
Après cette traversée ayant fait rêver bon nombre de passants, Philippe Petit est arrêté par la police. Pour un acte de cette gravité, il fut ainsi condamné à… Marcher sur un câble dans une fête pour enfants à Central Park.
Eh oui ! Le juge accepta en effet d’abandonner les charges, en échange d’un spectacle gratuit de la part du funambule. Une belle façon de saluer cette performance artistique.
« Ma criminalité est purement artistique. Si j’avais demandé l’autorisation et qu’on me l’avait refusée, j’aurais fait cette traversée quand même. Mais je n’y ai même pas songé. Pour moi, c’est une évidence : il n’y a pas besoin de permission quand on a envie de faire des choses belles. Il faut les faire, c’est tout. »
La postérité
L’exploit de Philippe Petit ne laissa évidemment pas Hollywood indifférent ! Ainsi, sortit en 2008 le documentaire Le Funambule, retraçant la vie et la traversée de Philippe Petit. Un film qui reçut d’ailleurs l’Oscar du meilleur film documentaire.
En 2015 sortit également l’excellent film The Walk, réalisé par Robert Zemeckis (Retour vers le Futur). Là encore, l’œuvre retrace la vie et le parcours sensationnel du funambule, cette fois-ci sous le prisme de la fiction. Un film dont le succès ne fut pas au rendez-vous, mais que l’on vous conseille vivement !
Cette traversée de 45 minutes reste encore aujourd’hui l’une des performances artistiques les plus audacieuses de tous les temps. Et malgré la disparition du World Trade Center, ce jour reste gravé dans l’histoire de New-York et des Tours Jumelles.