La rade de Brest et les risques de submersion marine …

Avec le dérèglement climatique, la ville de Brest finira-t-elle sous les eaux ? Malgré les prévisions alarmantes des experts, il y a peu de chance. Mais le risque est bien avéré pour certaines parties basses de la Métropole.  Le Quotidien Ouest-France vient d’éditer un dossier complet sur  la réalité du risque de submersion . A Brest, à quoi ressemblera le climat en 2050 ?

A quel point la ville de Brest est-elle exposée au risque de submersion marine ?

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La mer a déjà commencé à monter

VRAI. Brest peut se targuer d’être l’un des premiers sites au monde à avoir systématisé l’observation du niveau de la mer. On dispose aujourd’hui de 300 ans de données ! Le célèbre savant Pierre-Simon de Laplace qualifiait, en 1789, le port de Brest comme « l’un des plus favorables aux observations des marées », grâce à « sa position avancée dans la mer », et à l’étroitesse de l’entrée de sa rade qui atténue « les oscillations irrégulières des eaux de la mer ».
Le marégraphe installé dans l’arsenal, sous le pont de Recouvrance, est donc un précieux témoin du dérèglement climatique. Et les données sont déjà inquiétantes. Le niveau de la mer a augmenté d’environ 30
centimètres depuis 300 ans, dont 15 centimètres depuis 1990. On constate donc une nette accélération du phénomène.

La maison du marégraphe, dans le port militaire à Brest. Cette installation permet d’observer le niveau de l’eau depuis 300 ans. Le Shom est le plus ancien service hydrographie au monde. | ARCHIVES

Ce phénomène est imprévisible

VRAI ET FAUX. La mer va monter, c’est une certitude. Les experts du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) s’accordent à le dire. La cause ? La fonte des glaces aux pôles et le réchauffement des océans, qui dilate l’eau. Mais il est difficile de prédire précisément l’ampleur du phénomène, qui dépend de nos efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Le dernier rapport du Giec, publié en 2021, montre que le niveau des océans pourrait s’élever de 28 à 55 mm en 2100, selon un scénario très optimiste, et de 63 cm à 1 mètre si les émissions de GES continuent d’augmenter. À Brest, les cartographies du risque vont être revues en imaginant ce scénario de + 1 mètre.
À plus court terme, l’outil de Météo France Climadiag prédit une élévation de 14 à 30 cm du niveau de la mer au port de Brest d’ici à 2050.

La météo joue aussi

VRAI. C’est même un facteur déterminant. Les submersions marines sont des inondations temporaires de la zone côtière, déclenchées par des conditions météorologiques défavorables. La hausse du niveau de la mer aggravera le risque, naturellement. Mais le phénomène ne prendra une ampleur inquiétante que les jours de tempête. Par exemple : « Si le Shom (Service hydrographique et océanographique de la Marine) prévoit un coefficient de marée 110, qu’à cela s’ajoute une belle dépression météo – c’est-à-dire une pression atmosphérique très basse qui fait s’élever le niveau de la mer – et qu’il y a des vents forts : le risque de submersion est nettement aggravé », détaille Michel Aïdonidis, ancien directeur de la station Météo-France de Brest-Guipavas.

Les jours de grandes marées et de vents forts, le risque de submersion marine est décuplé. Ici, les vagues inondent la route en face du Spadium, à l’entrée du Relecq-Kerhuon. | DR

Il existe un fort risque humain à Brest

FAUX. Les cartographies du Pays de Brest montrent que les zones habitées sont peu ou pas exposées. Dans la métropole, le risque aléa submersion marine est identifié pour le port de commerce, le port militaire, Océanopolis, certaines zones du Relecq-Kerhuon (notamment en face de la plage du Moulin Blanc et de l’anse de Camfrout) et de Plougastel-Daoulas.

« Il y a peu d’enjeux humains, mais il existe un fort risque industriel », soulève Audrey Cousquer, chargée de mission Plan Climat au sein d’Ener’gence Pays de Brest. Elle cite le polder, où sont déchargés et stockés du gaz liquéfié, des produits liquides inflammables, des graines de colza, etc. « C’est une zone gagnée sur la mer, donc forcément fragile », ajoute-t-elle.

Le polder de Brest est un espace gagné sur la mer.

C’est l’une des zones basses exposées au risque de submersion marine. | ARCHIVES

Rien ne peut être fait

FAUX. L’aménagement du territoire peut s’adapter afin d’anticiper le risque, c’est d’ailleurs l’un des enjeux du Plan climat air énergie territorial (PCAET) de Brest. Pour les zones déjà construites exposées à la submersion, « il y a deux possibilités, détaille Audrey Cousquer. Les solutions fondées sur la nature : zones d’étalement de la marée, chenalage, etc., ou bien l’ouvrage lourd : renforcement des éperons, systèmes de pieux, rehaussements des quais, comme c’est déjà le cas dans la base navale ».

Surtout, l’élévation du niveau de la mer dépend des activités humaines, et peut être limitée par le respect des accords de Paris (maintenir la température en dessous de 2 °C)

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Canicule, inondations, submersion marine… À Brest, à quoi ressemblera le climat en 2050 ?

Avec le dérèglement climatique, à quoi faut-il s’attendre en 2050, à Brest ? Météo France a créé l’outil en ligne Climadiag pour consulter les projections climatiques et les risques naturels par ville, d’ici à la moitié du siècle. Dans la cité du Ponant, le risque de submersion et d’inondation est identifié.

Selon l’outil Climadiag crée par Météo France, le thermomètre pourrait grimper de 2,5 °C en moyenne à Brest d’ici à 2050. Les chaleurs caniculaires n’auront plus rien d’exceptionnel.
Selon l’outil Climadiag crée par Météo France, le thermomètre pourrait grimper de 2,5 °C en moyenne à Brest d’ici à 2050. Les chaleurs caniculaires n’auront plus rien d’exceptionnel. | OUEST-FRANCE
 

À quoi ressemblera le climat à Brest dans un quart de siècle ? Grâce à l’outil Climadiag, crée par Météo France, il est possible de visualiser les projections climatiques par commune, à horizon 2050. Cet outil « d’aide à la décision » vise notamment les collectivités locales, qui ont besoin de visualiser les conséquences du dérèglement climatique dans leur commune pour s’y préparer. Car, comme le rappelle Météo France : « L’urgence climatique est là. Pour agir, il est indispensable de connaître avec précision les évolutions climatiques auxquelles il faut s’adapter. »

Les projections climatiques pour Brest à horizon 2050, selon l’outil Climadiag. | INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE

Quels risques climatiques ?

Situé entre 0 et 103 m d’altitude, Brest est exposé à trois risques principaux : les inondations, la submersion marine et l’érosion côtière. La ville est par ailleurs concernée par le phénomène d’îlots de chaleur urbains, qui se caractérise par « une différence de température nocturne entre ville et campagne environnante », précise Vincent Dubreuil, géographe et enseignant chercheur à l’université de Rennes-2. En effet, les surfaces minérales (béton, bitume…) des sols et bâtiments, qui restituent la nuit la chaleur emmagasinée durant la journée.

Lire aussi : Le réchauffement climatique est irréfutable : la preuve en un seul graphique

Jusqu’à +2,5° l’été

En 2050, les hivers seront plus doux à Brest. Le thermomètre devrait passer de 6,9 °C (pour la période de référence 1976-2005) à entre 7,6 °C et 8,6 °C. Autre indice du réchauffement hivernal, il n’y aurait plus que deux à sept jours de gel par an en moyenne, contre neuf actuellement. « L’hiver que l’on connait actuellement est symptomatique : il a fait très froid début décembre, puis début janvier a été marqué par une canicule hivernale. Ces contrastes ne sont pas habituels », décrypte Michel Aïdonidis, ancien directeur de la station Météo-France de Brest-Guipavas.

Le réchauffement sera encore plus marqué l’été. Le mercure pourrait grimper de 2,5 °C selon le scénario pessimiste, pour atteindre 18,9 °C en moyenne. Climadiag estime une hausse médiane de 1,3 °C, pour atteindre 17,7 °C.

Vagues de chaleur

Jusqu’ici épargnée, la ville de Brest va connaître des vagues de chaleur l’été. Ce phénomène se définit comme un épisode d’au moins cinq jours, où le thermomètre affiche 5 °C au-dessus de la normale. Climadiag estime qu’il s’en produira entre deux et sept par an dans la cité du Ponant. On se souvient de l’été 2022 et de ses records de chaleur : 35,2 °C en juin, 39,3 °C en juillet. Là aussi, Michel Aïdonidis pressent que « l’été 2022 va devenir une routine ».

Lire aussi : Des vagues de chaleur « de plus en plus fréquentes depuis vingt ans en Bretagne »

Les incendies dans les monts d’Arrée, à l’été 2022, sont symptomatiques des événements climatiques extrêmes à venir. | VINCENT MICHEL / OUEST-FRANCE

Sécheresse…

L’accroissement des phénomènes extrêmes complique la gestion de la ressource en eau. L’été, la canicule va souvent de pair avec la sécheresse. Les politiques de restriction d’eau permettent alors d’échapper au pire, mais des mesures préventives deviennent incontournables, juge l’élu Europe Écologie-Les Verts (EELV) Glenn Dissaux : « Tous les rapports corroborent, nous serons de plus en plus exposés à une grande sécheresse et à des problèmes d’approvisionnement en eau. » Il cite à ce titre l’investissement de 40 M€ dans la rénovation de l’usine d’eau potable de Pont-ar-Bled , à Plouédern, près de Landerneau.

… et inondations

À l’inverse, les hivers seront globalement plus arrosés. Avec des risques de fortes précipitations et d’inondations par ruissellement. Climadiag prévoit 385 mm de cumul de précipitations, l’hiver, en 2050, contre 357 mm aujourd’hui. « On peut dire que ce n’est que 30 mm, mais en tant que météorologue, je vous garantis que c’est énorme ! », s’exclame Michel Aïdonidis.

Les pays riches doivent-ils davantage aider financièrement les pays les plus vulnérables au changement climatique ?

À ce sujet, l’élu brestois Glenn Dissaux ​salue l’inauguration, en septembre, du parc inondable au-dessus du quartier de Kérinou. Huit autres bassins sont prévus à Brest, le but étant de recueillir les eaux de pluie afin d’éviter les débordements.

Lire aussi : Comment mieux stocker l’eau de pluie pour pallier les restrictions

En octobre 2011, de fortes précipitations ont entraîné des inondations à Brest. Ici, au restaurant le Billot, c’est un mètre d’eau qui avait dévasté les lieux. | ARCHIVES OUEST FRANCE

Élévation du niveau de la mer

Si l’on prend la période 1976-2005 comme référence (niveau 0), le niveau moyen de la mer au port de Brest pourrait s’élever de 14 à 30 cm d’ici à 2050. Climadiag estime l’élévation médiane à +21 cm. Ces projections corroborent celles d’Ener’gence, l’agence énergie-climat du pays de Brest, qui anticipe +15 cm d’ici à 2035, et +80 à 100 cm en 2100.

Le Pays de Brest est largement exposé au risque de submersion marine, avec une dizaine de « zones basses » identifiées (port de commerce, polder, port militaire, Moulin Blanc, Camfrout, Tinduff, etc.). « Additionné à un fort coefficient de marée et une belle dépression, le risque de submersion est majeur » , décrit le météorologue Michel Aïdonidis.

Découvrez les projections de n’importe quelle commune sur meteofrance.com/climadiag-commune

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Ouest-France lance sa charte environnement, pour un journalisme au niveau de l’enjeu écologique …

Le « rôle crucial des médias »

Depuis la fin du XIXe siècle, du fait de l’activité humaine, la température moyenne mondiale a augmenté d’au moins 1,1° C, selon l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique. Et environ un million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction, estime l’IPBES.

Or, « les médias ont un rôle crucial dans la perception qu’a le public du changement climatique, sa compréhension et sa volonté d’agir », souligne le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), dans son rapport d’avril 2022. Les lecteurs, eux aussi, attendent un traitement des médias à la hauteur de ces enjeux.

Ouest-France, fidèle à ses valeurs

Fidèle à ses valeurs, Ouest-France exprime sa volonté de développer un journalisme encore plus investi dans l’écologie et de rendre compte, expliquer, décrypter le problème et diffuser les solutions ou éléments de réponse lorsqu’ils sont disponibles.
Le défi climatique et ses incidences sur l’environnement et la biodiversité constituent un pilier essentiel du projet éditorial pour toutes ses rédactions et sur tous les supports, de la commune au monde. L’écologie est l’affaire de l’ensemble des journalistes d’Ouest-France.
En conséquence, Ouest-France, média indépendant propriété d’une association à but non lucratif pour le soutien des principes de la démocratie humaniste, s’engage.