Jeux Olympiques de Pékin sur une neige 100% artificielle !

Un scandale écologique en Chine ? Les Jeux olympiques de Pékin 2022, qui s’ouvrent ce 4 février, ont la spécificité de se dérouler sous cloche en raison des risques de reprise de l’épidémie de Covid-19. Un autre détail n’a pas manqué de faire tiquer certains observateurs : la totalité des épreuves sur piste se déroulera sur de la neige artificielle, fabriquée par 300 canons à neige …

La nature est bien faite, n’est-ce pas ? Cette photo est celle des pistes de ski alpin pour les J.O. de Pékin, prise par le skieur norvégien Kjetil Jansrud, depuis son avion. La folie d’une époque dans toute sa splendeur, résumée en une seule image.

Comment résoudre un problème en aggravant les circonstances qui en sont à l’origine ? Balancez un peu de poudre de perlimpinpin sur quelques sommets de montagnes et le tour est joué ! Rien de tel pour préserver une institution baignée de mystification idéologique, perpétuant un modèle de société qui n’a plus lieu d’exister mais qui continue de se battre corps et âme pour sa propre survie, et qui, sous ses airs divertissants, n’est rien d’autre qu’une arme de destruction massive déguisée.


Absence de neige aux JO de Pékin 2022 : pourquoi la compétition est déjà tristement historique

Peu de flocons, sur le site de Yanqing, à seulement une semaine des Jeux olympiques.

Peu de flocons, sur le site de Yanqing, à seulement une semaine des Jeux olympiques. – PHOTO AFP

C’est une photo aérienne, publiée depuis Pékin sur les réseaux sociaux par le skieur alpin norvégien Kjetil Jansrud qui s’est répandue comme une traînée de poudre.

On y voit la piste de ski qui servira aux épreuves alpines – partiellement enneigée – serpenter, à flanc de montagne, elles complètement sèches. À une semaine de l’ouverture de ses Jeux olympiques (4-20 février), alors que les premiers athlètes arrivent au compte-gouttes, Pékin n’a pas encore revêtu son grand manteau blanc. Et ce ne sera certainement pas le cas. La neige fait cruellement défaut sur les différents sites des compétitions.
« La Chine n’a pas une grosse culture de l’alpin et des sports de glisse, confiait le slalomeur Clément Noël au journal L’Équipe fin décembre. C’était déjà le cas en Corée. Ça fait donc deux fois de suite qu’on a des JO dans un endroit où il n’y a pas forcément de passion, de ferveur populaire pour ce qui est le plus grand événement. On va vivre ça dans un contexte assez difficile. »

« C’est une aberration ! »

Ça n’avait pas vraiment refroidi le CIO au moment d’attribuer la compétition à la ville, qui deviendra la première de l’histoire à accueillir les JO d’été (2008) et d’hiver (2022). Peu importe si la neige sera 100 % artificielle, une autre première, plus triste celle-là. Un réseau de tuyauterie, alimenté par des barrages, permettra de fabriquer les flocons. Trois cents canons arroseront les sites des compétitions. En 2014, à Sotchi (Russie), 60 % de la neige étaient artificiels. Le chiffre était de 90 % à Pyeongchang, en Corée du Sud, en 2018.

« On pourrait aussi faire les JO sur la lune ou sur Mars, lançait il y a quelques jours la géographe Carmen de Jong, professeure à l’université de Strasbourg. Organiser des JO dans cette région est une aberration. »

Boycott diplomatique

Il a bien neigé à Pékin, au début du mois de janvier. Mais dans cette ville de 21 millions d’habitants, connue pour sa sécheresse hivernale, les températures ne sont pas suffisamment froides pour que les flocons s’y maintiennent, encore moins sur les montagnes de Yanqing, situées à un peu moins de 100 kilomètres, au nord-ouest.

Ce n’est pas le seul écueil que le pays du président Xi Jinping doit affronter. Soupçonnée d’avoir préparé la disparition de la tenniswoman Peng Shuai, qui avait révélé avoir été violée par un ancien haut dirigeant chinois, la Chine s’est fachée avec plusieurs délégations diplomatiques, dont celle des États-Unis. Six autres pays (mais pas la France) leur ont emboîté le pas et annoncé qu’ils boycotteraient diplomatiquement la compétition, c’est à dire qu’ils n’enverront aucun officiel. S’il n’y a toujours pas de neige à Pékin, il y a certainement de l’orage dans l’air.


Fausse neige aux JO de Pékin: cette hérésie écologique

Les JO qui s’ouvrent à Pékin, en Chine, reposeront sur de la neige 100% artificielle. Ils pourraient être les jeux d’hiver les moins durables de l’histoire.

Des rubans blancs parent les sites arides de Yanqing (ski alpin) et de Zhangjiakou (biathlon, ski de fond et disciplines freesty

Des rubans blancs parent les sites arides de Yanqing (ski alpin) et de Zhangjiakou (biathlon, ski de fond et disciplines freestyle. Joe KLAMAR / AFP

Un beau manteau neigeux recouvre les pistes du massif montagneux du nord-ouest de Pékin et offre des paysages spectaculaires. Pourtant, hormis les rubans blancs qui parent les sites arides de Yanqing (ski alpin) et de Zhangjiakou (biathlon, ski de fond et disciplines freestyle), pas de flocon à l’horizon. Et pour cause: les Jeux olympiques d’hiver qui se tiennent à Pékin du 4 au 20 février reposent sur une poudreuse 100% artificielle. C’est une première, même si l’édition précédente de 2018 en Corée du Sud avait utilisé à environ 90% de la neige artificielle.

Chutes de neige très rares, saisons hivernales plus courtes, fonte des glaces… Les organisateurs des JO n’ont pas eu d’autre choix que de recourir à de la neige de culture, explique un rapport produit par des chercheurs du Sport Ecology Group de l’université anglaise de Loughborough et l’association Protect Our Winter. Selon les données compilées par le site météo Worldweatheronline, il n’y a eu qu’1,5 centimètre de neige en décembre 2021, et 0,2 centimètre en janvier cette année sur le site de Yanqing, situé à environ 90 km au nord-ouest de Pékin.

355 canons à neige ont été déployés sur les quatre sites dédiés au ski alpin, explique Max Rougeaux, directeur marketing en France de Technoalpin, société italienne qui a équipé la Chine pour produire la neige de culture. Outre le coût non-négligeable de l’opération -“un peu plus de 20 millions d’euros”, selon Max Rougeaux- la facture écologique devrait, elle aussi, être salée. Le coût pour les ressources en eau s’élève à 185 millions de litres d’eau pour produire 1,2 million de mètres cubes de neige selon une estimation officielle dévoilée en 2019.

“Mauvais message envoyé”

Pour produire de la neige de culture, les enneigeurs pulvérisent des gouttelettes d’eau sous pression dans un air à une température négatives. Elles gèlent et se transforment en flocons de neige. Gourmande en eau et en énergie, la neige de culture abîme aussi les sols, augmentant les risques d’érosion. “Ces jeux pourraient être les moins durables de l’histoire!”, s’insurge Carmen de Jong, géographe à l’Université de Strasbourg. Côté symbole, “c’est complètement surréaliste, souligne Camille Rey-Gorrez, directrice de l’Association Mountain Riders. Comment en-est-on arrivé à organiser un événement d’une telle ampleur, censé transmettre de belles valeurs, dans un lieu sans neige? C’est le mauvais message qui est envoyé”, tempête-t-elle. Les organisateurs promettent, eux, qu’ils utilisent des énergies renouvelables pour les sites et que l’eau retournera dans le sol après la fonte. « Cela montre à quel point le terme durable, utilisé à tort et à travers, est devenu une coquille vide de sens”, souligne auprès du Guardian Richard Butler, spécialiste du tourisme durable.

S’il est vrai que 80% de l’eau consommée est restituée par fonte et à 20% par évaporation, le problème vient du décalage entre le moment où l’eau est prélevée et celui où elle fond en fin de saison. Le cycle naturel peut donc être modifié spatialement et temporellement sur les cours d’eau des montagnes. “L’impact dépend de la disponibilité en eau dans la zone. Il faut la pomper en amont, au moment où il y en a beaucoup”, explique Carlo Maria Carmagnola, chercheur au Centre d’études de la neige. La source où la ressource hydrique est prélevée joue, elle aussi, un rôle majeur dans l’empreinte environnementale de la neige artificielle. Selon le Comité international olympique (CIO), l’eau utilisée pour la compétition proviendrait de réservoirs de 200.000 mètres cubes d’eau construit en 2018 par le gouvernement chinois. Or Pékin ne peut compter que sur 300 mètres cubes d’eau par an et par habitant, soit moins d’un tiers de l’approvisionnement recommandé par les normes de l’ONU. Dans une zone aride, de tels prélèvements sur les bassins versants n’ont rien d’anodin, notamment du point de vue des agriculteurs, très dépendants de la nappe phréatique. Le pompage de l’eau peut ainsi assécher les réserves locales.

Des impacts à relativiser 

Sans compter le coût énergétique que représente ce pompage. La fabrication d’un mètre cube de neige de culture nécessite entre un et trois kWh. Pour couvrir les sites alpins, Pékin a produit 1,2 million de mètres cubes pour les Jeux olympiques. Soit une consommation énergétique de 3,6 millions de kWh si on prend la fourchette haute. A cela s’ajoute un risque d’érosion des sols. La création de pistes de ski provoque des modifications importantes du paysage, en raison des travaux de déboisement et de terrassement. En empêchant le développement végétal naturel, et en gorgeant les sols d’eau, la neige favorise le phénomène d’érosion.

Ces impacts sont toutefois à relativiser selon Carlo Maria Carmagnola: “85 à 90% des émissions de CO2 des stations de ski viennent du transport et moins de 10% du domaine skiable. Aucune étude n’a montré que la neige de culture constituait un problème environnemental majeur”. D’autant que « qu’utiliser de la neige de culture est déjà très répandu. Toutes les stations de ski en France y ont déjà recours, notamment en début de saison », abonde Max Rougeaux. Selon lui, le taux de couverture des pistes en France est de 35%, et de 70% en Autriche. A ce titre, le rapport des chercheurs de l’université de Loughborough et l’association Protect Our Winters a montré qu’en 2050, dix des 21 sites accueillant les JO d’hiver depuis 1924 disposeraient de chutes de neige naturelles suffisantes pour organiser la compétition.

A proximité d’une réserve naturelle

Sauf que la neige artificielle n’est pas la seule menace écologique de cette grand-messe du sport international. En août 2015, des chercheurs de la revue scientifique Nature ont fait part de leur inquiétude quant à la proximité du domaine skiable avec la réserve naturelle de Songshan et avaient proposé de déplacer les épreuves de ski pour protéger les flores et faunes locales. Une publication montrant une carte des pistes a été partagée plus de 1.000 fois avant de disparaître selon le Guardian.

Enfin, l’organisation des Jeux d’hiver à Pékin soulève des questions quant à la qualité de l’air. La Chine a averti qu’elle craignait une forte pollution de l’air pendant les Jeux, au moment où la consommation de charbon dans le pays explose. Les aciéries de la région ont reçu l’ordre de diviser leur production par deux en août dernier et des dizaines de milliers d’usines ont dû payer des amendes pour dépassement des limites d’émissions polluantes.


JO de Pékin 2022 : pourquoi le CIO fond-il sur les villes sans neige pour organiser les Jeux d’hiver ?

Article rédigé par Pierre Godon publié par France Télévisions

 
Le site olympique de Zhangjiakou (Chine) photographié sans neige, en novembre 2021. (LINTAO ZHANG / GETTY IMAGES ASIAPAC)

L’image d’Epinal des JO d’hiver, ce sont des chalets, deux mètres de neige sur les trottoirs et des locaux avec un bonnet vissé sur la tête six mois par an. Une représentation qui appartient désormais au passé. Dernière preuve en date : le choix de Pékin pour organiser la grand-messe des sports d’hiver.

Quand ils ont entendu la chanson phare des JO d’hiver de Pékin, qui ont lieu du 4 au 20 février, nombre d’internautes ont tiqué. The Snow and Ice Dance affiche un air de ressemblance avec Libérée, délivrée, l’entêtante rengaine de La Reine des neiges. Si Elsa virevolte en permanence au milieu du grand manteau blanc, la capitale chinoise ne peut pas en dire autant. L’enneigement maximal sur les contreforts de Pékin ne dépasse pas le mètre, les bonnes années. En 2021, les skieurs – s’il y en avait – ont dû se contenter de deux centimètres de poudreuse, selon l’implacable évaluation de World Weather Online.

Ce ne sera (heureusement) pas le cas pendant les Jeux. Les épreuves de ski alpin se déroulent à Yanqing, à 75 km au nord-ouest de la capitale chinoise, au cœur d’une réserve naturelle, rabotée d’un bon quart de sa superficie pour l’occasion. Pour la quinzaine, 1,2 million de mètres cubes de neige artificielle ont été déversés sur les pistes. Magie des canons à neige, qui projettent dans l’air froid des gouttelettes d’eau pour fabriquer des flocons garantis sur facture. Les Chinois n’ont rien inventé : la pratique a commencé aux Jeux de Lake Placid, aux Etats-Unis, en 1980, avant d’être industrialisée au tournant du XXIe siècle.

« La foire au saucisson » de Vancouver

Vous avez levé un sourcil quand le Comité international olympique (CIO) a désigné une ville située 44 mètres au-dessus du niveau de la mer, déjà hôte des JO d’été 2008, pour accueillir le cirque blanc ? Le CIO rétorque que l’enneigement naturel n’est plus une condition nécessaire pour postuler : « L’analyse météo fait partie du processus de sélection : pour les Jeux d’hiver, la région hôte doit surtout afficher des températures suffisamment basses sur une durée assez longue. » La logique géographique a fondu face à la conquête de nouveaux marchés :

« L’objectif-clé de Pékin 2022, c’est d’attirer 300 millions de personnes vers les sports d’hiver. »

Le Comité international olympique

à franceinfo

« Aujourd’hui, en quoi des Jeux d’hiver en Italie ou en France seraient-ils utiles pour le développement du sport d’hiver ? abonde Armand de Rendinger, fin connaisseur des arcanes olympiques qui a suivi une dizaine de dossiers de villes candidates. Les accorder à un pays émergent, c’est plus intéressant. » Pour preuve, les choix de la Russie (2014) et de la Corée du Sud (2018), où tout était à bâtir pour vendre des MoonBoots par milliers. C’est Sotchi (2014) qui détient toujours le record des Jeux les plus chers de l’histoire, avec une ardoise de 30 milliards d’euros. Un gigantisme qui, ces dernières années, a fait fuir des candidatures moins fortunées.

Il n’empêche. Même la meilleure neige artificielle du monde se transforme en bouillie quand il fait trop chaud. Et les organisateurs des JO, sous la pression des diffuseurs, n’ont guère de latitude pour reporter les épreuves. « Aux Jeux, il faut s’attendre à des conditions particulièrement difficiles, voire franchement dégueulasses, détaille l’ex-skieuse Anne-Sophie Barthet, quatre olympiades au compteur de 2006 à 2018. Mon pire souvenir, c’est le slalom des Jeux de Vancouver, en 2010. A un moment donné j’ai franchi une porte et je skiais sur de l’herbe. C’était marron sous mes skis. Je me suis demandé : ‘Je suis où là, aux JO ou sur la piste de la foire au saucisson du coin ?' » Le climat océanique et une pluie battante avaient eu raison de la neige artificielle déposée précipitamment en hélicoptère par les organisateurs.

Un rapide coup d’œil à la carte du Canada rappelle que Vancouver est une ville portuaire, et que même à Whistler, le site délocalisé des épreuves de ski, situé à 670 m d’altitude et 120 km de la ville hôte des Jeux, l’odeur des embruns se fait sentir, bien qu’il s’agisse d’une vraie station d’altitude. La preuve, c’est au célèbre courant océanique El Niño qu’on doit les températures estivales des Jeux canadiens.

Même topo à Sotchi, cette station balnéaire de la mer Noire, couplée à une station bâtie de toutes pièces. « Les athlètes y prenaient des bains de soleil en short, sur le balcon de leur hôtel. Ce n’est pas tout à fait l’image qu’on attend des Jeux d’hiver », s’amuse l’universitaire canadien Daniel Scott, auteur d’une étude sur le réchauffement climatique face aux Jeux d’hiver*. Il note que la température moyenne des quinzaines olympiques du XXIe siècle frôle les 7 °C, quand, pour les Jeux disputés entre 1960 et 2000, le mercure ne dépassait pas les 3 °C. Remarquez, à l’époque, les Jeux par temps froid ne garantissaient pas une performance optimale non plus : « Quand j’ai commencé, en 1983, on skiait sur de la neige naturelle, et il y avait beaucoup plus de blessés qu’aujourd’hui, insiste Jean-Luc Crétier, médaillé d’or de descente de Nagano en 1998. La densité de la neige naturelle est dix fois inférieure à celle de la neige artificielle. Quand on partait dans les derniers, c’était la loterie. »

Pour des épreuves acrobatiques, le nombre de degrés compte double. Le snowboarder Paul-Henri de Le Rue, arrivé au pied du podium du snowboardcross en Russie, soupire : « C’est toujours mieux si on surfe par -8 °C que par +10 °C. Mais comme les Jeux attirent du monde, on installe notre parcours en bas des pistes pour des raisons d’accessibilité, où il fait toujours moins froid. » Avec, à la clé, un risque de chute accru lors de la réception sur les sauts. Pour les Jeux paralympiques, c’est pire. « Le taux de blessures en ski alpin a été multiplié par six* entre les épreuves de Vancouver 2010 et ceux de Sotchi 2014, disputées par un temps à installer sa serviette sur la plage », insiste Daniel Scott au sujet des compétitions qui tombent en mars, hors de la fenêtre climatique idéale de mi-février, réservée aux valides.

Des villes refroidies dans leurs ambitions

L’étude de Daniel Scott souligne que, réchauffement climatique oblige, de moins en moins de villes sont en capacité d’accueillir les Jeux d’hiver dans des conditions correctes. Pour un tiers des 22 précédentes villes hôtes (dont Chamonix et Grenoble), il est presque déjà trop tard, et un deuxième tiers les rejoindra dans un demi-siècle. Les champions ne sont pas les seuls à voir leur grand-messe menacée. Que le Jean-Claude Dusse qui sommeille en vous sache qu’une étude suisse de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches, en 2017, montre qu’à la fin du XXIe siècle, la pratique du ski ne sera plus garantie au-dessous de 2 500 mètres. Or, la station la plus haute d’Europe, Val Thorens, se situe 200 mètres sous cette limite. Rien que dans les Alpes, berceau de nombreux champions, on a perdu six semaines de neige et deux tiers de la poudreuse naturelle sur les pistes en un demi-siècle

C’est ainsi qu’un pays comme la Norvège paraît hors course pour organiser des JO, selon le météorologue Oskar Landgren, de l’Institut météorologique norvégien : « En hiver, les vents qui balaient le pays viennent de l’océan et sont bien plus chauds que les masses d’air que vous trouvez en Europe continentale. Pour accueillir les épreuves de ski alpin, nos stations situées à moins de 1 000 mètres d’altitude ne sont déjà plus adéquates », alerte-t-il pour franceinfo.

Un constat qui désole le double médaillé français de combiné nordique, Sylvain Guillaume, pour qui Lillehammer 1994 demeure l’archétype de ce que devraient être les Jeux d’hiver : « Quand on sortait de notre chalet au village olympique, il y avait de la neige sur les trottoirs. Les gens vivaient pour les sports d’hiver, il y avait 500 000 personnes le long de notre circuit. Pour moi, ça, ce sont les Jeux authentiques. » Et on ne risque pas d’en revoir de sitôt. « C’étaient des Jeux quatre à six fois moins gros. On pouvait les donner à des pays qui n’auraient jamais eu l’infrastructure pour accueillir les Jeux d’été, comme l’Autriche ou les pays scandinaves », pointe Armand de Rendinger. Aujourd’hui, les JO d’hiver croissent à vitesse exponentielle, comme leurs cousins estivaux, et les belles promesses de sobriété de l’agenda 2020 du CIO restent lettre morte. 

Les derniers Jeux considérés comme à peu près « durables », selon une étude de la revue Nature*, remontent à 2002 et l’édition de Salt Lake City (Etats-Unis). Les candidatures dites « raisonnables », comme Annecy 2018, se ramassent gadin sur gadin, même si la région Auvergne-Rhône-Alpes entend bien retenter sa chance à brève échéance. « Vu la taille des Jeux désormais, la seule chance d’une ville comme Grenoble serait de faire un ticket avec Paris, en laissant à la capitale les sports de glace », avance Daniel Scott. Le CIO ne ferme pas la porte : « Notre nouvelle approche mise sur la flexibilité, et permet d’utiliser des sites dans des régions différentes, même dans des pays différents, si ça permet de réutiliser des infrastructures existantes. »

Pour la médaille d’or climatique, on repassera

Au sein du mouvement olympique, rares sont ceux qui se sont interrogés sur le symbole environnemental du recours massif à la neige artificielle.

« C’est par les athlètes que viendra la prise de conscience climatique, s’il y en a une. » Armand de Rendinger, consultant et expert olympique

à franceinfo

Or, beaucoup préfèrent voir le Thermos à moitié plein et considérer le développement de leur sport sur des terres vierges jusque-là, à l’image de Paul-Henri de le Rue : « Ces Jeux, c’est aussi la promesse de la démocratisation des sports d’hiver en Asie, où ils sont peu développés. Cela passe par la construction d’infrastructures. Si on y arrive sans reproduire les mêmes erreurs que celles du passé, notamment au niveau écologique, ce serait mieux, bien sûr. » Le CIO et le comité d’organisation ont d’ailleurs promis « les Jeux les plus verts »* de l’histoire olympique et un barnum olympique à impact écologique positif sur la planète dès 2030. Sans convaincre.

Pas besoin d’aller si loin pour trouver d’autres décideurs qui font les autruches face au réchauffement climatique« Combien de maires de stations m’ont assuré que ce phénomène existait, mais pas chez eux ? » se désole l’universitaire Carmen de Jong, spécialiste de l’enneigement, tout schuss dans sa critique du modèle du ski à tout prix. « Ils refusent de reconnaître les conséquences sur la biodiversité de la neige artificielle, qui atrophie toute vie en dessous. » En hiver, seule la mauvaise herbe résiste à la couche, dure comme le ciment, qui couvre les pentes. C’est une fois l’été arrivé qu’on constate les dégâts : « Ça coûte tellement cher d’empêcher le sol érodé (dépourvu de végétation et de rochers) de s’effondrer dans une coulée de boue, qu’aujourd’hui, le prix de votre forfait de ski sert surtout à vous permettre de descendre sur de la neige, quand, dans les années 1970, il servait à amortir le coût des remontées mécaniques. »

Les JO sur neige naturelle font définitivement partie du passé, à l’instar de l’organisation des épreuves de hockey en plein air, jusque dans les années 1960. « Pour pouvoir être sûr d’avoir de la neige naturelle pour les Jeux, il faudrait les organiser sur les îles Sakhaline [entre la Russie et le Japon] ou au Groenland. Et encore, persifle l’universitaire Carmen de Jong. Après, on peut assumer complètement le côté artificiel et skier sur du plastique. » Ou sur du sable. A quand les premiers JO d’hiver dans le désert ?  

* Ces liens renvoient vers des contenus en anglais.