Le coût du sommet européen à Brest ?

Les Ateliers des Capucins de Brest accueillaient ces 13 et 14 janvier un sommet réunissant 54 ministres européens. Des ateliers sérieusement réaménagés… Au total, quel coût pour cette refonte express et éphémère ? Le ministère des Affaires étrangères n’a pas donné suite aux sollicitations du Quotidien Le Télégramme pour qui la facture dépassera (largement) le million d’euros

Dans le même temps Brest a du déployer un dispositif sécuritaire exceptionnel pour accueillir ce sommet européen . Plus de 1 800 membres des forces de l’ordre déployés, abord des Capucins bouclés, restrictions de stationnement…En témoignent le billet d’humeur signé Steven Le Roy et l’image que donnait ce jeudi soir la Place de La Liberté devant l’Hôtel de ville …

 Le Billet d’humeur de Steven Le Roy , journaliste au Télégramme …

« Vous nous tancez chaque matin. Vous ordonnez. La République n’est pas un jouet, elle est l’affaire de tous, vous dites. Vous voulez changer le monde, montrer que le régime d’avant n’avait pas compris les leçons de tel ou tel scrutin. Vous êtes nouveaux, vous êtes vertueux, vous êtes humbles. Pas comme les autres. Pas comme ceux d’avant. Vous allez faire aimer la chose publique au peuple, vous vous égosillez, vous allez réconcilier la nation. C’est beau à en pleurer.

Et puis il y a les faits, sous nos yeux. Les faits têtus et ridicules quand la parade arrive dans votre ville, les faits qui montrent que finalement depuis la monarchie des Bourbon, rien n’a changé. Quand les puissants passent et se goinfrent sous les yeux des croquants, on s’incline et on ne conteste pas. On ne se promène pas là où on veut.
On frissonne devant les 2.000 militaires et policiers qui assurent la sécurité d’un aréopage d’à peine 150 nobliaux des cours européennes. On s’inquiète du ballet géostationnaire d’hélicoptères qui semblent indiquer comme une peur sur la ville. Rien n’est trop beau, rien n’est trop grand, rien n’est trop cher pour que la moindre écorchure sur vos augustes séants ne devienne un casus belli. Pauvres paons indignes.

Dans quelques jours, vous allez partir en guenilles parcourir la France pour glaner un sésame vous permettant de conserver les ors. Vous allez dire alors que vous avez compris le message., que vous ferez barrage contre les populismes qui menacent la démocratie. Vous prendrez soin de prononcer le dernier mot avec une mine sombre et affectée, vous, le chevaleresque légataire des habits su peuple. Mon cul. La démonstration lamentable du centre-ville d’hier soir, tout au moins, a révoqué ce droit à mes yeux. A regarder motos et berlines noires, je pensais aux carrosses et aux archers du roi qui patientaient le temps que ces gens finissent de souper. Qui cassaient un bout de pain quand au château, on lapait des poulardes grasses. Quoi ? Elle ne vaut peut-être pas ma comparaison ?

Dans notre temps affecté par la dureté économique de la vie et l’insécurité sanitaire, le mépris de classe exhibé à Brest hier au soir n’invite pas à emboîter vos pas même si j’étais, je suis et resterai un infaillible rempart contre les zemmourophiles, au moins eux. Mais sachez tout de même que le peuple, notre peuple avec toutes ces différences et toutes ces contradictions, avec ceux qui sont en accord et ceux qui sont en désaccord, mérite mille fois mieux je crois que les cuistres en limousines paradant sans panache devant des gens qui s’en cognent, sous le regard sévère des myriades policières qui ne s’inquiétaient guère du deal de rue posté à quelques mètres.
Qui regrettent juste de ne pas connaître le tarif d’une telle grotesquerie quand ici et là, la ceinture est tellement serrée qu’on y voit que les os. »

Steven Le Roy


Sommet européen à Brest : les Capucins s’offrent une refonte totale pour l’occasion

Les Ateliers des Capucins accueilleront jeudi 13 et vendredi 14 janvier un sommet réunissant 54 ministres européens. Qui découvriront un site qui ne ressemble plus à celui connu des Brestois.
Un article paru dans Le Télégramme du 11 janvier 2022

Un vaste salon a été créé de toutes pièces, salle des machines, rognant le vaste espace libre.
Un vaste salon a été créé de toutes pièces, salle des machines, rognant le vaste espace libre. (Photo Le Télégramme/Pierre Chapin)

Qui a parlé d’une pénurie de bois en France ? Pas pour le sommet européen brestois, manifestement. Car depuis une semaine, ça construit, cloisonne, aménage dans tous les recoins des Ateliers des Capucins, plus grande place publique couverte d’Europe, dont il ne reste plus grand-chose des 10 000 m² de surface ouverte.
Il faut rappeler que le nouveau cœur de la Rive droite sera le théâtre du sommet réunissant 54 ministres européens, du 12 au 14 janvier. Et si les lieux ont été visités par la plupart des ministres français en déplacement à Brest ces dernières années (et même par François Hollande, lui Président, en février 2017), l’ampleur du rendez-vous est inédite dans l’histoire brestoise contemporaine. Et les délégations ne seront pas seulement de passage, mais bien au travail, ce qui implique des espaces dédiés et équipés.

Depusi une semaine semaine, une centaine d'ouvriers, compagnons et techniciens est à la manoeuvre, chaque jour, aux Capucins.
Depuis une semaine, une centaine d’ouvriers, compagnons et techniciens sont à la manœuvre, chaque jour, aux Capucins. (Photo Le Télégramme/Pierre Chapin)

Loués par le ministère des Affaires étrangères

Depuis une semaine, donc, les semi-remorques défilent, tandis qu’une centaine d’ouvriers, compagnons, techniciens et agents de sécurité s’agitent chaque jour aux Ateliers. « C’est le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères qui pilote les opérations », prévient Alain Lelièvre, le directeur général de la SPL (Société publique locale) Les Capucins. Traduction : le ministère loue les lieux, fait comme chez lui et règle la note.

Un vaste salon, équipé en lumières et son, a été créé de toutes pièces au rez-de-chaussée, salle des machines.
Un vaste salon, équipé en lumières et son, a été créé de toutes pièces au rez-de-chaussée, salle des machines. (Photo Le Télégramme/Pierre Chapin)

Et l‘addition doit être assez salée, si l’on en juge par les moyens déployés et l’ampleur des chantiers. Dans la salle des machines, par exemple, un vaste salon a été monté en quelques jours, reléguant la médiathèque et les Curiosités de Dialogues dans l’ombre. À l’étage, oubliez la vue plongeante sur la salle des machines : tout au long du Passage des arpètes sont apparues des salles de réunion ou encore un salon d’accueil.

Le souci du détail est tel qu’on a été jusqu’à isoler (phoniquement et thermiquement) la cellule vide de la place des machines, employée comme salle de déjeuner sur certains rendez-vous comme les Rencontres de la BD. Et on passe sur les tapis, peintures, tapisseries, le matériel son, lumières, etc.

Trois jours et on démonte

Pour trois jours, donc, puisque les Ateliers doivent être rendus à leur état originel pour le lundi 17 janvier. Trois jours où les commerçants n’auront pas accès à leurs boutiques. Charge à eux de chiffrer le préjudice, que le ministère devrait rembourser. « Même si on n’a aucune nouvelle sur ce sujet pour l’instant », nous glisse l’un d’eux.

A l'étage, des salles de réunions ont été installées face aux commerces.
À l’étage, des salles de réunion ont été installées face aux commerces. (Photo Le Télégramme/Pierre Chapin)

Au global, quel coût pour cette refonte express et éphémère ? Le ministère des Affaires étrangères n’a pas donné suite à nos sollicitations, mais la facture dépassera (largement) le million d’euros. Qui ne tomberont pas dans les poches des entreprises locales : selon nos constatations sur place, la plupart des prestataires (à l’exception des agents de sécurité et d’entretien) viennent de région parisienne, certains même de Pologne.

Lundi 10 janvier, l’opération laissait, en tout cas, songeuse une visiteuse habituée des lieux : « C’est dommage, les ministres viennent aux Capucins, mais ils ne sauront pas même pas à quoi ça ressemble ! ».