Masomah Ali Zada aux JO de Tokyo : une ode à la liberté !

Après avoir dû quitter l’Afghanistan où sa pratique du vélo lui a valu d’être agressée, la jeune cycliste Masomah Ali Zada, réfugiée en France, vient de participer aux Jeux Olympiques de Tokyo au sein de l’équipe des réfugiés. « C’est vraiment une fierté pour moi de changer la vie des femmes qui pensent qu’elles ne peuvent pas y arriver et qu’elles sont faibles. »Zoom sur ces athlètes qui ont fui leur pays d’origine pour diverses raisons …

Masomah Ali Zada a fui l’Afghanistan en 2017, en grande partie à cause de sa passion pour le vélo. Les très rares femmes qui s’aventurent cyclistes y sont, sans surprise, particulièrement mal traitées… Masomah, comme sa sœur Zahra, ont été frappées, victimes de menaces en tous genres parce qu’elles osaient pédaler en liberté. Un reportage de 5’50 ».

Un documentaire signé Katia Clarens, Pierre Creisson et Xavier Gaillard racontait leur histoire en 2016, sur Arte ; il a changé leur existence : un avocat français, Patrick Communal, parvint à les contacter après la diffusion du film et leur obtint un visa humanitaire. Elles vivent désormais toutes deux en France. Et à 25 ans Masomah figure donc cette année au sein de l’équipe des réfugiés, montée par le Comité international olympique – qui regroupe au total vingt-neuf athlètes.


JO 2021. Masomah Ali Zada, première cycliste afghane aux Jeux, estime avoir gagné « contre les gens qui pensent que les femmes n’ont pas le droit de faire du vélo »

 La cycliste de 24 ans, engagée dans l’équipe de refugiés créée par le Comité international olympique, a terminé dernière du contre-la-montre mercredi. Mais ce résultat est quand même une victoire pour cette sportive qui a fui son pays il y a trois ans parce qu’elle pratiquait cette discipline.

Article rédigé par Fanny Lechevestrier – édité par Clémentine Vergnaud – pour franceinfo du
La cycliste afghane Masomah Ali Zada après son contre-la-montre individuel aux Jeux olympiques de Tokyo, le 28 juillet 2021. (FANNY LECHEVESTRIER / RADIO FRANCE)

C’est une défaite qui est en réalité une grande victoire. Mercredi 28 juillet, Masomah Ali Zada a terminé à la dernière place du contre-la-montre féminin de cyclisme aux Jeux olympiques de Tokyo, à 13 minutes de la championne olympique, la Néerlandaise Annemiek Van Vleuten. Mais la cycliste de 24 ans vient pourtant de marquer l’histoire des Jeux car elle est la première Afghane à y participer. C’est également la première fois qu’une personne réfugiée en France est engagée aux JO.

>> JO 2021 : « On a essayé de m’empêcher de faire du vélo », témoigne la cycliste réfugiée afghane Masomah Ali Zada, en lice sur le contre-la-montre

Au pied du mont Fuji, les photographes et les caméras étaient donc nombreux à se presser sur la ligne d’arrivée pour immortaliser ce moment et le sourire radieux de Masomah Ali Zada. Il symbolise la liberté de faire du sport et la liberté pour une femme de pouvoir faire du vélo. « C’est vraiment un souvenir inoubliable »,  explique celle qui a dû fuir son pays il y a trois ans. « Je suis déjà gagnante parce que je gagne contre les gens qui pensent que les femmes n’ont pas le droit de faire du vélo », se félicite cette femme qui a été frappée, insultée et menacée de mariage forcé parce qu’elle pratique le cyclisme. « Je leur ai donné une réponse très forte. » 

Aujourd’hui étudiante en génie civil à Villeneuve-d’Ascq (Nord), elle fait partie des 29 athlètes sélectionnés dans l’équipe des réfugiés créée par le Comité international olympique. Celle qui avait été baptisée « la petite reine de Kaboul » dans un documentaire diffusé sur Arte il y a quelques années affirme que rien ne l’arrêtera, pas même les menaces.

« Si je n’ai pas peur en Afghanistan, pourquoi aurais-je peur aux Jeux olympiques ? Mon but était de participer, je ne regrette rien et je ne lâche rien. »Masomah Ali Zada, réfugiée afghane engagée aux Jeux olympiques de Tokyo à franceinfo

Elle se sent investie d’une mission. « C’est un très bon message pour les autres ! C’est vraiment une fierté pour moi de changer la vie des femmes qui pensent qu’elles ne peuvent pas y arriver et qu’elles sont faibles. » Malgré les difficultés qu’elle rencontre, elle ne regrette pas son choix. « Peut-être que c’est dur pour moi mais quand je pense à elles ça me donne le courage, la force et l’énergie de continuer plus fort. »

Un message qu’elle envoie, dit-elle, à toutes les Afghanes et les femmes qui se battent pour leurs droits, mais aussi aux 82 millions de refugiés à travers le monde. « Ces sportifs sont un symbole puissant, pas seulement pour tout le monde mais spécifiquement pour les autres réfugiés, surtout les jeunes », abonde Filippo Grandi, haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés. « C’est un message d’espoir et d’encouragement alors qu’ils vivent dans des situations difficiles où on perd facilement la perspective du futur. Cela leur donne donc d’une certaine manière une perspective. »


En savoir plus sur l’équipe olympique composée de 29 réfugiés

J.O. : les réfugiés ont leur équipe par La rédac’ Quiz 2

Pourquoi en parle-t-on ? Parce que, pour la deuxième fois, les J.O. accueillent une équipe composée de réfugiés. Ces 29 athlètes ont fui leur pays d’origine pour diverses raisons. Très jeunes, les bombardements, la famine ou la misère les ont poussés à fuir leur pays. Grâce au Comité international olympique, grand organisateur des Jeux, une équipe de réfugiés a été créée. Yusra, la nageuse syrienne, et Tachlowini, le marathonien érythréen, en font partie.


L’équipe des réfugiés défile, avec le drapeau olympique, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux le 23 juillet 2021. Cela se passe au stade national de Tokyo, au Japon. (Hiroto Sekiguchi / Yomiuri / The Yomiuri Shimbun via AFP)

Yusra a nagé 3 heures en mer …

Yusra Mardini est engagée auprès de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés. Elle veut aider ceux qui, comme elle, ont dû fuir leur pays.

En 2012, Yusra, 14 ans, s’entraîne dans une piscine à Damas, la capitale de la Syrie. Comme d’habitude, elle entend tomber des bombes au loin. Mais ce matin, l’une d’elles atterrit au pied de son bassin : « Elle a fait voler les vitres mais, heureusement, elle n’a pas explosé… »

 

Quelques mois après, Yusra embarque avec sa petite sœur et d’autres migrants sur un canot pneumatique pour traverser la Méditerranée. Quand le bateau tombe en panne, elle se met à l’eau et, grâce à son bon niveau de natation, le fait avancer pendant trois heures : « Je ne sais pas comment j’ai tenu ainsi dans l’eau. Sans doute parce qu’il y avait ma petite sœur dans le bateau… » Puis, comme leurs parents ont préféré rester en Syrie, les deux sœurs sont prises en charge en Allemagne. Yusra reprend l’entraînement : « Quand on a été victime de drames, faire du sport est une précieuse aide, un moteur pour avancer vers un avenir meilleur, pour se reconstruire… » À 18 ans, la Syrienne décroche sa sélection pour les Jeux olympiques, dans la première équipe de réfugiés créée pour les J.O. Aujourd’hui, à 23 ans, elle participe pour la deuxième fois aux J.O.

Tachlowini a traversé un désert à pied …

Les parents de Tachlowini sont restés en Érythrée. Il ne les a pas revus depuis 8 ans.

À 12 ans, Tachlowini Gabriyesos quitte l’Érythrée, un pays d’Afrique où les droits humains sont très peu respectés. Accompagné seulement de son frère, plus âgé d’un an, il traverse le brûlant désert du Sinaï pour rejoindre Israël. Dans la ville de Tel-Aviv, il peut aller à l’école et pratiquer l’athlétisme. À 23 ans, ce marathonien est le premier de l’équipe des réfugiés à se qualifier pour Tokyo. Tachlowini est heureux de participer à ses premiers Jeux : « Au sein de notre équipe de réfugiés, on veut tous envoyer un message de solidarité et d’espoir pour sensibiliser à la situation de populations vivant des tragédies. »

80 millions de migrants
Aux derniers Jeux, en 2016, une équipe de réfugiés participait pour la première fois. Elle comptait 10 athlètes. À Tokyo, ils sont 29, dont 10 femmes, représentant 13 pays et 12 sports. Grand organisateur des Jeux, le CIO (Comité international olympique) aide actuellement 200 000 athlètes réfugiés à retrouver le chemin de l’entraînement. Et il ambitionne d’aider 1 million de réfugiés d’ici 2024. Sur la planète, 80 millions de personnes, appelées des « déplacés » ou des migrants, sont obligées de fuir leur pays d’origine.

Sophie Greuil.