Covid-19 : un Conseil de défense de plus en plus critiqué …

Chaque semaine, le chef de l’État définit sa stratégie anti-coronavirus dans le secret du Conseil de défense.  Pourquoi n’y a-t-il pas de débat public en France sur la légitimité de ce conseil de défense dont le pouvoir de régir nos vies vient d’être prorogé pour quatre mois ? Les oppositions dénoncent cette forme de gouvernance opaque et restreinte autour de l’exécutif … Emmanuel Macron abuse-t-il des Conseils de défense ?

Sur cette année 2020, il y aura eu à ce rythme presque un Conseil de défense par semaine. Avec le Conseil de défense, ce n’est pas le gouvernement qui gouverne, c’est le Président qui décide, le symbole de l’hyper-présidentialisation. Un édito de 2’48 » signé Olivier Bost pour la Matinale de RTL du 12 novembre 2020


Covid-19: Le Conseil de défense de Macron pilonné par les oppositions

Chaque semaine ou presque, le chef de l’État définit sa stratégie anti-coronavirus dans le secret du Conseil de défense. Une habitude qui commence à faire grincer des dents
Un article d’Anthony Berthelier publié dans Le Huffingpost du 5 novembre 2020

Photo Yoan VALAT / POOL / AFP
Pourquoi le format du Conseil de défense est-il au centre des critiques de l’opposition?

 

C’est là que tout se passe. Depuis le printemps dernier, Emmanuel Macron réunit tous les mercredi -ou presque- son Conseil de défense pour parler de la crise sanitaire. Avec le chef du gouvernement, quelques ministres et hauts-fonctionnaires triés sur le volet, c’est là que le président de la République décide de sa stratégie contre la pandémie de coronavirus.

C’est là aussi qu’il réunit sa garde rapprochée pour évoquer les sujets ultra-sensibles liés au terrorisme; à l’image de son prédécesseur François Hollande qui a multiplié les Conseils de défense après les attentats de Charlie Hebdo, au point de le rendre hebdomadaire face à la menace jihadiste.

Mais pour l’opposition, cet organe, qui semble peu à peu se substituer à l’immuable Conseil des ministres commence à jouer un rôle trop important dans la lutte contre le coronavirus. Plusieurs responsables de gauche comme de droite s’inquiètent des dérives qu’il entraînerait.

“Un comité secret pour mettre tout le monde à l’abri”

Le plus offensif est sans doute Jean-Luc Mélenchon. S’exprimant dans les couloirs de l’Assemblée nationale, le patron des députés Insoumis qualifiait, le mardi 3 octobre, le Conseil de défense de “comité secret” autour du chef de l’État.

“Normalement dans ce pays, c’est le Conseil des ministres qui examine les décisions et les proposent ensuite à l’Assemblée ou décide de ce qui va passer en décret. Là, tout est précédé par un Conseil de défense”, a-t-il regretté, ajoutant qu’une “république démocratique ne peut pas être commandée par une série en chaîne de maillons déclarés irresponsables.”

C’est là, le principal grief fait au conseil de Défense: son opacité. “Il n’y a pas de compte rendu de ses réunions. Et tout ce qui s’y dit est couvert par le secret défense”, fustigeait, dimanche, le patron des Insoumis dans une tribune publiée par le JDD.

Certaines règles y sont immuables et le flou qui le drape est effectivement plus épais que celui qui entoure le Conseil des ministres. Le téléphone portable y est interdit, les participants doivent se munir d’un bloc-notes marqué du sceau “secret-défense”, les documents sont détruits ou conservés dans coffre, détaille Le Figaro à travers une longue enquête dans laquelle un “conseiller de l’exécutif” résume: “Ce qui se dit en Conseil de défense reste en Conseil de défense. Cela n’existe pas.”

“Respecter les instances, c’est mieux”

Un secret qui commence à chagriner, au-delà des Insoumis. “Le Haut conseil de défense, c’est ce qui est en train de remplacer le Conseil des ministres, en ce moment, c’est ça?”, grinçait le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, auditionné au Sénat le 22 septembre dernier. Et l’ancien ministre de la Santé d’ajouter: ”Ça donne le sentiment que le Conseil des ministres n’est plus là et que c’est maintenant le Haut conseil de défense qui décide de tout. Il y a des institutions, il y a des instances: les respecter c’est mieux.”


Covid-19 : « Le Conseil des ministres n’est plus là », reproche Xavier Bertrand

Un article de Public Sénat du 22 septembre 2020

Le président du conseil régional des Hauts-de-France, et ancien ministre du Travail et la Santé (2010-2012) Xavier Bertrand , était auditionné ce 22 septembre 2020 devant la commission d’enquête du Sénat d’évaluation des politiques publiques face aux pandémies. Il a livré un regard critique sur l’évolution de la gouvernance et de l’importance croissante prise par le conseil de défense.

À la Haute assemblée, même le sénateur LR Philippe Bas, connu pour sa mesure, trouve à redire de l’utilisation répétée de ce Conseil de défense dans la gestion de la crise sanitaire. “Le Conseil de défense est une structure appropriée quand l’armée française doit intervenir, par exemple dans des opérations extérieures. (…) En revanche, est-ce le lieu pour prendre des décisions sanitaires, dans lesquelles l’armée n’a qu’un rôle marginal à jouer? Le conseil de défense est utilisé ici comme symbole du pouvoir régalien, mais cela ne suffit pas à justifier que l’on prenne des décisions dans une enceinte qui n’est pas faite pour cela”, expliquait l’ex-président de la commission des lois du Sénat, le 1er novembre à l’Express.

Chez les Écolos, Yannick Jadot plaide plutôt pour un “conseil de sécurité sanitaire avec les ministres, les experts, le conseil scientifique mais aussi les forces politiques, les forces vives du pays”. Interrogé sur le rôle du Conseil de défense, l’euro-député a simplement déploré que “le chef de l’État décide seul, entouré de quelques conseillers dans son bureau.”

Autant de critiques sans fondement selon l’Élysée. L’entourage du président de la République fait valoir à LCI que le Conseil de défense est “une instance légale, encadrée par des textes, et que son champ d’action couvre tous les domaines relatifs à la sécurité, y compris sanitaire. D’où le fait de s’en saisir.” Circulez, il n’y a rien à voir.

Covid-19: il faut dessaisir le Conseil de défense

Un article publié le 4 novembre 2020 dans Le blog Médiapart de Raquel Garrido et Pierre-Yves Cadalen

La captation présidentielle du pouvoir, à travers le Conseil de défense et de sécurité nationale, est inconstitutionnelle et inefficace. Ce conseil, en rien responsable ni devant les Français ni devant le Parlement, est devenu la boîte noire de la République. Tout s’y décide sans que nul ne sache ce qui s’y passe et s’y dit. Nous devons ouvrir des perspectives politiques nouvelles.

Quatre semaines, huit semaines, douze semaines : les durées du confinement circulent, hypothèses incertaines avancées dans la presse. Qui décide du confinement et de ses modalités ? Le Président Macron et son Conseil de défense et de sécurité nationale. Ce conseil, en rien responsable ni devant les Français ni devant le Parlement, est devenu la boîte noire de la République. Tout s’y décide sans que nul ne sache ce qui s’y passe et s’y dit.

Pourtant, dans les semaines à venir, la stratégie de lutte sanitaire sera décidée par ce conseil, et avant tout par Emmanuel Macron. Le Président aime parler, cette année. Devant une tente militaire, dans son bureau de l’Elysée, depuis un hôpital, la mise en scène est permanente et il est seul à gouverner le pays. Ce pouvoir solitaire est un problème, pour plusieurs raisons.

La mauvaise qualité des décisions

D’abord, et c’est pourquoi la démocratie est un régime et un idéal souhaitables, la décision d’un homme seul est toujours moins bonne que des décisions collectives. Le Président annonce le confinement le 28 octobre, mais le 30 nul ne sait toujours les règles qui s’appliquent aux commerces, aux entreprises ou encore aux universités, puisqu’aucune concertation n’a eu lieu avant. La raison principale de l’absence de concertation est malheureusement dans l’orgueil mal placé du pouvoir. Il n’y a plus de mise en scène présidentielle si le secret de la décision disparaît. Mais la construction collective de la lutte contre l’épidémie supposerait de renoncer à ce spectacle de l’annonce présidentielle : impossible pour Macron.

L’affaiblissement des institutions et l’accroissement des tensions sociales et politiques

La délibération est nécessaire pour construire une stratégie efficace. Les institutions monarchiques de la Ve République, débordées par un pouvoir présidentiel qui est pourtant en leur cœur, ne laissent aucune place à la discussion démocratique. Le pouvoir entend s’imposer de lui-même, en permanence et sans concertation.

La lutte contre l’épidémie, qu’Emmanuel Macron a présentée de façon déraisonnable comme une guerre, doit selon lui étouffer la pluralité des options possibles. En plus de dégrader la situation sanitaire, avec une gestion de crise manifestement ratée, ce sont les institutions démocratiques elles-mêmes que Macron affaiblit. Pilote incertain du pays, il fonctionne en roue libre.

Le problème actuel du pays aujourd’hui est le suivant : les tensions s’accroissent du sentiment de n’être pas gouvernés. Débats irresponsables ouverts par le gouvernement, incohérences dans les prises de décision, déclarations contradictoires au sein du Gouvernement, cafouillages au sein de la majorité à l’Assemblée Nationale, et absence manifeste de plan : il semble ne pas y avoir pilote dans l’avion.

Cette impression anarchique est, paradoxalement, la conséquence directe de l’hypercratie macroniste. Le consentement citoyen aux mesures adoptées est une condition sine qua non de leur efficacité. En concentrant toutes les (mauvaises) décisions sur sa personne, le Président prive le Gouvernement de la capacité de gérer au mieux la crise sanitaire.

Dans l’immédiat, le Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN) doit être dessaisi de la gestion de la crise sanitaire

L’article R1122-1 du Code de la Défense ne confère en rien au Conseil de défense la compétence de la gestion d’une crise sanitaire, fusse-t-elle de grande ampleur. Le Premier Ministre et l’Assemblée nationale doivent résister à la captation du pouvoir par le Président Macron. L’art. 20 de la Constitution confère au Premier Ministre le pouvoir de déterminer et conduire la politique de la Nation, et il est seul responsable devant l’Assemblée Nationale qui a le pouvoir de le contrôler et de le censurer.

Même si on a pu – à tort – considérer que la politique de défense échappait à la compétence du Gouvernement au profit du Président de la République, il est absolument évident que la gestion de la crise sanitaire ne relève pas de la politique de défense.

Et à celui qui prétendra que le CDSN peut traiter de « crises majeures », il va de soi qu’il s’agit de crises majeures en matière de défense et de sécurité nationale, pas de toute crise, quelle qu’en soit la nature. Le Conseil de défense est astreint, en droit, au principe de spécialité. Il ne peut, sans violer les textes constitutionnels, organiques et réglementaires en vigueur, s’approprier le pouvoir de décider de tout et même, comme ce fut le cas en mai dernier, de l’ouverture du parc d’attractions du Puy-du-Fou !

La solution par la 6e République

La France est selon nous un pays républicain, qui aspire à un renouvellement profond de ses institutions démocratiques. Les Français sont attachés à l’idée qu’un seul souverain existe en démocratie, le peuple.

Nous devons refuser que l’horizon soit ainsi fermé par le pouvoir personnel d’un homme, auquel nos destinées individuelles et notre destin collectif seraient liées. Nous devons ouvrir des perspectives politiques nouvelles. L’épidémie actuelle est un premier symptôme d’une époque nouvelle qui s’ouvre. Nous constatons que cette époque accroît considérablement les dangers du pouvoir solitaire, puisque ce sont nos vies qui sont en jeu dans les décisions prises.

La construction d’un pouvoir collectif et citoyen est plus que jamais une nécessité. Alors que le Chili vient de voter pour la convocation d’une Assemblée constituante qui va ouvrir une nouvelle page de l’histoire de ce peuple, la France, d’où est née cette belle idée il y a plus de deux siècles, n’a qu’à rallier ce mouvement des citoyens décidés à reprendre leur histoire en main.

La convocation d’une Constituante est donc, pour nous, une question de dignité républicaine, de gestion efficace des crises, de démocratisation de notre pays. Un tel événement en France peut se produire à l’occasion de la présidentielle de 2022. Si nous saisissons cette occasion, nous renouerons avec l’espoir et l’horizon positif dont le peuple français a si souvent su s’emparer.

Raquel Garrido, avocate au Barreau de Paris, éditorialiste, auteure du Guide citoyen de la 6ème République (Fayard)
Pierre-Yves Cadalen, docteur en sciences politiques, responsable du livret « 6ème République et Constituante » de La France insoumise
Source : Le blog de Raquel Garrido et Pierre-Yves Cadalen


Philippe Bas: «L’isolement de l’exécutif diminue l’acceptabilité des mesures»

Le sénateur LR de la Manche met en garde le gouvernement face à l’exercice de pouvoirs exceptionnels en temps de crise, sans un contrôle «étroit» du parlement.

Un article d’Emmanuel Galiero, publi
«Plus nous exerçons des contraintes sur la liberté des Français, plus leurs représentants doivent être là pour autoriser ces contraintes ou les empêcher», estime Philippe Bas.
«Plus nous exerçons des contraintes sur la liberté des Français, plus leurs représentants doivent être là pour autoriser ces contraintes ou les empêcher», estime Philippe Bas. Jean-Christophe Marmara / Le Figaro

LE FIGARO . – Pourquoi le vote du projet de loi gouvernemental sur la prorogation de l’état d’urgence sanitaire vous inquiète-t-il ?

Philippe BAS . – Je demande au gouvernement et aux députés de la majorité parlementaire de prendre en compte l’exigence du contrôle parlementaire. C’est une exigence démocratique fondamentale. L’exécutif doit entendre raison et admettre que les pouvoirs exceptionnels accordés au gouvernement ne pourront pas être reconduits jusqu’au mois d’avril sans contrôle du Parlement. Cela est impensable. Plus nous exerçons des contraintes sur la liberté des Français, plus leurs représentants doivent être là pour autoriser ces contraintes ou les empêcher. Je note que le gouvernement, mardi, a mis le doigt de lui-même sur une contradiction: le soir, le confinement est moins restrictif que le couvre-feu parce que l’éventail des sorties possibles est plus ouvert … On est en plein « Stop-and-go » !

Pour quelles raisons la commission mixte paritaire a-t-elle échoué ?

Pour une seule et unique raison : la situation nous semble trop grave pour que le Parlement ne soit pas amené à se prononcer régulièrement sur ces pouvoirs. Pourquoi, le parlement qui les a accordés au gouvernement quatre fois depuis mars, ne serait-il pas consulté durant les six prochains mois ? Nous n’arrivons pas à comprendre cette opposition à nos propositions, alors même que nous avons toujours été au rendez-vous et que le Parlement a fait la preuve qu’il assumait pleinement ses responsabilités.

Quelles étaient les propositions sénatoriales ?

Nous proposions deux choses. D’abord, la possibilité de vérifier la nécessité des pouvoirs exceptionnels le 31 janvier. Ensuite, quand la décision de confinement est arrivée, en cours de discussion législative, nous avons signalé que cela était tellement restrictif pour les libertés qu’une éventuelle prolongation de ce confinement jusqu’à la fin de l’année ne pouvait pas être décidée seulement par le gouvernement. Et nous avons alors proposé de revenir sur le sujet au plus tard le 8 décembre, mais cela aussi a été rejeté.

Si la France affronte une conjonction inédite de crises et d’urgences, n’est-il pas logique que le pouvoir opte pour un fonctionnement d’exception ?

Je m’inscris en faux contre cette approche. Il faut faire exactement le contraire. Plus nous avons besoin de donner des pouvoirs exceptionnels au gouvernement, plus la contrepartie s’impose dans notre démocratie. L’isolement diminue l’efficacité de l’action parce qu’il diminue l’acceptabilité des mesures prises, sachant que la représentation nationale incarne tous les Français dans leur diversité tandis que le pouvoir exécutif représente surtout l’État. Le gouvernement est parfaitement légitime mais s’il veut pouvoir exercer son pouvoir face à la gravité des crises, il doit fabriquer de l’unité nationale à travers le vote du parlement sur les pouvoirs exceptionnels. Il ne peut pas fabriquer cette unité tout seul, par la seule force du verbe.

Pourtant, le texte devrait être voté en l’état jeudi à l’Assemblée. Votre combat n’est-il pas vain ?

Le combat pour les libertés n’est jamais vain. Quelles que soient les circonstances, il faut toujours le conduire. Il existe un vote du Sénat et l’on ne peut pas faire comme s’il n’existait pas. Les Français sont ainsi alertés sur le fait qu’il existe des contre-pouvoirs libres et indépendants au sein de notre démocratie, garants d’un meilleur équilibre. Les sénateurs ne plaident pas pour baisser la garde face au Covid mais au contraire pour une utilisation efficace des moyens nécessaires. La contrepartie, c’est le contrôle parlementaire. Nous prenons à témoin les Français de cette exigence démocratique fondamentale pour que le gouvernement n’agisse pas sans avoir à leur rendre de comptes. La situation actuelle ne leur garantit pas une protection contre d’éventuels abus.

Observez-vous d’autres facteurs de fragilisation du débat parlementaire ?

Nous voyons monter des forces extrémistes qui s’accommoderaient fort bien d’une sortie de l’État de droit au nom d’une prétendue efficacité. Or, chaque fois que nous faisons des concessions excessives à l’exercice d’un pouvoir vertical où il n’y a plus d’intermédiaire entre le président de la République et le Peuple, nous leur donnons des arguments. C’est une profonde erreur, tant en termes de philosophie qu’au plan historique car la France retrouve une situation incertaine que nos générations n’ont jamais connue. Et c’est précisément en ces temps d’incertitudes et de lutte contre le terrorisme que nous avons absolument besoin de repères et de boussole. Sans doute, devons-nous adapter notre État de droit aux réalités de notre époque mais ce n’est pas en décidant d’en sortir que nous pourrons régler tous ces problèmes.

En matière de lutte contre le terrorisme, sur quels points notre État de droit devrait-il s’adapter ?

Par deux fois le Conseil constitutionnel a annulé des dispositions que le Sénat avait prises pour faire de la consultation régulière des sites djihadistes un délit. Cette année, le Sénat a également fait adopter des dispositions pour instaurer des mesures de sûreté à l’encontre des condamnés pour terrorisme mais celles-ci ont également été annulées par le Conseil constitutionnel. Ces deux sujets devraient nous interroger sur l’adaptation d’un État de droit qui ne peut pas rester figé.

Que pensez-vous de la mobilisation régulière du conseil de défense par Emmanuel Macron ?

À côté de l’action concrète de l’État, une action psychologique se développe en s’appuyant sur des symboles illustrant le pouvoir en alerte. Le conseil de défense en est un. Il n’est pas une instance naturelle pour prendre des décisions de santé publique puisqu’il est lié à la fonction de chef des armées. En temps de crise, on peut y discuter d’opérations militaires mais même cela est exceptionnel. En vérité, je pense que cela n’a pas beaucoup d’importance car au-delà de l’action psychologique et de l’affichage, ce n’est pas une nécessité pour le travail gouvernemental. L’important, ce sont les décisions que l’on prend et pour les prendre, le conseil de défense ne s’impose pas. Pour fixer un projet de loi ou signer un décret, le conseil des ministres, point de passage obligé consacrant la décision gouvernementale, reste l’instance incontournable. En réalité, les vrais lieux de la décision sont la réunion des ministres autour du premier ministre et le conseil restreint à l’Élysée.

Que pensez-vous d’un éventuel report des élections régionales et départementales ?

La démocratie, qui s’exprime principalement par le vote des Français, n’est pas une affaire secondaire. Le discours sur les électeurs qui auraient autre chose à penser est évidemment un discours d’affaiblissement de la démocratie. Quand on veut modifier le calendrier électoral, il faut un motif d’intérêt général très important sinon cela crée un soupçon de pure convenance politique. J’invite à la prudence car il sera très difficile de justifier l’impossibilité d’organiser un vote électoral si 12 millions d’enfants et 1 million de professeurs sont à l’école, si 20 millions de Français continuent à travailler au sein des administrations et des entreprises sans être en télétravail, si les transports circulent et les services publics fonctionnent. Personnellement, je crois parfaitement possible d’organiser ces élections en mars prochain. La question du calendrier ne devrait se poser qu’après l’examen des moyens de sécuriser le vote. Au Sénat, nous avons voté des propositions pour faciliter les procurations et le vote par correspondance sous le contrôle du tribunal judiciaire pour s’assurer qu’il n’y a pas de fraudes. Si la mission de Jean-Louis Debré (confiée par Jean Castex, NDLR) doit permettre de se prononcer sur le calendrier, elle doit avant tout évaluer les moyens d’assurer la sécurité des campagnes et des scrutins. Quoi qu’il en soit, si un report devait être acté il ne pourrait absolument pas renvoyer les élections au-delà du mois de juin. Il ne faut pas s’habituer à penser que les difficultés d’un pays doivent remettre en cause l’expression essentielle du suffrage universel.

A la surprise générale, un amendement LR a été adopté mardi soir contre l’avis de la majorité. La fin de l’état d’urgence est finalement fixée au 14 décembre. Un commentaire ?

L’adoption de cet amendement ne peut être accidentelle: elle signifie que la majorité, qui n’a pas osé s’opposer directement au gouvernement sur la nécessité d’un contrôle parlementaire plus étroit de l’exercice des pouvoirs exceptionnels, n’assume plus de soutenir sa position car cette position n’est tout simplement pas défendable en démocratie.