Luc Amoros revient sur l’annulation de « Villeneuve en scène »

Ces 23, 24 et 25 octobre devait se tenir le festival de théâtre « Villeneuve en scène ». adossé à « La semaine d’art en Avignon »Luc Amoros et sa compagnie y présentaient « La Tortue de Gauguin« . C’était sans compter sur la non-autorisation du Préfet du Gard … Une décision qualifiée de « discriminatoire » par le directeur de la compagnie qui livre à PrendreParti.com ses mots choisis …

« La poésie sauvera le monde, dit le poète.
Mais le préfet ne sauvera pas la poésie !

La « Semaine d’art en Avignon », c’est beau, c’est chic,  mais, à notre sens, assurément moins beau et moins chic  sans sa cousine « Villeneuve-en-scène » qui devait se tenir le ouiquinde prochain, juste de l’autre côté du Rhône, et qui vient d’être annulée !

C’est le préfet du Gard qui a émis un avis défavorable à la tenue de ce temps fort, réplique automnale du  rendez-vous annulé de l’été dernier à Villeneuve-lez-Avignon et qui devait se tenir dans le cadre de la « Semaine d’art en Avignon ».

Celle-ci aura bien lieu, dans la même agglomération, dans une version miniature du fameux festival de théâtre, lui aussi annulé en son temps.

Bref, sous couvert d’un état d’urgence sanitaire et d’un principe de précaution fourre-tout, un zélé commis de l’État, par une décision inappropriée, prive le public de l’endroit, d’une respiration attendue, un bol d’air espéré de longue date ; une fête des sens et de l’esprit, comme le théâtre sait en produire, conçue par des professionnels roués aux manifestations d’envergure.
Une fête préparée, organisée, mitonnée en parfaite harmonie avec les services de la ville ; un événement artistique pensé dans ses détails pour protéger les spectateurs de la trouble et virulente contagion du moment et de ses miasmes ; contagion dont nous, qui rédigeons ce billet, mesurons la menace au moins autant que le susdit préfet et dont les organisateurs et nous-mêmes entendions bien nous préserver et prémunir nos semblables avec autant de vigilance que lui mais surtout moins de  brutalité ; aidés en cela par la programmation particulièrement opportune de spectacles qui, par leur  dispositif scénique (dans le cas du nôtre, de manière facétieusement fortuite puisque nous l’avions créé dans le monde d’avant), intègrent déjà les précautions désormais d’usage ; en ce qui nous concerne, une structure verticale de dix mètres de hauteur, permettant à de nombreux spectateurs disséminés, voire éloignés les uns des autres, d’en apprécier pleinement les images vivantes, les voix et la musique.

Précisons, certes avec quelque malice, que notre approche scénographique relevait, au moment de la création du spectacle, d’une démarche prémonitoire car c’est à distance respectable du public que nos huit artistes, disposés par  couples sur les quatre niveaux d’un grand dispositif scénique et chacun d’eux confiné dans son alvéole de plexiglas transparent, engagent avec lui, à coups de pinceaux, d’argile et de pigments, de chants et de poésie , une fructueuse et, malgré tout, intime conversation.

Si nous ajoutons que ce programme était intégralement prévu en plein-air, en plein vent même, dans « la plaine de l’abbaye » à Villeneuve-lez-avignon, un immense espace vert aux allures de clairière et aux larges et nombreux accès, laissant à chaque spectateur attendu la bagatelle de huit mètres carré d’espace vital personnel et de respiration privée, c’est bien sûr pour souligner encore, si besoin était, l’absurdité de cette décision sans objet, qu’aucune nécessité sanitaire ne peut, en l’occurrence, justifier.

Loin de minimiser le danger de contagion et de nier sa progression récente -qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est en aucun cas l’objet de ce billet- , nous nous étonnons qu’au vu de tant de précautions prises autour de cet événement, l’administration départementale, en émettant un avis défavorable à un dossier sanitaire plutôt bien ficelé puisse prétendre lui imputer par avance les conséquences fâcheuses  d’imprudences éventuelles que pourraient commettre des spectateurs, avant et à l’issue de la séance, quand ceux-ci sont  exposés tous les jours à bien des aléas, les  transports en commun ou les commerces, pour ne citer que ces exemples flagrants.

C’est, quoiqu’il en soit,  un très mauvais coup porté à nouveau à nos compagnies de théâtre, après le passage à tabac plutôt traumatisant, déjà subi, comme par  tant d’autres, en  cet « été aux mille annulations » ;  un mauvais coup asséné de sang-froid et dont nous aurons les pires difficultés à nous relever. Si nous avions le mauvais esprit de suggérer que la présente disposition administrative a pour but d’auto-absoudre son auteur de la décision, très récente, d’autoriser dans la ville voisine de Nîmes, la tenue de la Féria, autrement périlleuse du même point de vue sanitaire, chacun pourrait soupçonner sa flagrante iniquité. Nous nous  contenterons ici d’en souligner la parfaite illégitimité.

Même s’il nous semble que, dans cette affaire, l’absence manifeste de discernement de la part du préfet du Gard l’emporte sur quelque autre considération, le résultat est le même et saute aux yeux ; force est en effet de constater que la liberté, pour de simples citoyens, de se regrouper, en toute sécurité autour d’œuvres de l’esprit, est ici, à nouveau, sinon sciemment bafouée, au moins inutilement méprisée, malmenée, traitée comme quantité négligeable.

Nous nous réjouissons, à ce propos, que la « Semaine d’art en Avignon » ne soit pas menacée par tel dictat de pacotille, sans toutefois pouvoir nous empêcher de déplorer, en mauvais esprits invétérés que nous sommes, qu’encouragée par un tel régime d’arrêtés discrétionnaires, la discrimination est ici à l’œuvre ; que cette funeste décision contribue, comme s’il en était besoin, à cloisonner encore, dans l’esprit de nos concitoyens, les champs de l’art ; d’un côté les arts zofficiels et zautorisés dont on s’accommode quoiqu’il arrive ;  de l’autre les arts « parias » de la rue, que nous représentons ; à démarier, les zartistes majeurs et ceux de peu,  et, avec eux, leur public. Des citoyens … de peu, en quelque sorte.

Mais ça, c’est vraiment parce que nous sommes des zinvétérés mauvais zesprits ! Non, y a pas zà dire, la Semaine d’art en Avignon, c’est beau, c’est chic. »

Luc Amoros
Le 21 octobre 2020


CORONAVIRUS
Le festival Villeneuve en scène finalement annulé

Le festival de théâtre Villeneuve en scène devait se tenir les 23, 24 et 25 octobre. (photo Villeneuve en scène)
Les 23, 24 et 25 octobre, devait se tenir le festival de théâtre « Villeneuve en scène ». Les organisateurs ont annoncé ce lundi 19 en début d’après-midi qu’ils n’étaient pas « en mesure de maintenir les trois soirées » à cause de la crise sanitaire. 
« Adossés à la semaine d’art d’Avignon, nous avions pris le parti d’un beau rassemblement, majestueux, monumental, magnifique. Jouant du plein air et de l’espace, nous avions les moyens de nos ambitions poétiques, est-il indiqué dans le communiqué. Nous avons travaillé de concert avec les services de la préfecture et de la ville afin que notre organisation réponde parfaitement aux prescriptions sanitaires. Nous étions dans les clous. Malheureusement, l’évolution de l’épidémie dans le Gard nous a rattrapés. Des décisions nationales et locales sont prises afin d’endiguer l’épidémie.« 
Et d’ajouter : « Cette nouvelle annulation est un coup dur pour les artistes, pour le public, comme pour le territoire. Cette décision ne doit pas altérer notre soif de paroles artistiques, notre besoin de communauté sensible. Il y aura forcément d’autres jours. Ce n’est que fête remise.« 

Renseignements pour les modalités de remboursement au 04 32 75 15 95.

 


Résidence à Brest de “La Tortue de Gauguin”
Cie LUCAMOROS / février 2017

Fidèle au théâtre d’ombres qui a ouvert son parcours, Luc Amoros manie depuis longtemps le croisement des disciplines, mêlant arts plastiques, performance, théâtre visuel et musiques de scène. Il a étendu ses recherches à l’écriture avec une attention particulière au monologue, à la chronique voire à la chanson …  Une vidéo de 5’45 » réalisée par Demi-sel Production

Compagnie inclassable qui contribue à renouveler le théâtre d’ombres pour tous les publics. Le Fourneau a accompagné les créations de cette compagnie depuis 2000 (à l’époque la compagnie s’appelait « Amoros et Augustin » avant de changer de nom en 2009 pour devenir la Compagnie LucAmoros).
Une première résidence brestoise en janvier 2000 pour la création de 360° à l’Ombre, puis en janv./fév. 2002 pour 36Ø1° joué au FAR de Morlaix 2000 puis 2002 et aux Vieilles Charrues en 2003. En 2001, la compagnie est en résidence multimédia pour la création de son 1er site Internet. En 2007, la résidence de L’éternel Tournage qui est joué en 2008 au FAR. En 2008 et 2011, Je leur construisais des labyrinthes est en résidence au Fourneau. En 2009, Page Blanche est en résidence et est joué au FAR du Pays de Morlaix, à La Déambule à Brest à Brest (2010) et à Carhaix (2012) (2012). En 2012 toujours, Autoportrait était en résidence au Fourneau. En 2013, Le Fourneau programme Quatre Soleils et Page Blanche au festival des Rias. Quatre Soleils est de nouveau programmé en juillet 2014 à l’occasion du Temps Bourg de Guipavas …

En savoir plus sur la Cie LUCAMOROS

http://www.lucamoros.com