Samedi 29 août 2020, Lac de Chalain, clôture des Échappées jurassiennes des fous de la falaise … « Pas moyen d’obtenir l’autorisation de faire une commémoration de la Falaise des fous, à l’endroit même ou cela avait eu lieu en 1980 cet événement majeur du théâtre de rue » . Suspense jusqu’au bout. Les récits de Stéphanie Ruffier, Edith Rappoport et Jacques Livchine …
40 ans plus tôt, au bord du même lac de Chalain …
6 et 7 septembre 19080. C’est à la tête de sa nouvelle compagnie, Les Charmeurs réunis, que Michel Crespin réalise son premier coup d’éclat, « La Falaise des fous ».L’espace d’un week-end, il rassemble sur les bords du lac de Chalain, dans le Jura, quelque 70 troupes de jongleurs, bateleurs, équilibristes et autres « performers » de haut vol regroupés sous le titre Les Saltimbanks réunis. Des milliers de spectateurs sont au rendez-vous de ce qui sera considéré comme le manifeste des arts de la rue.
Une vidéo de 3’57″/ Archives INA
40 ans plus tard, au bord du même lac de Chalain, pas moyen d’obtenir l’autorisation de faire une commémoration de la Falaise des fous …
« C’était folie ! Se donner rdv de bon matin comme des contrebandiers, en passant par la forêt ou par le chemin payant – attendre – négocier – tenter de libérer ceux qui restent de l’autre côté de la barrière – faire passer le jerrican – ne rien savoir – attendre encore – et puis soudain …
Un captage vidéo de 3’08″…
Courant autour du grand totem dans la prairie, prenant dans mes bras Jacques et son caméscope, faite exclusivement de remous et de secousses, je sentais que tout était là, simplement : le corps en mouvement, la musique de Nino Rota, un grand truc intranquille qui nous relie au ciel, notre joie d’être là, ensemble. »
Le témoignage de Jacques Livchine
« Pas moyen d’obtenir l’autorisation de faire une commémoration de la falaise des fous, à l’endroit même ou cela avait eu lieu en 1980 un événement majeur du théâtre de rue après Aix ville ouverte aux saltimbanques en 1973.
Jacques Livchine
Repéré sur Facebook …
Les Echappées jurassiennes des fous de la falaise organisée par la Franc-Comtoise de rue
Les compagnies de rue de Franche-Comté en hommage à Michel Crespin disparu en 2014, organisent quatre échappées à travers la région, en mobylettes, à vélo, sur des ânes, voir en camping-car et un groupe suisse viendra les rejoindre. Ce vendredi, nous avons vu les quinze comédiens cyclistes dans la cour d’école de Châtelneuf (Jura), un village de 147 habitants dont la plupart arrivent le soir chargés de victuailles. La mairie est une des rares à avoir soutenu ce projet un peu fou. Les acteurs font chaque soir, un spectacle différent élaboré dans l’après midi. Soit une succession de treize scènes. Pas de décor, quelques accessoires et beaucoup de scènes sans texte. On voit des jambes émerger sous une bâche. Six filles et deux hommes chantent: « Le Jura, donne-moi du gras et du Conté de dix-huit mois.»
Puis ils racontent leurs nuits et leurs insomnies, dorment dans les salles de fête à même le sol. Ils s’emmitouflent, se couchent, se disent bonne nuit et ronflent. Mais Mathilde ne supporte pas les ronflements et prend dans son sac de couchage, des poses incroyables, car elle est quasiment contorsionniste. Ils se racontent, présentent à la demande d’une spectatrice, leurs vélos, et racontent les côtes, les déraillements , les piqûres de guêpe, etc. « J’ai les fesses tellement tannées que je suis obligé de pédaler en danseuse.Je ne sais pas si j’aurai de bonnes idées pour la prochaine échappée« . Mathilde ose avouer que, pour une femme, l’on peut vivre de très agréables sensations à vélo. Rires du public. Un homme sur un banc mange un sandwich, un deuxième arrive, une fille se dandine, un homme crache des noyaux dans la bouche de l’autre, à quatre mètres de lui mais n’y réussit pas… Puis, il y a une série de séquences incohérentes mais drôles qui se terminent par la lecture d’un extrait des Raisins de la colère de John Steinbeck sur une petite chorégraphie, et suit une chanson. Spectacle gratuit, on ne passe même pas le chapeau mais les comédiens, issus de différentes compagnies, sont invités à dîner. Céline Chatelain, metteuse en scène bien connue à Besançon, a pris les rênes du groupe.
Le 29 août, matin, le Théâtre de l’’Unité qui en a pris la responsabilité, a voulu rendre un hommage à Michel Crespin décédé en septembre 2014 qui avait organisé ici un acte fondateur du théâtre de rue: La Falaise des fous. Rendez-vous secret à 10 h au bord du lac de Chalain car aucune demande n’a été faite en préfecture. Ralph Geldreich, le directeur du camping à qui la Franc-Comtoise de rue avait demandé un accès pour cent personnes maximum pour à peine dix minutes en respectant les consignes covid, avait sèchement refusé et a fait fermer tous les accès pour que rien ne puisse avoir lieu. Une douzaine de personnes sont quand même arrivées à descendre du haut de la falaise par un petit sentier. Mais Xavier Juillot l’artiste qui doit intervenir, ne pourra pas pénétrer. C’est le drame annoncé. Anne Matheron, la directrice de la D.R.A.C. Bourgogne- Franche Comté est présente car elle connaissait Michel Crespin. Accompagnée par Stéphanie Ruffier, la présidente de la Franc-Comtoise de rue, elle va alors voir le directeur du camping. Comme elle représente le préfet et l’Etat, et qu’elle se porte garante de l’événement, le directeur finit par céder en avalant sa colère. Seule condition exigée : porter un masque et partir avant midi. Pendant quelques minutes, la frontière va s’ouvrir laissant passer une dizaine de véhicules dont la remorque de Xavier Juillot, chargé de la performance centrale. La gendarmerie surveille à une centaine de mètres. La tension est forte. Petit discours d’ouverture de Jacques Livchine avec la célèbre phrase d’Anton Tchekhov : « Les vivants ferment les yeux de morts mais les morts ouvrent les yeux des vivants”et ainsi donc Michel continue de nous parler. Bernard Kudlak, le directeur du Cirque Plume plaide pour que les jeunes n’oublient jamais la nécessité de la poésie dans le théâtre. Et là, miracle, le moteur Porsche, se met en route et à 11 h 52, la machine se met en route et une structure gonflable s’élève à cent mètres.
« Gigantesque émotion, dit Jacques Livchine, nos yeux sont embués de larmes de joie. Phénomène bizarre, nous sommes ensemble, liés par une force souterraine, une espèce d’amour universel, un sentiment indescriptible d’appartenance à un mouvement artistique qui ne s’arrêtera pas. » Les artistes présents improvisent un rituel, courent autour de la structure, puis se couchent, on entend au loin, la musique de Ninon Rota (une la fanfare de cuivres et percussions) pour Huit et demi (1963) de Federico Fellini avec Marcello Mastroianni, Anouk Aimée… Un souvenir d’il y a quarante ans. Invités par Michel Crespin, 270 artistes avaient joué ici. Et la Falaise des fous restera, après Aix-en-Provence, ville ouverte aux saltimbanques, une grande manifestation crée par Jean Digne en 1973, un événement fondateur du théâtre dit de rue. Puis Michel Crespin avait créé entre autres, le festival d’Aurillac, la Fédération des Arts de la rue, Lieux Publics…
Retour à Verges à une dizaine de kilomètres, ce village est le seul dont la mairie avait décidé d’accueillir la suite de l’événement qui va durer tout le samedi…. Chaque groupe doit raconter son échappée puis organiser un débat. Premier groupe initié par Christophe Châtelain, directeur du Pudding, mobylette et gros pistons . Quinze casques posés par terre, chacun des coureurs lève les bras, se casque enfourche sa mobylette.. Christophe parle aux jeunes : « Vous êtes la génération maudite. » Ils ont entre douze et quatorze ans, ils font des acrobaties sur le capot de la Jeep. Puis s’’ensuit une discussion en trois groupes : enfants, jeunes adultes et « historiques ». La question: quelle est votre définition de la décentralisation culturelle ? Thierry Combes avec son camping-car, raconte son échappée. Il se demande si on peut dans les arts de la rue, atteindre profondément un spectateur? Discussion intéressante mais si on est déjà touché soi-même en jouant, n’est-ce pas suffisant ? Il faut vivre en poésie, la question de la joie est essentielle, dit Bernard Kudlak. Les seize cyclistes posent leurs vélos et s’asseyent. Ils font une démonstration acrobatique. « On a tous essayé des disciplines qui ne nous appartenaient pas. Départ à 8 h chaque jour. Quatre heures de pédalage. Tous les soirs, on a essayé des formes différentes. Une anecdote nous a fortement marqués. Sur la route, on reçoit un message téléphonique marquant une hostilité à notre venue. Une dame craignait que l’on joue sous ses fenêtres… Puis on a fait une représentation magique: une grande rencontre avec les habitants du village. Face au covid, les gens ont eu peur. Mais dans les petites communes qui se sont frottées à l’intrusion de l’étrangeté, les gens sont très contents. Les acteurs sont obligés de jouer dans les cours d’écoles mais tout le monde faisait tout. La vélorution: emmener le théâtre dans les campagnes mais, grand sujet de discussion, on fait comment quand les gens nous rejettent au nom de leur tranquillité? «
Mathurin Gasparini du groupe Tonne et Stéphanie Ruffier évoquent l’échappée des ânes : ils ont marché trente deux kms…. « Les caravanes se forment pour parcourir les villages et monter cette œuvre théâtrale partagée, et même au pire, ça marche ! il faut, disent-ils, aller à la rencontre des gens sur leur territoire. La Fédération des foyers ruraux rassemble un public plutôt âgé. Dans le groupe des ânes, il y avait Simon avec son castelet et son guignol. Il déforme sa voix et fait beaucoup rire… C’est un roi de la manipulation qui a été élève de l’Ecole de marionnettes de Charleville-Mézières…
Les compagnies Echappée BD, Little Nemo, David Eischenberger et Elise ont joué dans les médiathèques les mardis et mercredis, ont font des micro-trottoirs à Moirans-en-Montagne, la capitale du jouet (2.500 habitants) Ils passent trois ou quatre jours dans chaque ville dont la dernière est Mesna, accueillis par des personnes-relais.Une opération passionnante que celle de ces Echappées des fous de la falaise. Soutenue par Scènes du Jura-Scène nationale, la D.R.A.C., le Département et organisée en moins de trois semaines avec une ferveur incroyable. Et si là se jouait le théâtre de l’avenir? Irriguer le territoire hexagonal village par village pendant que les villes tremblent sous la menace du COVID…
Edith Rappoport
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Les Folles échappées des fous de la falaise
Quand restent juste quelques festivals et fêtes de villages, toute l’équipe de la Franc-Comtoise de Rue, qui regroupe entre autres, les compagnies de la région comme entre autres: Atelier 6B, Bilbobasso, BoxOffice, La Carotte, Entre Terre et Ciel, Equinoctis, Gravitation, Graines de vie, Groupe ToNNe, Les Chauds du Chœur, Les Urbaindigènes, Le Pocket Théâtre, Le Pudding Théâtre, Le Ring Théâtre, Rubato, Simia, Le Théâtre de l’Unité, Le Théâtre Group… C’était sans doute le moment pour elles «d’inventer et de nous rassembler pour échanger, festoyer et envisager l’avenir ensemble ».
Plusieurs compagnies de Franche-Comté s’étaient réunies il y a quelques semaines aux bords du Doubs pour établir un acte radical et poétique de résistance avec La Conjuration de Granvelle (voir Le Théâtre du Blog). Pour Christophe Châtelain, acteur et «metteur en rue», «tout le monde trouve des façons de résister. Il faut profiter de ce moment pour rassembler les intermittents de Franche-Comté, apporter de la poésie et de la beauté. Il faut convoquer tout le monde pour s’emparer à nouveau du dehors et sortir notre épingle du jeu maintenant.
Stéphanie Ruffier, professeur de lettres et spécialiste du théâtre de rue, est l’une des principales animatrices de cette grande opération : «Il y a deux objectifs pour ces compagnies réunies en collectif dans un esprit de lenteur décroissance, proximité, relocalisation, esprit de famille convivialité et théâtre populaire. Nous avons d’abord imaginé une tournée locale passant par les petites routes et s’arrêtant dans une vingtaine de villages pour de courts spectacles. Jacques Livchine, co-directeur avec Hervée de Lafond, prendra en charge la partie artistique de cette odyssée familiale qu’on souhaiterait voir au plus proche des habitants du Jura. Le but est aussi de valoriser le savoir-faire des arts de la rue pour créer un moment collectif d’échange et de partage. »
« Et à la fin août, ces Echappées seront comme une «transhumance » d’une cinquantaine d’artistes dans le Jura rural. Avec six équipes itinérantes. Les unes avec des ânes, les autres avec des vélos et/ou des mobylettes, en camping-car ou encore à pied. Elles offriront chaque soir un spectacle gratuit dans des villages. Le budget de l’ordre de 50.000 € étant alimenté, entre autres, par la D.R.A.C. qui a répondu favorablement à la demande de la Franc-Comtoise. Mais il y aura aussi un second volet : la célébration de ce moment unique qu’a été La Falaise des fous en hommage à Michel Crespin, fondateur du festival d’Aurillac mort il y a six ans et qui, en 1980, créa cet événement au bord du lac de Chalain (Jura). Chaque équipe développera son univers propre avec théâtre de rue, danse, marionnettes, récit, mais aussi, chœurs, fanfare… »
Ainsi la compagnie L’oCCasion soit une vingtaine d’artistes et technicien se déplaceront à vélo: « L’idée ici n’étant pas de produire chaque soir un spectacle bien huilé, avec tous les codes d’un projet professionnel, mais de nourrir une écriture par le chemin parcouru la journée. Pour créer un cabaret semi-improvisé : numéros, chansons ou autres préparés en amont et alternant avec des scènes ébauchées le soir à partir d’une collecte d’ impressions, incidents. Histoires sans frein serait une sorte de carnet de voyage théâtral. Les étapes : Mesnay, Besain, Crotenay, Pillemoine, Ménetrux-en-Joux avec arrrivée à Chalain.
Box Office, elle, viendra du Jura suisse en fourgonnette avec Little Nemo un spectacle de marionnettes imaginé par David Eichenberger pour l’image et par Elise Perrin pour le son. Ils mêlent paysages réels et personnages de Little Nemo in Slumberland, la fameuse B D de Winsor Mc Cay. Jeu d’ombres chinoises et création sonore unique in situ, pour inviter le public à voyager dans le subconscient de Nemo, un enfant qui, rêve après rêve, s’aventure dans le monde fabuleux de Slumberland. A cette occasion, la compagnie Box Office lance les trois premiers épisodes de la série. Grâce à un dispositif optique, les personnages du subconscient de Nemo viendront se superposer aux paysages traversés : la Chaux-de-Fonds, les chutes du Saut du Doubs et les bords du lac de Chalain. Un rêve différent choisi et mis en scène à chaque escale, en fonction du lieu. Avec textes, chants et bruitages, beat box, flûte traversière… Les étapes : La Chaux-de-Fonds, Le Saut du Doubs, Mesnay et Chalain. »
« Toutes les compagnies se dirigeront vers le Belvédère de Fontenu surplombant le lac de Chalain. Avec une grande fête finale le vendredi 28 août en fin de journée, où «sera décidé tous ensemble ce qui sera fait le lendemain samedi 29 et comment. Ce sera plutôt sur deux hectares de prés que nous avons loués, une journée de célébration, rituels et discussions. Pas un nouveau festival, mais plutôt une rencontre professionnelle autogérée, avec des actes artistiques symboliques, des temps forts, des moments de parole… Et l’occasion de faire le bilan de quarante dernières années de théâtre de rue. Un mot d’ordre : autonomie et créativité. Avec une organisation minimale : un ou deux chapiteaux, des toilettes sèches, une buvette, un peu d’électricité… Et bien entendu, dans le respect absolu des mesures sanitaires actuelles. »
Philippe du Vignal
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Les 6 et 7 septembre 1980, au bord du lac de Chalain dans le Jura, Michel Crespin organise La Falaise des fous, véritable manifeste d’artistes de rue des années 1970, regroupant plus de deux cents participants fonctionnant en coopérative « Les Saltimbanks réunis » et proposant trente-six heures de mise en scène ininterrompues.
Cet événement est resté dans les mémoires comme un acte fondateur des arts de la rue, témoignant de toutes les pratiques du moment : mime, jonglage, cinéma ambulant, installations éphémères, théâtre et chanson de rue… C’est le point d’étape entre le temps « cogne-trottoir » de la décennie 70 et celui de l’épanouissement, au cours des années 80.
lls mêlent les figures déjà connues, tels le funambule Michel Brachet dit « le diable blanc », Xavier Juillot et ses proliférations aériennes, Jules Cordière et Le Palais des Merveilles ou Le Théâtre de l’Unité de Jacques Livchine et Hervée de Lafond, et ceux qui formeront la seconde génération des arts de la rue, comme Ilotopie qui met en scène un simulacre d’accident et colore le lac en vert fluo.
Un documentaire vidéo de 51’37 » produit par FR3 Bourgogne Franche Comté à visionner en intégralité sur le site d’Artcena par ici …