Damien Carême en escale à La Communauté Emmaüs …

Damien Carême échangeant avec Thierry Bourhis et Marie Quétier (Collectif Vert Le Relecq Kerhuon 2020)

Lorrain d’origine, mais ayant vécu 50 ans dans le Nord, Damien Carême a été Maire de Grande-Synthe pendant 18 ans. Il est aujourd’hui député européen et travaille avec le monde associatif, les ONG, mais aussi des sociologues, des anthropologues, des économistes ou des philosophes. Il était ce jeudi 23 janvier 2020  invité par La Communauté Emmaüs à Le Relecq Kerhuon

Au cours de cette soirée, plusieurs thèmes ont été abordés : l’écologie, l’économie circulaire et le vivre ensemble. Retour sur le parcours singulier de Damien Carême … Un portrait vidéo de 2’25 »

Damien Carême (EE-LV) : «Mon père travaillait avec celui de Platini»

Par Paul Aveline Libération du
Damien Carême lors d’une marche pour le climat, à Paris, le 21 septembre. Photo Lucas Barioulet. AFP

Ils font partie des nouveaux visages de la politique française mais demeurent méconnus du grand public. Chez Pol part à leur rencontre. Aujourd’hui, l’ancien maire EE-LV de Grande-Synthe (Nord), élu en mai dernier député européen, Damien Carême.

Bonjour. Qui êtes-vous ? Quels sont vos réseaux ?

Je suis lorrain d’origine, mais j’ai vécu cinquante ans dans le Nord. J’ai été maire de Grande-Synthe pendant dix-huit ans et je suis aujourd’hui député européen. Je travaille beaucoup avec le monde associatif, les ONG, mais aussi des sociologues, des anthropologues, des économistes ou des philosophes.

Quand vous étiez petit, vous rêviez de devenir qui ?

Personne en particulier, mais je rêvais d’être boucher ! Ou garçon de café. Ma tante tenait un café, j’adorais servir les bières. Je n’ai pas totalement abandonné l’idée d’ailleurs !

La ville de Paris réfléchit à donner le nom de Jacques Chirac à un lieu emblématique. Et vous, quel endroit aimeriez-vous voir porter votre nom ?

Une salle de spectacle, n’importe laquelle. Le spectacle vivant, c’est ce qu’il y a de plus important.

Vous êtes né à Jœuf (Meurthe-et-Moselle), comme Michel Platini. Vous pensez qu’on peut revenir après une suspension ?

Mon frère était dans sa classe et nos pères travaillaient ensemble. Et non, je pense qu’il ne faut pas revenir. Comme en politique d’ailleurs ! Une fois qu’on a été jugé et condamné, il ne faut plus jamais revenir, quel que soit le motif de la condamnation. On a trop vécu ça. La politique nécessite que les gens soient exemplaires, avec un casier vierge.

L’OM affronte le PSG ce week-end en Ligue 1. Vous pensez que David peut encore battre Goliath aujourd’hui ?

Bien sûr ! Tout match remet tout à plat. C’est complètement ouvert, comme en politique d’ailleurs.

Vous avez écrit : «On ne peut rien contre la volonté d’un homme.» Du coup, on fait comment face à Trump ?

C’est une phrase qu’a prononcée Bernard Cazeneuve lorsque nous avons ouvert le centre d’accueil de Grande-Synthe. C’était une façon de dire que l’Etat avait perdu ce combat. Mais je crois que face à Trump, qui est déterminé, nous avons la démocratie. Contre les Trump, les Bolsonaro, les Salvini ou les Orbán, on peut agir. Attention : si on utilise les armes de l’ancien modèle, on ne gagnera pas.

Avec quel adversaire politique vous pourriez partir en vacances ?

Elisabeth Borne [ministre de la Transition écologique et solidaire, ndlr] ! On a plein de choses à se dire, on n’est pas du tout d’accord.

Avant de vous lancer en politique, vous avez été informaticien. C’est quoi votre solution pour débuguer la France ?

Un gouvernement écolo ! Un vrai, dont la seule priorité serait la protection de la vie. L’écologie est forcément sociale, elle règle les problèmes de sécurité, de pouvoir de vivre, que je préfère au pouvoir d’achat. C’est la réponse à tout, et la seule à même de mettre l’économie au service du politique, et non pas l’inverse.

Donnez-nous une bonne raison d’être optimiste aujourd’hui…

Les 2 millions de signataires de «l’affaire du siècle», les gens qui descendent dans la rue pour les marches pour le climat, les lycéens qui font grève pour la planète. Les citoyens sont beaucoup plus en avance que les élus sur toutes ces questions, et c’est très bien.

Paul Aveline 


En 2015-2016, la ville de Grande-Synthe est confrontée à l’arrivée de milliers de réfugiés, principalement du Kurdistan irakien. En collaboration avec Médecins sans frontières, il décide de gérer cet afflux en faisant bâtir un camp humanitaire doté de sanitaires et de locaux, permettant aux associations locales d’aider les réfugiés, malgré l’absence de financement de la part de l’État …

« GrandeSynthe, la ville où tout se joue »,
un film réalisé par Béatrice Camurat-Jaud .

GrandeSynthe est une ville du nord de la France où se concentrent divers enjeux liés à la crise migratoire, l’écologie et l’économie. Dans son film, la réalisatrice Béatrice Camurat-Jaud nous emmène à la rencontre de ses habitants.


Le Speech de Damien Carême

Maire de terrain particulièrement engagé pour la cause des migrants, Damien Carême dénonce les dérives politiques face à cette crise. « On a perdu les valeurs françaises, la patrie des droits de l’homme »
pour Konbini News

Damien Carême  : un maire en transition

Damien Carême impulse une transition sociale et écologique au cœur d’un territoire portuaire et industriel et veut faire bouger l’État en l’attaquant pour « inaction climatique ».

Fanny Magdelaine paru dans La Croix du

Damien Carême  : un maire en transition

Damien Carême, candidat sur la liste Europe Écologie-
Les Verts aux élections européennes, pourrait ne pas terminer
son mandat. Hervé Boutet/Divergence
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Mais qu’a-t-elle donc « d’extraordinaire » cette cité de 23 500 habitants, principale ville de la périphérie de Dunkerque, et dont le ciel est perpétuellement engorgé de nuages recrachés par le port ou des usines d’ArcelorMittal ? Elle semble devenir une référence en matière de transition globale. Pour le maire Damien Carême Europe Écologie-Les Verts (EELV), on ne peut pas dissocier la crise sociale de la crise écologique, économique ou migratoire. « Voilà la vraie réponse à apporter au mouvement des gilets jaunes », résume-t-il.

À Grande-Synthe, capitale française de la biodiversité en 2010, les enfants mangent bio et local dans les cantines, les jardins ouvriers se cultivent au bas des immeubles, les transports en commun sont gratuits, et à partir de mai, la commune versera aux habitants vivant sous le seuil de pauvreté (33 % de la population) un minimum social garanti (MSG).

Accompagner les habitants

« Nous conservons une richesse fiscale importante – grâce notamment à l’industrie – que nous essayons de redistribuer en accompagnant les habitants dans tous les champs du quotidien, précise-t-il. Cette année, par notre réseau de chaleur, nous avons réalisé 476 000 € d’économies d’énergie affectés au financement du MSG. Et l’énergie récupérée des hauts-fourneaux d’ArcelorMittal pourrait bientôt alimenter en chauffage 48 autres bâtiments publics. »

Le maire, qui passe beaucoup de temps à répondre à des appels à projet pour trouver des financements, a fait sien l’adage de Gandhi : « Montrer l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul. » Via un « tour du développement durable », la municipalité partage son expérience aux nombreuses délégations qu’elle reçoit, des élus aux universitaires en passant par des organismes de formation de la fonction publique. Une démarche plus efficace, selon l’élu, que le grand débat national gouvernemental.

« Êtes-vous prêt à changer de modèle ? Si non, tout ce que vous proposerez sera du pipeau… » : c’est ce que Damien Carême dirait au président de la République s’il venait s’adresser aux maires du Nord. Lui n’a plus foi dans « ces énarques formatés, lobotomisés par les lobbys, passifs devant les rapports du Giec ou d’Oxfam… »

Une plainte au Conseil d’État

Au point d’avoir engagé mi-novembre 2018 un recours gracieux contre l’État pour son « inaction climatique ». En janvier, sans réponse, il a déposé sa plainte au Conseil d’État. Quatre ONG, fortes du soutien de deux millions de pétitionnaires, ont fait de même la semaine dernière. « J’espère une condamnation et une injonction avec obligation de résultat, comme aux Pays-Bas. Il y a urgence ! », tempête Damien Carême.

« Pour agir contre le réchauffement climatique, on a le nucléaire qui émet très peu de CO2 », rétorque son collègue Bertrand Ringot, maire PS de Gravelines et conseiller départemental du canton de Grande-Synthe. « Damien est mobilisé en priorité sur le développement durable, moi sur l’emploi, l’économie et l’industrie. On ne peut pas se passer pour l’instant du nucléaire qui représente 12 000 emplois dans les Hauts-de-France. »

De l’emploi, le vice-président de la Communauté urbaine de Dunkerque, chargé de la transformation écologique et sociale, entend en créer, autrement : « Avec le champ éolien au large de Dunkerque, on pourrait transformer l’électricité en hydrogène et l’injecter dans le réseau de gaz, sans polluer et en créant 200 emplois. »

Candidat aux élections européennes

À 58 ans, Damien Carême pourrait ne pas terminer son troisième et dernier mandat : il se présente aux élections européennes sur la liste EELV, parti qu’il a rejoint en 2015 après avoir quitté le PS, qu’il juge « indécrottable » sur le plan écologique. « Changer le modèle agricole, mettre du protectionnisme vert aux frontières de l’Europe, élaborer une vraie politique d’accueil pour les migrants », voilà quelques-uns des combats que ce jeune grand-père entend mener s’il est élu.

Il dira au revoir à Grande-Synthe, la larme à l’œil mais sans regret : « Maire, c’est la plus belle fonction du monde, on peut prendre des initiatives et expérimenter dans tous les domaines. Je me suis battu pour la population auprès de laquelle je vis depuis cinquante ans, je ne supporterais pas qu’un jour les habitants m’accusent en disant : vous saviez et vous n’avez rien fait. »

Qu’il quitte son fauteuil de maire en 2019 ou en 2020, l’édile affirme laisser sa commune entre de bonnes mains : « Six mille Grand-Synthois sont engagés dans la vie associative : c’est le ciment social de la ville ! »

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Migrants : à Grande-Synthe, un modèle d’accueil malmené

Les associations et les proches de l’ancien maire de la ville du Nord – longtemps présentée comme un refuge pour les migrants – dénoncent la politique menée par son successeur, le socialiste Martial Beyaert.

Un article de publié dans Le Monde du 04 janvier 2020

Une famille kurde-irakienne s’abrite avec des centaines de migrants dans un hangar, à Grande Synthe, le 30 décembre 2019.
Une famille kurde-irakienne s’abrite avec des centaines de migrants dans un hangar, à Grande Synthe, le 30 décembre 2019. AIMÉE THIRION POUR LE MONDE

Grande-Synthe (Nord) reste-t-elle un havre pour les personnes migrantes ? La question taraude certains esprits depuis que l’ancien maire, Damien Carême, a rejoint le Parlement européen, cédant son fauteuil il y a six mois à son premier adjoint, le socialiste Martial Beyaert.

Passé du Parti socialiste à Europe Ecologie-Les Verts (EELV), maire de 2001 à 2019, M. Carême avait fait de l’accueil des migrants un marqueur politique fort, et mené une politique unique en son genre, dans cette ville littorale devenue depuis près de quinze ans une étape vers l’Angleterre. L’édile a fait de sa ville un refuge et un symbole national. Depuis sa succession, cet héritage semble voler en éclats.

Premier camp humanitaire pour réfugiés de France

M. Carême n’avait pas hésité à engager un bras de fer avec l’Etat en ouvrant avec Médecins sans frontières (MSF), en mars 2016, le premier camp humanitaire pour réfugiés de France, afin d’y accueillir plus d’un millier de Kurdes, alors relégués dans un bidonville. Le maire mettait volontiers en scène son engagement. Il avait appelé les maires de France à ouvrir des centres d’accueil dans leur commune, faisant fi de ceux qui y voyaient un risque d’appel d’air.

« Tant pis si ces décisions dérangent, écrivait M. Carême dans son livre paru en 2017, On ne peut rien contre la volonté d’un homme [Stock]. La presse me présente comme le maire des migrants et je suis fier d’avoir rendu un peu de dignité à ces femmes et ces hommes qui dormaient dans la boue sur ma commune. (…) J’ai rappelé aux Grand-Synthois que la solution choisie pouvait nous grandir aux yeux de tous ceux qui nous observent. »

Suite dans dans Le Monde du 04 janvier 2020


Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe, en conférence chez Emmaüs

L hall de tri d’Emmaüs bien rempli
Le hall de tri d’Emmaüs bien rempli

Ce jeudi 23 janvier, Emmaüs avait invité dans ses locaux du Relecq-Kerhuon Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe (Nord), aujourd’hui député européen, venu témoigner de ses engagements.

Deux cent personnes, dont des représentants des trois listes en course pour les municipales, étaient présentes, jeudi, dans les locaux d’Emmaüs. Damien Carême a témoigné de ses mandats de maire de 2001 à 2019, faisant de sa commune la capitale de la biodiversité. Il y impulsé une politique sociale et écologique, en concertation avec les habitants. Il a d’abord proposé des repas bio dans les écoles, puis y a supprimé le plastique, s’est approvisionné localement, mettant en place des terrains maraîchers.

Il a « rendu du pouvoir d’achat aux habitants en faisant construire des bâtiments passifs et rendant les transports gratuits, cela financé par la baisse des coûts de l’éclairage ou du chauffage des bâtiments publics », affirme t-il. Il a développé l’économie circulaire par des ateliers de partage, puis mis en place une mutuelle municipale et une aide financière au plus nécessiteux.

Beaucoup d’idées dont il a été le précurseur, aujourd’hui partagées, appliquées ou intégrées dans les programmes de nombreux candidats aux municipales.

Son rêve ? « Que l’État fasse son travail ! »

Un autre défi a été de gérer le flux des migrants souhaitant se rendre en Grande-Bretagne, et dont le nombre n’a cessé de croître au fil des événement au Moyen Orient et ailleurs.

Sa plus grande fierté ? « Avoir fait construire un camp humanitaire, sans aide de l’État ». Pour Damien Carême, cette immigration est inéluctable, « et l’accueil mis en place dans ce camp fait que cela se passe au mieux pour les migrants et pour la population locale ».

Après avoir remercié l’accueil et souligné le travail d’Emmaüs, Damien Carême a rêvé « de voir ce type d’association disparaître : cela signifiera, enfin, que l’État aura pris ses responsabilisé et fait son travail ! ».

Le Télégramme Le Relecq Kerhuon du 24 janvier 2020