Sommes nous devenus un État policier ?

Photo Bsaz

En cette période crispante, le thème de l’état policier est de plus en plus récurrent dans les  médias d’intérêt public.  Serions nous en train en train de « nous habituer à l’intolérable » ?  Côté politique, Place Publique réclame  » l’ouverture d’états généraux sur  les politiques du maintien de l’ordre », une table commune « réunissant citoyens, corps intermédiaires, syndicats de police, associations de défense des droits de l’homme et praticiens du droit … » 

Selon Jean Marc B. sur son blog Médiapart, « Jamais la police n’a été autant protégée par le pouvoir politique et judiciaire. Jamais la justice et la Chancellerie n’ont été autant inféodées à l’Elysée. Jamais les médias n’ont été autant liés dans leur globalité à des puissances financières supportrice d’Emmanuel Macron … »   Une vidéo de 14’39 » diffusée sur Le Média TV .


Serions nous « en train de nous habituer à l’intolérable ? »

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«Nous sommes en train de nous habituer à l’intolérable. »
Oui. En effet. C’est incontestable …<
Nous sommes en train de nous habituer à ce que les forces de l’ordre « chargent » des gamins sur un terrain identifié comme dangereux un soir de fête de la musique, à ce que « la violence légale » s’abatte sans discernement sur des cibles ne présentant aucun danger immédiat autre que des décibels, à coup d’insultes, d’intimidations, de gaz lacrymogène, de LBD et de grenades diverses.

Nous nous habituons au fichage dans les hôpitaux, aux amendes à 135 euros pour des « manifestations interdites« , aux plaquages ventraux de manifestants, aux tirs de LBD dans les stades, à nos gamins à genoux les mains sur la tête, voir à un ex-ministre appellant à l’utilisation de tir à balles réelles dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre.

Nous nous habituons aux 5 mains arrachées, aux 24 yeux explosés, aux centaines de blessés en quelques mois. Habitués aussi à ce qu’il y ai des morts, plus d’une cinquantaine en dix ans et qu’on doive se battre et quémander justice pour Steve, Zineb, Lamine, Angelo, Adama, Rémi, Zied, Bouna et tout les autres…

Banderole en hommage à Zineb Rédouane, octogénaire décédée lors d'une hospitalisation suite à un tir de grenade lacrymogène recu dans la face alors qu'elle se trouvait à son domicile. Paris, 16 mars 2019 © E.B Banderole en hommage à Zineb Rédouane, octogénaire décédée lors d’une hospitalisation suite à un tir de grenade lacrymogène recu dans la face alors qu’elle se trouvait à son domicile. Paris, 16 mars 2019 © E.B

Naïve, j’ai longtemps cru que malgré des dynamiques sociales défavorables, la justice était pour tous… Que la légitimité était du côté de la loi faute d’être du côté des forces de l’ordre.

Avec toutes ces histoires et pour commencer à trainer mon stylo dans les tribunaux, je me suis rendue compte du contraire. La légitimité accordée par l’État est aux forces de l’ordre et aux bons petits soldats de la magistrature. Pas à la loi. Et cette idée m’est intolérable.
« Ils souhaitent le pire » geignent les députés en marche

Mais quoi de pire que la mort d’un « gamin » de 24 ans, animateur pour enfants, ne sachant pas nager et qu’on laisse pourrir dans la flotte marronnasse pendant un mois à quelques mètres de là où il est tombé? Quoi de pire que de se dire qu’il pourrait être ton fils, ton cousin, ton pote ou ton petit voisin…

Probablement le fait de se dire que rien ne va changer.
Car ce matin on continue d´ouvrir les journaux sur ces « intolérables » murs de paille ou de briques devant les permanences de députés.
J’ai la gerbe…

Eloïse Bajou
Article publié le 30 juil. 2019
sur son blog  « Petits papiers, grandes histoires… »,


Place publique 44 considère que « Steve et l’ensemble des jeunes gens rassemblés au bord de la Loire ce soir-là ont été victimes d’une charge de police brutale et disproportionnée ». « Voilà huit mois que les Français subissent une escalade de la violence dite « légitime », qui se traduit par l’augmentation du nombre des blessés lors des manifestations, l’impunité policière (…). » Place Publique réclame « une enquête parlementaire » et, de surcroît, « l’ouverture d’états généraux sur « les politiques du maintien de l’ordre » réunissant citoyens, corps intermédiaires, syndicats de police, associations de défense des droits de l’homme et praticiens du droit. »

[Justice pour Steve – Lettre d’associations, syndicats et partis politiques Nantais au Premier Ministre, ministre de l’intérieur et préfet de Loire-Atlantique]


Objet : Justice pour Steve.

Monsieur le Premier Ministre Edouard Philippe, Monsieur le ministre de l’intérieur Christophe Castaner, Monsieur le Préfet de Loire-Atlantique Claude d’Harcourt,

Steve Maia Caniço, un jeune homme de 24 ans a perdu la vie lors de la fête de la musique à Nantes, le 21 juin. Il est tombé dans la Loire, comme 14 autres jeunes au moins, pour échapper à une charge policière. Lui n’est pas réapparu, et le 29 juillet son corps a été retrouvé.

Le lendemain mardi 30 juillet, un rapport de l’IGPN (achevé depuis le 16 juillet) explique que le décès de Steve ne peut être mis en relation avec l’action de la police. Le même rapport met en cause la municipalité de Nantes et les organisateurs de l’événement. Cette argumentation fallacieuse nous paraît destinée à brouiller les pistes. En réalité, elle occulte la question fondamentale : pourquoi quelqu’un qui ne sait pas nager (comme, c’est le cas de Steve) se jetterait-il dans la Loire, si ce n’est pas à cause de la panique provoquée par les nuages de lacrymogènes ?

Au-delà de cette incontournable question, d’autres interrogations surgissent :
– Y avait-il un impératif à déployer une opération de maintien de l’ordre vers 4h30 du matin, le jour de la fête de la musique ?
– L’intervention policière était-elle appropriée à un public de jeunes gens qui, à cette heure-là et compte tenu du caractère festif de l’événement, était très probablement dans un état de lucidité altéré?
– Dans la nuit noire, aux abords du fleuve connu pour sa dangerosité, et dont le long des berges n’est pas sécurisé, était-il proportionné de diriger vers les jeunes près de 33 grenades lacrymogènes, dont l’usage réduit fortement, voire totalement, la visibilité ? De même, était-il raisonnable de recourir à l’utilisation de 10 grenades de désencerclement et de procéder à 12 tirs de lanceurs de balles de défense au risque de susciter – immanquablement – un mouvement de panique ?
– Pourquoi y a-t-il-eu usage de la force, alors qu’en juin 2017, dans une situation semblable, les forces de l’ordre avaient choisi de se replier ?

Ces divers éléments montrent que le maintien de l’ordre cette nuit-là fut totalement disproportionné. Or, les représentants de l’Etat, s’ils ont la responsabilité du maintien de l’ordre, ont aussi le devoir de l’adapter à la situation et de veiller à la sécurité. Ce ne fut malheureusement pas le cas.

La mort de Steve et la réponse actuelle des autorités policières, refusant d’assumer leurs responsabilités, ne peut qu’inquiéter les citoyens et citoyennes de la métropole nantaise, tout particulièrement les jeunes et leurs familles. A l’heure actuelle, les pouvoirs publics ne leur donnent aucune réponse à la terrible question qu’ils et elles sont en droit de se poser : a-t-on encore le droit d’avoir des activités sur la place publique ? Ces dernières années à Nantes (et dans d’autres villes : rappelons-nous par exemple des blessures infligées à Geneviève Legay en mars dernier à Nice), les syndicalistes, les militants associatifs et politiques, les journalistes d’investigation, dernièrement les Gilets Jaunes, et plus largement, les citoyens, ont compris qu’il était difficile, voire périlleux, de manifester tranquillement à Nantes. Faudra-t-il désormais que les jeunes, aussi, aient peur de sortir, redoutant que le rétablissement de l’ordre prenne le pas sur leur sécurité ?

Pour toutes ces raisons nous demandons la vérité et la justice pour Steve, une enquête loyale et sincère qui permette la reconnaissance des responsabilités de chacun. Les responsables de ces événements tragiques doivent être identifiés et sanctionnés. Pour l’heure, les citoyens, ont le sentiment que les forces de l’ordre peuvent agir en toute impunité. Ce n’est pas digne d’un Etat de droits.

Dans l’attente de vraies réponses à nos questionnements, nous vous adressons, Messieurs les Ministres, Monsieur le Préfet, nos salutations citoyennes,

Signataires membres du réseau Justice Sociale et Climatique 44  : Alternatiba Nantes, Attac 44, AVEC, CEMEA Nantes, UD CGT 44, EELV Nantes, Ensemble 44, Fakir, France Insoumise 44, Gauche Républicaine et Socialiste 44, Gauche démocratique et sociale 44, Génération.S Nantes, GIGNV, Jeunes Communistes 44, Jeunes Génération.S Nantes, Nos Causes Communes 44, PCF 44, Place Publique Nantes, UD Solidaires 44.


Qui donc a tué Steve ?

Un texte poignant de Lila Zarqa accompagné par les images de la manifestation nantaise du 3 août 2019 contre les violences policières.
Montage son et enregistrement : Thibaud SC/
Vidéos : Clément Lanot et Maël T

Qui a tué Steve Canico? *

« Qui a tué Steve Caniço? Qui est responsable et pourquoi est-il mort?
Ce n’est pas moi, dit le commissaire, pas moi. Ne me montre pas du doigt!
Bien sûr, j’aurais pu choisir le repli de mes hommes
Si à mes agents j’avais dit « c’est dangereux reculez! », mais le préfet aurait insisté.
Il voulait le calme et la fin de la fête
C’est bien dommage, mais c’est comme ça.
Y’en a d’autres au-dessus de moi.
C’est pas moi qui l’ai tué, vous ne pouvez pas m’accuser!
Qui a tué Steve Caniço? Qui est responsable et pourquoi est-il mort?
Ce n’est pas nous, disent les jeunes fêtards en colère, nous sommes venus pour l’ambiance, pas pour le trouble.
C’est bien dommage, mais entre nous.
Nous aimons la bonne musique, c’est tout.
Et quand s’arrête, on trouve ça mal.
Mais vous savez, on n’y est pour rien.
C’est pas nous qui l’avons fait tomber, vous ne pouvez pas nous accuser!
Qui a tué Steve Caniço? Qui est responsable et pourquoi est-il mort?
Ce n’est pas moi, dit le préfet, au micro d’une radio.
C’est difficile à dire, à expliquer, j’ai cru que l’on pouvait charger.
Pour sa famille, c’est bien pire
Mais s’il ne savait pas nager, il aurait pu partir.
C’est pas moi qui l’ai fait tomber, vous ne pouvez pas m’accuser!
Qui a tué Steve Caniço? Qui est responsable et pourquoi est-il mort?
Ce n’est pas moi, dit le ministre aux journalistes
J’ai donné l’ordre, mais c’est la loi de la république.
La police n’est pas en cause, tu sais!
Dans une manifestation il y a toujours du danger.
La musique, c’est une chose saine, ça fait partie de la vie française.
C’est pas moi qui l’ai tué, vous ne pouvez pas m’accuser!
Qui a tué Steve Caniço? Qui est responsable et pourquoi est-il mort?
Ce n’est pas moi, dit le flic
Qui a lancé la dernière grenade mortelle.
Des manifs j’en ai réprimé beaucoup.
J’ai tiré, bien sûr, ça c’est vrai mais pour ce boulot, on me paie.
Ne dites pas que je l’ai tué et après tout
C’est le destin, Dieu l’a voulu.
Qui a tué Steve Caniço? Qui est responsable et pourquoi est-il mort? »

le 31 juil. 2019

* D’après « Who Killed Davey Moore? »,  une chanson écrite en 1963 par Bob Dylan, traduite et chantée en français en 1966 par Graeme Allwright sous le titre « Qui a tué Davy Moore ? »


Cette photo d’un policier qui semble étrangler un homme a-t-elle été prise à Nantes le 3 août 2019 ?

Réponse dans l’article de Robin Andraca paru le 5 août dans le quotidien Libération   : c’est par ici 

 


Nantes. Une évocation de la mort de Steve chez Royal de Luxe

Article publié dans le Ouest-France du Jean-Luc Courcoult a actualisé sa pièce, Miniatures. Il a glissé deux phrases piquantes pour le préfet Claude d’Harcourt après la mort de Steve.

Le spectacle « Miniatures » est une création de la troupe Royal de Luxe, qui se produit à Bellevue, un quartier de Nantes.
Le spectacle « Miniatures » est une création de la troupe Royal de Luxe, qui se produit à Bellevue, un quartier de Nantes. | ARCHIVES

C’est une phrase glaçante nichée au cœur d’une heure trente pétaradante et foutraque, entre rêves et malheurs du monde : « Qui a tué Steve ? » Le préfet d’Harcourt serait parti en vacances pour ne pas répondre aux questions sur la mort de Steve, poursuit, en substance, un chambellan imaginaire à la reine du spectacle Miniatures, joué à Bellevue, gratuitement, jusqu’à la fin de la semaine. Jean-Luc Courcoult, le metteur en scène de la compagnie Royal de Luxe, a glissé cette pique qui intervient, dans son récit, quelques instants après la représentation, saisissante, d’un autre jeune, noyé, dont la photo a fait le tour du monde : Aylan, cet enfant syrien, migrant, dont le corps avait été retrouvé sur une plage de Turquie.


Voyage à Nantes : les affichettes “Où est Steve” finalement intégrées à l’œuvre de la place Royale

Une banderole a été déployée sur la statue de la fontaine de la place Royale...une allégorie de la Loire / © S.Gadet/France3 Pays de la Loire
Une banderole a été déployée sur la statue de la fontaine de la place Royale…une allégorie de la Loire / © S.Gadet/

Elles étaient apparues, collées sur les statues exposées Place Royale dans le cadre du Voyage à Nantes. Rapidement enlevées, les affichettes ont refait leur apparition hier lundi, en fin d’après-midi. Désormais elles seront intégrées à l’oeuvre de l’artiste.

Article signé Sandrine Gadet p

« Où est Steve ? », c’est la question lancinante que posent famille, amis et soutiens depuis la disparition de Steve Caniço, ce jeune homme disparu dans la nuit du 21 au 22 juin dernier, lors de la fête de la musique. Vraisemblablement tombé dans la Loire après l’intervention des forces de l’ordre Quai Wilson.

« Où est Steve ? » c’est aussi un slogan, un message écrit sur des affiches, et une banderole, visant à interpeller les pouvoirs public et les passants afin que la disparition du jeune homme « ne reste pas impunie. »

À l’initiative d’un collectif de dessinateurs

Eric Chalmel est l’un d’eux. Il s’indigne du silence des autorités depuis la disparition du jeune homme.  » Le fond du problème c’est qu’on n’appelle pas une police anti-émeute pour faire cesser une fête de jeunes ! Or sur ce point il n’y a eu aucune déclaration forte. explique t-il, avant de poursuivre. La maire de Nantes se réfugie derrière l’enquête en cours, la préfecture ne dit rien. C’est politiquement extrêmement grave, à part quelques prises de positions individuelles, on sent que tout le monde cherche à enterrer l’affaire. La seule chose qu’il fallait faire c’est dénoncer le dispositif de dispersion en lui-même…et rien! C’est incroyable! « 

Dans un tract distribué lors du collage de ces affiches on peut notamment lire « Cet ordre aberrant  (l’intervention dans la nuit du 21 au 22 juin) est contesté au sein même de la police, Aucune réaction n’est venue de la préfecture, et quasiment aucune du coté des élus de Nantes Nous posons et reposons sans cesse la même question : où est Steve ? »

La semaine dernière, une première vague d’affichage avait tourné court. Aussitôt apposées sur une partie des 700 statues installées dans le cadre du Voyage à Nantes, Place Royale, elles avaient été arrachées.

Ce lundi soir, les soutiens de Steve ont remis ça ! mais cette fois les affiches resteront.
Sollicité par nos confrères de la rédaction de 20 minutes, Jean Blaise, responsable du Voyage à Nantes, a expliqué que « l’artiste, Stéphane Vigny a été contacté et a estimé que son oeuvre étant là pour provoquer, il ne voyait pas d’inconvénient à ce qu’elle soit support de messages ».

Que ce soit dans la ville, par le biais des affiches, sur les réseaux sociaux, à la une des journaux nationaux, « Où est Steve ? » bien plus qu’une question est devenue interjection.
La collectif, lancé par des artistes, relayé désormais par des citoyens, compte bien ne pas laisser les conditions de la disparition du jeune homme tomber dans les oubliettes de l’actualité estivale.

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