Carola Rackete, la capitaine du bateau humanitaire « Sea-Watch 3 »

Carola Rackete, la capitaine du bateau humanitaire « Sea-Watch 3 » a été arrêtée pour avoir forcé le blocus imposé par le ministre italien d’extrême droite Matteo Salvini aux navires humanitaires secourant des migrants en Méditerranée. Il existe des moments de bascule dans l’histoire. Nous venons d’en vivre un avec l’arrestation de Carola Rackete pour avoir sauvé des vies humaines … Elle n’avait pas le choix. C’est ce que la capitaine du navire humanitaire « Sea-Watch 3 », Carola Rackete, affirme dans l’interview ci-dessous, justifiant sa décision d’entrer de force dans le port de Lampedusa fin juin.

Après la levée de son assignation à domicile, la capitaine du « Sea-Watch 3 », Carola Rackete, attend une deuxième audience, reportée au 18 juillet.

Après la levée de son assignation à résidence, Carola Rackete, qui se confiait à « l’Obs » la semaine dernière, attend sa prochaine audience, qui doit avoir lieu le 18 juillet. « Le navire est actuellement confisqué pour la collecte de preuves. Dès que possible après cette deuxième audience, nous demanderons la mainlevée de l’immobilisation du navire, et nous espérons pouvoir repartir en mission très bientôt. »

« Capitaine courage », comme l’a surnommée une partie de la presse européenne, est revenue sur l’élan de solidarité déclenché par son arrestation. « Il est devenu clair que cette situation, où le sauvetage en mer est criminalisé, ne peut pas continuer ainsi », affirme-t-elle.

Alors que les appels à l’aide de la capitaine à la France étaient restés sans réponse, comme le révèle « l’Obs » dans cet article, Carola Rackete s’est aussi félicitée de la décision de Malte d’accueillir le navire de secours « Alan Kurdi », avec 44 migrants à son bord. « Heureusement nous avons vu ces derniers jours que l’Alan Kurdi, navire exploité par Sea-Eye, a pu transborder les sauveteurs à Malte où ils seront remis aux pays européens. Je suppose que cette solution très pratique est le résultat direct de ce qui s’est passé la semaine précédente. »

« À long terme, j’espère que l’UE modifiera sa politique et que les personnes, en particulier les réfugiés, auront la possibilité de traverser les océans en toute sécurité, de sorte que le sauvetage civil ne sera plus nécessaire. À long terme, nous espérons toutefois que la criminalisation des sauveteurs cessera afin que ceux qui veulent aider les personnes dans le besoin puissent le faire sans craindre de risquer une peine de prison. »


Carola Rackete

Il existe des moments de bascule dans l'histoire. Nous en vivons un avec l'arrestation de Carola Rackete pour avoir sauvé des vies humaines. Dans un des pays fondateurs de l'Union Européenne, défendre les droits humains est considéré comme un acte de piraterie. Pour que la solidarité ne soit plus jamais un délit, portons le visage de cette femme de combat et d'humanité !De nombreuses pétions existent pour soutenir Carola Rackete, notamment celle-ci :https://www.change.org/p/freedom-for-carolarackete-seawatch-freecarolarackete-freecarola Place publique Place Publique – Saint-Malo Place Publique – Brest Place Publique – Rennes Place Publique Morbihan Place Publique – Côtes d’Armor Place Publique Charente-Maritime Raphaël Glucksmann Jerome Karsenti Said Benmouffok Claire Nouvian Joseph Spiegel Sophie Rigard Charles Braine European Court of Human Rights

Publiée par Aziliz Gouez sur Mardi 2 juillet 2019

Carola Rackete: «Je me suis sentie livrée à moi-même»

« Nous repartirons. Ce sera simplement plus difficile de trouver un capitaine qui acceptera de prendre le risque. » Mediapart publie l’entretien réalisé par Der Spiegel avec Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch 3, qui a osé défier Matteo Salvini et ébranler l’indifférence des dirigeants européens.

Der Spiegel (traduction Mathieu Magnaudeix).– « Si les poursuites contre moi sont abandonnées, je reprendrai la mer. » La capitaine du Sea-Watch 3 est devenue l’emblème de l’Europe humaniste et citoyenne qui agit, quand ses dirigeants s’enferrent dans des négociations technocratiques ayant pour rare dénominateur commun la volonté de fermer les frontières du continent européen.

Mediapart publie, avec son aimable autorisation, l’entretien réalisé par Der Spiegel, notre partenaire allemand au sein de l’European Investigative Collaborations (EIC), avec Carola Rackete, qui a osé défier et braver le leader italien Matteo Salvini et ses interdictions faites à son bateau venu en aide à des migrants en détresse d’accoster en Italie. Après avoir accosté à Lampedusa malgré l’interdiction des autorités, puis avoir été arrêtée avant d’être relâchée, la capitaine de 31 ans se désespère de l’inhumanité des dirigeants européens. « Sur la scène nationale et internationale, personne ne voulait vraiment nous aider (…) Ces êtres humains, personne n’en veut. » Entretien.

Pour beaucoup, vous êtes devenue une héroïne qui a beaucoup risqué afin de sauver des vies. Pour d’autres, vous êtes une figure honnie…

Carola Rackete. J’ai été surprise de voir comment tout cela est devenu personnel. Il ne devrait s’agir que des faits eux-mêmes, l’échec de l’Union européenne à se répartir les personnes secourues, à exercer ensemble cette responsabilité. C’est de cela qu’on devrait parler, pas d’individus comme moi apparus par hasard. Je n’ai pas souhaité cette situation. J’ai remplacé un collègue, c’est lui qui était prévu au planning.

Comment avez-vous vécu les dernières semaines ?

Ce fut difficile. Nous avons passé presque dix-sept jours à bord avec les réfugiés. Après notre arrivée dans les eaux internationales italiennes au large de Lampedusa, alors que nous savions que nous n’avions pas le droit d’entrer, dix cas médicaux particulièrement urgents ont été évacués. D’autres évacuations ont suivi, même si nous avions des doutes médicaux, car notre station médicale n’est équipée que pour les cas d’urgence.

Vous avez ensuite croisé pendant des jours devant Lampedusa…

Nous avons réfléchi à ce que nous pouvions faire. Nous avons d’abord interjeté appel contre l’interdiction d’accoster de l’Italie, appel immédiatement refusé. Nous avons ensuite fait une tentative auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Trente-quatre des personnes secourues à bord et moi, la capitaine, avons déposé une plainte, mais cela a demandé beaucoup de temps.

Quelle était la situation sur le Sea-Watch 3 ?

Chaque jour, la situation médicale et l’hygiène empiraient. Puis nous avons reçu la décision judiciaire de refus. Tout nous est apparu sans issue.

Avez-vous eu des contacts directs avec les garde-côtes italiens   ?

 © Der Spiegel © Der Spiegel

Un jour, une évacuation médicale a été nécessaire, car un de nos passagers était malade et devait immédiatement être débarqué. Nous avons appelé les sauveteurs en mer, les Italiens sont arrivés en moins de deux heures et ont porté assistance, alors que nous étions hors des eaux italiennes. C’est allé vite. Mais ce fut une exception.Pourquoi ?

Nous envoyions chaque jour des rapports médicaux, au centre de coordination des secours à Rome, à l’État pavillon [les Pays-Bas – ndlr], au port de Lampedusa. Mais nous ne trouvions pas d’écoute, personne ne répondait. La plupart du temps, Rome nous répondait : « Nous avons transmis vos rapports au ministère de l’intérieur italien. » Ce fut tout. Nos médecins n’ont plus rien compris. Même politiquement, rien n’a été fait. Le Sea Watch 3 a envoyé des demandes à Malte, à la France, il y avait constamment des requêtes auprès du ministère allemand des affaires étrangères, du ministère de l’intérieur.

Et pas de réactions ?

On nous disait : « On s’en occupe. » Mais en réalité, aucune solution ne s’est dessinée, rien de concret.

Cela vous a-t-il surprise ?

Je savais que ce serait difficile. Le problème de la répartition reste non résolu depuis des lustres. Depuis à peu près un an, la situation est similaire pour tous les bateaux de secours, pensez au cas du Lifeline à Malte, ou à l’Aquarius. À chaque fois, c’est la même question : qui prend ces gens maintenant ? Sur chaque bateau, on ne parle que de ça.

Vous le saviez au début de votre mission.

Nous continuons parce que c’est nécessaire. Mais naturellement, nous avons lancé les opérations du Sea-Watch en sachant que personne ne voulait prendre ces réfugiés. Pas même la Tunisie, que les pays européens voient comme une alternative sûre. Tandis que nous étions en mer, le cargo Mare Dive a attendu quinze jours au large des côtes tunisiennes avec soixante-quinze réfugiés à son bord. Mais les Tunisiens n’ont aucune envie de devenir le prochain port de délestage. Ces êtres humains, personne n’en veut.

À quoi ressemblait la vie à bord ?

Les réfugiés sont presque en prison. Il y a peu de place, pas de sphère privée. La plupart des gens dorment sur le pont arrière sur une tente posée sur le sol, chacun a une couverture en laine. Il y a trois cabines mobiles de w.c.. Il n’y a pas assez d’eau pour se doucher tous les jours. Auparavant, c’est l’organisation Mé­de­cins sans fron­tiè­res qui opérait ces bateaux. À l’époque, les gens passaient au plus trois jours à bord. Ces bateaux ne sont pas conçus pour davantage.

Quelle est l’atmosphère dans le bateau ?

Nous ne pouvions pas leur promettre l’impossible. Personne ne voulait les prendre. Cette situation sans espoir se mélange souvent avec des troubles post-traumatiques. Beaucoup d’entre eux ont vécu des atteintes aux droits humains, ils ont été torturés, vendus, ont travaillé dans des conditions assimilables à de l’esclavage, ou été victimes de violences sexuelles. Nous voulions leur transmettre de la confiance, mais plus cela durait, plus nous perdions la leur.

Vous avez également justifié votre accostage à Lampedusa en expliquant que certains à bord auraient pu attenter à leur vie.

Certains avaient parlé à notre équipe médicale de leurs précédentes tentatives de suicide et nous avaient demandé de prendre soin d’eux, car ils allaient mal. Cela concernait trois personnes au premier chef.

Carola Rackete descendant de son bateau à Lampedusa, le 29 juin 2019. © REUTERS/Guglielmo Mangiapane Carola Rackete descendant de son bateau à Lampedusa, le 29 juin 2019. © REUTERS/Guglielmo Mangiapane

Que vous êtes-vous dit ?

Au début de la mission, dans l’équipe, nous avions discuté et fixé des lignes rouges, à partir desquelles nous aurions l’obligation d’entrer dans un port sûr. Lorsque ces lignes ont été franchies, nous sommes entrés dans le port.

Quelles étaient ces lignes rouges ?

De nombreux passagers auraient dû être pris en charge par des spécialistes. Nous avions un soupçon de tuberculose. Nous ne pouvions ni faire de tests à bord ni prendre cela en charge. Les autres, nous ne pouvions les traiter qu’avec des antidouleurs, sans pouvoir établir de diagnostic. Presque tous avaient besoin d’un suivi psychologique, mais nous n’avions pas de psychologues avec nous. Lorsque vous maintenez des gens pendant deux semaines dans de telles conditions, c’est très explosif.

Que vous ont dit les autorités italiennes ?

La police douanière et financière italienne était déjà venue à bord pour contrôler nos papiers. Ils m’avaient dit : « Capitaine, ne vous énervez pas comme ça, une solution arrive, attendez encore. » J’avais dit : « OK, nous attendons. » Les parlementaires italiens qui avaient été sur le Sea-Watch nous avaient eux aussi donné de l’espoir, il était question de pourparlers entre la France, l’Allemagne et le Portugal. Salvini disait qu’il autoriserait notre accostage quand des États seraient prêts à prendre les gens.


Retour sur l’accostage forcé

Qui est Carola Rackete, la capitaine du bateau humanitaire « Sea-Watch 3 » ?

Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch 3, doit être présentée mardi 2 juillet devant les magistrats d’Agrigente (Sicile), pour la confirmation de sa mise aux arrêts domiciliaires (un contrôle judiciaire sous forme d’assignation à résidence), après avoir forcé le barrage du navire des douanes italiennes qui occupait le quai pour l’empêcher d’accoster dans la nuit de vendredi à samedi, après dix-sept jours d’errance en mer, au large de l’île de Lampedusa.

Le procureur d’Agrigente a qualifié son geste de « violence inadmissible », et placé la capitaine du navire humanitaire aux arrêts domiciliaires, avant le lancement d’une procédure de flagrant délit. Un qualificatif qui paraît assez exagéré au vu des images, mais cela n’a pas empêché le ministre italien de l’intérieur, Matteo Salvini, d’aller encore plus loin dans l’hyperbole, assurant que Carola Rackete a « risqué de tuer » dans sa manœuvre les forces de l’ordre, assimilant son geste à « un acte criminel, un acte de guerre ».

Dans un entretien publié dimanche par le Corriere della Sera, l’Allemande de 31 ans a affirmé avoir tout de suite présenté ses excuses pour avoir fait « une erreur » dans la manœuvre d’entrée dans le port, affirmant avoir agi ainsi en raison de la dégradation des conditions pour les 40 migrants à bord du navire, et plaidant l’erreur d’appréciation.

Sur le quai, la capitaine du Sea-Watch 3 avait été accueillie par une vingtaine de policiers qui l’ont aussitôt interpellée, et embarquée à bord d’une voiture. Elle a été saluée par des applaudissements nourris, mais aussi les insultes d’une poignée de militants d’extrême droite, conduits par l’ancienne sénatrice (Ligue du Nord) Angela Maraventano, qui hurlaient « les menottes ! », la traitaient de « cocue », de « criminelle » ou lui promettaient qu’elle serait « violée par ces Noirs ».


Qui est Carola Rackete, la femme qui défie Salvini ?

Carola Rackete est descendue du navire encadré par des agents, sans menottes, avant d'être emmenée en voiture.

Carola Rackete est descendue du navire encadré par des agents, sans menottes, avant d’être emmenée en voiture. © Anaelle LE BOUEDEC / AFP / LOCALTEAM

PORTRAIT – La France et l’Allemagne ont dénoncé dimanche l’attitude de l’Italie après l’arrestation de Carola Rackete, la jeune capitaine du navire humanitaire Sea-Watch qui a accosté de force à Lampedusa pour débarquer 40 migrants.

PORTRAIT Applaudie par les uns, huée par les autres. Trois jours après son arrestation à Lampedusa, Carola Rackete est devenue le symbole du débat sur la question migratoire.

« Une criminelle au service des passeurs » à qui le Premier ministre italien Matéo Salvini promet la prison. Elle risque, pour « résistance à un navire de guerre », jusqu’à 10 ans de prison. Mais Carola Rackete est aussi une héroïne surnommée « Capitaine courage » pour qui on lève un million d’euros de dons en 48h.

« Nous serons acquittés dans les livres d’Histoire »

Pour cette militante allemande de 31 ans, dreadlocks nouée derrière la tête, l’aide humanitaire est une vocation. « Une obligation morale », dit-elle. Quitte à défier les autorités, quitte à forcer un barrage naval militaire, quitte à aller derrière les barreaux.
« Ce n’était pas un acte de violence, seulement de désobéissance », a assuré la jeune Allemande de 31 ans dans une interview au Corriere della Sera, alors qu’elle est accusée d’avoir obligé une vedette de la police chargée de l’empêcher d’accoster à s’éloigner sous peine d’être écrasée contre le quai. « Mon objectif était seulement d’amener à terre des personnes épuisées et désespérées », a-t-elle ajouté, expliquant avoir craint que des migrants se jettent à l’eau pour tenter de gagner la rive alors qu’ils ne savaient pas nager.

Après 17 jours d’errance en mer sans port pour accueillir son bateau et les 40 migrants à son bord, la militante l’avait anticipé : « Si nous ne sommes pas acquittés par un tribunal, nous le serons dans les livres d’histoire. »

Par Pierre Herbulot, édité par B.B

La capitaine du navire humanitaire « Sea-Watch 3 », Carola Rackete, déclarée libre par la justice italienne

Le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, a aussitôt dénoncé mardi l’attitude des juges, et annoncé que l’Allemande serait expulsée du pays dans les prochains jours.

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Publié le 2 juillet 2019 à 21h20

https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/02/la-capitaine-du-navire-humanitaire-sea-watch-3-declaree-libre-par-la-justice-italienne_5484494_3210.html

Carola Rackete est escortée par la police, après avoir comparu devant un juge à Agrigente, en Sicile, le 1er juillet.
Carola Rackete est escortée par la police, après avoir comparu devant un juge à Agrigente, en Sicile, le 1er juillet. GIOVANNI ISOLINO / AFP

Les actions de la capitaine du Sea Watch 3, Carola Rackete, entrée sans autorisation dans les eaux italiennes, puis dans le port de Lampedusa, samedi 29 juin, avec à son bord une quarantaine de migrants, relevaient donc de « l’accomplissement d’un devoir », celui de sauver des vies humaines. Celui-ci justifie sa désobéissance aux ordres des autorités italiennes, après dix-sept jours d’errance en mer.

Mardi 2 juillet au soir, la juge Alessandra Vella, chargée des enquêtes préliminaires au tribunal d’Agrigente (Sicile), a tranché : après quatre jours aux arrêts domiciliaires et malgré les réquisitions du procureur, qui demandait la confirmation de cette mesure ainsi qu’une interdiction de séjour dans la province, la magistrate a décidé de rendre sa liberté à Carola Rackete.

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Dans sa décision, la juge en a profité pour rappeler une évidence, qui s’était un peu perdue, ces derniers jours, dans le tourbillon de haine qui s’est abattu sur la jeune volontaire de l’ONG Sea Watch : le choix de débarquer les naufragés à bord de son navire à Lampedusa, dans la nuit de vendredi à samedi, allait de soi, la Libye et la Tunisie n’étant pas, aux yeux du droit de la mer, considérés comme des pays offrant des « ports sûrs ».Bref, Carola Rackete a certes désobéi, mais c’était dans le but de respecter le droit international, et les conventions signées par l’Italie.

 

La veille, durant trois heures, l’Allemande avait été entendue par les magistrats, au sujet des conditions de son entrée dans le port de Lampedusa. Accusée d’avoir violemment éperonné un bateau de garde-côte qui s’était placé sur le quai de façon à l’empêcher d’apponter, mettant ainsi en péril la vie de ses occupants – une accusation que les images elles-mêmes tendent à relativiser –, la capitaine s’est excusée et a plaidé l’erreur de manœuvre, due à l’inertie du navire.

« Grande victoire pour la solidarité »

Une heure après l’annonce, le ministre italien de l’intérieur, Matteo Salvini, qui depuis des jours réclamait la prison pour la « criminelle » allemande, a diffusé une vidéo d’une durée très inhabituelle (près de vingt minutes) dans laquelle il semble peiner à contenir sa colère contre les juges. « Pour la magistrature italienne, ignorer les lois et éperonner une vedette de la Guardia di Finanza ne suffisent pas pour aller en prison », a-t-il dénoncé, avant de promettre pour la capitaine du navire humanitaire une expulsion à brève échéance vers l’Allemagne en raison de sa « dangerosité pour la sécurité nationale ».

Dans la soirée, la préfecture de Sicile a fait savoir que la mesure d’éloignement avait été préparée et signée, mais que dans tous les cas, celle-ci n’interviendra pas avant le 9 juillet, date d’une nouvelle audition par des magistrats dans le cadre d’une enquête pour « incitation à l’immigration clandestine » qui continue à peser sur Carola Rackete.

Plus loin dans son monologue, le ministre de l’intérieur et chef de la Ligue (extrême droite) poursuit ses attaques : « Elle retournera dans son Allemagne, où ils ne seraient pas aussi tolérants avec une Italienne si elle devait attenter à la vie de policiers allemands. (…) L’Italie a relevé la tête : nous sommes fiers de défendre notre pays et d’être différents des autres petits dirigeants européens qui pensent pouvoir encore nous traiter comme leur colonie. »

Lire la tribune :
« L’arrestation de Carola Rackete est inacceptable : c’est un déni du droit de la mer, des conventions de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés » 

Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux par l’ONG Sea Watch, la jeune Allemande a salué une « grande victoire pour la solidarité » et contre « la criminalisation de ceux qui aident, dans de nombreux pays d’Europe ». Victime d’insultes racistes et sexistes à son arrivée à Lampedusa, elle avait reçu, ces derniers jours, des marques de solidarité venues de toute l’Europe. Le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Mass, avait appelé à sa libération et réaffirmé son opposition à « la criminalisation du sauvetage en mer ».


 


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«Sea-Watch»: les 40 migrants débarqués à Lampedusa, la capitaine Carola Rackete arrêtée / Médiapart  du 29 juin 2019

« Europe : comment Carola Rackete bouscule le prétendu clivage entre libéraux et nationalistes » / Médiapart  du 14 juillet 2019